2. Un phénomène plus inquiétant : l'importation légale et dérogatoire de farines britanniques et irlandaises

Alors que l'hypothèse de fraudes massives à l'importation de farines britanniques a été avancée pour expliquer le développement de l'épidémie de l'ESB en France, le véritable problème est celui de l'utilisation de farines légalement importées.

a) Les importations de farines britanniques jusqu'en 1989

Comme il a été souligné plus haut, alors que le Royaume-Uni interdit sur son territoire le 18 juillet 1988 l'utilisation des farines contenant des protéines animales provenant de ruminants dans l'alimentation des ruminants, il continue à exporter ces produits vers l'Europe, et notamment vers la France, qui n'interdit ces mêmes farines dans l'alimentation des bovins que deux ans plus tard (arrêté du 24 juillet 1990) et dans l'alimentation des ruminants que six ans plus tard (décision communautaire 94/38/CE du 27 juin 1994 transposée par l'arrêté du 20 décembre 1994).

Les documents qui ont été fournis à la commission d'enquête par les services de la Direction générale des douanes montrent clairement que les importations de farines animales britanniques (nomenclature européenne : 23011000) ont fortement augmenté en 1988 et surtout en 1989 avant de s'effondrer.

Les farines animales britanniques, qui avaient représenté en 1989 jusqu'à 4 % de la consommation nationale, et un tiers des farines importées avec plus de 16.000 tonnes, n'ont plus été introduites en France de 1991 à 1993. Les échanges ont repris ensuite à un rythme moins soutenu pour des farines de volaille non destinées à la fabrication des aliments pour ruminants.

Importations de farines britanniques
(statistiques françaises - nomenclature 23011000)

(en kilogrammes)

1985

3.556.610

1986

9.509.830

1987

8.375.078

1988

10.279.916

1989

16.030.935

1990

1.801.240

1991

0

1992

0

1993

14

1994

455.947

1995

1.096.767

1996

717.110

1997

136.680

1998

147.920

1999

1.000

2000

131.000

De 1985 à 1989, les importations françaises de farines britanniques ont été multipliées par plus de quatre, tandis qu'en une année, entre 1988 et 1989, elles ont enregistré une augmentation très importante de + 56 %.

Mais qui les a importées ?

Lors de son audition devant la commission d'enquête, M. Alain Glon, président de la société Glon-Sanders, s'est défendu avec véhémence d'avoir utilisé des farines de viande anglaise, que son entreprise aurait importées pour fabriquer des aliments pour bovins, et a mis en cause les équarrisseurs : « Toutefois, puisque les équarrisseurs français ont mélangé des farines anglaises à leur production, je ne peux être aussi affirmatif en l'absence de farines anglaises dans mes produits » .

A une question de M. Gérard César, s'inquiétant de l'utilisation des farines anglaises importées, il a répondu : « Dans notre entreprise, les farines anglaises n'ont jamais été utilisées dans les aliments pour bovins ; elles servaient à fabriquer les aliments pour les volailles et pour les porcs. Je parle de farines importées par nous de Grande-Bretagne. Quand nous ne les importions pas de Grande-Bretagne, nous pensions que celles achetées aux équarrisseurs français étaient françaises » .

A une demande du président Gérard Dériot, souhaitant obtenir des précisions sur l'origine de ces importations, il a ajouté : « des sociétés d'équarrissage françaises avaient un commerce européen. Nous avons arrêté toute incorporation de farines animales dans les aliments pour bovins en mai 1989, quand nous avons constaté que des équarrisseurs français avaient importé des farines anglaises pour les mélanger à leur production » .

Concernant les farines animales originaires du Royaume-Uni introduites antérieurement à mars 1996, la direction générale des douanes a indiqué à la commission que des enquêtes communes réalisées avec la DGCCRF ont permis de corriger les statistiques et de montrer que 1.715 tonnes ont été importées de 1993 à mars 1996, dont 1.587 tonnes de farines de volailles importées licitement et 65 tonnes de farines destinées à l'alimentation des chiens et chats (pet food). Seule l'origine de 53 tonnes n'a pu être déterminée, l'entreprise ayant déposé son bilan, elle n'a pu fournir la dérogation vétérinaire.

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