B. LES MOUVEMENTS DE CRÉDITS RÉALISÉS PAR LE PRÉSENT PROJET DE LOI
Le
présent projet de loi de finances rectificative ouvre au sein du budget
général 31.358 millions de francs de crédits nets
,
répartis ainsi : 26.494 millions de francs
6(
*
)
au titre des dépenses civiles
ordinaires, 4.066 millions de francs au titre des dépenses civiles
en capital et 798 millions de francs sur les crédits militaires
(dépenses ordinaires).
A ces chiffres, il convient d'ajouter 3 millions de francs sur le budget annexe
des monnaies et médailles, 200 millions de francs au titre des
dépenses définitives des comptes d'affectation spéciale et
500 millions de francs au titre des charges temporaires des comptes
spéciaux du Trésor.
En sens inverse, 26.398 millions de francs sont annulés
:
19.644 millions de francs au titre des dépenses civiles ordinaires,
1.454 millions de francs en dépenses civiles en capital et 5.300
millions de francs en dépenses militaires en capital.
3 millions de francs sont également annulés sur le budget annexe
des monnaies et médailles, de même que 200 millions de francs au
titre des opérations définitives des comptes d'affectation
spéciale (compte n° 902-22 Fonds pour l'aménagement de
l'Ile-de-France).
La variation nette des crédits s'établit donc à 4.960
millions de francs sur le budget général, soit une progression de
0,28 % par rapport à la loi de finances initiale.
1. Des ouvertures de crédits incomplètes ?
Le
présent projet de loi propose d'ouvrir des crédits à
hauteur de 31.358 millions de francs, les crédits ainsi ouverts
s'établissant même à 44.453 millions de francs, si
l'on prend également en considération 13.095 millions de
francs ouverts au titre des remboursements et dégrèvements
d'impôts, inscrits au titre I du budget des charges communes.
Les ouvertures de crédits demandées visent à financer des
opérations extrêmement variées. Toutefois, les principales
ouvertures sont les suivantes :
- 10.000 millions de francs au titre de la mise en jeu de la garantie de
l'Etat au profit de l'UNEDIC
: ces crédits sont inscrits au
chapitre 14-01 Garanties diverses du budget des charges communes ;
La mise en jeu de la garantie de l'Etat accordée à l'emprunt
UNEDIC résulte de l'article 24 de la loi n° 93-1444 du 31
décembre 1993 portant diverses dispositions relatives à la Banque
de France, à l'assurance, au crédit et aux marchés
financiers. La convention financière du 13 octobre 1993 entre l'Etat et
l'UNEDIC avait en effet ouvert la possibilité pour cette dernière
de recourir à un financement bancaire ou de marché d'une
durée de dix ans. Deux tranches obligataires ont été
effectivement émises : 10 milliards de francs, arrivés
à échéance le 25 octobre 1999, et 12 milliards de francs
arrivant à échéance le 25 octobre 2002.
Le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie,
prenant acte de la décision de l'UNEDIC de ne pas procéder au
versement, a décidé de verser la somme de 10 milliards de francs
à la banque Paribas, en vertu de l'engagement de garantie de l'Etat.
- 7.526 millions de francs destinés à des mesures
sociales
, dont 6.967 millions de francs, inscrits au budget des charges
communes, doivent permettre de rembourser à la CNAF les dépenses
engendrées par la majoration de l'allocation de rentrée scolaire
(ARS) ;
- 5.146 millions de francs destinés à des mesures de
caractère économique
: 2.140 millions de francs sont
inscrits sur le budget des charges communes, soit 1.040 millions de francs sur
le titre IV afin de financer le rachat des titres des sociétés
SLN et ERAMET par les provinces néo-calédoniennes, et
1.100 millions de francs sur le titre V au titre de la dotation en
capital à Charbonnages de France ; par ailleurs, 500 millions de
francs représentant la subvention à la SNCF au titre des services
régionaux de voyageurs sont ouverts sur le budget des transports
terrestres, ainsi que 1.297 millions de francs sur le budget de
l'agriculture et de la pêche, dont 706 millions de francs au titre
de l'apurement de dépenses FEOGA et 200 millions de francs au titre
des frais financiers de l'emprunt ACOFA ;
Il convient de souligner le caractère exceptionnel de l'ouverture de
crédits sur le budget de l'agriculture, habituellement plus
limitée. Elle prend, en effet, en considération les engagements
du gouvernement pris au cours de la table ronde agricole du 21 octobre 1999,
afin d'accorder des aides supplémentaires aux secteurs traversant
actuellement de graves difficultés (producteurs de fruits et
légumes et de soja, éleveurs).
