Rapport d'information n° 43 (2000-2001) de Mme Janine BARDOU , fait au nom de la délégation aux droits des femmes, déposé le 24 octobre 2000

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N° 43

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Annexe au procès-verbal de la séance du 24 octobre 2000

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (1) sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relative à la contraception d'urgence ,

Par Mme Janine BARDOU,

Sénateur.

(1) Cette délégation est composée de : Mme Dinah Derycke, président ; Mmes Janine Bardou, Paulette Brisepierre, MM. Guy-Pierre Cabanel, Jean-Louis Lorrain, Mmes Danièle Pourtaud, Odette Terrade, vice-présidents ;
MM. Jean-Guy Branger, André Ferrand, Lucien Neuwirth, secrétaires ; Mme Maryse Bergé-Lavigne, M. Jean Bernadaux, Mme  Annick Bocandé, MM. André Boyer, Marcel-Pierre Cleach, Gérard Cornu, Xavier Darcos, Claude Domeizel, Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Josette Durrieu, MM. Yann Gaillard, Patrice Gélard, Francis Giraud, Alain Gournac, Mme Anne Heinis, MM. Alain Joyandet, Serge Lagauche, Serge Lepeltier, Mme Hélène Luc, MM. Jacques Machet, Philippe Nachbar, Mme Nelly Olin, M. Jean-François Picheral, Mme Gisèle Printz, MM. Philippe Richert, Alex Türk.

Voir le numéro :

Sénat : 12 (2000-2001)

Vie, médecine et biologie.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Au cours de sa séance du 4 octobre 2000, la Commission des affaires sociales du Sénat a décidé de saisir, à sa demande, votre Délégation de la proposition de loi de Mme Danielle Bousquet relative à la contraception d'urgence, qui a été adoptée le lendemain par l'Assemblée nationale.

Avant d'aborder l'objet et le dispositif de cette proposition de loi puis d'exposer les recommandations de votre Délégation, on rappellera les quelques étapes importantes de l'histoire de la contraception chimique, laquelle est encore très récente et, probablement, inachevée. En effet, tant les progrès accomplis en la matière en moins de quarante ans que les perspectives ouvertes par les recherches en cours conduisent à des évolutions législatives dont le présent texte n'est sans doute pas le dernier. Il importera à cet égard de préciser le cadre législatif dans lequel le recours à la contraception est aujourd'hui autorisé en France et d'examiner les politiques publiques mises en oeuvre pour le favoriser, afin, en dernier lieu, d'être en mesure d'apprécier exactement les termes du débat actuel sur la délivrance de la pilule dite "du lendemain" ou "d'urgence", disponible sous la marque NorLevo.

I. LA CONTRACEPTION CHIMIQUE : UNE HISTOIRE RÉCENTE MAIS RICHE, ENCORE PROBABLEMENT INACHEVÉE

La contraception est l'ensemble des moyens employés pour provoquer une infécondité temporaire chez la femme ou chez l'homme.

Dans l'histoire humaine, elle ne se substitue aux techniques abortives, qui ont pour objet l'expulsion du foetus avant terme, que de manière assez récente, avec le développement du préservatif, des méthodes d'auto-observation et du stérilet. Outre l'avantage qu'elle présente en matière de maîtrise de la fécondité, puisqu'elle permet de prévenir les grossesses non désirées, la contraception constitue un progrès fondamental en matière de sécurité sanitaire en évitant aussi un nombre significatif d'avortements qui conduisaient trop souvent, compte tenu du caractère rudimentaire des techniques employées et jusqu'à l'adoption de lois autorisant l'interruption volontaire de grossesse dans les pays occidentaux, au décès des femmes.

Le mot de contraception, qui, selon le Petit Robert , n'apparaît dans notre vocabulaire qu'en 1929, est contemporain du mouvement de contrôle des naissances engagé par les féministes des pays anglo-saxons dans la première moitié du XX e siècle et que connaîtra la France, après la seconde guerre mondiale, avec la Maternité heureuse , créée en 1956 par le Dr Marie-Andrée Lagroua-Weill-Halé et Evelyne Sullerot et devenue à partir de 1960 le Mouvement français pour le planning familial .

A l'évidence, la maîtrise des méthodes contraceptives chimiques, la sûreté et la sécurité de leurs résultats, participent directement des progrès accomplis pour l'émancipation des femmes au cours du siècle. A cet égard, ceux-ci ont connu une avancée fondamentale dans le courant des années 50 quand, prenant appui sur les travaux de biologistes anglais effectués avant-guerre et qui avaient confirmé le rôle des hormones dans le processus de la conception, différentes équipes de médecins et de biologistes américains s'efforcèrent de synthétiser des hormones capables à la fois de bloquer avec efficacité l'ovulation et d'être tolérées par leurs utilisatrices. C'est en 1956 que les docteurs américains Gregory Pincus et John Rock, en associant progestérone et oestrogène, obtinrent la première pilule contraceptive durablement et effectivement active, sans effets dangereux pour la santé en cas d'utilisation normale sous contrôle médical.

Commercialisée aux Etats-Unis dès 1960 sous le nom d'Enovid et autorisée en France à partir de 1966, cette pilule a rapidement acquis, avec l'affinement des dosages, une efficacité supérieure à 99,5 %, apportant ainsi aux femmes une sécurité bien plus grande que les méthodes d'auto-observation ou les autres moyens contraceptifs. On peut ajouter que les progrès de la recherche accomplis depuis quarante ans ont, à la fois, permis d'affiner les dosages hormonaux afin de supprimer les effets secondaires désagréables qui pouvaient conduire à renoncer à la pilule comme méthode contraceptive, et donné naissance à des produits nouveaux plus particulièrement adaptés à tel ou tel type de physiologie (pilule séquentielle, minipilule, pilule biphasique, pilule triphasique, micropilule). La recherche d'une adéquation maximale des produits aux constitutions de leurs utilisatrices, tout comme l'existence de contre-indications, justifient cependant et rendent indispensable un contrôle médical strict en cas de recours aux traitements contraceptifs.

Si le spectre de ces traitements paraît aujourd'hui suffisamment large pour convenir à la quasi-totalité des femmes, la recherche de produits toujours plus sûrs et d'utilisation plus aisée n'est pas pour autant interrompue. En particulier, une contrainte pèse sur la pilule contraceptive : celle de la prise quotidienne. Un oubli, même s'il ne s'agit parfois que d'un simple décalage, en compromet l'efficacité. C'est pourquoi sont actuellement en cours d'expérimentation diverses méthodes de vaccination qui pourraient se substituer temporairement ou durablement soit à la pilule, soit à d'autres traitements qui sont élaborés depuis une vingtaine d'années et qui, s'ils évitent la contrainte de la prise quotidienne, ne sont ni exempts d'effets secondaires, ni d'une efficacité comparable à celle de la pilule (en particulier, injections trimestrielles par voie intramusculaire d'acétate de médroxy-progestérone-retard, dite "piqure-retard", disponible en France, ou implantation sous-cutanée de bâtonnets de silicone diffusant des hormones, d'une durée d'efficacité de cinq ans et retirables à tout moment, commercialisés aux Etats-Unis). Ces prototypes de vaccins ont tous pour principe la production d'anticorps destinés soit à interdire le démarrage du processus de blastogenèse après l'implantation de l'oeuf fécondé dans l'utérus, soit à empêcher cette implantation elle-même, soit encore à altérer la membrane de l'ovocyte de manière à rendre impossible la fécondation par un spermatozoïde. La maîtrise de telles méthodes immunologiques constituerait à l'évidence une nouvelle étape essentielle dans l'histoire encore courte de la contraception.

Mais celle-ci ne saurait s'achever sans que soient examinées de manière plus approfondie qu'aujourd'hui les perspectives de mise au point d'une contraception chimique masculine efficace. La pilule pour homme n'a connu aucun succès de commercialisation, non seulement en raison d'importantes préventions culturelles ( ( * )*), mais aussi à cause de la lourdeur du traitement qui, associant à la prise quotidienne de la pilule une piqûre de testostérone tous les quinze jours et à l'analyse d'un spermogramme tous les mois, nécessite des consultations hospitalières. Cependant, une récente découverte dans le cadre de travaux relatifs à la stérilité masculine permet d'envisager la mise au point - pas avant quelques années toutefois - d'un vaccin capable de bloquer l'action de la fertiline, protéine produite par le spermatozoïde et qui lui permet d'adhérer à la membrane de l'ovule.

Dans ce tableau, brossé à grands traits, de l'histoire de la contraception, les pilules contragestives dites "du lendemain" ou "d'urgence" (méthode de Yuzpe), vendues sous les marques Tetragynon et NorLevo, sont les produits les plus récents, et ne sont commercialisés en France que, respectivement, depuis janvier et juin 1999 (elles étaient cependant disponibles depuis quelques années déjà dans d'autres pays, tels l'Allemagne, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas, la Finlande, etc...). Ces pilules ne doivent pas être confondues avec la pilule abortive, également qualifiée "du lendemain", le RU-486, vendue en France sous le nom de Mifégyne, qui est une anti-hormone synthétisée au début des années 80 par le Professeur Etienne-Emile Baulieu pour provoquer l'avortement dès lors qu'elle est prise dans les sept semaines d'aménhorrée ( i.e. dans les cinq premières semaines de la grossesse).

Le Tetragynon et le NorLevo n'ont, eux, d'autre effet, s'ils sont pris dans les 72 heures qui suivent le rapport sexuel, que d'empêcher soit l'ovulation (comme tout contraceptif hormonal classique), soit, si l'ovulation a déjà eu lieu, la nidation dans l'utérus de l'oeuf fécondé. Il ne s'agit donc pas d'un produit abortif puisque, si cette nidation a eu lieu, la prise du contragestif est sans conséquence et la grossesse se poursuit. Dans ces conditions, plus l'ingestion du produit est proche du rapport sexuel, plus son efficacité est grande (s'agissant du NorLevo, cette efficacité est supérieure à 95 % si le premier des deux comprimés du traitement est absorbé dans les 24 heures qui suivent le rapport, elle est de 85 % si l'ingestion a lieu entre 24 et 48 heures et de 58 % si elle s'effectue entre 48 et 72 heures).

Mais alors que le Tetragynon, qui associe des oestrogènes à des progestatifs, doit être prescrit par un médecin en raison des contre-indications à l'absorption d'oestrogènes (tout comme la pilule traditionnelle), le NorLevo, lui, est exclusivement composé d'un dérivé de progestérone, le lévonorgestrel, auquel aucune contre-indication médicale n'est associée. Cette innocuité, attestée par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) en août 1998, constitue la véritable originalité de ce produit par rapport aux autres contraceptifs disponibles actuellement.

II. LE CADRE LÉGISLATIF ACTUEL ET LES POLITIQUES PUBLIQUES EN FAVEUR DE LA CONTRACEPTION

Le cadre législatif qui régit en France le recours à la contraception a connu, depuis la loi novatrice défendue en 1967 par Lucien Neuwirth, plusieurs modifications pour en assouplir les dispositions et l'adapter aux évolutions de notre société. Mais si ce cadre a indiscutablement favorisé le développement de la contraception dans notre pays et, par corollaire, la maîtrise par les femmes de leur liberté d'avoir ou non des enfants, divers indicateurs montrent que la situation actuelle est encore loin d'être pleinement satisfaisante. Des progrès restent à accomplir qui, au demeurant, ne pourront résulter uniquement de nouvelles réformes, mais aussi d'une plus grande détermination dans la volonté de mieux informer les hommes et les femmes, et notamment les adolescents, sur la sexualité et sur la contraception.

