EXAMEN DES ARTICLES

Article premier
(article 45-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986)

Compétence des assemblées parlementaires pour produire
et faire diffuser une chaîne parlementaire

I. Commentaire du texte adopté par l'Assemblée nationale

Cet article modifie l'article 45-1 inséré en 1994 par un amendement parlementaire dans la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (article 3 de la loi du 1 er février 1994, dite " loi Carignon ").

Dans sa rédaction actuelle, l'article 45-1 permet à chaque assemblée du Parlement de produire et de faire diffuser par câble ou par voie hertzienne, sous le contrôle de son Bureau, un programme " de présentation et de compte rendu de leurs travaux " pouvant également " porter sur le fonctionnement des institutions parlementaires et faire place au débat public dans le respect de la représentativité des groupes et formations siégeant dans chacune des assemblées ".

Il affirme donc le droit, pour l'Assemblée nationale et le Sénat, de produire et de faire diffuser des programmes " parlementaires et civiques " en dehors du contrôle du Conseil supérieur de l'audiovisuel. Comme l'avait souligné le rapporteur au Sénat du projet de loi, M. Adrien Gouteyron, " il serait choquant que le CSA opère un contrôle sur la représentation nationale ". Saisi du texte définitivement adopté de la " loi Carignon ", le Conseil constitutionnel avait implicitement ratifié cette analyse en ne soulevant d'office aucune question relative à la conformité à la Constitution des dispositions de son article 3.

Le texte adopté en 1994 comporte aussi, à l'initiative du Sénat, l'esquisse d'une première définition du concept de chaîne " parlementaire et civique " : comme le notait également le rapport de la commission des affaires culturelles du Sénat, " Des émissions à but pédagogique, didactique sur le fonctionnement des institutions ou le débat public ou général doivent trouver leur place sur un canal parlementaire si l'on veut réellement montrer aux téléspectateurs comment se prennent les décisions publiques ".

Le texte proposé par l'article premier de la proposition de loi ne remet pas en cause cet acquis et n'apporte à l'article 45-1 que des aménagements de forme :

- il modifie la première phrase de l'article pour la mettre en cohérence avec le choix de la création d'une seule chaîne parlementaire : la rédaction de 1994 pouvait en effet être interprétée comme allant plutôt dans le sens de la création d'une chaîne par chaque assemblée ;

- il substitue, dans la seconde phrase de l'article, la référence au respect du " pluralisme " des groupes de chaque assemblée à la référence à la " représentativité " de ces groupes, qui avait été introduite dans le texte en vigueur par un amendement du groupe socialiste du Sénat. Cet aménagement rédactionnel, souhaité par l'Assemblée nationale, reste dans le même esprit, car la référence au respect de la représentativité des groupes avait précisément pour objet de garantir le respect du pluralisme.

II. Position de la commission

Votre commission a adopté l'article premier sans modification.

Article 2
(article 45-2 nouveau de la loi du 30 septembre 1986)

Création et organisation de La Chaîne Parlementaire

I. Commentaire du texte adopté par l'Assemblée nationale

Cet article, qui constitue l'élément central du dispositif de la proposition de loi, tend à insérer dans la loi du 30 septembre 1986 un article 45-2 (nouveau) portant création et organisation de La Chaîne Parlementaire, créée conjointement par les deux assemblées et composée de deux sociétés de programme indépendantes.

• La Chaîne Parlementaire n'a pas elle-même, en effet, d'existence juridique propre. Elle se définit par la juxtaposition, sur un même canal, à parité de temps d'antenne , des programmes conçus par deux sociétés de programme relevant de chacune des deux assemblées, " La Chaîne parlementaire-Assemblée nationale " et " La Chaîne Parlementaire-Sénat ".

Ce sont donc à ces dernières qu'incomberont, en fait, la réalisation de la " mission de service public, d'information et de formation des citoyens à la vie publique " et le respect de l'obligation d'impartialité des programmes que les deuxième et troisième alinéas de l'article 45-2 (nouveau) assignent à La Chaîne Parlementaire.

