M. Serge Dassault

III. LES RECOMMANDATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

A. DONNER DE LA LISIBILITÉ AUX MOYENS ET AUX POLITIQUES DE LA POLITIQUE DE L'EMPLOI

Les moyens de l'emploi sont disséminés entre la mission « Travail et emploi », la sécurité sociale (exonérations générales) et la dépense fiscale. En faisant masse, l'ensemble des moyens dévolus à l'emploi progressent de 20 %, pour s'établir à près de 50 milliards d'euros pour 2008.

Tout en relativisant la portée pratique de la projection, rapportée à la dépense globale de 42 milliards d'euros pour la politique de l'emploi en 2007, le coût du recul du chômage entre 2006 et 2007 s'est concrétisé par environ 200.000 demandeurs d'emploi 12 ( * ) en moins et une création nette d'emplois estimée par la DARES à 336.000 postes, dont 299.000 salariés dans les secteurs concurrentiels.

L'exclusion du champ de la mission de la compensation des allègements généraux de cotisations sociales représente 26,85 milliards d'euros. Il convient de rappeler que les exonérations générales de charges sur les bas salaires ont été transférées en 2006 à la sécurité sociale sans évaluation de cette politique depuis. Le peu d'emplois créé par les récentes aides dans la restauration devrait inciter à réviser une politique systématique de baisse du coût du travail. Aujourd'hui, une diminution progressive du niveau et du coût des exonérations est probablement souhaitable .

L'énumération des dépenses fiscales (9,6 milliards d'euros pour 2008) rattachées à la mission mériterait d'être enrichie par une analyse systématique de leur performance qui permettrait de porter une analyse sur l'opportunité de leur maintien. Ainsi, la prime pour l'emploi (PPE), dont l'objet est de favoriser le retour à l'emploi salarié, constitue le premier poste de dépense fiscale (4,23 milliards d'euros pour 2008). Or, l'indicateur destiné à mesurer la part des bénéficiaires de la PPE précédemment au chômage ou inactifs ne sera pas renseigné avant 2009 , pour les données relatives à la PPE de 2005 au titre des revenus 2004 des personnes qui n'étaient pas en emploi au cours de l'année 2003. Dix dépenses fiscales, rattachées à titre principal à la mission « Travail et emploi », sont supérieures à 100 millions d'euros.

Les dix principales dépenses fiscales de la mission « Travail et emploi »

(en millions d'euros)

Dépenses fiscales

Programme

Chiffrage
pour 2007

Chiffrage
pour 2008

Variation
2008/2007

Prime pour l'emploi

102

4.230

4.230

0 %

Réduction d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile

103

2100

1.040

9,5 %

Crédit d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile

103

0

1.260

TVA à 5,5 % pour les cantines et restaurants d'entreprise

111

760

790

4 %

Exonération de TVA des prestations de services rendus aux personnes physiques par les associations agréées

103

500

550

9 %

Exonération au titre des heures supplémentaires

103

0

400

-

Crédit d'impôt en faveur de l'apprentissage

103

300

300

0 %

Exonération du salaire des apprentis

103

220

250

12 %

Exonération de la participation employeur aux tickets restaurant

111

210

220

4,5 %

Réduction d'impôt sur les cotisations syndicales

111

120

125

4

B. AMÉLIORER L'EFFICACITÉ DE LA POLITIQUE DE L'EMPLOI DES CONTRATS AIDÉS

Le projet de loi de finances pour 2008 est établi sur la base d'une baisse du nombre de contrats aidés par rapport aux prévisions pour 2007, soit, pour le secteur non marchand 230.000 au lieu de 260.000.

Or, les CAE comme les contrats d'avenir, qui relèvent du secteur non marchand, ne conduisent que trop peu leur bénéficiaires vers un emploi durable, seulement dans moins de 30 % des cas. L'indicateur du taux d'insertion dans l'emploi, six mois après la sortie d'un contrat aidé, indique un décrochage très net en faveur des contrats du secteur marchand (CIE et CI-RMA) où le taux de sortie vers un emploi durable est de plus de 50 %.

Votre rapporteur spécial appelle de ses voeux une profonde réforme de la politique des contrats aidés, qui mobilise plus de 5 milliards d'euros, sur le fondement de trois actions :

1) évaluer la performance des dispositifs au regard de l'emploi ;

2) recentrer les aides à l'emploi vers le secteur marchand ;

3) favoriser le retour à l'emploi durable par l'apprentissage et la formation professionnelle ;

4) simplifier et assurer la stabilité des dispositifs autour, le cas échéant, du futur « contrat unique d'insertion ».

