b) Un contrôle défaillant sur les industries d'équarrissage

S'agissant des contrôles opérés sur les équarrisseurs, M. Benoît Assemat a indiqué : « Les industries d'équarrissage étaient contrôlées tout d'abord au titre d'installations classées en matière de protection de l'environnement. Dans tous les départements, le directeur de services vétérinaires et ces services étaient chargés d'appliquer cette réglementation. Les dossiers passaient en conseil départemental d'hygiène après une enquête publique pour avoir une autorisation. Les moyens consacrés au contrôle des entreprises d'équarrissage n'étaient pas très importants mais on ne peut pas dire qu'il n'y avait pas de contrôle (...). Il faut savoir qu'avant 1996 l'industrie d'équarrissage n'était rien d'autre qu'une industrie de valorisation des déchets.(...) Depuis, bien évidemment, ce secteur a fait l'objet d'un contrôle renforcé. Cependant, si on regarde, là aussi, les moyens officiellement consacrés (je pense qu'ils sont de huit équivalents temps plein au niveau national), on se rend compte de la limite des effectifs consacrés à chaque secteur d'activité. Désormais, les services vétérinaires se sont beaucoup mieux organisés pour aller régulièrement dans les équarrissages et, en tout cas, pour accorder à ce dossier une attention plus grande qu'avant 1996 ».

La commission d'enquête ne peut qu'exprimer son scepticisme quant à la qualité des contrôles exercés sur les sites d'équarrissage, même après 1996, compte tenu du rapport de la mission d'évaluation du service public de l'équarrissage, menée de décembre 1997 à mai 1998, et publiée très récemment, en avril dernier. Ce rapport révèle en effet les carences, voire l'absence, des contrôles des autorités sanitaires.

A la suite de l'interdiction, en juin 1996, de l'incorporation des matériaux à risques spécifiés (MRS) dans l'alimentation animale, a été mise en place, dans l'urgence, la séparation des circuits dits « à hauts risques » (car contenant des MRS) et des circuits « à bas risques », ainsi que des sites de stockage des farines à hauts risques et des incinérateurs.

Le rapport susmentionné fait état d'une série de dysfonctionnements et de défaillances dans les contrôles, notamment ceux des services vétérinaires : « Ils sont censés vérifier de temps en temps, d'une part, que les enlèvements de cadavres d'animaux ont bien été réalisés (en téléphonant chez les agriculteurs) et, d'autre part, pour ceux qui ont un établissement d'équarrissage dans leur département, que le registre d'équarrissage où sont notés les tonnages entrés et sortis est bien tenu ». Les services vétérinaires, débordés par leurs nouvelles tâches, ne peuvent effectuer des contrôles physiques, sur place, lors du transport des MRS depuis des abattoirs, et des farines à hauts risques vers les incinérateurs.

Le rapport rappelle ainsi que le vétérinaire inspecteur doit signer un simple « bon d'enlèvement » permettant aux camions de circuler et ajoute « en réalité, les seuls points que les directions des services vétérinaires sont à même de vérifier, c'est que les bons d'enlèvement existent et qu'ils ont bien été signés par l'établissement de destination et qu'ils sont cohérents avec les cahiers d'enregistrement ».

Enfin, la mission d'évaluation sus-visée souligne la traçabilité insuffisante des matières premières ainsi transportées, ainsi que les discordances constatées par les services vétérinaires lorsqu'ils comparent le poids des matériaux collectés en abattoir et celui observé à l'arrivée chez les équarrisseurs, ils constatent des discordances. En outre , il semble que la séparation entre les circuits à hauts risques et ceux à bas risques n'est pas véritablement respectée au moment du transport, de la transformation en farines et du stockage.

M. Laurent Spanghero, président de la confédération des entreprises de bétail et viande, avait d'ailleurs fait allusion à de telles pratiques, s'agissant surtout des petites structures d'abattage, au cours de son audition par la commission d'enquête : « le retrait des matériaux à risques spécifiés a été fait de façon sérieuse. Certes, la situation est certainement beaucoup plus compliquée dans un petit abattoir que dans un abattoir moyen ou grand. Les très gros abattoirs en France traitent 50 à 60.000 tonnes. Les abattoirs moyens traitent des volumes de 10 à 15.000 tonnes. Moins de 20 abattoirs font moins de 5.000 tonnes. Les petits abattoirs peuvent parfois poser problème dans la mesure où les contrôles vétérinaires ne peuvent être faits de façon aussi assidue qu'ils ne le sont dans les abattoirs moyens. Dans certains abattoirs, les vétérinaires sont vacataires. Ceci pose également le problème des abattoirs dérogataires. C'est le cas de 30 ou 40 abattoirs en France. ces derniers ne sont pas aux normes sanitaires mais bénéficient d'une dérogation avant de pouvoir se soumettre aux normes en vigueur ».

Autant de points qui confirment les difficultés d'application des contrôles des services vétérinaires, surtout en période de crise et dans des situations d'extrême urgence.

Ces difficultés résultent d'abord du manque de moyens dont souffrent les services vétérinaires. M. Benoît Assemat a fait part à la commission de ses observations sur ce problème : « Nous souhaiterions que la réflexion soit menée au cours des cinq à dix ans qui viennent pour mettre en place un grand service public de contrôle de la sécurité alimentaire et que l'on prévoie, sur un plan pluriannuel plus important, les moyens qui devraient correspondre à ce qu'attend la société et aux besoins du service public. ».

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