II. UN CADRE JURIDIQUE RESPECTUEUX DE L'AUTONOMIE DU PARLEMENT ET DE LA SPÉCIFICITÉ DE CHACUNE DES DEUX ASSEMBLÉES

L'article 45-1 introduit en 1994 dans la loi de 1986 reconnaissait le droit à chaque assemblée parlementaire, sous le seul contrôle de son Bureau -ce qui excluait donc celui du Conseil supérieur de l'audiovisuel- de produire et de faire diffuser un programme que l'on pouvait déjà qualifier de " parlementaire et civique ".

Ce texte succinct a certes donné un fondement législatif au développement de Canal-Assemblée nationale puis de Canal-Assemblées, mais il n'offrait pas un cadre juridique adapté à la réalisation du projet plus ambitieux de lancement d' une chaîne parlementaire et civique commune aux deux assemblées , annoncé à l'automne 1995 par un communiqué de presse commun à l'Assemblée nationale et au Sénat.

La " Charte pour la création d'une chaîne parlementaire et civique ", adoptée par les Bureaux des assemblées en décembre 1995, en a défini et présenté les principes fondateurs.

Plusieurs options ont été envisagées pour définir une structure juridique adaptée à ce projet, dont l'ambition exigeait qu'il bénéficie du concours de professionnels de l'audiovisuel.

La charte de décembre 1995 s'orientait vers la gestion de la chaîne parlementaire par un opérateur délégué mais d'autres formules ont successivement été mises à l'étude : constitution d'une société de droit privé, concession de service public, groupement d'intérêt public...

La réflexion sur la chaîne parlementaire a été relancée, à partir de l'automne 1998 par la Délégation du Bureau du Sénat chargée de l'audiovisuel renouvelée, qui a constaté la nécessité de permettre, dans le cadre de la future chaîne, une programmation propre à chaque assemblée.

A partir de ce constat, le dialogue avec l'Assemblée nationale a permis de parvenir à l'accord qui fonde les deux propositions de loi et qui tend à prévoir une organisation et un fonctionnement de La Chaîne Parlementaire respectueux non seulement de l'autonomie du Parlement mais aussi de la spécificité de chacune des deux assemblées.

A. LES GARANTIES DE L'AUTONOMIE DU PARLEMENT

Elles ne nécessitent pas de longs développements, car elles découlent tout naturellement du respect des principes de la séparation des pouvoirs et de l'autonomie administrative et financière du Parlement, qui entraînent que le contrôle de la chaîne, de sa programmation et de sa gestion ne relèvent que du Parlement.

L'article 2 de la proposition de loi confirme et explicite le principe, déjà posé en 1994, de l'exclusion de La Chaîne Parlementaire du contrôle du Conseil supérieur de l'audiovisuel.

Au niveau des principes, il serait en effet choquant de soumettre des assemblées souveraines au contrôle d'une autorité administrative, fût-elle indépendante.

Concrètement, d'ailleurs, ce contrôle n'apporterait rien.

D'une part, la programmation de La Chaîne Parlementaire, chaîne thématique, éducative et d'information, qui ne diffusera aucune publicité ni aucune émission de télé-achat, ne devrait présenter que des risques bien limités d'infraction aux principes généraux inspirant la législation applicable à la communication audiovisuelle, et il paraît normal que les Bureaux des assemblées se voient confier, aux termes de l'article 2 de la proposition de loi, le soin d'élaborer, à partir de la réglementation générale applicable aux chaînes câblées, les règles particulières adaptées à la spécificité de la mission de La Chaîne Parlementaire.

D'autre part, il convient de rappeler que la règle non écrite dite " des trois tiers 1 ( * ) ", qui constitue toujours, pour le CSA, le critère ultime de l'appréciation du pluralisme et de l'impartialité des chaînes publiques, est loin de présenter le même degré d'exigence que les règles qui président à la composition du Bureau et des différents organes des assemblées parlementaires et au déroulement de leurs débats ...

Soumettre La Chaîne Parlementaire au contrôle du CSA n'irait donc pas forcément dans le sens d'une meilleure prise en compte de l'impératif de " l'expression pluraliste des courants de pensée et d'opinion ".

Enfin, les modalités de règlement des problèmes particuliers que pourrait poser la programmation de La Chaîne Parlementaire en période de campagne électorale seront prévues par la convention passée entre les deux assemblées en vue de la mise en oeuvre de La Chaîne Parlementaire.

Les dispositions de l'article 2 tendent à garantir l'autonomie administrative et financière des assemblées

Les assemblées seront seules détentrices du capital de chacune des deux sociétés de programme composant La Chaîne Parlementaire, et l'essentiel des ressources de ces sociétés proviendront des dotations annuelles qu'elles leur accorderont.

Il est donc logique que les modalités de la détermination du montant de ces dotations et du contrôle de leur emploi respectent le principe d'autonomie financière des assemblées édicté par l'article 7 de l'ordonnance de 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, comme le prévoyaient d'ailleurs déjà les amendements parlementaires à l'article 45-1 de la loi de 1986 adoptés lors de la discussion du projet de loi " Douste-Blazy ".

Le montant des dotations allouées par chaque assemblée à La Chaîne Parlementaire sera donc, comme l'ensemble des crédits affectés aux assemblées parlementaires, arrêté par la commission commune composée des Questeurs de l'Assemblée nationale et du Sénat et présidée par un Président de Chambre de la Cour des comptes, et le contrôle de leur emploi sera confié, dans chaque assemblée, à la commission spéciale chargée de vérifier et d'apurer ses comptes.