C. AGIR SUR L'ACCÈS À L'EMPLOI ET LE DÉVELOPPEMENT DE L'EMPLOI

1. Instaurer une flexi-sécurité à la française

Votre rapporteur spécial a acquis la conviction personnelle qu'une diminution progressive 13 ( * ) du niveau des exonérations assortie d'un assouplissement du droit du travail favoriserait plus certainement l'embauche qu'un « empilement d'aides », coûteux et peu efficace.

Ainsi, le succès du contrat nouvelle embauche (CNE), qui symbolise aujourd'hui l'acclimatation de la « flexicurité » en France, avec une procédure de rupture simplifiée assortie de nouvelles garanties pour les salariés, se confirme avec un cumul évalué, depuis août 2005, à 100.000 créations nettes d'emplois imputables au CNE. En effet, l'INSEE estime que 10 % des embauches réalisée au moyen du CNE ne l'auraient pas été sans ce dispositif.

La « condamnation » du CNE par l'Organisation internationale du travail 14 ( * ) porte un coup d'arrêt sur la forme juridique du contrat mais ne remet pas en cause l'effet bénéfique qu'il a eu sur l'emploi et la libéralisation du marché du travail qu'il a initié en France.

Quoi qu'il en soit, votre rapporteur spécial soutient le développement d'une plus grande flexibilité du contrat de travail, à l'exemple du contrat de mission, avec une protection accrue du chômeur pendant les 6 premiers mois.

2. Favoriser l'emploi par le soutien aux entreprises

Dans l'objectif de réduction de la dette publique et de retour à l'équilibre des finances publiques en 2012 annoncé par le gouvernement, votre rapporteur spécial prône une diminution progressive du niveau et du coût des aides comme des exonérations. Les marges budgétaires ainsi retrouvées seraient plus utilement redéployées vers la recherche, l'éducation et l'apprentissage et le désendettement.

Votre rapporteur spécial appelle enfin de ses voeux une évolution de la structure des prélèvements sociaux qui valoriserait le travail tout en améliorant la compétitivité. L'emploi serait mieux soutenu par une évolution du financement de la sécurité sociale qui réduirait le coût du travail et favoriserait la compétitivité des entreprises. En ce sens, il approuve les conclusions du rapport de notre collègue Joël Bourdin, qui tend à soutenir les entreprises dans leurs décisions d'investir, donc de recruter, et à « cibler la croissance plutôt que la dette publique 15 ( * ) ».

Selon votre rapporteur spécial, le « coefficient emploi-activité 16 ( * ) », réduirait voire supprimerait les charges sur salaire, favoriserait les entreprises de main d'oeuvre et apporterait un nouveau financement de la sécurité sociale beaucoup plus simple sans aucune charge pour l'Etat.

Il faut que la priorité soit accordée à une politique d'assouplissement maîtrisée du code du travail sur une politique de subventionnement que le budget de l'Etat est incapable de supporter.

* 12 DARES / ANPE, « Le marché du travail en août 2007 », synthèse n° 40.1 d'octobre 2007.

* 13 Par exemple, la fourchette des allègements pourrait être progressivement réduite en abaissant le salaire à partir duquel l'allègement dégressif s'annule (1,6 SMIC en 2006, 1,5 SMIC en 2007 etc.), tandis que le montant de l'allègement maximum diminuerait à proportion (26 points de cotisation au niveau du SMIC en 2005, 22 points en 2006, etc.).

* 14 Le rapport adopté par l'Organisation internationale du travail le 14 novembre 2007 a déclaré être « dans l'incapacité de conclure » que la durée de la période d'essai de deux ans était « raisonnable ». En outre, il a été indiqué qu'un contrat de travail ne pouvait être rompu « en l'absence d'un motif valable ». Par ailleurs, si le Conseil d'Etat a jugé raisonnable la durée de deux ans, la chambre sociale de la Cour de cassation a estimé qu'une période d'essai supérieure à six mois était excessive.

* 15 Rapport n° 81 (2007-2008).

* 16 Il s'agirait d'un prélèvement assis sur le chiffre d'affaires diminué des rémunérations. Le CEA ne s'applique qu'au secteur marchand.