A. LA LOI NEUWIRTH ET SES MODIFICATIONS

La loi n° 67-1176 du 28 décembre 1967 relative à la régulation des naissances et abrogeant les articles L. 648 et L. 649 du code de la santé publique, adoptée après des débats passionnés grâce à la ténacité de notre excellent collègue Lucien Neuwirth, alors député, qui en fut à la fois l'instigateur et le rapporteur, constitue l'acte fondateur de la libéralisation de la contraception en France. Jusqu'à son intervention, une loi de 1920 interdisait tout recours à la contraception, comme d'ailleurs à l'avortement, et punissait sévèrement la production, l'importation ou la vente de contraceptifs, ainsi que leur utilisation, qui était au demeurant criminalisée.

La loi de 1967 a ouvert aux femmes de France la possibilité de maîtriser leur fécondité en posant comme principe le droit à la contraception et à l'information, tout en l'encadrant de manière très rigoureuse. Si la fabrication et l'importation des produits, médicaments et objets contraceptifs ont été autorisées, leur vente ne pouvait s'effectuer qu'en pharmacie, sur ordonnance médicale ou certificat médical de non contre-indication nominatif, et elle était limitée quantitativement et dans le temps. Ainsi, aucune délivrance de contraceptif n'était possible dans les établissements d'information, de consultation ou de conseil familial et dans les centres de planification ou d'éducation familiale agréés.

En outre, la vente ou la fourniture de contraceptifs aux mineurs ne pouvait intervenir qu'après consentement écrit de l'un des parents ou du représentant légal. Enfin, toute propagande et toute publicité commerciale directe ou indirecte concernant les médicaments, produits ou objets de nature à prévenir la grossesse ou les méthodes contraceptives étaient interdites, sauf dans les publications destinées aux médecins ou aux pharmaciens. Ainsi, l'information ne pouvait être délivrée aux femmes que par des médecins ou les établissements d'information, de consultation ou de conseil familial et les centres de planification ou d'éducation familiale agréés. Le fonctionnement de ces établissements et de ces centres n'a été précisé par décret qu'en mars 1972 (les dispositions législatives relatives à la fabrication, à l'importation, à la prescription médicale et à la vente en pharmacie n'ayant elles-mêmes été rendues applicables que plus d'un an après la promulgation de la loi, par un décret du 3 février 1969).

Ce cadre législatif a été assoupli une première fois par la loi n° 74-1026 du 4 décembre 1974, puis par plusieurs textes datant notamment de mai 1982, de décembre 1989 et de janvier et décembre 1991, afin, tout à la fois, de prendre en compte les évolutions de la société française et de répondre aux nécessités de la lutte contre le Sida (et, incidemment, des autres maladies sexuellement transmissibles).

C'est ainsi que la délivrance sur prescription médicale a été limitée aux seuls contraceptifs hormonaux et intra-utérins (article 3 de la loi Neuwirth), que l'interdiction générale de la vente de contraceptifs aux mineurs sans accord parental a été supprimée (article 3), que les centres de planification ou d'éducation familiale ont pu délivrer, à titre gratuit, des médicaments, produits ou objets contraceptifs, sur prescription médicale, aux mineurs désirant garder le secret (article 4), et que la publicité relative aux préservatifs et aux autres contraceptifs a été autorisée, dans le respect des dispositions générales fixées par le code de la santé publique (article 5).

Au total,, toute femme majeure paraît aujourd'hui en mesure d'être informée et de bénéficier d'un traitement ou d'un dispositif contraceptif, lequel est remboursé par la sécurité sociale lorsqu'il est délivré sur ordonnance (les personnes ne bénéficiant pas de prestations maladie assurées par un régime légal ou réglementaire pouvant être prises en charge par un centre de planification ou d'éducation familiale). S'agissant des mineures, il est toutefois exact que la rédaction actuelle de l'article 3 de la loi Neuwirth, codifié cette année sous l'article L. 5134-1 du nouveau code de la santé publique, n'exonère pas les médecins de recueillir le consentement des parents pour leur délivrer des contraceptifs hormonaux ou intra-utérins, quand bien même il n'en ont pas l'obligation expresse. En effet, l'article 371-2 du code civil donnant aux père et mère l'autorité pour protéger l'enfant dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, toute prescription médicale à un mineur devrait nécessairement être précédée de l'accord de l'un d'entre eux.

On ne peut nier que, globalement, notre législation a connu en près de vingt-cinq ans, par touches successives, des évolutions propres à faciliter le recours à la contraception. Pourtant, de récents indicateurs montrent que la situation est encore loin d'être satisfaisante.

B. DES STATISTIQUES PRÉOCCUPANTES

L'appréhension de l'étendue du recours à la contraception passe par deux séries d'indicateurs : la première est l'observation directe de l'utilisation des méthodes contraceptives par les femmes en âge de procréer, la seconde est indirecte, et consiste en l'analyse des données relatives aux interruptions volontaires de grossesse (IVG) lesquelles, comme le rappelle le professeur Israël Nisand dans son rapport sur l'IVG en France, remis en février 1999, "jouent essentiellement un rôle palliatif lors de l'échec de la contraception" .

1. Un recours à la contraception qui pourrait être plus large

Les informations générales les plus récentes concernant le recours à la contraception remontent à une enquête INED-INSEE de mars 1994. Reprises dans le rapport sur la mise en oeuvre par la France des recommandations du programme d'action de la quatrième conférence mondiale sur les femmes ("Pékin plus cinq", tenue en juin 2000 à New-York), elles démontrent que notre pays se caractérise par une utilisation de la contraception relativement large (deux femmes âgées de 20 à 44 ans sur trois). La pilule vient en tête, avec 37 % d'utilisatrices, la proportion étant maximale entre 20 et 24 ans (58 %) mais diminuant ensuite régulièrement. Le stérilet est utilisé par 16 % des femmes, avec un maximum entre 35 et 44 ans (27 %). Les autres méthodes n'occupent qu'une place restreinte : le préservatif (5 %) devance légèrement l'abstinence périodique (4 %), et le retrait, méthode traditionnelle des couples français jusque dans les années 60, n'est désormais déclaré que par 2,5 % d'entre eux (autres méthodes : 1 %).

En raison des nombreuses campagnes de sensibilisation sur les risques du Sida, on observe une large utilisation des préservatifs comme méthode temporaire au moment des premiers rapports, notamment chez les jeunes et les personnes ne vivant pas en couple : 87 % en 1998 contre 45 % en 1993 et seulement 8 % en 1987. Ce n'est que lorsque la relation amoureuse est stabilisée qu'est recherché un traitement contraceptif.

La grande majorité des femmes qui n'avaient pas recours à la contraception au moment de l'enquête de 1994 n'était pas pour autant exposées au risque d'une grossesse non désirée. Certaines (environ 4 %, mais 13 % des femmes de 40 à 44 ans et 22 % de celles âgées de 45 à 49 ans) avaient subi une opération stérilisante, dans un but contraceptif dans plus de deux tiers des cas, alors même que la stérilisation volontaire n'a pas, dans notre pays, de statut légal. D'autres se savaient ou avaient un compagnon stériles (7 %), étaient enceintes (4,5 %) ou cherchaient à concevoir (4 %) ou encore n'avaient pas de partenaire (10,5 %). Dès lors, on estimait à environ 3 % la proportion des femmes d'âge reproductif qui n'entraient dans aucune des catégories énumérées ci-dessus et qui affirmaient ne pas ou ne plus vouloir d'enfant.

Cependant, ces statistiques cachent des réalités plus préoccupantes, qui concernent le plus souvent les adolescentes, lesquelles n'ont pas été prises en compte par l'enquête de 1994. Ainsi, selon le professeur Michèle Uzan, auteur d'un récent rapport sur la prévention et la prise en charge des grossesses des adolescentes, 60 % des premiers rapports des mineures se dérouleraient sans contraception. En outre, si 87 % des jeunes (garçons et filles confondus, mineurs et majeurs) affirment, selon le baromètre Santé-Jeunes 1997-1998 du Comité français d'éducation pour la santé, utiliser le préservatif lors de leur premier rapport, beaucoup de jeunes filles déclarent y renoncer quand la relation devient "sérieuse", en raison de leur confiance dans leur partenaire à l'égard des maladies sexuellement transmissibles (MST), sans pour autant recourir à une méthode de contraception. Ce type de comportement démontre à l'évidence que si les campagnes d'information sur les risques de MST et surtout du Sida ont globalement été efficaces, elles ont aussi probablement parasité la compréhension qu'ont les jeunes gens et les jeunes filles du rôle contraceptif du préservatif et relégué au second plan la question du recours à des pratiques contraceptives plus systématiques et plus sûres.

Enfin, l'enquête INED-INSEE de 1994 peut également être analysée de manière critique, sur le plan tant quantitatif que qualitatif. Au plan quantitatif, on ne peut manquer d'observer qu'aux 3 % de femmes n'utilisant aucune contraception alors même qu'elles sont en situation de pouvoir procréer, il conviendrait d'ajouter les 7 % de celles qui pratiquent l'abstinence périodique ou le retrait pour définir une population à "risque de grossesse non désirée", tant il est vrai que ces deux méthodes sont extrêmement aléatoires et qu'elles préexistaient au dispositif législatif de 1967. On devrait en outre y ajouter une partie des 5 % de femmes qui ont exclusivement recours aux préservatifs, lesquels ne constituent pas non plus une protection que l'on peut qualifier de totalement sûre ( ( * )*). Au total, ce sont donc plus de 10 % des femmes de 20 à 44 ans, soit plus d'un million de femmes en âge et en situation de procréer qui, en France, ne sont pas protégées par une contraception efficace. Et si on y ajoute l'essentiel des jeunes filles de moins de 20 ans, le tableau s'assombrit encore.

De même on doit, même si cela s'avère plus délicat, apprécier ces données statistiques de manière qualitative, en cherchant à connaître quelles réalités sociologiques elles recouvrent. Or, toutes les études officielles (telles que celles, récentes, du professeur Israël Nisand et du professeur Michèle Uzan), tous les rapports des centres de planification ou d'éducation familiale, toutes les observations des associations (Mouvement français pour le planning familial [MFPF], Fil-santé-jeunes, Coordination des associations pour le droit à l'avortement et à la contraception [CADAC], Association nationale des centres d'interruption de grossesse et de contraception [ANCIC], etc ...) montrent que le taux de recours à des méthodes sûres et suivies de contraception est incontestablement lié au niveau d'éducation et d'insertion sociale. Selon le secrétariat d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, l'accès plus réduit des jeunes d'origine modeste à l'information sur la contraception et aux méthodes contraceptives est manifeste. Dès lors, il est évident que le non-recours à la contraception est essentiellement subi et non délibérément choisi par les intéressées en toute connaissance de cause.

2. Des interruptions volontaires de grossesses encore trop nombreuses

Ce constat est malheureusement corroboré par le nombre des IVG pratiquées en France. Une étude publiée en juin dernier par le ministère de l'emploi et de la solidarité révèle qu'il s'établissait en 1998 à 214 000. Inférieur certes à celui constaté entre 1975 et 1986 (250 000 par an en moyenne), il traduit cependant une reprise, constatée depuis 1996 (environ 200 000 IVG par an entre 1992 et 1995), et résulte pour l'essentiel d'une augmentation significative des IVG chez les femmes de 15 à 24 ans - le taux global le plus élevé concernant la classe d'âges 20-24 ans (24 %o) et le taux de progression le plus important la classe 18-19 ans (+ 26,7 %).

