III. UNE RÉPONSE PARTIELLE AUX DÉFIS SOULEVÉS PAR LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE

A. LES QUESTIONS SOULEVÉES PAR L'ÉCHANGE DES PERMIS D'ÉMISSION

L'échange de permis d'émission a été introduit dans le protocole de Kyoto à la demande des Etats-Unis sur la base d'une expérience menée dans le cadre du territoire américain.

. Le précédent américain : une réussite nationale

Les premiers permis négociables datent de 1977 et ont été élaborés aux Etats-Unis. Ils visaient initialement l'introduction d'une forme de souplesse économique dans un dispositif de contrôle administratif rigide, basé sur la superposition de règles fédérales et étatiques. Les inconvénients liés au processus d'autorisation préalable à chaque opération, la modification fréquente des règles et des entreprises ont cependant limité la portée opératoire du dispositif.

C'est pourquoi les Etats-Unis se sont lancés, en 1990, avec le Clean Air Act, dans la création d'un marché national des permis à émettre du dioxyde de soufre (SO2) entre les centrales thermiques, sur le fondement d'un plafond national, devenu contraignant début 1995, d'émissions réparti entre les centrales. Il s'agissait ainsi d'atteindre en vingt ans une réduction de 40% des émissions annuelles de SO2 par rapport à 1980. L'extension de ce programme, prévue en 2000, à toutes les centrales thermiques, avec la définition préalable d'un quota d'émissions de SO2, impliquerait le chevauchement de plusieurs systèmes de permis négociables avec d'autres instruments plus classiques de type réglementaire. La liberté des transactions garantit des gains d'efficacité économique en raison de l'extension fédérale du marché des permis négociables.

Ce système résultait d'une longue période d'expérimentation qui a abouti à un système de règles accepté par les acteurs économiques et assurant une grande fluidité aux échanges de permis. En outre, la crédibilité de ce système repose sur un système performant de mesure des émissions, d'enregistrement et d'un ensemble de sanctions et pénalités en cas de défaillance. Enfin, la répartition initiale des permis entre les compagnies électriques n'a pas à remédier aux distorsions de concurrence, ni aux disparités de situations, rencontrées au niveau international.

. Les difficultés inhérentes à la globalisation d'un tel dispositif

Il est difficile de retrouver des conditions comparables à l'échelle internationale. L'échange de permis d'émission a cependant été introduit dans le protocole de Kyoto à la demande des Etats-Unis sur la base de cette expérience.

Une première difficulté est posée par l'absence d'autorité internationale spécifiquement destinée à surveiller la bonne application du marché des permis négociables. S'il est vrai que le système de permis instaure un mécanisme d'échange d'un nouveau type, encore faut-il que soit préservée la sûreté juridique et économique de la valeur des « biens » incorporels ainsi échangés. Seul un système de sanctions et pénalités clairement définis garantirait l'efficacité du dispositif de Kyoto.

Une seconde difficulté est liée aux conditions initiales de répartition des droits d'émission. Cette répartition apparaît davantage le fruit de tractations politiques que d'une décision rationnelle. La France avait ainsi souhaité l'application de critères objectifs tels que le niveau d'émissions par habitant. Les Etats-Unis ont, pour leur part, refusé de prendre des engagements chiffrés sur ces bases. Surtout, la Russie et l'Ukraine ont obtenu que leurs émissions de gaz sur la période 2008-2012 soient seulement stabilisées et non pas réduites par rapport à l'année 1990. Or cette année de référence est particulièrement avantageuse pour ces deux pays car, à cette date, les économies étaient encore placées sous l'emprise d'un modèle soviétique, certes à bout de souffle, mais toujours très gaspilleur d'énergie. Depuis lors, les pays de la Communauté des Etats indépendants (CEI) ont connu une forte récession et se sont engagés dans un difficile processus de reconversion. Dès lors, ils disposent de fait d'un fort potentiel d'accroissement de leurs émissions de gaz à effet de serre dont ils peuvent tirer profit dans le cadre d'un marché de permis négociables. Or si l'acquisition de droits d'émission russes ou ukrainiens autorisera les acheteurs à dépasser leurs quotas, elle ne permettra en aucune manière une réduction effective des émissions de gaz à effet de serre.

Au lendemain de la conférence de Kyoto, les Etats-Unis, le Canada, le Japon, l'Australie et la Nouvelle-Zélande avaient d'ailleurs été tentés de créer avec la Russie et l'Ukraine une « bulle opportuniste ». Ils ne sont toutefois pas parvenus à un accord interne sur la répartition des objectifs. Le marché des permis négociables pourrait constituer une nouvelle opportunité pour profiter des objectifs de limitation favorables assignés aux pays de l'ancienne Union soviétique.

La négociation sur les échanges internationaux de permis d'émissions oppose pour l'essentiel l'Union européenne et les autres Etats membres de l'OCDE. Les Quinze souhaitent encadrer le mécanisme de marché et suggèrent en particulier que soit retenu un « plafond » aux dépassements possibles des quotas initiaux.

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