5. Le modèle des Think Tanks n'est pas transposable en France

A ce jour, le modèle des Think Tanks américains ne semble guère transposable en France.

En effet, la France ne connaît pas de tradition de mécénat analogue à celles des États-Unis.

Il semble ainsi peu probable que des institutions d'analyse économique indépendantes puisse être financées pour une part significative par des dons en provenance de personnes privées , même si ces dons seraient sous certaines limites, et sous certaines conditions, déductibles à hauteur de 50 % de l'impôt sur le revenu pour les personnes physiques.

De même, l'intérêt des entreprises pour le développement de ce type d'institutions apparaît limité :

- le marché des prestataires de services d'études économiques aux entreprises semble en effet proche de la saturation, les entreprises françaises n'ayant pour la plupart pas l'habitude de payer pour accéder à des informations économiques générales ;

- en outre, si l'on excepte le cas particulier des grandes entreprises publiques et des principales organisations patronales, le mécénat d'entreprise est encore embryonnaire en matière d'analyse et d'information économique.

A titre d'illustration, on peut souligner que la démarche innovante du centre d'études prospectives et d'informations internationales (CEPII) 69 ( * ) , consistant à offrir à des entreprises et à des institutions publiques un cercle de discussion analogue à certains égards à ceux constitués par les Think Tanks n'a qu'un écho limité.

En effet, le club du  CEPII, fondé sous la forme d'une association loi 1901, et qui offre à ses adhérents, outre les publications du centre, des déjeuners et des petits déjeuners-débats autour des chercheurs du CEPII ou de personnalités prestigieuses invitées, ne rassemble à ce jour qu'une vingtaine d'institutions privées. Ces adhésions ne représentent ainsi l'équivalent que quelques pour cents du budget du CEPII.

Ce faible engouement de nos concitoyens pour le mécénat ou pour l'adhésion à des institutions de recherche économique privée repose sans doute pour partie sur des traditions socio-culturelles, consistant notamment à attendre que ce type de services soit produit par la puissance publique, à privilégier le mécénat humanitaire et à ne pas « valoriser » socialement ce type de dons, au contraire de la société américaine.

Parmi les autres explications de ce phénomène, on peut également avancer l'idée qu'il est peut être la rançon de la crédibilité de l'INSEE et d'une moindre défiance envers l'Etat qu'aux États-Unis.

La demande de séries statistiques originales est ainsi relativement réduite . Par exemple, la tentative de l'OFCE de diffuser des séries de taux de change effectif au début des années 1990 n'a eu presque aucun écho, alors que c'est pourtant l'indicateur le plus significatif de la valeur externe de la monnaie.

Enfin, on peut se demander si le faible engouement de nos concitoyens pour le financement privé de centres d'expertise économique ne réside pas dans la conviction selon laquelle ce type d'institution pèserait relativement peu sur un processus de décision public qui demeure peu ouvert à la société civile.

Quoi qu'il en soit, la demande privée d'information économique indépendante n'est pas solvable en France, comme d'ailleurs dans la plupart des autres pays d'Europe continentale. A bien des égards, il est d'ailleurs rationnel que l'information économique indépendante, qui constitue un bien public à fortes externalités positives, soit financée sur fonds publics .

* 69 Fondé en 1979 par M. Raymond Barre, le CEPII regroupe à Paris une cinquantaine de personnes, dont environ 30 économistes, recrutés à l'origine sur des contrats à durée indéterminée de la fonction publique, et depuis 1982, sur des contrats à durée déterminée (3 ans renouvelables), auxquels s'adjoignent des conseillers scientifiques vacataires.

Spécialisé en matière d'économie internationale, le CEPII développe aujourd'hui un modèle macro-économétrique original (le modèle MARMOTTE), ainsi qu'un modèle de micro-simulation du vieillissement et des modèles dits « d'équilibre général calculable ». Il diffuse une revue scientifique (Economie internationale, environ 1.000 exemplaires), ainsi qu'une lettre d'information mensuelle intellectuellement très accessible (La lettre du CEPII, environ 800 exemplaires). En outre, il publie annuellement dans une collection de poche un ouvrage de vulgarisation (L'économie mondiale en...), qui connaît un réel succès de librairie.

D'un point de vue statutaire, le CEPII est une institution singulière et ambivalente . En effet, le CEPII est statutairement un service du premier ministre rattaché au Commissariat général du plan. Cependant, le CEPII est également de facto un centre de recherche relativement autonome, qui signe d'ailleurs des conventions de recherche avec d'autres institutions au travers d'une structure associative dédiée.

Le CEPII a d'ailleurs conduit diverses études pour le Sénat, notamment à la demande de la délégation du Sénat pour les affaires européennes (sur le système commun de TVA et sur les marchés du travail en Europe) et de la délégation du Sénat pour la planification (sur les perspectives et les risques de l'économie mondiale).

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