(3) L'interdiction définitive des farines animales : quid du moratoire ?

Si cette politique de désinformation appartient, heureusement, au passé, il semble toutefois que la Commission européenne conserve, encore aujourd'hui, une approche minimaliste, comme a pu le constater la commission d'enquête à propos de l'interdiction de l'utilisation des farines animales dans l'alimentation de tous les animaux.

En effet, cette interdiction n'est que temporaire (jusqu'au 30 juin 2001) au niveau communautaire.

Si l'Union européenne décide de lever ce moratoire, la France sera vraisemblablement en infraction au regard du droit communautaire. Or, le commissaire européen, M. David Byrne, ne semble pas, pour l'instant, se prononcer en faveur du maintien du moratoire, d'après ce qui ressort de sa déclaration devant la commission d'enquête lors de son déplacement à Bruxelles.

Ainsi, M. David Byrne a-t-il déclaré : « Sur le maintien du moratoire, je comprends votre point de vue [celui du rapporteur qui se prononce sur le maintien du moratoire], mais sur le plan scientifique, l'interdiction d'utiliser les farines carnées dans l'alimentation des porcs et de la volaille ou d'autres animaux n'est pas justifiée.

« Le moratoire fut institué en raison des difficultés posées par le contrôle de l'utilisation des farines dans l'alimentation des bovins. Cette période de six mois devrait donc servir à mettre en place les mesures de contrôle appropriées dans les Etats. À l'issue de ce délai, on pourra envisager de lever l'interdiction de l'utilisation de ces farines.

« Je pense personnellement que, dès lors que l'on exclut les MRS, les farines animales ne présentent aucun risque ».

M. Jean Glavany a confirmé cette impression lors de son audition, en qualifiant l'attitude du commissaire de « réservée à ce sujet ».

Enfin, la Commission européenne a présenté récemment (le 20 avril dernier) un document de travail consacré à l'utilisation des farines animales dans l'alimentation des animaux, qui, certes, juge prématurée une levée du moratoire, mais qui considère qu'une interdiction permanente applicable aux autres espèces qu'aux ruminants (porcins, volailles, poissons) est « scientifiquement injustifiée ».

La Commission européenne recommande donc une levée partielle de l'interdiction temporaire des farines pour les non ruminants à partir du moment où sera adoptée la législation communautaire sur les produits d'origine animale (prévue pour le début de l'an 2002).

La commission d'enquête tient également à souligner que certains Etats membres se sont opposés au moratoire (la Finlande notamment) et que d'autres n'excluent pas une reprise éventuelle de l'utilisation des farines (comme les Pays-Bas ou l'Espagne).

Il est vrai qu'une interdiction définitive de l'utilisation des farines dans l'alimentation des animaux au niveau communautaire poserait des difficultés au regard des règles de l'OMC. En effet, les accords de Marrakech disposent qu'une interdiction définitive d'un produit comme les farines doit reposer sur de solides bases scientifiques. Or, l'avis du comité scientifique directeur ne démontre pas la nocivité intrinsèque des farines carnées. Dès lors, un Etat tiers pourrait déposer un recours, par exemple le Chili, si l'on interdisait les farines pour les poissons.

La commission d'enquête estime néanmoins, que, d'une part, le maintien de l'interdiction de toute utilisation des farines animales se justifie au regard de l'absence d'harmonisation communautaire en matière de MRS et de conditions de fabrication, ainsi que du point de vue du risque de contaminations croisées.

D'autre part, les citoyens ne comprendraient pas, compte tenu de l'image très négative des farines animales dans l'opinion, que l'on autorise à nouveau leur utilisation. Cela ne contribuerait pas à rassurer le consommateur.

C'est pourquoi il semble particulièrement important à la commission d'enquête d'appeler la Commission européenne à déposer une proposition interdisant définitivement l'utilisation des farines animales dans l'alimentation des animaux, ou du moins, à prolonger le moratoire.

*

Au total, la commission d'enquête estime que l'Europe ne doit pas servir de « bouc émissaire » dans la crise de l'ESB, car les dysfonctionnements qu'elle a constatés tiennent plus à l'attitude choisie par la Commission européenne et certains Etats membres, qu'au système institutionnel lui-même.

Certes, il est important de corriger certaines insuffisances, comme l'absence d'une véritable prise en compte des impératifs de santé publique, en reconnaissant au principe de précaution une légitimité supérieure au dogme du marché unique, et d'assurer une véritable séparation entre l'évaluation et la gestion des risques, avec la création d'une Autorité alimentaire européenne.

Mais la crise de l'ESB a surtout mis en lumière l'absence d'un véritable « esprit européen » chez certains Etats membres et l'incapacité de la Commission européenne à prendre ses responsabilités pour imposer l'intérêt général communautaire qu'elle prétend incarner.

Or la construction européenne, qui vise « une union sans cesse plus étroite entre les peuples » (préambule du Traité), suppose un minimum de solidarité et une coopération fondée sur la confiance mutuelle entre les autorités des Etats.

En définitive, il ne faudrait pas que l'Europe, qui n'est pas la première responsable dans la « crise de la vache folle », s'en trouve être la première victime.

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