PRINCIPALES PROPOSITIONS DU RAPPORTEUR

A l'occasion du programme de travaux qui doit être entrepris cette année et qui va conduire à la suspension du recrutement de nouveaux pensionnaires pour l'année 2001, votre rapporteur spécial souhaite que le Gouvernement entreprenne une réflexion sur les moyens de redonner sa cohésion interne à la Villa Médicis et de mieux l'intégrer à la vie culturelle internationale.

A cet égard, il a voulu, sur la base du constat budgétaire auquel il a procédé, évoquer quelques pistes s'inscrivant dans des options encore assez ouvertes  :

Diversifier, sur le modèle de ce qu'on trouve dans certaines fondations américaines, le statut (et donc le mode de rémunération) des personnes en résidence à la Villa, qui pourraient aller de l'étudiant préparant sa thèse à des professionnels confirmés voire de haute notoriété, professeurs ou créateurs, en passant par des conservateurs ou assimilés désireux de bénéficier d'une année sabbatique.

Remplacer le système de concours de nature réglementaire par une sélection sur dossier, plus souple certes mais transparente, renforçant dans le jury l'influence du directeur et de ses conseillers et tenant compte, le cas échéant, de la personnalité des professionnels confirmés en résidence à la Villa.

Faire évoluer l'équipe de direction, sous l'impulsion d'un directeur, qui, comme par le passé, pourrait être, soit un artiste de renommée internationale, soit une personnalité à l'expérience reconnue en matière de grandes structures ou manifestations culturelles, en intégrant, au sein de l'équipe dirigeante, des professionnels des milieux de la création, afin de faciliter la réintégration des jeunes résidents au sein du circuit culturel national et international à l'issue de leur séjour.

Adapter la fonction dite « Malraux » de la Villa dans le sens plus d'une grande ouverture vers la population romaine, en organisant, notamment, des expositions grand public pouvant s'appuyer sur une meilleure articulation avec la politique menée par les organismes nationaux compétents, Réunion des Musées Nationaux et Association Française pour l'action artistique et, plus généralement, sur une coordination plus étroite entre la Villa et les services dépendant du Ministère des Affaires étrangères.

INTRODUCTION

La Villa Médicis coule, apparemment, des jours paisibles à l'ombre de ses légendaires pins parasols. Pourquoi donc venir troubler cette quiétude au nom de considérations financières hors de propos, alors que les enjeux financiers sont, comme on l'a mentionné, limités ?

La question mérite d'être posée. Et elle l'a été d'emblée dans une franchise d'expression qui mérite d'être saluée, par un ancien pensionnaire, aujourd'hui conservateur en chef d'un grand musée de province :

« Surtout laisser les pensionnaires travailler et éviter les commissions de réflexion, les enquêtes, les rapports. Les pensionnaires veulent travailler. Laissez-les. Certains s'adapteront, certains ne travailleront pas. Et alors ? Laissez-les réagir, ils travaillent plus ou moins vite. Chacun réagit selon sa sensibilité. Que les pensionnaires se sentent bien. Mettez-les en confiance et n'introduisez pas la politique. »

Que vient faire la ou plutôt le « politique » dans cette affaire ? Sans doute pourrait-on répondre par une boutade, en disant que l'art est une chose trop sérieuse pour être laissée à la seule appréciation des professionnels. Plus sérieusement, votre rapporteur spécial n'a aucune intention de remettre en cause le principe de l'autonomie de la sphère culturelle, même s'il estime nécessaire d'en préciser la portée. Il n'appartient pas au « politique » de délivrer les diplômes ni de juger des qualités des artistes. En l'occurrence, il ne s'agit même pas, bien que cela eût été concevable, de s'efforcer d'évaluer l'efficacité de l'institution - c'est-à-dire d'évaluer l'apport des pensionnaires à la création et d'apprécier son rôle comme centre de rayonnement français à Rome - en faisant la synthèse des opinions d'experts, notamment internationaux.

Le propos de votre rapporteur spécial est, plus prosaïquement, de se placer sur le plan des procédures pour apprécier, au-delà des questions de régularité et d'opportunité financières, la cohérence des modes de sélection et du déroulement du séjour par rapport à d'autres procédures d'aides ayant une finalité analogue.

