3. L'audit des comptes publics, de la gestion publique et des systèmes d'information publics

Dès sa création en 1921, le GAO s'est vue confier la responsabilité d'étudier (« investigate » ) la collecte, le paiement et l'utilisation des « fonds publics », entendus comme les fonds fédéraux.

Notons que la compétence du GAO s'étend en principe, et depuis peu, au fonctionnement du Congrès lui même. En effet, le Congrès s'est volontairement soumis au droit commun des institutions fédérales.

En pratique, le GAO ne diligente toutefois jamais de sa propre initiative des contrôles sur les autres agences ou services du Congrès. En outre, lorsqu'il est saisi par des parlementaires de demandes de contrôle d'agences ou services du Congrès, le GAO s'efforce toujours de faire reformuler les demandes de manière à ce qu'elles soient bipartisanes et, le cas échéant, bicamérales. Enfin, lorsqu'il est acculé à contrôler les services du Congrès, le GAO fait preuve d'une pugnacité et d'une témérité modérées, et se limite à des contrôles de nature très peu politique ou institutionnelle, comme, par exemple, le respect de la législation relative à la protection incendie.

Par ailleurs le GAO n'exerce a priori aucune compétence relative aux administrations locales , mais exerce souvent un contrôle indirect sur les politiques publiques locales lorsque celles-ci bénéficient d'une manière ou d'une autre de fonds fédéraux.

De la même manière, depuis le Government Corporation Control Act de 1945, le GAO peut examiner les comptes et la gestion des entreprises privées qui bénéficient de fonds fédéraux.

Ces tâches consistant à améliorer le contrôle exercé par le Congrès et par les citoyens sur les dépenses publiques fédérales représentent ainsi toujours la principale mission assignée au GAO Cette mission emprunte toutefois aujourd'hui des voies très différentes de celles de la première moitié du vingtième siècle : le GAO est en effet progressivement passé du contrôle formel des pièces comptables à l'audit d'ensemble des administrations, des programmes et, de plus en plus, des systèmes d'information publics.

Le GAO réalise ainsi près d'un millier de rapports par an .

Le guide méthodologique relatif à l'audit des administrations publiques ( Government auditing standards ) distingue a priori deux types d'audit :

- des audits comptables et financiers , destinés à valider l'information comptable et financière produite par l'entité auditée, à vérifier la régularité de ses procédures comptables et financières et à passer en revue ses dispositifs de contrôle interne ;

- des audits de performance , eux même subdivisés entre audits de l'efficience d'administrations publiques et audits de politiques publiques.

Selon le guide méthodologique précité, les audits de l'efficience des administrations publiques peuvent notamment examiner si les entités auditées se procurent leurs fournitures au moindre coût, protègent et entretiennent efficacement leur patrimoine, évitent les doublons et les tâches inutiles, mettent en oeuvre des procédures efficientes, utilisent des ressources optimales, tant en main d'oeuvre qu'en capital, respectent la législation et la réglementation en vigueur, disposent de systèmes de management et de contrôle adéquats, enfin ont développé des indicateurs de performance pertinents et fiables.

De même les audits de politiques publiques ( programs ) peuvent s'attacher à examiner si les objectifs d'une politique publique nouvelle ou en cours sont pertinents, à établir dans quelle mesure une politique publique est efficace (c'est à dire atteint ses objectifs), à étudier l'efficience d'une politique publique (c'est à dire le rapport de son efficacité aux ressources utilisées), à identifier les facteurs de sous-performance, à vérifier si les responsables de la mise en oeuvre d'un politique publique ont bien étudié les solutions alternatives, à rechercher si une politique publique complète, duplique, interagit ou s'oppose à d'autres politiques publiques, à vérifier le respect de la législation et de la réglementation en vigueur, à contrôler les systèmes de management et de contrôle d'une politique publique, enfin à vérifier l'existence d'indicateurs de performance fiables et pertinents.

En pratique, les audits conduits par le GAO, à l'instar de ceux réalisés en France par la Cour des Comptes et par les corps d'inspection de l'Etat, combinent le plus souvent audits comptables et financiers et audits de performance, et s'attachent à répondre à plusieurs des questions précédentes.

La procédure suivie par le GAO est toutefois beaucoup plus formalisée que les procédures mises en oeuvre en France par la Cour des Comptes et par les corps d'inspection de l'Etat. En effet, le GAO délimite par avance le champ précis de ses investigations, c'est à dire celles des questions précédentes auxquelles il s'attachera à répondre, et s'y tient par la suite, alors que les lettres de mission adressées aux corps d'inspection de l'Etat en France sont souvent suffisamment floues ou générales pour que ceux-ci puissent éventuellement modifier le cours de leur mission pour accentuer leurs investigations sur les dysfonctionnements les plus flagrants.