S'agissant des plus jeunes (mineures de 15 à 18 ans), les évolutions générales sont similaires : le nombre annuel des IVG a significativement diminué entre 1980 et 1995, passant de 7 300 à 5 640 (- 22,7 %), mais il a ensuite de nouveau augmenté pour s'établir en 1998 à 6 500. Cette même année, l'INED dénombrait 20 000 grossesses dans cette classe d'âge et le professeur Uzan estimait à environ la moitié le nombre de celles qui n'étaient pas désirées (ce que confirment Mmes Nathalie Bajos et Michèle Ferrand, chercheuses à l'INSERM, qui viennent de publier une étude sur la contraception et l'IVG en France, et pour lesquelles un nombre significatif des grossesses d'adolescentes qui n'ont pas donné lieu à une IVG étaient souhaitées, les parturientes étant souvent des jeunes femmes mariées).

Reste que la moitié des grossesses d'adolescentes ne sont pas désirées et que près des deux tiers d'entre elles se concluent aujourd'hui par un avortement, générateur de traumatisme et de douleur et bien piètre sésame pour entrer dans la vie adulte. Ces chiffres montrent que le dispositif actuel d'information sur la contraception ne fonctionne pas bien et que, comme l'exprime de manière passionnée le professeur Mention, chef de service à la maternité du CHU d'Amiens, récemment interviewé par Libération (4 octobre 2000), "c'est grave, ça veut dire qu'à l'école, au lycée, en famille, partout, personne ne fait son boulot. Aujourd'hui, c'est devenu un problème de société et un problème politique" .

A cet égard, après avoir rappelé que des travaux menés auprès de femmes adultes en 1995 (Serfaty) et 1997 (Kahn-Nathan) démontrent qu'entre 75 et 80 % des demandes d'IVG sont liées à un échec de contraception (dont 10 % seulement proviennent de méthodes reconnues comme sûres : pilule et/ou stérilet) et 20 à 25 % émanent de patientes sans contraception, le professeur Uzan signale que les proportions sont presque rigoureusement inverses chez les jeunes filles qui constituaient l'échantillon sur lequel s'est appuyé son rapport : 72 % d'entre elles n'avaient pas de contraception dans les trois mois ayant précédé l'IVG, 22 % avaient une contraception aléatoire et seulement 6 % n'avaient pas correctement suivi leur traitement oestro-progestatif (oubli de pilule).

Une dernière statistique, rapportée par Mme Michèle Uzan, mérite d'être citée : il s'agit du taux de répétition de l'IVG, dont les données de Serfaty montrent qu'entre 1980 et 1989, il est passé de 10 à 20 %. Bien qu'inférieur à celui d'autres pays européens, ce taux est important et, en lui-même comme dans son évolution, il constitue un indicateur pertinent des faiblesses actuelles de notre dispositif d'information et d'accès à la contraception.

C. L'INFORMATION ET L'ACCÈS AUX MÉTHODES CONTRACEPTIVES

Ces insuffisances ont été longtemps stigmatisées par les responsables associatifs et les personnels médicaux et médico-sociaux qui interviennent dans les domaines de la contraception et de l'avortement. En avril 1999, Mme Joëlle Brunerie-Kauffmann déplorait qu'aucune campagne d'information sur la contraception n'ait été menée auprès du grand public depuis celle de 1982-1983 engagée à l'initiative d'Yvette Roudy, alors ministre des droits de la femme, et s'indignait de la méconnaissance des femmes et des jeunes filles quant à leurs droits. En effet, dans le contexte sanitaire des années 1985-1995, tout l'effort informatif des pouvoirs publics s'est concentré sur la prévention du Sida et des maladies sexuellement transmissibles, limitant notamment le préservatif masculin à son seul rôle prophylactique.

1. La campagne d'information 2000 sur la contraception

Annoncée par le Premier ministre le 8 mars 1998, une campagne d'information a finalement été lancée par le Gouvernement le 12 janvier 2000 avec pour slogan "La contraception, à vous de choisir la vôtre" , et pour objectifs de réaffirmer l'importance de la contraception en l'associant à des valeurs "positives" (liberté, protection, responsabilité), sans culpabiliser les femmes en "échec de contraception", de lever les freins à l'utilisation de la contraception liés à certaines peurs ou a priori non fondés, d'améliorer et de développer l'information sur les différents moyens existants sans promouvoir une méthode privilégiée afin de favoriser les choix individuels, et enfin de permettre une meilleure connaissance des lieux, structures et points d'accueil où il est possible de se procurer l'information ou un moyen contraceptif.

Ayant pour cibles privilégiées les populations les plus vulnérables que sont les jeunes, les femmes en difficulté d'insertion sociale ou économique et les populations françaises d'outre-mer, la campagne avait pour message essentiel que, la contraception étant désormais une évidence, seul importait le choix, parmi la large gamme des méthodes et produits aujourd'hui disponibles, du moyen adapté à chaque situation. Une déclinaison a été spécialement adaptée aux départements d'outre-mer (DOM), compte tenu du déficit majeur d'information sur la contraception dans ces départements.

Dotée d'un budget de 24 millions de francs, cette campagne comportait des actions médias (spots télévisés et radiophoniques et parutions dans la presse magazine féminine et pour jeunes) et des dispositifs hors médias (une plate-forme téléphonique mise en place pour un an, des affichettes pour les professionnels de santé et qui pouvaient être apposées dans les locaux associatifs, les collèges et lycées, les services hospitaliers et de protection maternelle et infantile, les centres sociaux et les pharmacies, ainsi qu'un guide de poche sur la contraception diffusé à 12 millions d'exemplaires, dont 5 millions dans le courant de l'année 2000 aux élèves de 3 ème et aux lycéens).

Elle a été relayée par l'organisation, prévue sur toute l'année 2000, de plus d'un millier d'initiatives locales et d'actions de proximité, dont Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés, entendue par votre Délégation le 10 octobre dernier, s'est plu à souligner le caractère particulièrement innovant et original, en ce qui concerne tant leur public-cible (jeunes, gens du voyage, détenues, ...) que leur parfaite adaptation à ces publics (théâtre-forum interactif, jeux de société, concours d'affiches, ...).

A l'occasion de la réunion, le 14 septembre dernier, du comité de pilotage contraception-avortement ( ( * )*), la cinquième depuis 1998, le secrétariat d'Etat à la santé et aux handicapés a indiqué que la campagne avait partiellement atteint son but, en "créant un bon bruit de fond sur la contraception" . Lors de son audition, Mme Dominique Gillot a ainsi révélé que le post-test réalisé par l'institut BVA avait démontré la bonne visibilité d'ensemble de la campagne médias et son fort taux de mémorisation : 40 % des français interrogés (60 % chez les 15-25 ans et dans les DOM) ont déclaré avoir vu, lu ou entendu la campagne, les films ont été jugés utiles par 91 % d'entre eux, compréhensibles par 81 % et informatifs par 76 %. L'avis des experts et des responsables associatifs est cependant plus réservé, puisque Mme Nathalie Bajos, dans son évaluation réalisée au nom de l'INSERM, a estimé indispensable que les professionnels de santé consacrent davantage de temps à l'information de leurs patientes sur la contraception et soient mieux formés à aborder le sujet avec elles, tandis que Mme Danielle Gaudry, du Mouvement pour le planning familial, a relevé que "le numéro de téléphone mis à disposition dans cette campagne n'a pas eu un succès fou. Les actions locales ont eu du mal à démarrer. Bref, nous n'avons pas eu l'impression que la campagne ait touché beaucoup de monde" (Le Monde du 15 septembre 2000).

Du reste, au cours de la réunion, la ministre de l'emploi et de la solidarité s'est formellement engagée à ce que cette campagne soit reconduite dès l'an prochain (rediffusion des spots télévisés, réédition du guide de poche et poursuite de la valorisation et du soutien aux actions locales). De plus, comme l'a annoncé devant votre Délégation Mme Dominique Gillot lors de son audition, le Premier ministre, conscient de la nécessité de réitérer année après année l'information sur la contraception, notamment pour qu'elle puisse toucher les nouvelles générations d'adolescents, a accepté le principe d'une campagne régulière. Pour peu qu'un effort de visibilité plus grande l'accompagne, cette promesse devrait réjouir la plupart des intervenants concernés, comme Mme Yvette Roudy qui, dès l'été dernier, écrivait dans Libération (5 juillet 2000) que "l'information sur la contraception doit devenir permanente. En particulier à l'égard des très jeunes filles, qui se retrouvent de plus en plus fréquemment enceintes, faute d'avoir trouvé à leurs côtés les conseils et l'assistance auxquels elles ont droit. La campagne de sensibilisation du Gouvernement s'est avérée trop brève et trop discrète pour permettre la diminution du nombre de grossesses précoces. Aussi longtemps que la contraception ne sera pas intégrée à notre culture et dans nos écoles, nous aurons à déplorer encore trop d'IVG" .

2. L'éducation à la sexualité dans les établissements scolaires

L'évolution des mentalités ne passe pas seulement par des campagnes d'information grand public, aussi efficaces soient-elles. L'efficacité de ces dernières dépend directement de la capacité des personnes potentiellement concernées à comprendre le message. Or, pour le comprendre, encore faut-il avoir été formé. C'est à ce titre qu'il semble nécessaire de renforcer l'éducation à la santé et à la sexualité dans les établissement scolaires.

Dès 1996, une circulaire du ministère de l'éducation nationale rendait obligatoire, à raison de deux heures minimum, des séquences d'éducation à la sexualité pour les élèves de 4 ème et de 3 ème . En novembre 1998, les "orientations pour l'éducation à la santé à l'école et au collège" proposaient un développement de cette éducation tout au long de la scolarité des élèves, le collège constituant le temps essentiel avec l'introduction d'une nouvelle formule d'enseignement : les rencontres éducatives sur la santé. Réparties sur 30 à 40 heures obligatoires pour les quatre années du collège, ces rencontres ont pour ambition de développer les liens entre les notions scientifiques apportées par les enseignements et la vie quotidienne des élèves. Dans ce cadre, deux heures obligatoires d'éducation à la sexualité sont intégrées en priorité pour les élèves de 4 ème et de 3 ème . Aujourd'hui, plus du tiers des collèges ont mis en place ces séquences d'enseignement et un bilan complet sera réalisé par le ministère de l'éducation nationale en novembre 2000 (et rendu public en janvier 2001), ainsi que l'a annoncé M. Jack Lang dans une intervention consacrée, le 29 septembre dernier, à "l'éducation à la sexualité et à la prévention en matière de grossesses non-désirées".

A cette occasion, le ministre de l'éducation nationale a aussi souhaité ajouter au contenu biologique et scientifique, à la prévention des risques de santé et à la dimension affective et relationnelle de la sexualité, qui constituent les piliers de cette éducation à la sexualité, une orientation nouvelle, fondée sur la dimension culturelle et sociale de la sexualité, afin, en particulier, de prendre en compte la mixité et l'égalité entre les hommes et les femmes. Il a annoncé qu'un Bulletin officiel du ministère serait consacré en novembre prochain à cette orientation nouvelle et que le guide pédagogique intitulé "Repères pour l'éducation à la sexualité et à la vie" , conçu pour aider les personnels dans leur enseignement, bénéficierait d'une réédition, les 11 000 exemplaires distribués à la rentrée de septembre 2000 aux responsables académiques, au réseau de formateurs, aux I.U.F.M. et aux partenaires institutionnels et associatifs ayant suscité une très forte demande.