- 2.582 millions de francs au titre du fonctionnement des
administrations et d'équipements administratifs
;
Les opérations financées sont très diverses. Toutefois, il
convient de relever la dotation de 350 millions de francs inscrite sur le
budget de la santé et de la solidarité et allouée à
l'Établissement français du sang qui deviendra, à compter
du 1
er
janvier 2000, l'unique opérateur de la transfusion
sanguine en France. A cet égard, il aurait été tout
à fait envisageable d'inscrire cette dotation dans le projet de loi de
finances pour 2000, et non dans le collectif pour 1999.
Le budget des services généraux du Premier ministre est, quant
à lui, abondé de 250 millions de francs en vue d'indemniser les
victimes de la législation antisémite en vigueur sous
l'Occupation.
- 1.664 millions de francs
sur le
chapitre 41-56
" Dotation globale de décentralisation " du
budget du
ministère de l'intérieur et de la décentralisation
,
dont 1.613 millions de francs en raison de la mise en place de la compensation,
anticipée au 15 septembre 1999, de la réduction des droits de
mutation à titre onéreux sur les immeubles d'habitation ;
- 1.534 millions de francs au titre de dépenses de
coopération internationale
: l'essentiel de ces ouvertures de
crédits intervient sur le budget des charges communes, soit 742 millions
de francs en faveur de l'Agence internationale de développement (AID),
376 millions de francs au titre de la contribution française au
fonds européen de développement (FED), et 150 millions de
francs pour l'ajustement des crédits du FASEP ;
- 798 millions de francs sur le budget de la défense
:
cet abondement concerne exclusivement les crédits de fonctionnement,
soit 375 millions de francs de remboursements à la SNCF et 423
millions de francs pour le fonctionnement des armées (123 millions de
francs pour l'armée de l'air, 130 pour l'armée de terre, et
170 pour la gendarmerie).
2,7 milliards de francs pour les chômeurs : vers un décret d'avance en janvier 2000 ?
Pour
satisfaire les revendications d'associations de chômeurs, le ministre de
l'emploi et de la solidarité, Mme Martine Aubry, a annoncé les
mesures d'urgence suivantes :
- une revalorisation de 2 %, à compter du 1
er
janvier 2000,
du montant de trois minima sociaux, le revenu minimum d'insertion (RMI),
l'allocation spécifique de solidarité (ASS) et l'allocation
d'insertion (AI) ;
- l'octroi d'une prime, de 1.000 francs pour un allocataire du RMI et de l'ASS
et de 705 francs pour un allocataire de l'AI, qui devrait être
versée
" avant la fin de l'année "
;
- l'abandon de créances fiscales pour les personnes
" rencontrant des difficultés sociales et financières
importantes et ayant des dettes fiscales "
.
Les deux premières mesures devraient coûter
2,7 milliards de
francs
, tandis que le coût de la troisième ne serait pas
chiffrable pour l'instant.
Or, les modalités de financement de ces mesures d'urgence restent
inconnues à ce jour, le ministère de l'emploi et de la
solidarité évoquant un
" financement assuré
grâce au surplus de recettes fiscales engrangé en 1999 ".
La " cagnotte " fiscale dont le gouvernement persiste à
nier l'existence vient donc fort opportunément au secours des demandes
de la " majorité plurielle ".
Il est cependant permis de s'interroger sur la traduction budgétaire
concrète de ces mesures. En effet, leur coût de 2,7 milliards de
francs n'apparaît pour l'instant nulle part. Il n'est pas, en
l'occurrence, inscrit dans le présent projet de loi de finances
rectificative.
Il convient, dès lors, de se demander si le financement de ces mesures
d'urgence ne donnera pas lieu à la publication d'un décret
d'avance dès le mois de janvier 2000, soit quelques semaines seulement
après le vote par le Parlement et la promulgation de la loi de finances.
C'est, en effet, la solution qui avait été retenue pour financer
une disposition similaire deux ans auparavant : le décret d'avance
du 16 janvier 1998 avait ouvert un milliard de francs de crédits au
budget de l'emploi, afin de financer les mesures destinées aux
chômeurs de longue durée, décidées à l'issue
des manifestations du début du mois de janvier 1998.
Si cette hypothèse devait se vérifier, cela signifierait que le
gouvernement n'accorde que peu d'intérêt au vote du Parlement. En
effet, non seulement il ne le tient pas informé des modalités de
financement qu'il avait très probablement déjà
arrêtées dès avant le vote du présent projet de loi,
mais il s'affranchit également de l'autorisation parlementaire
donnée quelques semaines auparavant.
2. Des crédits annulés sur les dispositifs prioritaires du gouvernement et sur l'investissement
Le
présent projet de loi propose également la ratification de
l'arrêté d'annulation du 24 novembre 1999
.
Ce dernier annule des crédits à hauteur de
26.465 millions de francs
, dont 21.165 millions de francs au titre
des budgets civils et 5.300 millions de francs au titre du budget
militaire.
