C. LES ENSEIGNEMENTS DES MOUVEMENTS BUDGÉTAIRES DE L'ANNÉE 1999
Par-delà la rigueur ou l'aridité de ces chiffres, il paraît opportun de faire ressortir les point saillants suivants :
1. Le gouvernement réalise des économies budgétaires forfaitaires
Ce fait
n'a, en réalité, rien de surprenant.
D'une part, en effet, l'année 1998 avait déjà
été marquée par des annulations de crédits, ainsi
que votre commission l'avait déjà relevé.
D'autre part, dans une réponse adressée à votre commission
lors de la préparation du débat d'orientation budgétaire
de juin 1999, et relative aux postes d'économies budgétaires
envisagés, le gouvernement a indiqué que
" afin de
financer ses priorités et respecter le cadrage qu'il s'est fixé,
le gouvernement est conduit à dégager des économies
[...]
. S'agissant notamment des sections budgétaires les moins
prioritaires, les dépenses de fonctionnement devront baisser de 3 %
tandis que pour les dépenses d'intervention, une baisse de 10 % des
moyens devra être recherchée ".
Le gouvernement valide donc a posteriori, une fois encore, la
stratégie budgétaire arrêtée par votre commission.
2. Une démarche qui rejoint celle du Sénat ?
La
comparaison des principales annulations de crédits opérées
par le gouvernement au cours de l'année 1999 et des économies
proposées par le Sénat lors de l'examen du projet de loi de
finances pour 1999, que l'on trouvera en annexe du présent rapport, est
éclairante.
Elle appelle des commentaires fort instructifs.
Au total, le gouvernement, sur les sections budgétaires retenues, a
annulé des crédits à hauteur de 40,46 milliards de francs
au cours de l'année 1999
, 10,71 milliards de francs sur le titre I,
19,44 milliards de francs sur les titres III et IV, et 10,35 milliards de
francs sur les titres V et VI.
Le Sénat avait proposé, l'année dernière, de
réduire les crédits inscrits aux chapitres concernés par
les arrêtés d'annulation de
20,84 milliards de francs
,
uniquement sur les titres III et IV (10,62 milliards de francs sur le titre III
et 10,22 milliards de francs sur le titre IV).
Il convient, en effet, de rappeler que le Sénat n'avait pas
modifié les crédits inscrits aux titres V et VI,
c'est-à-dire les crédits d'investissement, qui, eux,
préparent l'avenir.
En outre, les crédits militaires avaient été
adoptés, sans modification, par le Sénat, y compris les
crédits de fonctionnement inscrits au titre III. Le gouvernement, quant
à lui, a annulé 9,35 milliards de francs sur le budget de la
défense, dont 9,25 milliards de francs sur le seul titre V.
La démarche réaliste du Sénat
Deux
exemples précis permettent ainsi de juger du caractère pleinement
réaliste du vote du Sénat :
-
sur le budget de l'emploi
, le gouvernement a procédé
à l'annulation, portant exclusivement sur le titre IV, de 14,62
milliards de francs, alors que, sur ce même titre, l'annulation
proposée par le Sénat s'établissait à 9,30
milliards de francs ;
-
sur le budget du logement
, le chapitre 46-40 relatif aux aides de
l'Etat à la personne est minoré de 600 millions de francs, soit
100 millions de plus que l'économie ciblée proposée sur
les mêmes crédits par le Sénat.
Le gouvernement, qui n'avait pas manqué de critiquer la position du
Sénat, ne se prive pourtant pas, comme l'année dernière,
de procéder à des mouvements budgétaires dont il est
permis de douter de la pertinence.
Ainsi, annule-t-il, pour près de 4.200 millions de francs, des
crédits d'investissement, dont l'essentiel concernent les crédits
militaires.
L'abondement des dépenses de personnel militaires met en
évidence le coût de la professionnalisation des armées et
conduit donc inévitablement à s'interroger sur le respect par le
gouvernement des engagements contenus dans la loi de programmation militaire.
3. Le fonctionnement plutôt que l'investissement
Enfin,
la structure des dépenses publiques
s'en
trouve encore détériorée, au détriment des
dépenses d'investissement destinées à préparer
l'avenir, et cela, au profit des dépenses de fonctionnement courant.