En outre, M. Jack Lang a présenté une initiative résultant d'un partenariat de long terme entre un laboratoire pharmaceutique, le ministère de l'éducation nationale et le Mouvement français pour le planning familial : la confection d'une mallette pédagogique destinée aux professionnels de santé et aux enseignants des classes de 3 ème et de 4 ème concernés par l'éducation à la sexualité, intitulée "Bonheur d'aimer" . Un comité d'utilisateurs, composé d'élèves et d'enseignants, devrait être chargé d'améliorer cet outil distribué dans tous les collèges afin, notamment, de permettre son adaptation au public des lycéens pour l'an prochain.

Votre Délégation se félicite qu'un certain nombre d'initiatives soient prises à l'intention des collégiens et des lycéens, car il est vrai que le problème révélé par l'importance du nombre des IVG (et particulièrement celles qui concernent les mineures) trouve ses racines dans la méconnaissance qu'ont les femmes, d'abord de leur corps et de leurs droits, ensuite de ce que sont la contraception, ses méthodes, ses effets. Or, plus cette méconnaissance est palliée tôt, plus la sexualité des filles leur appartient, et plus la lutte contre les grossesses non-désirées est efficace. A cet égard, le rapport de Mmes Bajos et Ferrand, de l'INSERM, constate qu'aux Pays-Bas, où l'enseignement à la santé (et donc à la sexualité) est abordé dès l'école primaire et où la sexualité des jeunes filles n'est pas réprouvée, les taux d'IVG sont les plus bas d'Europe (6,5 %o contre 15,4 %o en France), tout comme le rapport entre avortements et naissances (1/9 contre 1/3 en France) et le nombre des grossesses d'adolescentes - alors même que la législation relative à la contraception et aux interruptions volontaires de grossesse est extrêmement libérale dans ce pays (le délai légal d'intervention est de 22 semaines). Ces comparaisons donnent à réfléchir.

Votre Délégation tient en outre à souligner qu'il est également nécessaire, tant dans le cadre des campagnes publiques d'information que dans celui des séquences d'éducation à la sexualité, de favoriser l'intérêt des garçons et la prise de conscience de leurs responsabilités propres en matière de contraception et de prévention des grossesses non désirées.

III. ADAPTER LE DROIT ET LES COMPORTEMENTS AUX PROGRÈS SCIENTIFIQUES

En enrichissant la gamme des produits chimiques contraceptifs, l'apparition du NorLevo constitue une étape extrêmement importante de l'histoire de la contraception, qui peut toutefois conduire à une modification dangereuse des comportements si le recours à la contraception d'urgence est perçu comme un substitut aux traitements contraceptifs de long terme, dont il convient par conséquent de rappeler constamment l'intérêt essentiel.

Mais le recours à la contraception d'urgence doit néanmoins être pratique pour les utilisatrices, puisque l'efficacité du NorLevo est conditionnée, comme cela a déjà été précisé, à une utilisation très rapide après le rapport sexuel non protégé et susceptible d'entraîner une grossesse non désirée. L'étroitesse du délai rend difficile la consultation préalable d'un médecin pour obtenir une ordonnance, voire, dans certaines situations d'urgence, le déplacement en pharmacie lui-même.

C'est pourquoi le souci de permettre un accès facile et rapide à ce produit contragestif a conduit le Gouvernement à prendre deux sortes d'initiatives : sa mise en vente libre en 1999 et sa distribution d'urgence par les infirmières scolaires en 2000. Mais, faute d'avoir été précédée d'une adaptation du cadre légal, la faculté de délivrer du NorLevo dans les établissements scolaires a été censurée par le Conseil d'Etat. C'est dans ce contexte qu'est aujourd'hui envisagée la modification de l'article L. 5134-1 du nouveau code de la santé publique, les enseignements tirés de la mise en oeuvre pendant six mois des dispositions annulées ayant démontré le grand intérêt qu'elles présentaient pour les femmes et les jeunes filles.

A. LA VENTE ET LA DÉLIVRANCE DU NORLEVO

Quelques semaines après l'obtention de l'autorisation de mise sur le marché (16 avril 1999), la vente libre du NorLevo en pharmacie a été autorisée par un arrêté du 27 mai 1999 pris par M. Bernard Kouchner, alors secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale, sur proposition du directeur de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé et après avis tant de la commission compétente siégeant auprès de l'Agence que de l'Académie nationale de pharmacie. Directement permise par l'innocuité attestée de ce progestatif, cette décision de retrait de la liste des médicaments dont la délivrance est soumise à prescription médicale s'appuie sur un texte européen, la directive CEE n° 92-26 du 31 mars 1992, qui permet, dans les Etats-membres de l'Union, la délivrance sans prescription médicale de médicaments à usage humain ne comportant pas de contre-indication médicale.

1. Une demande importante et des difficultés pour certaines mineures

Si ce "délistage" décidé par M. Bernard Kouchner n'a pas été sans rencontrer certaines difficultés pratiques pendant quelques semaines - de nombreux pharmaciens, mal informés, ont refusé de délivrer le NorLevo sans ordonnance durant l'été 1999 -, la situation semble aujourd'hui satisfaisante.

Depuis juin 1999, plus de 500 000 boites de NorLevo ont été vendues ou distribuées et, actuellement, les ventes mensuelles avoisinent le chiffre de 50 000. Le NorLevo a presque totalement supplanté le second progestatif d'urgence actuellement disponible, le Tetragynon, alors même qu'il coûte environ six fois plus cher, puisque le Tetragynon, qui ne peut être délivré que sur ordonnance, est remboursé à 65 % par la Sécurité sociale (alors que le NorLevo ne l'est pas du tout), et que son prix de vente en pharmacie est au moins deux fois plus bas : 25,70 francs contre 58,40 francs (encore ne s'agit-il ici que du prix de vente conseillé par le laboratoire producteur ; rappelons à ce propos qu'au cours de l'été 2000, ce dernier a tenté de faire passer le prix de vente conseillé à 66,20 francs, mais que devant les réactions très hostiles que cette décision a déclenchées, et à la demande du Gouvernement, il y a renoncé).

Le NorLevo n'est pas simplement disponible en pharmacie. Conformément aux dispositions de la loi Neuwirth, il peut également être délivré, à titre gratuit, dans les centres de planification familiale. Cette possibilité offre déjà une latitude supplémentaire aux jeunes filles, mineures ou tout juste majeures, qui hésiteraient à acheter le contragestif dans une pharmacie, soit pour des raisons de coût, soit, notamment pour celles qui vivent en milieu rural ou dans de petites communes, pour des questions de discrétion (même si le respect, par les pharmaciens, de leur obligation de secret professionnel ne saurait être mis en doute).

Une telle faculté n'est toutefois pas suffisante, les centres de planification n'étant pas présents sur tout le territoire, et, de plus, de nombreuses jeunes filles n'en connaissent pas l'existence. Aussi a-t-il semblé opportun à Mme Ségolène Royal, alors ministre déléguée à l'enseignement scolaire, d'autoriser, dans certaines situation d'urgence, la délivrance de NorLevo aux collégiennes et aux lycéennes par les infirmières scolaires.

2. L'administration du NorLevo par les infirmières scolaires

Prise à l'occasion de la mise en place d'un "Protocole national sur l'organisation des soins et des urgences dans les écoles et les établissements publics locaux d'enseignement" , daté du 29 décembre 1999 et paru au BO du ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie du 6 janvier 2000, cette initiative visait à clarifier les modalités d'organisation des soins et des urgences dans les collèges et les lycées en définissant la liste des médicaments d'usage courant ou d'urgence pouvant être délivrés dans les infirmeries scolaires ainsi que les procédures d'intervention à mettre en oeuvre dans les situations médicales d'urgence. Dans ce cadre, un dispositif spécial concernait la prévention des grossesses précoces non désirées et permettait à l'infirmière ou au médecin, dans les cas d'extrême urgence et de détresse caractérisée, d'administrer le NorLevo.

Précédé d'une note d'information générale sur le contraceptif signée du directeur général de la santé, ce dispositif précisait explicitement, sous la forme d'une fiche, la marche à suivre, les démarches à respecter et les précautions à prendre lorsque l'infirmière scolaire se trouve confrontée à la demande d'une adolescente en détresse. A l'issue d'un entretien très approfondi avec cette dernière, au cours duquel sont examinées, de manière adaptée à l'âge de la jeune fille, les possibilités de prendre contact avec sa famille, de s'adresser au centre de planification familiale ou de se rendre en pharmacie, l'infirmière est autorisée, à titre exceptionnel, à administrer du NorLevo. Dans le cas d'une mineure, cette faculté n'est ouverte que "s'il existe une situation de détresse caractérisée" , dont l'appréciation est naturellement laissée à l'infirmière.

Celle-ci, dans tous les cas, doit établir un compte rendu écrit, daté et signé, de la délivrance du NorLevo, et assurer un suivi et un accompagnement, notamment psychologique, de l'adolescente. Il lui appartient, à ce titre, au-delà de son rôle de médiation entre l'élève et sa famille, d'encourager un suivi médical par le centre de planification, le médecin traitant ou un médecin spécialiste, et de préciser à la jeune fille que la contraception d'urgence ne peut en aucun cas remplacer la contraception habituelle.

3. Des résultats satisfaisants qui témoignent d'un grand sens des responsabilités des infirmières scolaires

L'instruction ministérielle du 6 janvier 2000 répondait au souci légitime d'aider les adolescentes en détresse, confrontées à une situation d'urgence que l'absence de dialogue familial et la méconnaissance des dispositifs existants rendaient jusqu'alors dramatique (et qui conduisaient presque systématiquement à une IVG).

Le bilan de six mois d'application du protocole (janvier-juin 2000) dans 22 académies permet d'observer que, sur 7 074 demandes de NorLevo de la part des élèves (4 720 mineures et 2 354 majeures), les infirmières scolaires l'ont délivré 1 618 fois (317 élèves de collège, 968 de lycée général et technologique et 333 de lycée professionnel). Dans tous les cas, qu'elle ait ou non délivré le NorLevo, l'infirmière a orienté l'élève vers le centre de planification familiale : 50 % des élèves ont été suivies par le centre, 39 % par l'infirmière, 8% par un médecin et 3 % par une assistante sociale.

Il semble ainsi que le protocole a été à la fois correctement suivi par les infirmières, avec une parfaite conscience professionnelle et un grand sens des responsabilités, et qu'il a été utile. Une preuve de son utilité réside dans la comparaison qu'on peut faire entre les chiffres globaux présentés ci-dessus et ceux propres à l'Académie de Paris : alors que le nombre moyen de demandes de NorLevo par académie s'élève à 321, celui de l'Académie de Paris (où le nombre d'élèves est pourtant important) n'est que de 216, soit inférieur de 50 % à la moyenne nationale ; bien plus, s'agissant de la délivrance de NorLevo, le nombre de plaquettes distribuées n'a été que de 16 à Paris, alors que la moyenne nationale par académie s'établit à 73,5 (4,6 fois plus !) ; enfin, en ce qui concerne le taux de réponses positives des infirmières par rapport aux demandes des élèves, il est de 22,9 % sur l'ensemble des 22 académies, et seulement de 7,5 % (exactement trois fois moins) dans celle de Paris. Tous ces indicateurs démontrent combien importante a pu être la mise en oeuvre du protocole national pour les jeunes filles qui ne bénéficient pas de la proximité d'officines de pharmacie ou de centres de planification aussi grande qu'à Paris.