Mais, en dehors de la tutelle de chaque assemblée sur " sa " société de programme, le fonctionnement de cette chaîne duale exigera aussi une coopération entre l'Assemblée nationale et le Sénat, qui régleront par convention les questions relatives, par exemple, à " l'habillage " de la chaîne, à la mise en commun des moyens techniques et en personnels nécessaires à l'émission du signal (notamment la régie finale), à la définition des règles présidant à la répartition paritaire du temps d'antenne. Sur ce dernier point, sans doute le plus important, l'exposé des motifs des deux propositions de loi prévoit que les litiges éventuels seront résolus par une commission paritaire d'arbitrage dans laquelle siégeront les Présidents des deux assemblées.

Les sociétés de programme

Les dix derniers alinéas du texte proposé pour l'article 45-2 (nouveau) de la loi de 1986 sont consacrés aux sociétés de programme qui permettront de concilier l'unité de La Chaîne Parlementaire et l'autonomie de chaque assemblée. Ils en définissent l'objet social, les structures, le mode de financement et les conditions de contrôle.

* Objet social

Chacune des deux sociétés de programme a pour mission " de concevoir et de programmer les émissions de présentation des travaux de l'assemblée dont elle relève, ainsi que des émissions d'accompagnement, dont elle assure la production et la réalisation ".

La création de " La Chaîne Parlementaire-Assemblée nationale " et de " La Chaîne Parlementaire-Sénat " traduit donc l'autonomie de la ligne éditoriale de chaque assemblée.

Chaque société de programme élaborera la grille des programmes diffusés pendant le temps d'antenne qui lui reviendra, ainsi que les émissions composant cette grille : il est précisé (dixième alinéa) que les programmes de La Chaîne Parlementaire ne comporteront ni messages publicitaires, ni émissions de télé-achat.

Une convention conclue entre chaque société et l'assemblée dont elle relève précisera annuellement les conditions d'exécution de sa mission ainsi que le montant de sa dotation financière : cette périodicité ne doit sans doute pas seulement être considérée comme une conséquence de l'annualité budgétaire, mais aussi comme la traduction d'une volonté de " pilotage " actif des sociétés de programme par les assemblées dont elles dépendent.

* Structures des sociétés de programme

Comme le prévoit l'article 4 de la proposition de loi (cf. infra), les sociétés de programme seront des sociétés anonymes à statut particulier.

L'article 45-2 (nouveau) définit les dérogations que comportera leur statut par rapport aux dispositions applicables aux SA de la loi de 1966 sur les sociétés commerciales :

- les sociétés de programme de La Chaîne Parlementaire seront des sociétés " à associé unique " -et à capital public : chaque assemblée ou, plus précisément, l'Etat représenté par chaque assemblée, détiendra la totalité du capital de la société de programme qu'elle constituera. Les règles d'organisation des sociétés seront largement déterminées par leurs statuts, lesquels seront approuvés par le Bureau de leur assemblée de rattachement.

La proposition de loi prévoit seulement, en effet, que chaque société sera dirigée par un président directeur général nommé pour trois ans par le Bureau de l'assemblée dont elle relève, sur proposition du Président de celle-ci.

En l'absence d'autres dispositions particulières, on doit considérer que le rôle de ce président directeur général sera celui défini par la loi de 1966, et en particulier qu'il représentera la société dans ses rapports avec les tiers (article 113 de la loi de 1966).

Par ailleurs, au regard de la législation sur les délits de presse, il sera le directeur de la publication de la société de programme (article 93-2 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle).

Quant aux autres organes dirigeants des sociétés de programme, ce sont, comme on l'a déjà indiqué, les statuts de chaque société qui définiront leur nature, leur composition, leur mode de désignation et leurs compétences (septième alinéa de l'article 45-2).

Enfin, la responsabilité civile et pénale des dirigeants des sociétés de programme sera définie par les dispositions de la loi de 1966.

* Financement des sociétés de programme

Le financement de chaque société de programme sera assuré par une dotation annuelle versée par l'assemblée actionnaire. La participation de chaque assemblée au financement des moyens techniques communs de La Chaîne Parlementaire sera incluse dans cette dotation.