Les rapports d'audit du GAO comportent presque systématiquement de nombreuses recommandations . Selon le rapport annuel du GAO pour 1999, près de 70 % de ces recommandations sont acceptées et mises en oeuvre par les entités contrôlées dans les quatre ans qui suivent, et parfois même avant la fin de la mission. Il s'agit là d'un pourcentage beaucoup plus élevé que celui habituellement retenu pour les observations de la Cour des Comptes ou pour les propositions des rapports des inspections de l'Etat. A titre d'exemple, l'Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale (IGAEN) estimait dans son rapport public pour 1998 qu'un cinquième seulement de ses rapports étaient suivis d'effets.

Il est toutefois difficile d'appréhender ce que recouvre cet écart.

L'apparente efficacité des rapports du GAO peut s'expliquer en partie par des différences organisationnelles et institutionnelles. En effet, il semble a priori plus facile au GAO de proposer des réformes législatives et /ou d'aller « vendre » ses rapports auprès de membres du Congrès.

En outre, le GAO exerce un suivi systématique de la mise en oeuvre de ses recommandations, alors que ce suivi est relativement récent, sinon embryonnaire en France. De plus, le GAO, parce qu'il définit librement son programme de travail peut revenir après deux ou trois ans pour vérifier la mise en oeuvre de ses recommandations. Par ailleurs, les responsables des administrations qui ne mettent pas en oeuvre les recommandations du GAO sont soumis à l'opprobre de la presse et du public, puisque les rapports du GAO sont publics, et surtout sont susceptibles d'être « mis sur le grill » lors d'auditions au Congrès. Enfin, ces administrations courent le risque que le Congrès réduise leurs crédits ou légifère directement pour les contraindre à mettre en oeuvre les préconisations du GAO.

Cependant, l'apparente efficacité des rapports du GAO peut aussi résulter de ce que ses recommandations sont parfois relativement générales, de sorte qu'il est plus aisé d'estimer qu'elles ont été mises en oeuvre. En outre le, le GAO négocie souvent ses recommandations avec les organismes contrôlés, là où les corps de contrôle français sont assez intransigeants vis-à-vis du respect de certains principes. Enfin, le GAO est, comme nous le verrons, une administration sur la sellette, qui a continûment besoin de faire la preuve de son efficacité, et pourrait être tentée de ce fait de n'effectuer que des recommandations pragmatiques, ou de privilégier les contrôles sur les administrations les plus faciles à réformer, alors que les rapports administratifs français proposent parfois davantage un idéal à atteindre et n'hésitent pas à dénoncer certaines pesanteurs de manière récurrente.

Quoi qu'il en soit, le GAO réoriente actuellement ses activités d'audit et de contrôle dans trois directions principales.

En premier lieu, le GAO développe ses capacités d'audit organisationnel des administrations publiques, afin d'appuyer les efforts du gouvernement fédéral pour renforcer l'efficience du management public. En particulier, la législation contraint désormais les agences fédérales à établir et à publier des  programmes stratégiques pluriannuels qui sont passés en revue par le GAO.

En second lieu, le GAO revient quelque peu à ses missions originelles d'audit comptable . En effet, comme le souligne le programme stratégique du GAO, l'amélioration de la gestion des administrations publiques nécessite des systèmes d'information comptable à la fois fiables et transparents. Dans cette perspective, le GAO développe ses audits de l'organisation comptable et financière, ainsi que du contrôle financier interne des administrations publiques. Cette compétence de contrôle des contrôleurs est relativement ancienne, puisqu'elle trouve son origine dans le Budget and Accounting Procedures Act de 1950. Il s'agit là toutefois d'une particularité institutionnelle notable : à ce jour, ni la Cour des Comptes, ni les commissions des finances des assemblées n'ont ainsi contrôlé en France le fonctionnement et l'organisation du contrôle d'Etat ou des corps d'Inspection de l'Etat.

Plus spécifiquement, le Chief Financial Act de 1990 et le Government Management Reform Act de 1994 obligent depuis l'année fiscale 1997 les 24 principaux départements ministériels ou agences fédérales (comme, par exemple, la NASA) à publier des états financiers annuels détaillés et consolidés. Ces états financiers sont soumis au GAO, de la même manière que les comptes des entreprises privées sont certifiés par des cabinets d'audit extérieurs. Dans certains cas, le GAO effectue cet audit directement. Cependant, le GAO se contente le plus souvent « de mettre ses pieds dans les chaussures » des inspections générales internes de chaque département ou agence.