B. LE RESPECT DE LA SPÉCIFICITÉ DE CHAQUE ASSEMBLÉE

Les orientations définies par le Bureau du Sénat et approuvées par l'Assemblée nationale pour le fonctionnement de La Chaîne Parlementaire consistent à mettre en place, dans le cadre d'une communauté de moyens techniques, une programmation propre à chaque assemblée, conçue et réalisée par deux sociétés de programme constituées par chacune d'elle, et diffusée selon un partage rigoureux du temps d'antenne en heures et en jours.

L'organisation juridique originale de La Chaîne Parlementaire traduit ces orientations.

Une convention conclue entre les deux assemblées leur permettra de définir ensemble :

- la nature et les conditions de la mise en commun des moyens techniques et en personnels nécessaires à l'émission des programmes de La Chaîne Parlementaire (régie de production, régie finale). L'adoption des dispositions des propositions de loi imposant aux distributeurs de services la diffusion gratuite de La Chaîne Parlementaire devrait en tout cas alléger ces " charges communes " du montant des coûts de diffusion satellitaire de la chaîne, qui représentent, en année pleine, 2,8 millions de francs pour chacune des assemblées ;

- les règles présidant à la répartition des temps d'antenne, dans le strict respect de la parité prévue par l'article 2 de la proposition de loi. Ce respect exigera non seulement une répartition égale du temps d'antenne, en nombre d'heures et de jours de diffusion, mais aussi une répartition équitable des créneaux bénéficiant des plus fortes audiences ;

- le choix de " l'habillage " de La Chaîne Parlementaire, c'est-à-dire des éléments visuels et sonores définissant son identité ;

- la mise en place d'une instance paritaire d'arbitrage comprenant les Présidents du Sénat et de l'Assemblée nationale et des députés et sénateurs.

• Tandis que toutes ces " missions communes " seront assurées dans un cadre purement conventionnel et sans création d'une entité juridique spécifique, l'autonomie éditoriale de chaque assemblée " s'incarnera " dans la création de deux sociétés de programme constituées et contrôlées par chacune d'elles , La Chaîne Parlementaire-Assemblée nationale et La Chaîne Parlementaire-Sénat.

Pour votre rapporteur, ce schéma présente, par rapport à tous les projets précédemment envisagés pour confier la gestion et la programmation de la chaîne parlementaire à une structure juridique commune aux deux assemblées, un avantage décisif : il permet en effet de respecter la spécificité de chaque assemblée, leur nature et leur personnalité propres.

Mais le succès de cette formule intellectuellement séduisante -dont en outre la gestion sera certainement plus facile que celle d'une structure associant les deux assemblées- suppose un respect rigoureux du partage paritaire du temps d'antenne.

Or, de ce point de vue, l'expérience de Canal-Assemblées a été décevante pour le Sénat. L'équilibre des temps de diffusion n'a été en effet à peu près assuré qu'en 1996, pour se dégrader rapidement en 1997 et en 1998 au détriment du Sénat, en particulier pour la diffusion directe.

Certes, " l'événement " a souvent lieu à l'Assemblée nationale, première assemblée saisie des textes les plus importants et qui bénéficie en outre de la priorité accordée aux séances de questions d'actualité ou aux déclarations du gouvernement.

Mais, outre que l'intérêt des débats législatifs au Sénat, généralement plus approfondis et plus " pédagogiques ", n'est en rien inférieur à celui des débats de l'Assemblée nationale, le mode de désignation même des sénateurs, fondamentalement différent de celui des députés, le rôle de représentation des collectivités territoriales de la République que la Constitution confère au Sénat, entraînent la nécessité d'un dialogue et d'une interactivité accentués avec les élus locaux.

La nature de La Chaîne Parlementaire et la part que doivent prendre dans sa grille, à côté de la présentation des travaux parlementaires, les " émissions d'accompagnement ", imposent de ce fait un strict respect du principe de la parité de temps d'antenne, qui au demeurant sera inscrit dans la loi.

Ce partage rigoureux du temps d'antenne permettrait la définition d'une programmation de La Chaîne Parlementaire-Sénat qui tiendrait compte à la fois de la nécessité :

- d'en enrichir la partie civique par des programmes propres destinés à éclairer et à " mettre en perspective " l'actualité (interviews, reportages, débats d'actualité) ;

- de développer, conformément à la volonté du Président du Sénat d'être à l'écoute des collectivités locales, une programmation spécifique en direction des élus locaux, voire la réalisation de véritables " prestations de services " aux collectivités locales dans le cadre de partenariats analogues à ceux qui ont été mis en oeuvre pour créer le nouveau site internet " Carrefour des collectivités locales " ;

- de bénéficier de la complémentarité et de favoriser les synergies entre La Chaîne Parlementaire-Sénat et le site internet de la Haute assemblée, qui représente d'ores et déjà un vecteur important de la diffusion intégrale en vidéo des débats en séance publique et de certaines réunions de commission. Outre l'image et le son, la diffusion sur internet des débats présente en effet le grand avantage de pouvoir être complétée, grâce à des liens hypertextes, par la consultation et l'impression de tous les documents parlementaires liés au débat ; enfin, la mise sur internet des débats permet également aux internautes de bénéficier d'un service de " vidéo à la demande ".

*

* *

* 1 Rappelons que cette règle prévoit que doivent disposer d'un temps d'expression égal le gouvernement, la majorité qui le soutient et l'opposition.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page