III. PRINCIPALES OBSERVATIONS

A. PRÉSERVER UNE CAPACITÉ D'EXPERTISE INDUSTRIELLE SUFFISANTE

1. Le prestige du grand ministère de l'industrie de jadis reposait pour beaucoup sur sa capacité d'expertise technique, pourvue notamment par des ingénieurs des mines attachés au service de l'Etat.

Une telle capacité demeure éminemment nécessaire pour des raisons non seulement d'orientation stratégique et de contrôle de l'efficacité des dépenses mais aussi de sûreté industrielle, comme le montrent les événements récents (notamment à Toulouse où les facultés d'analyse de l'administration ont semblé défaillantes...).

Or, l'intégration dans Bercy des services de l'industrie ne permet pas de vérifier si leur compétence se maintient comme il conviendrait. Cette évolution peut au contraire laisser craindre une perte de substance de l'expertise proprement industrielle du mégalithique ministère au profit d'un développement de ses capacités d'analyse économique et financière.

C'est peut-être pour conjurer ce danger qu'il a été décidé de créer :

- à l'administration centrale, 71 emplois d'ingénieurs des mines (les effectifs correspondants au 31 décembre 2001 étaient inférieurs à une trentaine) ;

- auprès des secrétaires d'État à l'Industrie et aux PME, un conseil du développement économique et de la stratégie industrielle (mesure annoncée par M. Laurent Fabius à l'occasion d'une réunion à Bercy, le 18 octobre, du comité technique paritaire ministériel).

2. La sûreté nucléaire est fondée plus particulièrement sur la qualité de l'expertise dont elle fait l'objet.

Or, la récente réforme qui a abouti à la création de l'IRSN ne doit pas conduire, sous couvert de « transparence » (qui ne garantit pas la compétence) à déconnecter les activités de contrôle de celles qui sont liées à la recherche , notamment dans le domaine de la conception même des réacteurs.

B. NE PAS RETARDER LA CONSTRUCTION D'UN PROTOTYPE D'EPR (RÉACTEUR À EAU SOUS PRESSION)

Devant les perspectives favorables d'évolution des marchés en Europe du Nord (Finlande), en Asie (Chine) et en Amérique du Nord, il importe absolument de ne plus différer la construction d'une tête de série du modèle de réacteur à eau sous pression conçu par la filiale commune de Framatome et Siemens, Nuclear Power International (NPI).

C. RENDRE L'ADEME PLUS PERFORMANTE

Les moyens de l'ADEME (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) ont été considérablement augmentés et modifiés (multiplication par dix des crédits affectés aux économies d'énergie et aux énergies renouvelables, budgétisation de ses ressources procurées auparavant par des taxes parafiscales).

L'Agence s'est difficilement adaptée à ces changements et ses problèmes de gestion se sont multipliés et aggravés (déficit de trésorerie puis, au contraire, excédent de crédits de paiement, absence de contrats d'objectifs, d'indicateurs d'activité, de comptabilité analytique...). Ces insuffisances ont été dénoncées à la fois par l'inspection générale des finances et notre collègue Philippe Adnot, dans un rapport d'information.

Les réponses au questionnaire budgétaire de votre rapporteur des crédits de l'industrie montrent qu'il reste encore beaucoup à faire pour que l'Agence :

- passe, enfin, d'une logique de guichet à une logique de projet dans l'attribution de ses subventions ;

- améliore le contrôle de sa gestion (suivi des activités) et la sélection des opérations aidées.

L'ADEME reconnaît notamment :

- que 15 à 20 % de ses dépenses en matière de maîtrise de l'énergie ont une « efficience environnementale » faible. L'IGF avait déploré par ailleurs, dans ce domaine, le poids excessif des « engagements de dernière minute ») ;

- que la constitution d'un réel savoir-faire stratégique en matière de prévision budgétaire et de gestion du portefeuille des projets aidés « demandera à l'évidence plusieurs années » !

Manifestement, l'augmentation des moyens de l'ADEME a été, pour des raisons d'affichage, trop massive et trop rapide.

Il semble par ailleurs que l'agence ne travaille pas suffisamment en partenariat avec les entreprises, dans une logique de marché, en ce qui concerne la recherche et le développement de technologies propres ou dépolluantes.

D. LES DIFFICULTÉS DES INDUSTRIES TRADITIONNELLES

L'État, en France, a toujours excellé davantage dans la mobilisation de l'industrie dans le cadre de « grands programmes » destinés à promouvoir des technologies nouvelles (aéronautique, espace, nucléaire, TGV...) que dans l'accompagnement des mutations d'activités traditionnelles (extraction charbonnière, construction navale, textile...).

Le rattrapage de notre retard dans le domaine des technologies de l'information ne devrait pas conduire ainsi, aujourd'hui, à négliger le sort des anciennes industries de main d'oeuvre dont la limitation du déclin est vitale pour l'emploi.

On peut s'interroger à ce sujet sur les points suivants :

- Pourquoi l'endettement de Charbonnages de France a-t-il continué de s'accroître, en période de baisse des taux d'intérêt, malgré des subventions qui sont les plus élevées d'Europe ? Pourquoi avoir fermé en 2001 le découvert d'Aumance, seul gisement rentable de France ?

- Concernant le secteur textile-habillement , la création, bienvenue, d'un réseau d'innovation et d'une « Cité de la Mode » à Paris ne sont-elles pas des mesures bien tardives ? L'emploi a continué de baisser en 2000 dans les industries de l'habillement-cuir (-4,5 %), contrairement à la tendance générale.

L'Italie, et même l'Allemagne, résistent mieux que nous à la concurrence des pays à bas salaires.

- Concernant la construction navale, un « positionnement » intelligent sur des créneaux moins exposés à la concurrence extérieure explique l' « embellie » constatée en 2000-2001 (du moins pour les ateliers de l'Atlantique), mais la situation va tendre à se dégrader à nouveau.

Les carnets de commande italiens et allemands sont beaucoup mieux garnis que les nôtres (respectivement 2,4 et 2,7 millions de tonneaux bruts compensés au lieu de 1,2 au 31 décembre 2000).

En tout état de cause, la commission de Bruxelles ne semble soutenir que mollement l'industrie européenne face au « dumping » coréen.