2. Revoir les méthodes de travail
La
commission d'enquête souhaite une évolution des fonctions des
surveillants afin de les associer à la mission d'insertion menée
par les autres intervenants.
Toutefois, la réussite de ce projet implique la modification des
méthodes de travail au sein des établissements.
a) Augmenter les postes fixes
Le travail d'insertion nécessite un suivi du détenu, qui ne peut être assuré que si le surveillant est affecté à une section ou à un étage déterminé. Le nombre des postes fixes devrait donc augmenter, ce qui modifiera en profondeur l'organisation du travail des surveillants.
b) Développer le travail en équipe
Le travail en équipe doit être développé. Aujourd'hui, chaque intervenant se mobilise pour participer à la réinsertion des détenus, mais ce travail est souvent mené sans concertation avec les autres intervenants ou les surveillants.
c) Encourager la concertation
Le
fonctionnement de l'administration pénitentiaire doit évoluer.
Pour l'instant, cette direction apparaît très
hiérarchisée et les informations remontent mal vers
l'administration centrale.
La commission d'enquête estime donc que la direction de l'administration
pénitentiaire doit développer la concertation au sein de
structures appropriées et valoriser les expériences innovantes
qui sont mises en oeuvre dans certains établissements.
30 MESURES D'URGENCE
Délibérément, la commission
d'enquête
du Sénat a choisi de concentrer ses investigations sur les conditions de
détention dans les prisons, plus particulièrement dans les
maisons d'arrêt. Ce faisant, elle souhaitait parvenir à des
propositions concrètes, susceptibles d'être mises en oeuvre
très vite.
Le plus urgent n'est pas l'élaboration d'une loi qui évoquerait
de façon détaillée l'ensemble des droits et devoirs en
détention. Une telle procédure ne peut être que longue et
complexe ; les conditions de détention ne sont pas, pour
l'essentiel, de nature législative. En revanche, un débat
d'orientation sur la politique pénitentiaire serait très utile.
Le plus urgent n'est pas non plus de modifier de fond en comble le droit
pénal ou la procédure pénale. Cette dernière vient
de subir des évolutions importantes, notamment à l'initiative du
Sénat, tant en ce qui concerne la détention provisoire que
l'exécution des peines. Il faut maintenant mettre en oeuvre ces
réformes et le Parlement devra rester vigilant.
Le plus urgent est l'amélioration des conditions de détention et
le renforcement des contrôles des établissements
pénitentiaires. Cette urgence justifie les propositions de la commission
d'enquête :
La lutte contre la surpopulation des maisons d'arrêt
1. interdire strictement le maintien en maison d'arrêt des
personnes condamnées définitivement à plus d'un an
d'emprisonnement ;
2. permettre le placement en établissements pour peine des
prévenus dont l'instruction est achevée ou qui sont en attente
d'appel ou de cassation ;
3. déconcentrer la gestion des affectations des détenus en
établissements pour peine et supprimer le centre national
d'observation ;
4. accélérer la mise en oeuvre de la loi relative au placement
sous surveillance électronique ;
5. permettre une suspension de peine pour les détenus souffrant
d'une maladie grave mettant en jeu le pronostic vital ;
6. renforcer les unités fermées des hôpitaux
psychiatriques et doubler au minimum le nombre de lits en UMD (unités
pour malades difficiles) ;
La nécessaire remotivation des personnels
7. pourvoir l'ensemble des postes de personnels actuellement vacants ;
8. développer la formation continue pour les personnels ;
9. revaloriser les métiers de l'administration
pénitentiaire, afin de les rendre plus attractifs ;
10. aider les personnels à trouver des logements, en particulier
en région parisienne et dans les grands centres urbains ;
Les bâtiments : détruire, rénover et
construire
11. lancer un plan de réhabilitation sur cinq ans du parc
pénitentiaire sous la forme d'une loi de programme ;
12. créer une agence pénitentiaire, structure publique
chargée de gérer de manière autonome les investissements
et la maintenance ;
13. doubler les crédits consacrés à l'entretien des
bâtiments ;
Les droits et les devoirs des détenus
14. instituer un minimum carcéral pour les indigents ;
15. harmoniser à la baisse les tarifs des cantines ;
16. instituer la gratuité de la télévision dans les
cellules ;
17. supprimer le prélèvement sur le produit du travail des
détenus destiné à les faire participer à leurs
frais d'entretien ;
18. favoriser le travail à l'extérieur de
l'établissement et faire participer les détenus à des
travaux bénéfiques pour la collectivité ;
19. allonger la durée des activités proposées aux
détenus au cours de la journée de détention pour concilier
le travail pénitentiaire, la formation et les activités
socio-éducatives ;
20. harmoniser les règlements intérieurs des
établissements pénitentiaires par catégorie
d'établissement ;
21. réformer la procédure disciplinaire en permettant au
détenu d'être assisté par un avocat et en interdisant le
placement au quartier disciplinaire pour les fautes les moins graves ;
22. réduire à 20 jours la durée maximale de
placement au quartier disciplinaire ;
23. permettre l'accès des visiteurs de prison au quartier
disciplinaire;
24. faire respecter la discipline quotidienne ;
25. améliorer l'accueil des familles, notamment celles qui
viennent de loin, et favoriser les projets des associations visant à
améliorer cet accueil ;
La modernisation des méthodes de gestion
26. expérimenter la transformation, déjà possible,
d'établissements pénitentiaires en établissements publics
administratifs dotés d'un conseil d'administration ;
27. mettre en place un dispositif d'évaluation du fonctionnement
des établissements prenant en compte des critères liés non
seulement à la sécurité, mais aussi aux conditions de
détention ;
Le renforcement des contrôles
28. créer un organe de contrôle externe et
indépendant des établissements pénitentiaires, doté
de larges pouvoirs d'investigation ;
29. relancer l'exercice des contrôles des magistrats dans les
établissements pénitentiaires ;
30. renforcer la coopération entre l'autorité judiciaire et
l'administration pénitentiaire.
Il y a urgence... Il y a urgence depuis deux cents ans.
Toutes ces réformes seraient vaines si elles n'étaient pas
soutenues par une ferme volonté politique et l'accord des
représentants de la Nation.