La Chaîne ne diffusant pas de messages publicitaires, les sociétés de programme n'auront donc aucune ressource publicitaire. Elles pourront cependant faire appel à des partenariats pour des coproductions.

* Contrôle

- Confirmant les termes de l'article 45-1, l'article 45-2 (nouveau) prévoit que " les sociétés de programme, ainsi que les émissions qu'elles programment " ne relèvent pas de l'autorité du Conseil supérieur de l'audiovisuel : comme le souligne l'exposé des motifs des propositions de loi, cette solution se justifie par le principe de la séparation des pouvoirs. Mais elle peut également s'appuyer sur des considérations de fait, l'intervention du CSA ne semblant en rien nécessaire pour garantir l'indépendance de cette nouvelle chaîne publique, ni pour assurer le respect, dans ses programmes, du pluralisme des groupes constitués au sein des assemblées.

Concrètement, le CSA n'interviendra donc à aucun moment dans le fonctionnement des sociétés de programme de La Chaîne Parlementaire et n'exercera à leur égard aucune des compétences que la loi lui reconnaît à l'égard des chaînes publiques (nomination de dirigeants, consultation sur les cahiers des charges, pouvoir de sanction, ...) ou des services audiovisuels privés (autorisation ou conventionnement, pouvoir de sanction, ...).

L'avant-dernier alinéa de l'article 45-2 (nouveau) prévoit, en se référant à l'article 33 de la loi de 1986, relatif aux services distribués par câble, que c'est le Bureau de chaque Assemblée qui aura compétence pour " fixer et contrôler " les conditions d'application à La Chaîne Parlementaire de la réglementation applicable à ces services 2 ( * ) .

Le projet de loi modifiant la loi de 1986 actuellement soumis au Parlement prévoit de modifier la rédaction et la portée de l'article 33 de la loi, qui s'appliquerait aussi bien aux chaînes satellitaires qu'aux chaînes câblées : cette modification fera sans doute de l'article 33 une référence plus appropriée pour La Chaîne Parlementaire, mais imposera aussi d'apporter à l'article 45-2 un amendement de coordination.

- le dernier alinéa de l'article 45-2 nouveau précise les conditions du contrôle financier des sociétés de programme de La Chaîne Parlementaire.

Il les exclut du champ d'application de l'article L. 133-1 du code des juridictions financières, qui soumet au contrôle de la Cour des comptes, entre autres, " les sociétés anonymes dans lesquelles l'Etat possède la majorité du capital social ", mais les soumet en revanche " aux dispositions du règlement de chaque assemblée concernant le contrôle de leurs comptes ".

En application de ces dispositions, les comptes de La Chaîne Parlementaire-Sénat seront annexés au compte administratif du Sénat, et contrôlés par la commission spéciale chargée de vérifier et d'apurer les comptes du Sénat, qui pourra à cette fin procéder sur pièces et sur place à toutes vérifications qu'elle estimera utiles.

Par ailleurs, il convient de rappeler que les sociétés de programme seront, comme toute société anonyme, contrôlées par des commissaires aux comptes dans les conditions prévues par la loi de 1966 sur les sociétés commerciales.

II. Position de la commission

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 3
(article 45-3 nouveau de la loi du 30 septembre 1986)

Conditions de diffusion de La Chaîne Parlementaire

I. Commentaire du texte adopté par l'Assemblée nationale

Cet article a pour objet d'insérer dans la loi du 30 septembre 1986 un article 45-3 (nouveau) imposant à tous les opérateurs commercialisant une offre de services de télévision par câble ou par satellite de transporter à leurs frais La Chaîne Parlementaire et de la mettre gratuitement à la disposition de l'ensemble de leurs abonnés.

Les sociétés de programme auront cependant un droit de regard sur la reprise de La Chaîne Parlementaire. Cette reprise ne sera en effet une obligation que pour les diffuseurs : les dirigeants des sociétés de programme de la chaîne pourront quant à eux s'y opposer.