Le tableau ci-après, qui récapitule, de manière
consolidée, les mouvements de crédits du 2 septembre et du 24
novembre 1999, rend compte de ce phénomène.
Récapitulatif des mouvements de crédits du 2 septembre et du 24 novembre 1999
(en millions de francs)
|
Budgets civils |
Budgets militaires |
Total |
Personnel et fonctionnement (titre III) |
+ 627,13 |
+ 4.798 |
+ 5.425,13 |
Interventions (titre IV) |
+ 5.959,42 |
- |
+ 5.959,42 |
Investissements (titres V et VI) |
+ 2.525,74 |
- 9.300 |
- 6.774,26 |
Il
apparaît clairement que les dotations budgétaires
supplémentaires sont consacrées au fonctionnement et à la
rémunération des agents de l'Etat ainsi qu'aux interventions,
tandis que les crédits inscrits aux titres V et VI font l'objet
d'annulations d'un montant très important.
Une fois de plus, les dépenses d'investissement sont
" sacrifiées " aux dépenses de fonctionnement. La
rigidité des dépenses de l'Etat
, dénoncée par
votre commission lors du dernier débat d'orientation budgétaire,
ainsi que par la Cour des comptes dans son rapport sur l'exécution des
lois de finances pour 1998,
s'en trouve accrue.
Votre rapporteur général se réjouit par ailleurs de voir
ses préoccupations partagées par son homologue de
l'Assemblée nationale.
En effet, lors de l'audition de MM. Strauss-Kahn et Sautter, le
15 septembre 1999, M. Didier Migaud déclarait :
" On
peut néanmoins s'interroger sur les suites données à la
volonté exprimée par le gouvernement de remettre à niveau
les dépenses d'investissement de l'Etat, alors que la montée en
puissance des grands programmes de la législature conduit à
augmenter les dépenses d'intervention.
La question est de savoir si
l'on pourra compter uniquement sur la modération de la charge de la
dette pour tenir les engagements en matière de croissance des
dépenses de l'Etat, ou s'il faudra agir sur les dépenses de
fonctionnement de l'Etat
".
4. Une progression réelle des dépenses qui apparaît supérieure à la norme de 1 % en volume affichée par le gouvernement
Les
dépenses inscrites au budget général par la loi de
finances initiale pour 1999 s'élevaient, à structure constante,
à 1.623,6 milliards de francs.
Ce montant de dépenses correspond à une norme de progression de
2,3 % par rapport à 1998, soit 1 % d'augmentation en volume et
1,3 % d'augmentation au titre du taux d'inflation alors prévu par
la loi de finances initiale.
Or, le taux d'inflation effectif pour 1999 s'établit selon le
gouvernement à 0,5 %. De ce fait, la norme de progression des
dépenses sera de 1,5 %, soit 0,8 point de moins que ce que le
gouvernement avait prévu à l'origine.
Ainsi, le montant des dépenses présentées en loi de
finances initiale pour 1999 devrait s'élever à
1.610,5 milliards de francs à structure constante, ou à
1.653 milliards de francs après prise en considération des
mesures de rebudgétisation.
La révision du taux d'inflation pour l'année 1999 devrait
donc, si l'on se base sur ces chiffres " révisés " de
la loi de finances initiale, se traduire par des moindres dépenses par
rapport aux prévisions à hauteur de près de
13 milliards de francs.
Afin que l'objectif de 1 % en volume
puisse être effectivement respecté, notamment en exécution,
il sera donc indispensable que le gouvernement veille scrupuleusement à
encadrer la progression des dépenses du budget général,
au-delà de ce qu'il fait actuellement.
Au demeurant, cette tendance est encore aggravée actuellement dans la
mesure où le solde des mouvements de crédits contenus dans le
présent projet de loi se traduit par une augmentation nette des
crédits de 5,4 milliards de francs, soit 0,3 % du montant
initial des crédits.
On peut donc estimer que, eu égard à ce surcroît de
dépenses par rapport aux prévisions initiales fort
opportunément optimistes du gouvernement, un effort drastique de
réduction de la dépense sera nécessaire de sa part. En
l'absence de mesures, à ce jour, cela rend dès lors plus
incertain le respect par le gouvernement de la norme de progression en volume
qu'il avait affichée.