La Villa Médicis est une institution à part mais elle n'est pas seule de son espèce, ni en France ni dans le monde. Votre rapporteur spécial a cherché à la mettre dans son contexte institutionnel en considérant qu'elle prend place dans un ensemble d'aides à la création artistique ou à la recherche et qu'elle doit être comparée à ce qui est fait à l'étranger dans les mêmes domaines. A ce titre, il ne s'est pas contenté de se rendre sur place à Rome, il est allé aussi en Allemagne près de Stuttgart et en France même, à la Villa Arson, à Nice, où fonctionnent des organismes dont les finalités ne sont pas sans rapport avec ceux de la Villa Médicis, sans considérer que ces déplacements aient épuisé une matière qui aurait sans doute justifié bien d'autres visites.

Par cette approche comparative, il ne s'agit pas d'apprécier la « productivité » - pour utiliser un concept délibérément provocateur dans le domaine culturel - de l'institution, mais de se demander si les investissements que la nation consent en faveur des pensionnaires, apparaissent justifiés relativement à d'autres formes d'aides de même objet.

Certes, certains souligneront qu'il est vain de chercher à évaluer l'efficacité d'un investissement dont le produit dépend du jugement des générations futures, ce qui, par définition, nous renvoie à un horizon séculaire.

Mais, une telle conception poussée à l'extrême paraît relever d'autant plus du sophisme qu'on pourrait l'appliquer à de nombreux domaines comme celui des acquisitions ou des aides à la création en général. Or, il faut bien procéder à des arbitrages, aujourd'hui, en dépit de l'information nécessairement incomplète sur le jugement dernier de la postérité.

Un regard extérieur est alors un élément qui peut se révéler utile, tant dans le diagnostic que dans les remèdes. Il peut nous aider à prendre conscience d'un malaise latent que les initiés ont tendance à ne pas voir, tant cet héritage reste encore nimbé du prestige de tous ceux qui ont fait la gloire de l'institution.

I. UNE INSTITUTION RENOVÉE EN MAL DE COHÉSION

Il y a une part de non dit au sujet de la Villa Médicis. Certains ont, semble-t-il, tendance à y voir une forme de survivance d'un autre âge, qui ne vaudrait pas la peine qu'on en parle, dans la mesure où elle ne nuit à personne ; d'autres, et ce sont sans doute les plus nombreux, la considèrent comme une manifestation éminente du génie français, qu'il serait à la fois sacrilège de critiquer et surtout dangereux, tant l'institution paraît finalement fragile. Pour vivre heureux, vivons sinon cachés du moins ignorés.

La Villa, comme on dit communément dans les milieux culturels, fait partie de notre patrimoine. La critiquer, voire simplement parler « vrai » à son sujet, non seulement n'est pas « culturellement correct », mais risque d'en menacer l'existence : se poser des questions serait, en particulier, inciter les Romains à remettre en cause la légitimité de l'occupation par la France d'une position éminente pour les besoins d'une institution en définitive désuète.

Tout se conjugue pour qu'on ne parle de la Villa qu'à demi-mot. Officiellement, tout va très bien. La mécanique est bien huilée depuis qu'André Malraux, profitant de son statut d'homme entré vivant dans l'Histoire, ne coupe en 1968 le cordon ombilical avec l'Académie des Beaux-Arts et n'adjoigne à la mission traditionnelle de formation de nos élites créatrices, dite « Mission Colbert », celle de vitrine en Italie de la culture française, dite désormais « Mission Malraux ».

La réalité est moins simple. A côté d'appréciations favorables, on voit se multiplier les motifs d'insatisfaction parmi les pensionnaires, révélateurs de difficultés de fonctionnement de l'institution.

Votre rapporteur spécial s'est efforcé d'évaluer l'image de la Villa en procédant à l'audition d'une vingtaine de personnalités des milieux de l'art et en lançant une enquête auprès de ceux des anciens pensionnaires, dont il a pu se procurer l'adresse.

Il en ressort que toutes les critiques qu'a pu recueillir votre rapporteur spécial, portent rarement sur le principe de l'institution. La Villa est bien un nouveau mythe fondateur de notre état culturel, largement au-dessus de tout soupçon.

