CONCLUSION :

LES PRINCIPAUX ENSEIGNEMENTS DE CETTE ÉTUDE

I. LES ENSEIGNEMENTS RELATIFS À L'INFORMATION ÉCONOMIQUE EN GÉNÉRAL

A. LA SITUATION ENVIABLE DES ÉTATS-UNIS

Les États-Unis connaissent une situation enviable en matière d'information économique nécessaire à la décision publique et aux choix démocratiques.

En effet, ils se caractérisent par la volonté des administrations de rendre des comptes, par la sincérité des données budgétaires, par une grande transparence de l'information, par le pluralisme des analyses dans tous les domaines et par l'importance de la contre-expertise indépendante , notamment pour l'évaluation des politiques publiques.

Comme la France, les États-Unis ont ainsi connu au cours de ces dernières années des recettes budgétaires plus importantes que prévu, mais « l'affaire de la cagnotte » y serait inconcevable : ces surprises budgétaires ont été connues de tous au même moment.

Ces performances s'expliquent par un ensemble de particularités, d'institutions et de « bonnes pratiques » qui se renforcent mutuellement , parmi lesquelles on peut souligner :

1) Les garanties apportées à l'exercice de la liberté d'accès aux documents administratifs : information du public sur ses droits, services dédiés, locaux adaptés, listes de documents communicables, gratuité de certaines requêtes, délais de réponse resserrés pour l'administration, sanctions disciplinaires et pénales contre les fonctionnaires récalcitrants.

2) Les dispositions de l' Electronic Freedom of information Act (EFOIA) de 1996 consacrant le principe de la liberté d'accès aux documents administratifs via le réseau Internet et sous forme électronique.

3) La relative modestie des services d'études économiques du gouvernement fédéral, et plus généralement, l'existence de trois grands pôles publics concurrents d'expertise économique appliquée à la décision publique : les administrations fédérales dépendant de l'exécutif, la banque centrale et le Parlement.

4) Le rôle éminent de la Banque centrale . Aux États-Unis, le premier pôle public d'expertise économique n'est pas le ministère de l'économie et des finances, comme en France, mais la Banque centrale, et l'expertise économique de la Fed nourrit très largement les débats publics. En effet, le conseil des gouverneurs de la Fed, et surtout les douze banques de réserve fédérées au sein de la Fed diffusent des travaux d'économie appliquée, organisent des séminaires et des colloques et invitent leurs chercheurs à publier sous leur propre responsabilité dans des revues scientifiques. En particulier, les douze banques de réserve fédérées s'efforcent de conserver un lien étroit avec les préoccupations locales et d'animer les débats économiques régionaux, y compris sur des thèmes très éloignés de la politique monétaire, comme l'évolution des inégalités. Enfin, l'organisation fédérale de la Fed s'accompagne d'un pluralisme interne en matière d'analyse économique.

5) La transparence des méthodes , des modèles économiques et des travaux des administrations statistiques, des centres d'analyse économique publics, des corps d'inspection, de la réserve fédérale et des offices du Congrès. En particulier, leur modèles économiques sont souvent mis gratuitement à la disposition des chercheurs indépendants.

6) La publication par les administrations publiques d'évaluations rétrospectives et comparatives de la qualité de leurs prévisions économiques .

7) L'accessibilité des économistes et des statisticiens publics. Leurs numéros de téléphone et leurs adresses électroniques sont largement diffusés, et leurs institutions leur demandent de répondre volontiers aux questions méthodologiques émanant d'experts extérieurs à l'administration. L'exemple des États-Unis suggère d'ailleurs que la meilleure manière de limiter les controverses n'est pas le secret et l'isolement, mais bien la transparence des méthodes et la publicité des débats.

8) La conviction partagée de ce que les administrations publiques doivent rendre des comptes au Parlement et au public.

9) Dans ce cadre, l'attention portée depuis le début des années 1990 au développement de la comptabilité patrimoniale des administrations publiques, et plus généralement aux systèmes d'information des administrations sur elles-mêmes.

10) Le développement des capacités d'audit et de contrôle des systèmes d'information des administrations publiques.

11) La formalisation et la publication par les administrations publiques de leurs missions , de leurs objectifs et de leurs programmes stratégiques , et le contrôle exercé par le Congrès sur ces documents.

12) La publication d'indicateurs de performances sur les administrations publiques.

13) La publication systématique d'éléments de chiffrage du coût direct des dispositions législatives en discussion, qui contribue à la qualité des débats parlementaires, même si elle soulève de réelles difficultés techniques et nécessite des moyens importants.

14) L'inscription résolue des débats budgétaires dans une perspective de moyen terme , notamment via la réalisation par le gouvernement et par le Congrès de prévisions de dépenses et de recettes à dix ans.

15) La distinction assez nette opérée par les grandes institutions publiques, notamment sur leurs sites Internet, entre leur communication institutionnelle, l'information factuelle du grand public et les études économiques.

16) Les garanties statutaires et procédurales apportées à l'indépendance des principaux services statistiques ministériels . A titre d'exemple, le service statistique du ministère de l'emploi ne transmet ses résultats au « cabinet » du ministre qu'une demi-heure avant de les rendre publics.

17) Les modalités de publication des principales statistiques économiques et sociales. Celles-ci sont toujours diffusées sous la seule autorité des services statistiques compétents et ne peuvent être commentées par des responsables politiques durant l'heure qui suit leur publication. Les experts indépendants et la presse disposent ainsi pendant une heure du monopole des commentaires.

18) La gratuité des statistiques produites par les administrations publiques comme de nombreux rapports administratifs, et plus généralement la volonté d'assurer la plus large diffusion possible aux statistiques et aux rapports administratifs, notamment via des efforts de vulgarisation . Les statistiques et les rapports administratifs sont en effet considérés aux États-Unis comme des biens publics dont la diffusion favorise les débats démocratiques, les choix publics et privés et la confiance des citoyens dans l'administration.

19) Une large diffusion des fichiers de données statistiques pertinents pour l'évaluation des politiques publiques, en particulier la diffusion par l'administration de ses fichiers de données fiscales individuelles (anonymes).

20) Le décloisonnement des différents pôles d'expertise , au travers notamment de la grande mobilité des économistes entre les administrations fédérales, la réserve fédérale, les offices du Congrès, les universités, les centres de recherche indépendants et les institutions financières, en raison notamment des débouchés offerts dans l'administration aux universitaires qui s'investissent dans l'économie appliquée aux décisions publiques.

21) Enfin, l'existence de grands centres de recherches plurisciplinaires dans les universités et les traditions américaines de mécénat au profit des Think Tanks .

Ces caractéristiques sont étroitement liées . Par exemple, la mobilité des chercheurs et la diffusion des données, des méthodes et des travaux des services d'études des administrations soutiennent le développement de l'expertise indépendante.

En retour, le rôle de la réserve fédérale, du Congrès et des institutions indépendantes en matière d'analyse économique favorisent les débats méthodologiques et la transparence des résultats.

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