4. Des efforts à accroître en matière d'effectifs et de formation des infirmières scolaires

Votre Délégation doit toutefois relever que ces résultats, s'ils indiquent une réelle demande de la part des élèves, ne permettent cependant ni de l'apprécier exactement, ni, a fortiori , de déterminer dans quelle mesure il y est répondu.

On connaît en effet le manque criant d'infirmières scolaires que connaissent nos établissements d'enseignement. Malgré la création de près de 600 postes ces trois dernières années, et la récente annonce de 150 emplois supplémentaires dans le budget 2001, le nombre des infirmières scolaires -elles étaient 6 100 à la rentrée 2000 - est encore très insuffisant et, dans de nombreux établissements, elles ne font qu'assurer des permanences à temps partiel, sur deux ou trois jours.

Au-delà des difficultés d'ordre général que génère cette situation préoccupante (le taux d'encadrement par infirmière est estimé en moyenne à une pour 2 020 élèves), il est évident qu'elle n'est pas de nature à favoriser le rôle d'écoute et de conseil auprès des jeunes filles en situation d'urgence ou de détresse que le protocole confère aux infirmières, et encore moins celui d'intervenant en matière de contraception d'urgence. C'est pourquoi il existe probablement une demande latente d'adolescentes qui, faute d'avoir été en mesure de rencontrer l'infirmière ou le médecin scolaire (ces derniers sont encore moins nombreux et moins présents dans les établissements scolaires) au moment opportun (notamment les lundis et jeudis matins), ne peuvent pas être entendues, conseillées, orientées ou aidées. Aussi votre Délégation demande qu'un effort plus significatif encore de recrutement d'infirmières scolaires soit entrepris ces prochaines années.

Il paraît également nécessaire de former les infirmières scolaires, au même titre que les enseignants qui interviennent dans le cadre des rencontres éducatives sur la santé, à ce dialogue complexe avec les élèves en matière de sexualité. Au-delà du réseau national des 200 personnes-ressources (sages-femmes et médecins hospitaliers notamment) mis en place par le ministère de l'éducation nationale pour animer et organiser des stages de formation d'équipes dans les établissements volontaires ayant mis en oeuvre des séquences d'éducation à la sexualité auprès des élèves, au-delà de la formation de quatre jours suivie jusqu'à présent par 5 000 personnels de l'éducation nationale, il convient de permettre aux infirmières scolaires d'être en mesure de répondre aux attentes et aux besoins des jeunes filles qui sont le plus en difficulté, dans un contexte très difficile où l'approche psychologique est essentielle.

Les enseignements initiaux ou les modules de formation permanente proposés à ces personnels doivent être adaptés aux enjeux, et pourraient être délivrés dans le cadre des I.U.F.M., de manière à ce que les enseignants chargés des séquences d'éducation à la sexualité et les infirmières scolaires tiennent aux élèves, chacun dans leur cadre d'intervention respectif, un discours identique. En outre, on ne peut que recommander une meilleure intégration des infirmières scolaires dans les équipes pédagogiques des établissements, ce qui répondrait d'ailleurs à leur voeu, comme l'a rappelé lors de son audition par votre Délégation Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

B. LA NÉCESSAIRE ADAPTATION DU CADRE LÉGAL

Dans un arrêt d'assemblée du contentieux du 30 juin 2000, le Conseil d'Etat a annulé, à la demande de diverses associations de défense de la famille et de lutte contre l'avortement, de parents et de professionnels de santé, les dispositions du protocole national relatives à la contraception d'urgence. Il a en effet estimé qu'elles méconnaissaient les termes de l'article 3 de la loi du 28 décembre 1967 modifiée soumettant la délivrance des contraceptifs hormonaux à une double contrainte : la prescription médicale et la vente en pharmacie.

Ce faisant, la Haute Juridiction n'a pas fait siens les arguments du Gouvernement, ni celui qui tendait à faire prévaloir sur les dispositions de la loi Neuwirth les termes de la directive européenne n° 92-26 CEE, applicable en France et qui ne soumet à prescription médicale que les médicaments susceptibles de présenter un danger, ni celui qui se fondait sur le décret du 15 mars 1993 relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la profession d'infirmier pour démontrer qu'un rôle en matière d'urgence est déjà reconnu aux infirmières scolaires. On peut toutefois noter qu'elle n'a pas non plus retenu l'un des moyens soulevés par les requérants selon lequel le dispositif de la circulaire du 29 décembre 1999 contrevenait aux règles de l'autorité parentale définies par le code civil.

Cette décision du Conseil d'Etat a donc rendu caduque la partie du protocole national relative à la contraception d'urgence. Mais, en lui déniant toute base légale, elle a également fragilisé l'arrêté du 27 mai 1999 du secrétaire d'Etat à la santé autorisant la vente libre de NorLevo en pharmacie, lequel a d'ailleurs fait également l'objet d'un recours actuellement en cours d'instruction. C'est dire la nécessité de procéder à une rapide adaptation de l'article L. 5134-1 du nouveau code de la santé publique, conformément à ce qu'envisage l'article unique de la proposition de loi adoptée le 5 octobre dernier par l'Assemblée nationale, qui l'a complété par deux alinéas nouveaux.

1. Le dispositif de la proposition de loi

Le premier alinéa déroge à l'obligation de délivrer les contraceptifs hormonaux sur prescription médicale pour les "médicaments ayant pour but la contraception d'urgence et non susceptibles de présenter un danger pour la santé dans les conditions normales d'emploi" . Ainsi, toutes les femmes pourront désormais se procurer en pharmacie, sans ordonnance, tous les produits contraceptifs hormonaux et intra-utérins d'urgence qui auront été "délistés" par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé parce qu'ils ne présentent pas de contre-indication médicale. Dans l'état actuel des connaissances scientifiques, seul le NorLevo répond à cette caractéristique, le Tetragynon contenant des oestrogènes. La formule "dans les conditions normales d'emploi" n'est pas sans importance puisque le recours répété au NorLevo comme méthode contraceptive est notamment susceptible, comme l'a rappelé l'Académie nationale de médecine dans un communiqué du 7 mars 2000 exprimant son intérêt pour le protocole national sur l'organisation des soins et des urgences dans les écoles et les établissements publics locaux d'enseignement, "d'entraîner des perturbations du cycle menstruel telles que des grossesses non désirées risquent de survenir" . Votre Délégation souligne que cette mise en garde devrait être largement diffusée afin qu'il soit bien compris que la contraception d'urgence ne peut en aucun cas faire office de contraception permanente.

Ce premier alinéa est donc essentiel en ce qu'il tient compte des progrès scientifiques accomplis depuis plus de trente ans, anticipe ceux qui pourront être faits dans l'avenir, rend la loi Neuwirth compatible avec les dispositions de la directive européenne du 31 mars 1992 et, enfin, confère une base légale à l'arrêté du 27 mai 1999 autorisant la vente libre du NorLevo en pharmacie.

Le second alinéa permet la prescription et la délivrance de ces contraceptifs aux mineures désirant garder le secret, ainsi que leur administration tant aux mineures qu'aux majeures par les infirmières en milieu scolaire. L'exonération explicite de l'autorisation parentale pour les mineures désirant garder le secret, qui existait déjà depuis 1974 pour tous les contraceptifs dès lors qu'ils sont prescrits par le médecin d'un centre de planification ou d'éducation familiale, est une disposition qui se distingue de celle de 1974 sur deux points.

D'une part, le champ des produits est plus étroit, puisque seuls sont visés certains contraceptifs d'urgence. Ainsi, pour les mineures, la délivrance d'un traitement contraceptif de long terme sans le consentement parental ne peut avoir lieu qu'à l'issue d'une consultation dans un centre de planification familiale. Dans l'état actuel du droit positif, il est ainsi essentiel que tout soit fait pour qu'en cas d'absence de dialogue dans le cadre familial, constatée par les travailleurs sociaux ou les personnels médico-sociaux en milieu scolaire, les jeunes filles qui ont eu recours à la pilule du lendemain soient orientées vers un médecin de centre de planification pour que leur soit éventuellement ouvert l'accès à un traitement contraceptif régulier, plus sûr en termes d'efficacité. Pour autant, votre Délégation ne peut manquer d'évoquer la question de l'exonération générale de l'autorisation parentale pour la prescription médicale de contraceptifs aux mineures. Elle estime que, si l'objet restreint de la présente proposition de loi ne se prête pas à l'examen de cette question, il sera en revanche nécessaire d'y réfléchir à l'occasion de la prochaine adaptation des législations de 1967 et de 1975 sur la contraception et l'avortement.

D'autre part, le champ des prescripteurs est plus large, puisque tous les médecins autres que le médecin de centre de planification sont désormais concernés, qu'il s'agisse d'un généraliste (le médecin de famille ou tout autre), d'un gynécologue ou du médecin scolaire. S'agissant de ce dernier, en effet, le code de déontologie médicale applicable aux médecins de prévention assurant leur service de médecine pour le compte d'une collectivité lui interdit en principe la prescription de soins curatifs "sauf cas d'urgence ou prévu par la loi" . La formule "médicament ayant pour but la contraception d'urgence" figurant à l'alinéa précédent a par conséquent explicitement pour objet de lui autoriser la prescription et la délivrance de ce type de produit.

En ce qui concerne par ailleurs l'administration du contragestif d'urgence par les infirmières en milieu scolaire, il convient de relever qu'à l'initiative de Mme Hélène Mignon, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, cette faculté, limitée aux mineures par le texte initial de la proposition de loi, a été étendue au majeures. En effet, la circulaire du 29 décembre 1999 autorisait les infirmières scolaires à délivrer du NorLevo aux élèves tant mineures que majeures. Adopter un texte législatif plus restrictif aurait été difficilement compréhensible, d'autant que l'une des motivations du dispositif retenu par Mme Ségolène Royal avait été l'inégale facilité d'accès aux pharmacies des adolescentes majeures devant recourir au NorLevo de manière urgente, compte tenu des délais d'efficacité du produit.

2. Le renforcement du dispositif d'accompagnement en milieu scolaire

Votre Délégation souscrit pleinement à ces dispositions et reconnaît la nécessité de l'urgence sur cette proposition de loi. En effet, depuis la décision du Conseil d'Etat du 30 juin dernier, il existe tout à la foi un vide juridique préjudiciable à l'intérêt de nombreuses jeunes filles et un risque potentiel d'annulation de l'arrêté du 27 mai 1999 susceptible, lui, de porter atteinte aux intérêts de toutes les femmes.

Certes, par une instruction du 28 septembre 2000, le ministre de l'éducation nationale a défini un dispositif d'aide et d'accès à la contraception d'urgence qui, sans pouvoir être aussi utile que la circulaire du 29 décembre 1999 faute de base légale, a néanmoins pour double objectif d'aider à la prise en charge des situations les plus urgentes, dans l'attente de l'adoption de la proposition de loi, et d'instituer des mécanismes permanents de conseil et d'orientation des élèves en matière de contraception d'urgence. Articulé sur trois niveaux, ce dispositif comprend :

- un groupe de pilotage académique, placé sous la responsabilité du recteur et chargé, en relation avec la direction régionale de l'action sanitaire et sociale et la délégation régionale aux droits des femmes, de mettre en oeuvre une politique d'éducation à la sexualité ;

- l'établissement et la communication aux établissements scolaires par l'inspection d'académie, en liaison avec la direction départementale des affaires sanitaires et sociales et le conseil général, de la liste des centres de planification familiale, des médecins travaillant avec ces centres et de toutes les ressources hospitalières et sanitaires disponibles dans le département ;

- la fixation, par chaque chef d'établissement scolaire, des modalités pratiques d'accueil, de prise en charge et de suivi des adolescentes, qui devront notamment comprendre toutes les informations pratiques nécessaires (adresses, jours et horaires d'ouverture des centres de planification les plus proches, coordonnées des médecins rattachés à ces centres et conditions de leurs interventions) et qui seront inscrites dans le règlement intérieur et portées à la connaissance de tous les élèves et de leurs familles.

