2. Le recours aux farines et aux graisses dans l'alimentation animale

a) Les farines animales : un produit de l'industrie de l'équarrissage
(1) La fabrication des farines à partir du « cinquième quartier »

Les farines animales sont fabriquées à partir de déchets animaux -ce qu'il est convenu d'appeler le « cinquième quartier »- collectés par les équarrisseurs dans les abattoirs, les ateliers de découpe et les industries de transformation.

Lors de son déplacement sur le site de Bayet dans l'Allier, la commission d'enquête a pu constater que les co-produits étaient triés par matières et traités séparément. Les produits sont broyés puis pressés ce qui permet d'obtenir d'un côté des graisses, et de l'autre une masse protéique qui est ensuite rendue fluide, avant d'être chauffée dans des cuiseurs.

Dès lors que ces produits sont constitués à plus de 70 % d'humidité, la déshydratation produite par la cuisson génère des effluents importants, qui sont généralement traités par des stations d'épuration internes aux clos d'équarrissage. La vapeur dégagée à cette occasion est recyclée pour alimenter les sécheurs qui achèvent la déshydratation des particules.

(2) Farines et farines

Le terme générique de « farines animales » est particulièrement large, puisqu'il recouvre avant tout une présentation. Comme l'a rappelé lors de son audition par la commission d'enquête M. Alain Decrop, président de la société Guyomarc'h nutrition, « la poudre de lait que l'on prend dans son petit déjeuner le matin est une farine animale » .

Plusieurs types de farines, selon les matières premières ayant servi à leur élaboration, peuvent être distinguées :

- les farines de viande et d'os ;

- les farines de plumes et de co-produits de volailles ;

- les farines de poisson ;

- les farines de sang.

Ce sont les farines de viande et d'os, utilisées dans l'alimentation bovine jusqu'en 1990, et dans l'alimentation des monogastriques jusqu'en novembre 2000, qui semblent principalement concernées au regard du développement de l'ESB.

(3) L'équarrissage : un service public ingrat mais nécessaire

Historiquement, l'équarrissage a été organisé par l'Etat en vue d'assurer l'enlèvement et la destruction des animaux morts ou reconnus impropres à la consommation, ainsi que les saisies sanitaires d'abattoirs.

La loi du 31 décembre 1975 fait ainsi de l'enlèvement des cadavres animaux de plus de 40 kgs une obligation sanitaire qui s'impose à l'équarrisseur dans la limite d'un périmètre défini par arrêté préfectoral. En contrepartie, cet équarrisseur se voit reconnaître le droit de collecter, à titre gratuit ou non, les sous-produits des abattoirs situés dans cette zone, dont la valorisation lui permet de rémunérer le service rendu à la collectivité.

L'encadrement sanitaire de cette activité a été progressivement renforcé et a conduit à une distinction entre les matières premières utilisées selon le risque sanitaire qu'elles représentaient.

Un arrêté du 30 décembre 1991, transposant la directive CEE n° 90/667 du 27 novembre 1990 relative à l'élimination et à la transformation des déchets animaux, pose le principe d'une différence de traitement entre des matières dites « à haut risque » , qui doivent être sécurisées par l'application à des particules d'un diamètre maximal de 5 centimètres d'une température de 133° sous une pression de 20 bars pendant vingt minutes, et les matières dites « à bas risque » pour lesquelles n'est posée qu'une simple obligation de résultat sur le plan bactériologique.

Depuis 1991, les animaux morts sur l'exploitation, abattus dans le cadre de lutte contre les maladies, les saisies d'abattoirs, ainsi que les denrées animales avariées et les animaux importés ne répondant pas aux exigences sanitaires européennes, regroupés dans la catégorie « haut risque », font l'objet d'un traitement particulier dans des établissement dédiés et agréés.

Cette distinction entre haut risque et bas risque n'induisait pas encore de différence en ce qui concerne la destination des matières traitées. Ainsi, les farines à haut risque sécurisées étaient destinées, comme les farines à bas risque, à être utilisées par les industries de l'alimentation animale .

Tirant les conséquences de l'arrêté du 28 juin 1996, qui impose le retrait de la chaîne alimentaire des cadavres, des saisies d'abattoirs et des matériaux à risques spécifiés (MRS), c'est-à-dire le système nerveux central et certains abats des ruminants, reconnus comme potentiellement contaminants au regard de l'ESB, la loi du 26 décembre 1996 relative à la collecte et à l'élimination des déchets d'abattoirs, réorganise le secteur de l'équarrissage .

La collecte et le traitement des matières dites « à haut risque » sont désormais assurés par des entreprises participant au service public de l'équarrissage, qui assurent ces prestations dans le cadre de marchés publics. Leur rémunération est financée par une taxe basée sur les achats de viande. Les matières traitées par le service public de l'équarrissage sont désormais vouées à être détruites. Cependant, dans la mesure où il n'existe pas encore de technique permettant d'incinérer directement des déchets crus, elles sont dans un premier temps transformées en farines et en graisses avant d'être détruites par des utilisateurs en aval, tels que les cimentiers.

Les sous-produits d'abattage et de découpe provenant d'animaux sains sont, quant à eux, valorisés dans une filière distincte par des équarrisseurs devenus « industriels des co-produits animaux ». Seules les farines et les graisses produites dans ce cadre pouvaient être utilisées pour l'alimentation des animaux monogastriques.

La fabrication des farines animales a fait l'objet d'une mesure de sécurisation supplémentaire tardive, comme il sera vu plus loin, avec la publication, le 6 février 1998, d'un arrêté imposant, conformément à la décision de la Commission n° 96/449 du 18 juillet 1996, l'application du traitement thermique minimal de 133° pendant 20 minutes, sous la pression de trois bars . Pour la première fois, une obligation de moyen était imposée à la production de farines à partir de matières à bas risque.

D'après les informations recueillies par la commission d'enquête lors de ses auditions, la pratique des professionnels consistait auparavant à plonger les farines dans un bain de graisse à une température moyenne équivalente à la norme désormais en vigueur, sans toutefois mettre en oeuvre une pression particulière.

Cette norme étant considérée comme équivalente au traitement préconisé par l'Union européenne, la France a tardé à rendre obligatoire ce nouveau processus déjà utilisé par l'Allemagne.

Sur les 3,3 millions de tonnes de déchets animaux générés chaque année par les abattoirs, environ 2,5 millions de tonnes étaient des produits dits à bas risque destinés à être valorisés en farines animales et les 800.000 tonnes restantes étaient traitées par le service public de l'équarrissage. Le volume traité par ce dernier s'est fortement accru à mesure de l'extension de la liste des matériaux à risques spécifiés. Il convient d'y ajouter environ 415.000 tonnes d'animaux morts à la ferme.

Ces déchets animaux donnent lieu à la production annuelle de plus d'un million de tonnes de farines et de graisses, dont :

- 175.000 tonnes de farines et de graisses à haut risque, issues du service public de l'équarrissage ;

- 875.000 tonnes de farines et de graisses, dont 850.000 sont destinées à l'alimentation du bétail et des animaux domestiques.

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