CHAPITRE XI :

LE RÔLE DES THINK TANKS ET DES UNIVERSITÉS

I. LA CONTRIBUTION DES UNIVERSITÉS AMÉRICAINES AUX DÉBATS DE POLITIQUE ÉCONOMIQUE EST INÉGALE

A. AUX ÉTATS-UNIS LES ÉCONOMISTES FORMENT UNE COMMUNAUTÉ BIEN IDENTIFIÉE ET BIEN ORGANISÉE

1. Une communauté relativement homogène

Avant d'aborder plus spécifiquement la contribution des universités et des universitaires américains à la production de l'information économique aux États-Unis, il convient de souligner trois différences entre les « économistes » américains et les « économistes » français.

En premier lieu, les personnes exerçant des fonctions d'expertise économique aux États-Unis ont toutes suivi un cursus similaire , avec un parcours universitaire souvent couronné d'un doctorat (Ph.D) en économie, et parfois complété par des formations post-doctorales. Le métier d'économiste est donc assez étroitement identifié à un diplôme universitaire spécifique, c'est à dire que le « titre » d'économiste est assez bien « labellisé ».

Par contraste, la formation initiale des économistes français est beaucoup plus diversifiée . Certes, les professeurs et les maîtres de conférence des universités (à l'exception de certains enseignants associés), ainsi que les chercheurs des laboratoires du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et nombre d'enseignants-chercheurs des grandes écoles ont suivi un cursus identique à celui des économistes américains.

Cependant, la quasi-totalité des économistes de l'INSEE sont formés dans une institution originale : l'Ecole nationale de la statistique et de l'analyse économique (ENSAE).

En outre, les autres économistes d'administration sont pour la plupart recrutés sur des concours généralistes : ils sont donc économistes par destination plus que par formation. Par exemple, les cadres-économistes de la direction de la prévision du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie sont majoritairement issus de l'Ecole nationale d'administration (ENA) ou des corps de débouchés de l'Ecole polytechnique (Mines, Ponts, Télecom notamment).

De même, nombre d'économistes de marché sont issus de grandes écoles de commerce, d'écoles d'ingénieurs ou d'instituts d'études politiques, où ils se sont plus ou moins spécialisés en économie. Ces économistes ont d'ailleurs souvent vocation à occuper ultérieurement des emplois fonctionnels.

La formation initiale des économistes est donc segmentée en France, alors qu'elle est relativement homogène aux États-Unis.

En second lieu, les universitaires américains affichent sans doute en moyenne des positions dogmatiques moins marquées que leurs collègues français. Ils ont également moins tendance à l'hétérodoxie et ils s'accordent globalement sur un socle d'idées consensuelles plus large.

Ces caractéristiques, qui se retrouvent pour partie dans les débats publics relatifs à la politique économique, parfois plus pragmatiques qu'en France, tendent d'ailleurs à renforcer la crédibilité collective des économistes.

Enfin, la mobilité des économistes entre les universités, les entreprises privées, les institutions financières, les Think tanks et les administrations est très importante aux États-Unis : les mêmes experts peuvent occuper successivement et/ou concomitamment des fonctions dans plusieurs universités, dans des Think Tanks , dans des banques, à la Réserve fédérale, au Congrès et dans les administrations fédérales. Il existe un « marché du travail » national unique pour les économistes, et ce marché est assez fluide, alors que les différentes carrières d'économistes sont relativement séparées en France.

Au total, les économistes américains forment ainsi une communauté mieux identifiée, beaucoup moins cloisonnée et beaucoup plus homogène que celle des économistes français.

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