Ce dispositif devant donner à toute élève la possibilité d'avoir accès au centre de planification familiale le plus proche, un accord de principe concernant l'autorisation de sortie de l'établissement devra donc être donné en début d'année par le chef d'établissement à l'infirmière. Des modalités d'accompagnement par un adulte seront définies pour tenir compte de l'âge des élèves et de l'éloignement du centre et, si l'éloignement ou les horaires rendent inutile un déplacement, le médecin travaillant avec le centre de planification sera sollicité. Dans ce cas, l'établissement scolaire passera avec lui une convention d'honoraires, qui sera soumise au conseil d'administration, les fonds sociaux pouvant dans certains cas être utilisés.

3. La période critique des vacances scolaires

Reste qu'il est apparu, au cours des travaux de votre Délégation, que ni la présente proposition de loi, ni le dispositif mis en place par le ministère de l'éducation nationale n'offrent de réponse adaptée aux difficultés que pourraient éventuellement rencontrer les adolescentes pendant la période des vacances scolaires. Or, les risques de grossesse non désirée sont alors particulièrement importants et rendent nécessaire un effort d'imagination de la part des pouvoirs publics pour les prévenir de manière efficace.

Si, comme l'a rappelé Mme Ségolène Royal lors de son audition, la vente libre du NorLevo en pharmacie dispense de prévoir juridiquement qu'il puisse être administré aux jeunes filles par tel ou tel adulte (les infirmières scolaires mais aussi, par exemple, les différents personnels d'encadrement des centres de vacances ou d'autres structures d'accueil pour les adolescents), il pourrait être cependant opportun, par souci pédagogique, de faciliter explicitement cette hypothèse. Dans le même ordre d'idée devrait être examinée la possibilité pour les services hospitaliers d'urgence, qui sont ouverts 24 heures sur 24, de délivrer gratuitement, à l'instar des centres de planification, la pilule du lendemain aux jeunes filles, mineures et majeures, qui en feraient la demande.

En tout état de cause, votre Délégation est favorable à toute initiative, qu'elle relève ou non du domaine de la loi, qui aura pour double ambition de diminuer le nombre des grossesses non désirées et, par conséquent, celui des IVG, en particulier chez les jeunes filles, et de rendre les femmes plus autonomes, et donc plus responsables, vis-à-vis de la maîtrise de leur sexualité et de leur fécondité.

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RECOMMANDATIONS ADOPTÉES PAR LA DÉLÉGATION

Convaincue de la nécessité qu'il y a de diminuer le nombre des grossesses non désirées et, par conséquent, celui des IVG, qui demeurent encore considérables dans notre pays (en particulier en ce qui concerne les jeunes filles, alors même que le recours à la contraception a été libéralisé il y a plus de trente ans et que des progrès scientifiques significatifs ont été accomplis en la matière depuis lors), votre Délégation est favorable au dispositif de la présente proposition de loi relative à la contraception d'urgence.

Sur un plan global, elle estime indispensable de favoriser toujours plus l'information en général, et celle des adolescentes et adolescents en particulier, sur les droits en matière de contraception, sur les méthodes contraceptives, ainsi que sur les structures d'accueil et les professionnels qui peuvent faciliter les démarches à entreprendre. Elle considère que les pouvoirs publics se doivent de délivrer un puissant message en direction des familles afin qu'elles fassent preuve d'une meilleure écoute et d'une plus grande compréhension à l'égard de leurs enfants : l'essentiel des situations de détresse résulte d'une absence de dialogue dans le cadre familial en ce qui concerne la sexualité, et l'amélioration durable de la situation ne saurait être obtenue sans l'établissement d'un tel dialogue.

Quant à l'efficacité de la présente proposition de loi, votre Délégation considère qu'elle ne pourra être obtenue que dans la mesure où :

- les médecins scolaires seront pleinement associés aux dispositifs mis en oeuvre dans les établissements ;

- des moyens supplémentaires en personnels (infirmières, notamment) et en crédits budgétaires (en particulier, pour la formation initiale et permanente de tous les intervenants éducatifs et médico-sociaux) seront dégagés pour faire vivre les différentes initiatives prises ces dernières années en matière d'éducation à la sexualité et d'accompagnement des situations d'urgence ;

- de véritables partenariats seront favorisés entre les établissements scolaires et les centres de planification ou d'éducation familiale ;

- des solutions adaptées seront recherchées pour permettre aux jeunes filles en situation d'urgence ou de détresse d'accéder rapidement et facilement à la contraception d'urgence, notamment pendant les périodes de vacances scolaires.

Enfin, des bilans devront être régulièrement effectués en ce qui concerne tant l'application du présent dispositif législatif que le respect, par les autorités scolaires, des instructions ministérielles relatives à la politique d'éducation à la sexualité.

EXAMEN PAR LA DÉLÉGATION

Sous la présidence de Mme Dinah Derycke , la Délégation a examiné, le mardi 24 octobre 2000, le rapport d'information de Mme Janine Bardou , sur la proposition de loi n° 12 (2000-2001), adoptée par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relative à la contraception d'urgence.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

Après avoir approuvé tant les termes du rapport d'information que ses propositions de recommandations, M. Lucien Neuwirth , rapporteur pour la commission des affaires sociales , a estimé que le texte de la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale était incomplet pour parvenir aux objectifs recherchés et indiqué qu'il proposerait à ses collègues de la commission des affaires sociales des amendements pour répondre à quatre types de problèmes : les périodes de vacances scolaires, le coût du NorLevo, qui peut être dissuasif pour les mineures, l'absence de référence au protocole national dans la loi, et l'accompagnement psychologique et le suivi médical des adolescentes.

Mme Danielle Pourtaud a relevé que le chiffre des ventes mensuelles du NorLevo (50 000) montrait que la contraception d'urgence répondait à un véritable besoin, et s'est félicitée du sens des responsabilités manifesté par l'Ordre des pharmaciens qui a autorisé la poursuite de la vente malgré le vide juridique créé par l'arrêt du Conseil d'Etat. Elle a déclaré à son tour souscrire aux propositions de recommandations présentées par Mme Janine Bardou , rapporteur , évoquant en particulier la nécessité de renforcer la présence, et donc le nombre, des infirmières scolaires, et d'améliorer la formation de l'ensemble des intervenants en milieu scolaire afin d'aider efficacement les adolescents qui ne bénéficient pas d'une écoute suffisante au sein de leur famille. Insistant sur le fait que la proposition de loi visait à répondre à des situations d'urgence et de détresse et non à l'utilisation du NorLevo comme un contraceptif régulier, elle a jugé nécessaire de trouver des réponses adaptées aux problèmes de vacances scolaires et de coût soulevés par M. Lucien Neuwirth , rapporteur pour la commission des affaires sociales .

M. Michel Dreyfus-Schmidt a dit que l'intérêt qu'il portait au problème de la contraception était ancien et rappelé que son père avait cosigné la première proposition de loi relative au contrôle des naissances en 1956, lui-même ayant participé aux débats de la loi de 1967 rapportée par M. Lucien Neuwirth. Il a ensuite suggéré plusieurs amendements rédactionnels aux propositions de recommandations et demandé que l'on insiste sur la nécessité de favoriser toujours plus l'information sur la contraception - en général, et en particulier à destination des adolescentes et adolescents.

M. Francis Giraud a estimé que la dispense d'autorisation parentale pour la délivrance de la contraception d'urgence aux mineures pouvait poser des problèmes lorsqu'il s'agissait des plus jeunes d'entre elles. Puis, se fondant sur son expérience personnelle de médecin, il a mis en garde contre les dangers de banalisation, et partant d'effets pervers en termes d'objectifs sanitaires, que pourrait présenter la vente libre du NorLevo.

Mme Gisèle Printz a jugé au contraire les risques d'abus minimes et souligné que les femmes faisaient preuve de responsabilité en matière de contraception. Elle s'est par ailleurs interrogée sur la prise en charge financière du NorLevo pour les établissements scolaires.

Mme Odette Terrade a estimé la gratuité de la contraception d'urgence, ou au moins la faiblesse de son coût, essentielle pour la rendre accessible aux jeunes filles les plus défavorisées, qui sont celles qui à la fois en ont le plus besoin et rencontrent le plus de contraintes. Elle a approuvé les recommandations proposées par Mme Janine Bardou , rapporteur , en particulier en ce qui concerne les périodes de vacances scolaires, les moyens en personnels, la formation et la concertation des équipes pédagogiques. Contestant l'idée d'une banalisation de la contraception d'urgence, elle a considéré que la meilleure riposte en la matière était en tout état de cause l'information sur la contraception, qu'il convenait d'améliorer.

Mme Odette Terrade a par ailleurs fait valoir que, pendant les six mois d'application du protocole national, toutes les adolescentes à qui des infirmières scolaires avaient délivré du NorLevo avaient ensuite été dirigées vers des médecins ou des centres de planification. Puis elle a fait également observer que les parents d'élèves, d'abord réticents vis-à-vis de la contraception d'urgence, y étaient désormais favorables pour les deux tiers d'entre eux, d'après un sondage réalisé cet été.

M. Serge Lagauche a dit à son tour qu'il approuvait le rapport d'information et les propositions de recommandations, en regrettant toutefois que ces dernières ne traduisent pas plus expressément la nécessité d'associer les hommes et les jeunes gens à la prise en charge de la contraception. Cette nécessité ayant été également soulignée par Mme Gisèle Printz, MM. Michel Dreyfus-Schmidt et Claude Domeizel , et Mme Janine Bardou , rapporteur , ayant dit qu'elle figurait dans son rapport, des amendements en ce sens ont été adoptés au texte des recommandations de la Délégation. M. Serge Lagauche a par ailleurs critiqué le terme de " détresse " utilisé dans celui-ci.

Après avoir approuvé les différents amendements suggérés par ses collègues, Mme Janine Bardou , rapporteur , a redit que la contraception d'urgence ne devait en aucun cas tenir lieu de méthode courante de contraception, sa banalisation étant porteuse de dangers pour les utilisatrices. Elle a constaté, pour le regretter, que plus de trente ans après la loi de 1967, les connaissances de nos concitoyens en matière de contraception étaient encore extraordinairement lacunaires, et estimé, par conséquent, que le problème de fond était celui de leur information.