C'est une précaution utile : on ne peut en effet exclure l'apparition de bouquets de chaînes satellitaires ou câblées composées en tout ou partie de programmes dont le " voisinage " avec La Chaîne Parlementaire pourrait paraître saugrenu ou peu souhaitable (chaînes " roses " par exemple).

Afin d'éviter toute ambiguïté sur le champ d'application de l'obligation de reprise de La Chaîne Parlementaire, la rédaction de l'article 45-3 (nouveau) proposée par l'article 3 de la proposition de loi intègre une définition de la fonction de " distributeur de services " applicable aussi bien aux câblo-opérateurs qu'aux diffuseurs de bouquets satellitaires.

Cette définition reprend celle que l'article 25 du projet de loi modifiant la loi de communication, qui viendra en discussion au Sénat en janvier prochain, prévoit d'insérer, sous la forme d'un article 33-4 nouveau, dans la loi de 1986.

Il conviendra donc, le cas échéant, d'apporter, lors de l'examen de ce projet de loi, une modification de coordination à l'article 45-3 pour substituer à la définition du " distributeur de services " une référence à ce nouvel article.

Il est à noter également que la loi du 30 septembre 1986 impose aux câblo-opérateurs d'inclure dans leurs plans de service une proportion minimale de services indépendants (4° de l'article 34), obligation que le projet de loi en cours de discussion prévoit d'étendre aux opérateurs de bouquets satellitaires : il conviendra donc de se poser la question de savoir si La Chaîne Parlementaire devra ou non être prise en compte pour le calcul de cette proportion.

II. Position de la commission

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 4
(article 46 de la loi du 30 septembre 1987)

Régime juridique des sociétés de programme
" La Chaîne Parlementaire - Assemblée nationale "
et " La Chaîne Parlementaire - Sénat "

I. Commentaire du texte adopté par l'Assemblée nationale

L'article 4 complète l'article 46 de la loi du 30 septembre 1986 pour préciser que, comme les sociétés nationales de programme énumérées à l'article 44 de la loi de 1986 (France 2, France 3, RFO, Radio France et RFI) et comme La Cinquième (créée par l'article 45 de la loi), les deux sociétés de programme relevant des assemblées seront soumises à la législation sur les sociétés anonymes, sous réserve des dispositions spécifiques -relatives notamment à la structure de ces sociétés et à la composition de leur capital- prévues par la loi de 1986.

Cette disposition rapproche ainsi le statut des deux sociétés de programme de La Chaîne Parlementaire de celui des autres chaînes du service public de l'audiovisuel, ce qui paraît tout à fait souhaitable. On notera toutefois que le choix de la société par action simplifiée (SAS) aurait aussi pu être envisagé pour des raisons pratiques. Il n'aurait en effet nécessité aucune dérogation aux dispositions de la loi de 1966 relatives à cette forme de société, puisque ces dispositions, récemment modifiées par la loi du 13 juillet 1999 sur l'innovation et la recherche, autorisent la constitution de SAS à associé unique et donnent aux SAS toute latitude pour fixer, par leurs statuts, les conditions dans lesquelles elles sont dirigées. L'examen du projet de loi modifiant la loi de 1986 permettra éventuellement de reconsidérer ce problème.

Il faut enfin relever que la rédaction de l'article 4 de la proposition de loi, comme celle de son article 3, devra sans doute être revue pour tenir compte des dispositions de ce projet de loi, qui modifie le libellé et l'insertion dans la loi des dispositions relatives au statut des sociétés de l'audiovisuel public.

II. Position de la commission

Votre commission a adopté cet article sans modification.

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* *

Votre commission vous demande d'adopter la présente proposition de loi dans le texte issu des délibérations de l'Assemblée nationale.

*

* *

* 2 L'article 45-2 vise à cet égard toutes les catégories d'obligations mentionnées par l'article 33 de la loi : règles générales de programmation (2° de l'article 33), dispositions propres à assurer le respect de la langue française et le rayonnement de la francophonie (2°bis), conditions générales de production des oeuvres diffusées (3°), règles applicables à la publicité et au parrainage (4°), régime de diffusion des oeuvres cinématographiques et audiovisuelles (5°).

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