Les principales annulations de crédits
Les
postes budgétaires concernés sont les suivants :
- 11.840 millions de francs sur le budget des charges communes
:
la part la plus importante des annulations de crédits porte sur le titre
I qui supporte la charge de la dette, soit 10.710 millions de francs (90,5 %),
dont 2.111 millions de francs sur le service des rentes amortissables, des
emprunts d'Etat et des obligations du Trésor à moyen et long
terme, et 8.528 millions de francs sur les intérêts des bons
du Trésor à court ou moyen terme et valeurs
assimilées ;
Il faut voir dans cette annulation de crédits le résultat d'une
prévision pessimiste de la part du gouvernement concernant le niveau des
taux d'intérêt. Ces derniers s'étant
révélés plus bas que prévu, la charge de la dette
s'en trouve mécaniquement allégée, sans que le
gouvernement puisse se prévaloir d'un quelconque succès en la
matière, la réduction des déficits publics étant
trop lente eu égard à la conjoncture économique
actuelle.
Le gouvernement bénéficie simplement d'une
économie de constatation concernant la charge de la dette publique
à hauteur de 8,5 milliards de francs.
- 5.300 millions de francs sur les crédits militaires
: la
totalité de ces annulations porte sur les dépenses en capital,
dont 5.170 millions de francs, soit 97,5 %, sur le titre V, le gouvernement en
ayant fait, une fois de plus, sa variable d'ajustement
budgétaire
7(
*
)
;
L'équipement des armées fait les frais de cette amputation des
crédits de la défense, à hauteur de 1.926 millions de
francs. Par ailleurs, 726 millions de francs destinés à
l'entretien programmé des matériels sont annulés, tandis
que les systèmes d'information et de communication en matière
spatiale sont privés de 888 millions de francs.
- 4.390 millions de francs sur le budget de l'emploi
: ces
annulations, qui concernent exclusivement les crédits du titre IV,
portent sur le dispositif des emplois-jeunes, à hauteur de 1.300
millions de francs, sur l'insertion des publics en difficulté, pour un
montant de crédits de 1.000 millions de francs, et sur la
compensation de l'exonération des cotisations sociales, à hauteur
de 1.700 millions de francs ;
- 1.924 millions de francs sur le budget de l'agriculture et de la
pêche
: l'essentiel de ces annulations (96,6 %) porte sur les
crédits du titre IV, dont 853 millions de francs sur les charges de
bonification liées aux prêts à l'agriculture, 559 millions
de francs au titre de l'amélioration des structures agricoles et 400
millions de francs au titre de la protection et de l'action sociales en
agriculture.
S'agissant des annulations opérées au titre du budget de
l'emploi, votre commission, se souvenant des propos tenus au Sénat par
le ministre de l'emploi et de la solidarité lors de l'examen des
crédits de l'emploi pour 1998
8(
*
)
, considère que la
stratégie budgétaire qu'elle avait alors adoptée
était non seulement pertinente, mais qu'elle a été
validée a posteriori, une fois de plus, par le gouvernement.
En effet, les crédits annulés le sont sur les dispositifs que le
gouvernement présente comme autant de priorités de sa politique
de l'emploi : les emplois-jeunes, l'insertion des publics en
difficulté, et, depuis peu, l'allégement des charges sociales sur
les bas salaires auquel il a dû finalement se rallier afin de
" sauver " les 35 heures.
Comment, dès lors, expliquer de telles annulations ? Faut-il y
voir le résultat d'une mauvaise estimation initiale de certains
crédits, surévalués, ou bien alors des retards dans la
mise en oeuvre des priorités du gouvernement ? En fait, les deux
explications coexistent.
Il apparaît en effet que les crédits des emplois-jeunes comme ceux
de l'insertion des publics en difficulté avaient fait l'objet
d'évaluations optimistes, en partie démenties par
l'arrêté du 24 novembre 1999.
A cet égard, les objectifs de recrutement d'emplois-jeunes ont
été revus à la baisse. Quant aux prévisions
relatives aux entrées dans les différents dispositifs d'insertion
des publics en difficulté, elles se révèlent, ici encore,
surévaluées. Il convient du reste de préciser que les
crédits annulés à ce titre, soit un milliard de francs,
ont servi à financer la majoration des crédits du revenu minimum
d'insertion (RMI) opérée par le décret d'avance du
2 septembre 1999.
Il apparaît donc que l'amélioration quantitative de la
situation du marché de l'emploi n'empêche pas l'aggravation de la
précarité affectant certaines catégories de la population
active.
Enfin, l'analyse de votre commission relative à la mauvaise
évaluation des crédits de la " ristourne
dégressive " est confirmée par l'annulation de
crédits portant sur cette mesure essentielle de la politique de
l'emploi, à hauteur de 1,7 milliard de francs.