Se félicitant du consensus qui se dégageait au sein de la Délégation sur la proposition de loi, Mme Dinah Derycke , présidente , a déclaré ne pas craindre la banalisation de la contraception d'urgence, en estimant que les couples ont recours pour ce qui les concerne à des méthodes de contraception classiques et qu'une sexualité plus irrégulière s'accompagnerait d'un recours au contraceptif d'urgence lui-même épisodique. Elle a considéré que la récente campagne d'information sur la contraception témoignait d'un renouveau dans la volonté d'informer les femmes, les hommes et les adolescents, qui ne s'était pas manifestée depuis trop longtemps. A cet égard, elle a relevé qu'on pouvait difficilement accuser les mères de ne pas suffisamment informer leurs filles, dès lors qu'elles-mêmes ne l'étaient pas. Après avoir insisté, parmi les recommandations, sur l'indispensable partenariat entre les établissements scolaires et les centres de planification ou d'éducation familiale, elle a conclu en estimant que l'annulation par le Conseil d'Etat de la partie du protocole national relative à la contraception d'urgence avait finalement servi la cause des femmes en provoquant un débat utile qui débouchait sur un consensus au sein de la Délégation.

La Délégation a ensuite approuvé à l'unanimité le rapport de Mme Janine Bardou ainsi que ses propositions de recommandations modifiées.

ANNEXES

- Annexe n° 1 : Lettre de saisine du président de la commission des affaires sociales.

- Annexe n° 2 : Compte rendu de l'audition de Mme Ségolène Royal , ministre délégués à la famille et à l'enfance, et de Mme Dominique Gillot , secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.

ANNEXE N° 1

LETTRE DE SAISINE DU PRÉSIDENT
DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES


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COMMISSION
DES AFFAIRES SOCIALES

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Paris, le 4 octobre 2000

LE PRÉSIDENT

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Réf. : S/2000.679/1

Madame la Présidente,

Suite à votre lettre du 2 octobre, j'ai l'honneur de vous confirmer qu'au cours de sa réunion du mercredi 4 octobre, la commission des Affaires sociales a décidé de saisir la délégation aux droits des femmes et à l'égalité professionnelle sur la proposition de loi n° 2567, en instance d'examen à l'Assemblée nationale, relative à la contraception d'urgence.

Aussi, conformément aux dispositions du paragraphe III de l'article 6 septies de l'ordonnance n° 58-11000 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, sans préjudice des compétences de la commission des Affaires sociales saisie au fond de cette proposition de loi, la commission souhaite-t-elle recueillir votre avis sur les conséquences de cette proposition de loi sur les droits des femmes et sur l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Je vous indique que cette proposition de loi devrait être inscrite par le Gouvernement à l'ordre du jour prioritaire des travaux du Sénat le mardi 31 octobre après-midi et examinée par la commission des Affaires sociales sur le rapport de M. Lucien Neuwirth, le mercredi matin 25 octobre.

Madame Dinah DERYCKE

Président de la délégation parlementaire

aux droits des femmes et à l'égalité

des chances entre les hommes et les femmes

PALAIS DU LUXEMBOURG

Jean DELANEAU

ANNEXE N° 2

COMPTE RENDU DE L'AUDITION DE
MME SÉGOLÈNE ROYAL,
MINISTRE DÉLÉGUÉE À LA FAMILLE ET À L'ENFANCE,
ET DE MME DOMINIQUE GILLOT,
SECRÉTAIRE D'ÉTAT À LA SANTÉ ET AUX HANDICAPÉS

Mardi 10 octobre 2000 - Présidence de Mme Dinah Derycke, présidente.

La délégation a, tout d'abord, procédé à l' audition de Mme Ségolène Royal , ministre déléguée à la famille et à l'enfance , et de Mme Dominique Gillot , secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés , sur la proposition de loi n° 12 (2000-2001), adoptée par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relative à la contraception d'urgence .

En introduction, Mme Dominique Gillot , secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés , a souhaité présenter le contexte global dans lequel était aujourd'hui examinée la question de la contraception d'urgence. Elle a ainsi rappelé la persistance, en France, malgré les lois Neuwirth de 1967 et Veil de 1975, d'un nombre important de grossesses non désirées et d'un taux élevé de recours à l'interruption volontaire de grossesse (IVG) : on compte, chaque année, plus de 200 000 IVG, de 10 000 grossesses non désirées chez les mineures dont 7 000 aboutissent à une IVG, et plus de 5 000 femmes, au-delà du délai légal de 10 semaines, partent avorter hors de France. Ce constat, confirmé par les rapports des professeurs Uzan et Nizand, a conduit le Gouvernement à annoncer, en juillet 1999, un plan d'action destiné à faire progresser l'accès à la contraception et à l'IVG. Mme Dominique Gillot a précisé que ce plan d'action, bâti autour de trois axes, visait à développer une politique active en matière de contraception pour mieux prévenir les grossesses non désirées, à rendre plus effectifs les droits existant en matière d'IVG (information et accès à l'IVG, notamment à l'hôpital public) et enfin, à préparer une éventuelle révision de la loi Veil.

Dans ce cadre, une vaste campagne d'information sur la contraception, la première depuis près de 20 ans, a été lancée en janvier 2000, dont Mme Dominique Gillot a présenté les caractéristiques essentielles. Un budget de plus de 20 millions de francs lui a été consacré avec une cible privilégiée, les populations les plus vulnérables -les jeunes, les femmes en difficulté d'insertion sociale ou économique et les populations françaises d'outre-mer- et un message diffusé par les médias audiovisuels ( "La contraception, à vous de choisir la vôtre" ), signifiant que la contraception est désormais une évidence, et invitant à choisir le moyen adapté à chaque situation. Une déclinaison a été spécialement adaptée aux DOM compte tenu du déficit majeur d'information sur la contraception dans ces départements. En relais de la campagne médias, plus d'un millier d'initiatives locales ont été organisées sur toute l'année 2000 et un guide de poche sur la contraception a été diffusé à 12 millions d'exemplaires, notamment dans les collèges et les lycées. Selon la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés, le bilan de cette campagne est globalement satisfaisant :

- le post-test réalisé par l'institut BVA démontre sa bonne visibilité d'ensemble et son fort taux de mémorisation : 40 % des Français interrogés (60 % chez les 15-25 ans et dans les DOM) déclarent avoir vu, lu ou entendu la campagne, les films ayant été jugés utiles par 91 % d'entre eux, compréhensibles par 81 % et informatifs par 76 % ;

- le guide de poche a rempli son rôle d'outil privilégié de la campagne : il a servi de support à la mobilisation des partenaires locaux et à l'organisation d'actions de proximité, dont beaucoup se sont avérées particulièrement innovantes et originales, tant en ce qui concerne leur public-cible (jeunes, gens du voyage, détenues, ...) que leur particulière adaptation à ces publics (théâtre-forum interactif, jeux de société, concours d'affiches, ...).

Une évaluation menée par une équipe de l'INSERM, a poursuivi Mme Dominique Gillot , indique cependant qu'au-delà de cette campagne médias, qui a permis de replacer la contraception au centre du débat public, et des actions de terrain qui l'ont relayée, l'utilisation efficace de la contraception -quelle contraception choisir à quel moment ?- suppose de mettre l'accent sur la formation des professionnels chargés de la prescrire et un changement de mentalité des personnels sociaux et éducatifs vis-à-vis des problèmes de responsabilité sexuelle et de contraception.

Mme Dominique Gillot a conclu sur ce point en annonçant que l'effort serait continu, que le Gouvernement avait décidé de rediffuser, d'ici l'été 2001, les spots télévisés, de rééditer le guide de poche et de poursuivre la valorisation et le soutien aux initiatives locales, et que le Premier ministre, conscient de la nécessité de réitérer année après année l'information sur la contraception, notamment pour qu'elle puisse toucher de nouvelles générations d'adolescents, avait accepté le principe d'une campagne régulière.

Une autre priorité, a poursuivi Mme Dominique Gillot , est de faciliter l'accès de toutes les femmes à l'ensemble des contraceptifs disponibles sur le marché. C'est à ce propos qu'elle a abordé la question de la contraception d'urgence, laquelle est apparue il y a quelques mois avec les premières pilules du lendemain, le Tetragynon et le NorLevo. Elle a rappelé que Mme Ségolène Royal avait autorisé, au début de l'année 2000, les infirmières scolaires à administrer le NorLevo aux adolescentes qui s'adressaient à elles en situation de détresse et qu'après que la partie du protocole national sur l'organisation des soins et des urgences dans les écoles et les établissements publics locaux d'enseignement, où figurait cette autorisation, eut été annulée par le Conseil d'Etat le 30 juin dernier, le Gouvernement avait apporté son soutien à la proposition de loi de Mme Danièle Bousquet.

Elle a également mis en avant l'intervention de la ministre de l'emploi et de la solidarité, qui a convaincu le laboratoire qui commercialise le NorLevo de renoncer à la brutale hausse de 20 % du prix de vente en pharmacie qu'il avait décidée, et de rétablir le prix antérieur (55 francs par plaquette de deux comprimés). Elle a par ailleurs indiqué que le prix de vente du stérilet avait été fixé le 29 août dernier à un maximum de 144 francs, avec un taux de remboursement par la sécurité sociale de 65 % (100 % pour les bénéficiaires de la CMU), ce qui a permis de ramener à 50 francs environ le coût, pour les femmes, de ce moyen contraceptif, jusqu'alors pénalisé par son prix. Elle a enfin annoncé que le Comité économique des produits de santé avait entrepris les négociations nécessaires avec les laboratoires producteurs d'une pilule générique de troisième génération pour que son prix de vente soit compatible avec sa prise en charge par la sécurité sociale, et que sa mise sur le marché devrait intervenir au cours du premier trimestre de l'année 2001.

S'agissant de la proposition de loi relative à la contraception d'urgence, Mme Dominique Gillot a indiqué que son article unique introduisait, en faveur du NorLevo, trois exceptions à la législation actuelle sur la contraception.

La première exception conduit à dispenser la délivrance du contraceptif d'urgence de prescription médicale, ce qui correspond, a souligné Mme Dominique Gillot , à un début de démédicalisation de la contraception dans l'attente d'une révision d'ensemble de la loi de 1967, qui confère aux contraceptifs un statut particulier, devenu inutile avec la législation d'ensemble sur les médicaments. Rappelant que toutes les études démontrent que plus l'accès à la contraception est libre, plus les femmes s'approprient la responsabilité de son contrôle, moins il y a d'IVG, Mme Dominique Gillot a ajouté que l'intérêt de mettre en conformité avec le droit commun du médicament les conditions d'accès au NorLevo, contraceptif d'urgence ne présentant pas de contre-indication médicale, n'était pas seulement d'éviter les délais liés à l'obligation de prendre rendez-vous chez un médecin, mais aussi de rendre les femmes plus autonomes, et donc plus responsables vis-à-vis de la maîtrise de leur sexualité et de leur fécondité.

Abordant les deux autres exceptions introduites par la proposition de loi - l'accès libre des mineures au NorLevo et son administration par les infirmières en milieu scolaire -, Mme Dominique Gillot a présenté les arguments au nom desquels le Gouvernement les approuve. L'objectif prioritaire est de faire reculer le nombre des grossesses non désirées chez les jeunes adolescentes, particulièrement vulnérables en raison de leur grande fertilité et de leur faible connaissance des risques encourus, lors de leurs premières relations sexuelles. Elle a justifié la faculté accordée aux infirmières d'administrer le NorLevo aux adolescentes dans les établissements scolaires par les conditions relatives à l'efficacité de ce contraceptif, laquelle est d'autant plus grande qu'il est pris précocement après un rapport sexuel non protégé (95 % de succès dans les 24 premières heures, 58% entre la 48 e et la 72 e heure). Mme Dominique Gillot a ensuite fait valoir, comme autre argument à l'appui de l'initiative parlementaire, les insuffisances de la politique d'éducation à la santé et à la sexualité, qui ne reconnaît pas suffisamment aux adolescents le droit à une sexualité et à une information sur cette dernière. Or, a-t-elle ajouté, les enquêtes des experts et les témoignages montrent que les adolescents ont souvent moins de difficulté à nouer un dialogue autour de ces questions avec les infirmières, au collège ou au lycée, qu'avec leurs parents. Elle a estimé que la délivrance de la pilule du lendemain, par les infirmières scolaires, pouvait servir de vecteur à l'éducation sexuelle et à l'information sur la contraception.

