III. LA DÉTÉRIORATION DE LA STRUCTURE DE LA DÉPENSE PUBLIQUE

A. LES MOUVEMENTS DE CRÉDITS INTERVENUS AU COURS DE L'ANNÉE 1999

1. Les crédits ouverts

Deux décrets d'avance étaient intervenus au cours de l'année 1998, celui du 16 janvier et celui du 21 août : ils avaient procédé à des ouvertures de crédits d'un montant total de 6,04 milliards de francs, dont 3,8 milliards de francs au titre des dépenses militaires.

En 1999, est intervenu un seul décret d'avance, celui du 2 septembre. Le montant des crédits ouverts est cependant plus important que l'année précédente, 7.891 millions de francs se répartissant comme suit : 7.725 millions de francs au titre des dépenses ordinaires et 166 millions de francs au titre des dépenses en capital.

Les crédits ouverts concernent essentiellement deux départements ministériels :

- l'emploi et la solidarité, pour 3.600 millions de francs
(soit 45,6 % du total des crédits ouverts) : le revenu minimum d'insertion (chapitre 46-21) bénéficie de la quasi-totalité de l'ouverture de crédits, soit 3.500 millions de francs, pour des crédits initiaux s'élevant à 26,4 milliards de francs, soit une progression de plus de 13 %, alors que ces crédits avaient déjà augmenté de 7,3 % en 1998 par rapport à 1997.

Cette ouverture de crédits résulte de trois éléments : la prise en compte de la revalorisation, à compter du 1 er janvier 1999, de 3 % du montant de l'allocation, l'amélioration des règles d'incitation à la reprise d'une activité permettant le cumul du RMI avec des revenus d'activité (décret du 27  novembre 1998), et le nouveau cumul désormais permis du RMI avec la majoration pour âge des allocations familiales et celle de l'allocation pour jeune enfant (APJE) versée pendant la grossesse (décret du 26 octobre 1998) ;

- la défense, à hauteur de 4.050 millions de francs (51,3 % du total) : il s'agit de crédits du titre III, 3.450 millions de francs couvrant les dépenses de rémunérations et de charges sociales, dont 2.950 millions sont inscrits au chapitre 31-31 (rémunérations principales), et, dans une moindre mesure (500 millions de francs), sont également concernés des chapitres de fonctionnement en raison des surcoûts constatés pour l'opération Trident au Kosovo et prévus pour la KFOR.

Les autres ouvertures de crédits

Les autres crédits ouverts sont les suivants :

- 20 millions de francs sur le budget des charges communes ;

- le budget de la santé et de la solidarité est abondé, d'une part, de 86  millions de francs au titre du service national des objecteurs de conscience, et, d'autre part, de 14 millions de francs au titre des interventions de l'Etat en faveur de la population et des migrations ;

- 15 millions de francs sur le budget de l'urbanisme et du logement ;

- 40 millions de francs sur le budget des services généraux du Premier ministre, de manière à abonder le fonds pour la réforme de l'Etat, soit une augmentation de plus de 36 % par rapport aux crédits initiaux (110,3 millions de francs).

Les dépenses en capital font l'objet, quant à elles, de trois ouvertures de crédits (en autorisations de programme et crédits de paiement) :

- 150 millions de francs sur le budget de l'urbanisme et du logement, au titre de la contribution de l'Etat au fonds de garantie de l'accession sociale ;

- 4,35 millions de francs sur le budget des routes ;

- 11,72 millions de francs sur le budget de l'intérieur et de la décentralisation.

2. Les crédits annulés

L'analyse des annulations de crédits intervenues dans le courant de l'année 1999 est extrêmement instructive s'agissant de la régulation budgétaire opérée par le gouvernement, mais aussi de ses priorités.

Le décret d'avance du 2 septembre a en effet été gagé par un arrêté portant annulation de crédits d'un même montant.

Or, on constate que la très grosse majorité des annulations de crédits réalisées par l'arrêté du 2 septembre concerne les mêmes ministères que le décret d'avance :

- 3.050 millions de francs au titre de l'emploi et de la solidarité : 750 millions de francs pour le financement de la formation professionnelle, 1.200 millions de francs au titre des dispositifs d'insertion des publics en difficulté (alors que cet axe est présenté comme une des priorités du ministère de l'emploi), et 1.100 millions de francs sur les crédits destinés à compenser l'exonération des cotisations sociales. D'après les informations recueillies auprès du ministère de l'emploi, ces annulations de crédits seraient rendues nécessaires en raison d'un " surcalibrage " des dotations de la loi de finances initiale ;

- 4.050 millions de francs sur les crédits de la défense , contre 3.800 millions l'année dernière, à la même époque. Le titre V subit classiquement l'essentiel des annulations, soit 3.946 millions de francs ; il convient de noter que les programmes touchés ne sont pas encore connus : le gouvernement a donc procédé à une réduction de crédits forfaitaire, méthode qu'il avait critiquée et qualifiée d'irréaliste ou de déraisonnable lorsqu'elle avait été évoquée par le Sénat lors des budgets 1998 et 1999 5( * ) .

En outre, 769,6 millions de francs ont été annulés sur les crédits de l'urbanisme et du logement : 600 millions de francs de crédits de paiement sur le titre IV au titre de la contribution de l'Etat au financement des aides à la personne (soit 100 millions de francs de plus que l'économie ciblée proposée en son temps sur les mêmes crédits par le Sénat...), ainsi que 169,6 millions de francs de crédits de paiement et 334,6 millions de francs d'autorisations de programme sur le titre VI. Ces économies semblent liées à la faiblesse de la consommation des prêts locatifs aidés (PLA) en faveur du logement social, sous-consommation chronique que le Sénat avait déjà relevée lors de la discussion budgétaire.

Les autres annulations de crédits

Les postes budgétaires ayant fait l'objet des autres annulations de crédits sont les suivants :

- la santé et la solidarité, pour un montant total de 6,61 millions de francs répartis ainsi : 1,59 million de francs au titre des programmes d'action sociale de l'Etat, 4 millions sur les subventions d'équipement sanitaire et 1,02 million sur les subventions d'équipement social ;

- les routes, à hauteur de 1,35 million de francs ;

- la jeunesse et les sports, pour un total de 3,51 millions de francs : 510.000 francs au titre de la jeunesse et de la vie associative, et 3 millions de francs sur les subventions d'équipement aux collectivités ;

- l'outre-mer, pour un montant de 10 millions de francs, annulés au titre des subventions au fonds d'investissement pour le développement économique et social (FDES).