Au contraire, nombre de pensionnaires se sont inquiétés d'une initiative, considérée au sens propre du terme comme iconoclaste.

Laissez la vivre en paix, telle est, en substance, l'invitation qu'a fréquemment reçue votre rapporteur spécial et qui, selon lui, révèle un attachement sincère à l'institution dans son organisation actuelle, mais également une volonté de préserver une tradition, perçue moins comme un privilège que comme un îlot de bonheur, épargné comme par miracle par le productivisme ambiant.

La réforme de 1971 apparaît, du fait même de la personnalité de son inspirateur, comme incontestable. Et pourtant, si elle a permis la survie de l'institution, c'est au prix d'un fonctionnement qui a perdu une bonne part de sa cohérence, et qui semble assurer difficilement l'articulation entre les fonctions assignées à l'organisme.

Ces problèmes fonctionnels se traduisent, au niveau financier, dans un système qui, s'il fonctionne de façon globalement régulière, entraîne des coûts que l'on peut considérer comme non négligeables, si on les compare à ce que l'État fait dans d'autres domaines pour soutenir la création.

1. La réforme de 1971 : un succès officiellement non contestable

Aujourd'hui, une révolution complète s'est produite. Loin d'être associée, au moins dans les milieux culturels, à l'idée d'académie et donc de conformisme, la Villa Médicis, grâce à la réforme voulue par André Malraux mais mise en oeuvre par Jacques Duhamel, s'est trouvée lavée de son péché originel d'académisme.

La réforme de 1971 constitue à bien des égards un renversement par rapport au système antérieur. La Villa voit ses missions élargies, tandis qu'il n'y a plus de « prix de Rome », mais de simples pensionnaires, largement dégagés des contraintes autrefois attachées à leur qualité de lauréat.

Corrélativement, l'Académie des Beaux-Arts perd son rôle prépondérant, pendant que l'on assiste, progressivement, à la montée en puissance l'administration du ministère de la culture, aujourd'hui incarnée par la Délégation aux arts plastiques.

a) Deux missions théoriquement complémentaires

La plaquette distribuée aux candidats constitue la meilleure présentation du rôle de la Villa Médicis.

D'emblée, on voit que sa vocation se définit désormais par deux missions complémentaires :

1) offrir la possibilité à des artistes et à des spécialistes français de se perfectionner dans leur discipline au contact des réalités italiennes tant présentes que passées ;

2) stimuler les relations et les échanges culturels entre l'Italie et la France. Les grandes expositions, les concerts publics réalisés en collaboration avec des organismes publics italiens, mais aussi avec la participation des pensionnaires de l'Académie, illustrent particulièrement ce double but d'une institution largement ouverte à l'esprit européen.

Il y a donc désormais coexistence entre deux missions : la mission dite « Colbert » d'aide aux artistes auxquels on permet donc « de se perfectionner au contact des réalités italiennes » et la mission dite « Malraux », qui comporte l'organisation de manifestations culturelles, de grandes expositions ou de concerts.

Il est prévu que ces manifestations pourront associer des pensionnaires, ce qui souligne le caractère complémentaire de ces deux missions.

On note également que la Villa est ouverte à des « professionnels » - le mot est important car celle-ci accueille non pas des étudiants, mais des personnes déjà engagées dans la vie professionnelle et recherchant à Rome un complément d'expérience, un perfectionnement de formation ou la poursuite d'une recherche dans le cadre du dialogue franco-italien.

Les candidats doivent être âgés de plus de 20 ans et de moins de 35 ans, cette limite d'âge ayant varié avec le temps et ayant même été supprimée pendant quelques années. 1 ( * )

Les candidats doivent déposer un dossier artistique comportant une note et des documents illustrant leur travail.

* 1

Limites d'âges pour le concours de la Villa Médicis

Décret du 16/09/70

20 ans à moins de 30 ans

Décret du 26/04/72

20 ans à moins de 33 ans

Décret du 27/07/79

20 ans à moins de 33 ans

Décret du 10/06/83

20 ans à moins de 35 ans

Décret du 31/01/85

20 ans sans limitation d'âge

Décret du 18/02/86

20 ans sans limitation d'âge

Décret du 26/11/86

20 ans à moins de 35 ans

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