Mme Dominique Gillot a conclu en indiquant que le Gouvernement renforcerait le dispositif de la proposition de loi par un plan de soutien à l'éducation à la sexualité et, plus généralement, à l'éducation à la santé, dans le cadre de sa politique globale en faveur d'une plus grande citoyenneté et responsabilité de chacun dans le domaine de la santé.

Un débat s'est ensuite instauré.

Mme Janine Bardou , rapporteur , a souligné que le nombre important des IVG montrait que la contraception n'était pas encore suffisamment intégrée dans la culture des femmes et elle a estimé que la campagne d'information sur la contraception devait être poursuivie sur le long terme afin de toucher les générations de femmes successives. Elle a fait observer que la pilule du lendemain avait pu effrayer en raison d'un risque de surconsommation, avant d'insister sur le manque de dialogue entre les adolescents et leurs familles, que traduisait sans doute le chiffre élevé des grossesses non désirées et des avortements chez les jeunes filles, et appelé à une responsabilisation des parents. A cet égard, elle a interrogé la ministre déléguée à la famille et à l'enfance sur le bilan des six mois d'application du protocole national sur la délivrance du NorLevo dans les établissements scolaires, en lui demandant en particulier comment, compte tenu de la nécessité d'administrer très rapidement ce contraceptif pour qu'il soit efficace, les infirmières scolaires prenaient néanmoins contact avec les familles des adolescentes.

En réponse, Mme Ségolène Royal a tout d'abord rappelé que le protocole national concernait tous les soins administrés en milieu scolaire et qu'il répondait au souci de pallier l'absence jusqu'alors de base légale, laquelle avait conduit à des pratiques très diverses selon les rectorats. Elle a indiqué que le protocole, qui détaille de manière très précise les procédures de délivrance des divers médicaments dans tous les établissements publics scolaires et qui s'applique sur l'ensemble du territoire, prévoyait l'information systématique des familles, pour le NorLevo comme pour les autres médicaments, conformément d'ailleurs à la déontologie des infirmières scolaires.

Elle a ensuite dressé le bilan des six mois d'application du protocole : 1 618 plaquettes de NorLevo ont été délivrées (317 en collège, les autres au lycée), 7 074 élèves, dont 4 720 mineures, ayant été reçues par les infirmières, lesquelles ont dans tous les cas cherché à établir le contact entre l'adolescente et sa famille ou un centre de planning familial. Cette attitude très responsable, a-t-elle ajouté, s'exprime également par la forte demande de formation à la prévention et à l'éducation à la sexualité exprimée par les infirmières scolaires.

Après avoir rappelé que l'obligation d'une prescription médicale pour la délivrance des contraceptifs chimiques avait été imposée par la loi de 1967 dans le souci de préserver la santé des femmes, les pilules étant, à cette époque, très fortement dosées, M. Lucien Neuwirth , rapporteur de la proposition de loi pour la commission des affaires sociales , a insisté à son tour sur la demande de formation des infirmières scolaires en matière d'éducation à la santé et à la sexualité, en suggérant que cette formation soit assurée dans les IUFM, afin qu'un discours identique soit tenu aux élèves par les infirmières et les enseignants chargés de cette éducation.

Affirmant qu'en effet, les infirmières scolaires étaient soucieuses d'être mieux intégrées aux équipes pédagogiques des établissements, Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et à l'enfance, a également préconisé le recours à des personnels médicaux extérieurs aux établissements (sages-femmes et médecins hospitaliers notamment). Elle a indiqué que ces "personnes-ressources" présentaient le double intérêt, en matière d'éducation à la santé et à la sexualité, d'être des praticiens dont le témoignage suscite l'intérêt des adolescents et d'être étrangers aux relations entre les élèves et les professeurs, que la notation rend parfois délicates, sinon ambiguës. A cet égard, elle a avancé l'idée, actuellement en cours d'examen, de faire de la participation aux modules d'éducation à la santé et à la sexualité dans les collèges une obligation de service des médecins hospitaliers ou des étudiants en médecine. Elle a également fait part d'un projet d'exposition itinérante sur la sexualité et la contraception qu'abriterait un car stationnant devant les collèges et les lycées et qui pourrait être relayée par les conseils généraux. Cette initiative a notamment suscité l'approbation de Mme Dinah Derycke , présidente , de Mme Janine Bardou et de M. Lucien Neuwirth , rapporteurs , qui y ont vu un excellent moyen de favoriser l'éducation à la sexualité tant des filles, qui y sont naturellement réceptives, que des garçons, qui doivent également être formés, et de contourner les réticences des conseils d'administration de certains établissements scolaires à organiser cette éducation, réticences qui viennent tout aussi bien des enseignants que des parents d'élèves.

Après que Mme Gisèle Printz eut félicité Mme Ségolène Royal d'avoir pris l'initiative d'autoriser la distribution du NorLevo dans les établissements scolaires et réclamé un accroissement du nombre des infirmières scolaires pour qu'elles puissent assumer efficacement leur rôle, en particulier en matière d'information sur la contraception, M. Lucien Neuwirth , rapporteur pour la commission des affaires sociales , a fait observer que la mise en vente libre du NorLevo a été critiquée, car on a cru, à tort, qu'elle portait atteinte à l'autorité parentale, alors que c'est de responsabilité éducative qu'il s'agit.

Soulignant que l'éducation sexuelle a toujours fait l'objet d'un tabou culturel pour de nombreux parents, Mme Dinah Derycke , présidente , a estimé que des progrès avaient été accomplis dans certaines familles, mais que toutes ne bénéficiaient pas du même niveau de culture et d'information. A cet égard, elle a jugé particulièrement nécessaire l'information en direction des populations des DOM. Rappelant que la délégation s'était penchée sur la situation des femmes de ces départements à l'occasion de l'examen par le Sénat du projet de loi d'orientation pour l'outre-mer, elle a fait état de leurs statistiques relatives aux IVG des mineures, qu'elle a qualifiées d'effarantes, et appelé de ses voeux la mise en place, dans les DOM, de campagnes d'information sur la contraception, non pas seulement régulières, mais permanentes.

Mme Ségolène Royal ayant pour sa part ajouté que de telles campagnes devraient également avoir pour objectif, par l'éducation des garçons et de leurs mères, de changer l'état d'esprit des hommes en matière d'image de la femme et de rapports entre les hommes et les femmes, Mme Dinah Derycke , présidente , a fait valoir, à l'appui de ce propos, que les mesures destinées à faciliter l'accès à la contraception dans les DOM ne devaient pas avoir pour conséquence d'y renforcer l'attitude condamnable et irresponsable de certains hommes, rappelant en particulier que, dans le cadre des travaux de la commission sénatoriale d'enquête sur les prisons, il était apparu que dans des prisons d'outre-mer, la moitié de la population carcérale avait été condamnée pour viol ou pour inceste. Elle a estimé, en conséquence, que l'éducation à la sexualité devait être plus large que la simple délivrance de la pilule.

M. Lucien Neuwirth , rapporteur pour la commission des affaires sociales , a ensuite fait part de sa préoccupation quant à la délivrance du NorLevo aux adolescentes pendant les vacances scolaires et à la gratuité d'accès à ce contraceptif pour les jeunes filles pendant la même période. Il a estimé qu'il faudrait compléter la proposition de loi pour résoudre ce double problème. Ayant rappelé que le NorLevo était en vente libre en pharmacie et qu'il pouvait d'ores et déjà être obtenu gratuitement dans les centres de planning familial, Mme Ségolène Royal a fait observer que le problème de la gratuité concernait l'ensemble des méthodes contraceptives et qu'il ne pouvait être limité au seul NorLevo. S'agissant de la période, considérée comme "à risques", des vacances scolaires, un débat s'est instauré auquel ont pris part, outre la ministre déléguée, Mme Dinah Derycke , présidente , qui a suggéré d'autoriser les directeurs des centres de vacances à délivrer, à l'instar des infirmières scolaires, le NorLevo, M. Lucien Neuwirth , rapporteur pour la commission des affaires sociales , qui a évoqué l'idée d'une convention entre les pharmaciens et les établissements scolaires ou l'Etat pour permettre la délivrance gratuite en toute période du NorLevo aux jeunes filles scolarisées, et M. Jean-François Picheral , qui s'est interrogé sur l'opportunité de faire délivrer le NorLevo gratuitement par les services d'urgence hospitalière qui, s'ils ne sont pas présents sur tout le territoire, sont cependant ouverts 24 heures sur 24, y compris en période de vacances scolaires.

Qualifiant de réconfortante l'évolution du débat public sur cette question de l'administration du NorLevo aux adolescentes, après les réactions initiales qu'avait suscitées sa décision d'autoriser les infirmières scolaires à y procéder, Mme Ségolène Royal s'est engagée à réfléchir aux dispositions à prendre pour faciliter la délivrance de ce contraceptif pendant les vacances scolaires, non sans avoir au préalable indiqué qu'à partir du moment où la vente du NorLevo était libre en pharmacie, prévoir légalement qu'il puisse être administré aux jeunes filles par tel ou tel responsable n'était pas en réalité indispensable. En outre, et répondant à une dernière question de M. Lucien Neuwirth , rapporteur pour la commission des affaires sociales , sur l'opportunité d'une référence explicite dans la loi au protocole national, elle a affirmé que la légalité de ce protocole ne faisant aucun doute, une telle mention n'était pas utile.

CONTRACEPTION D'URGENCE : UNE APPROCHE

RESPONSABLE EN FAVEUR DES FEMMES ET

DES JEUNES FILLES

La délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a été saisie par la commission des affaires sociales, pour donner un avis sur la proposition de loi n° 12 (2000-2001), adoptée par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relative à la contraception d'urgence.

Conformément à la saisine de la commission des affaires sociales, la délégation a examiné le dispositif législatif soumis au Sénat au regard de ses conséquences sur les droits des femmes.

* (*) On ne saurait nier pour autant qu'elles constituent le frein essentiel au développement de la contraception chimique masculine puisque même les recherches en la matière sont extrêmement limitées, comme le regrettait la gynécologue Joëlle Brunerie-Kauffmann dans une interview accordée à Libération en avril 1999.

* (*) On estime les taux d'échec entre 2 et 4 % pour le condom mais de 3 à 17 % pour le diaphragme ou la cape (appareil trop petit ou trop grand, mauvaise mise en place ou utilisation sans gelée spermicide).

* (*) Le comité de pilotage réunit la ministre de l'emploi et de la solidarité, le ministre de l'éducation nationale, la ministre déléguée à la famille et à l'enfance, la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés, la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, des personnalités qualifiées (tels que M. Alfred Spira et Mme Nathalie Bajos pour l'Inserm, le Dr Isabelle Dagousset, responsable du centre d'orthogénie de l'hôpital Broussais, M. Ali ben Youssef, membre du Conseil de la jeunesse ...) et des responsables associatifs (UNAF, Fil-santé-jeunes, CADAC, ANCIC, Planning famililal).

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