B. MAIS LES ANALYSES ÉCONOMIQUES DES INSTITUTIONS FINANCIÈRES PRIVÉES INFLUENCENT RELATIVEMENT PEU LES DÉBATS DE POLITIQUE ÉCONOMIQUE GÉNÉRALE

1. Les institutions financières privées s'efforcent de diffuser certains de leurs travaux auprès des décideurs publics et de la presse

Les institutions financières privées s'efforcent de diffuser leurs analyses auprès des décideurs publics. Au delà de leurs contacts avec les services du gouvernement et de la Réserve fédérale, ces institutions présentent ainsi parfois leurs analyses aux staffers des commissions du Congrès, notamment en matière budgétaire.

En outre, lorsque ces institutions produisent des idées originales, elles s'efforcent de les diffuser auprès de la communauté académique, par exemple en en adressant une copie à l'ensemble des membres de l'Association des économistes américains, et surtout auprès des médias. Comme en France, les économistes de marché sont ainsi très fréquemment cités par la presse financière ou conviés à s'exprimer à la télévision, et leur notoriété renforce le prestige de leur institution.

A bien des égards, la place financière de New York est ainsi animée par les débats et les controverses entre économistes de marché, sous le regard de la Réserve fédérale, dont les décisions de politique monétaire jouent in fine un rôle arbitral.

2. Mais les analyses des institutions financières privées sont avant tout destinés à leurs services et à leurs clients

Néanmoins, les économistes de marché travaillent avant tout pour leurs « clients », c'est à dire les opérateurs de marché et les clients de leurs institutions. Ils s'éparpillent donc assez peu dans le débat public.

Cela résulte notamment de ce que les services d'études économiques sont davantage perçus aux États-Unis comme des centres de profit, et non, comme c'est parfois le cas en France, comme des centres de coût.

Les économistes de marché sont ainsi beaucoup mieux rémunérés aux États-Unis qu'en France, parfois même mieux que les cadres dirigeants de leurs institutions.

En contrepartie, ils doivent cependant directement concourir aux profits réalisés par leurs institutions. Dans certaines banques, les rémunérations des économistes sont ainsi fortement reliées à la qualité de leurs prévisions.

3. Les économistes de marché ont peu de liens avec le Congrès

Les économistes des institutions financières semblent ainsi relativement peu contribuer aux débats de politique économique, à l'exception notable de la politique monétaire et des grandes orientations budgétaires, c'est à dire des politiques publiques qui exercent une influence directe sur les marchés financiers.

En outre leurs travaux relatifs à la politique monétaire et à la politique budgétaire sont comparativement davantage qu'en France des commentaires et des pronostics, et moins des critiques ou des réflexions normatives.

Au total, les analyses des économistes de banque ne jouent pas aux États-Unis un rôle de contre-expertise de même ampleur que celui qu'ils exercent en France.

Les économistes de banque ont ainsi moins de relations avec le Parlement. En particulier, les économistes de banque sont très rarement entendus sur leurs prévisions économiques par les commissions du Congrès , alors que les commissions des finances des assemblées parlementaires françaises auditionnent régulièrement les responsables des services d'études économiques de certaines institutions financières.

De même, les économistes de banque américains ont relativement peu de relations avec les experts des Think Tanks de Washington : ils lisent peu les travaux de ces derniers, et ne leurs diffusent pas toujours les leurs.

Outre le souci de rentabilité  immédiate des services d'études des institutions financières américaines, ces différences entre les États-Unis et la France peuvent trouver leur origine dans trois facteurs explicatifs :

- en premier lieu, l'intervention directe de l'Etat central dans le fonctionnement de l'économie est sans doute moindre aux États-Unis qu'en France. Par exemple, le gouvernement fédéral américain intervient très peu pour réguler les rapports sociaux. En conséquence, les économistes de marché s'intéressent moins aux politiques et aux décisions publiques ;

- en second lieu, les offices du Congrès, la Fed et dans une moindre mesure les Think Tanks , constituent déjà aux États-Unis de puissants lieux de contre-expertise en matière économique face à l'exécutif. Les économistes de banque américains n'ont donc pas comme en France à remplir le vide de contre-expertise ;

- enfin, les places économiques et financières, d'une part, la place politique, d'autre part, sont géographiquement séparées aux États-Unis, alors qu'elles sont concentrées en un même lieu (à Paris) en France.

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