Notons qu'à ce jour, le GAO a refusé de certifier la plupart de ces états financiers, en raison principalement de ses critiques à l'encontre les systèmes comptables, informatiques et de contrôle interne des administrations fédérales concernées.

L'ensemble de ces travaux sont synthétisés dans un rapport annuel du GAO, qui est joint au rapport financier annuel pour les États-Unis réalisé par le Secrétariat d'Etat au Trésor en coordination avec la direction de l'Office of Management and Budget .

D'un point de vue institutionnel, ces travaux du GAO s'apparentent aux observations de la Cour des Comptes sur l'exécution des lois de finances en France.

La perspective retenue par le GAO est toutefois différente . En effet, le GAO privilégie l'examen du bilan des administrations publiques, plutôt que celui des flux de recettes et de paiements. En outre, comme le montre l'encadré ci-dessous, le GAO s'attache en l'espèce moins au détail, qu'à l'organisation d'ensemble des systèmes de contrôle et d'information des administrations publiques, notamment des systèmes informatiques.

A cet égard, le GAO semble en avance par rapport aux corps de contrôle français, où le développement de capacités d'expertise en matière de systèmes d'information est très récent et parfois encore embryonnaire : dans son rapport annuel pour l'an 2000, la Cour des Comptes indique ainsi poursuivre l'objectif stratégique consistant « à se doter d'une capacité de contrôle des systèmes d'information ».

Les observations du GAO sur le rapport financier pour les États-Unis pour 1999

Le rapport du GAO se présente comme un cahier de 110 pages, qui reproduit le rapport réalisé par le secrétariat d'Etat au Trésor (environ 70 pages), ainsi que les observations du GAO (25 pages) et les courriers résumant ces observations adressé par le Comptroller General du GAO au Président des États-Unis, au Président du Sénat et au Speaker de la Chambre des représentants.

La tonalité des observations du GAO est particulièrement sévère, alors même, que l'état financier réalisé par le secrétariat d'Etat au Trésor susciterait à bien des égards l'admiration des parlementaires français.

En premier lieu, le GAO dénonce les lacunes de l'information financière fédérale, par exemple le fait que le département de la défense n'ait pas comptabilisé à son inventaire les matériels de communication qui n'avaient pas encore été installés ou ait mal estimé dans son bilan les engagements constitués par les coûts de déminage et de décontamination des terrains d'entraînement militaires. De même, le GAO souligne que les transactions entre les différentes administrations n'ont pas été harmonisés et que les bilans des différentes administrations, établis à partir de 2.000 états financiers réalisés selon des méthodes différentes, aient été mal compilés.

En second lieu, le GAO critique l'insuffisance des systèmes d'information et de contrôles internes, notamment en matière de versements de prestations sociales, mais aussi en matière de sécurité informatique.

Ensuite, le GAO indique que seules trois des vingt-quatre agences fédérales concernées avaient établi des états financiers conformes aux obligations du Federal Financial Management Improvement Act de 1996.

En conclusion, le GAO refuse donc de certifier l'état financier pour 1999.

Plus généralement, le GAO attache une importance croissante à l'audit des systèmes d'information générale des administrations publiques.

Il ne s'agit pas là d'une préoccupation entièrement nouvelle. En effet, dès les années 1970, le GAO s'est vu confier la mission de contrôler les données statistiques publiées par certaines agences fédérales. Par exemple, l'Energy Conservation and Production Act de 1976 prévoit que le GAO doit régulièrement passer en revue la qualité des données produites par l'agence d'information sur l'énergie.

La fiabilité et la pertinence des statistiques réalisées par les administrations publiques et surtout sur les administrations publiques sont cependant aujourd'hui considérées comme des enjeux majeurs, puisque la diffusion d'indicateurs fiables sur le secteur public est indispensable aussi bien à l'amélioration de la gestion publique, qu'à l'efficacité du contrôle parlementaire sur les administrations publiques.

Enfin, les activités du GAO se développent dans une autre direction, celle de la lutte contre la fraude et les activités criminelles. A cette fin, le GAO a constitué à partir de 1986 des équipes d'enquêteurs spécialisés, comprenant notamment d'anciens policiers. Ces équipes ont notamment mis à jour des cas de surfacturations dans les contrats d'équipement militaire.

En outre, le GAO a récemment ouvert le site internet FraudNet , qui permet à tout citoyen de faire part anonymement et gratuitement des cas de fraude, mais aussi de gaspillage, d'abus ou de mauvaise gestion de fonds publics, et qui propose même un formulaire de délation type ( FraudNet form ).

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