III. DES INSTITUTIONS FRAGILISÉES

A. LA POLARISATION DE LA VIE POLITIQUE AMÉRICAINE

Au cours des années 1990, le CRS, le CBO et le GAO ont été confrontés à la transformation de l'activité législative, en raison de :

- la réduction de la durée moyenne des mandats, qui s'est notamment traduite par des besoins de formation accrus pour les parlementaires et leurs assistants ;

- la complexité accrue de la législation, notamment en matière de régulation économique ;

- la prolifération des sources d'information et d'analyse, avec notamment la multiplication des Think Tanks , de plus en plus mis sur le même plan, alors même que leurs travaux sont de qualité très inégale. Cette évolution a placé les agences du Congrès en situation de concurrence inégale : de plus en plus politisées, les analyses des Think Tanks sont en effet de ce fait plus opérationnelles pour les parlementaires.

Par ailleurs, le climat politique s'est  profondément dégradé, avec l'accent mis de manière emphatique sur les débats budgétaires et surtout avec la polarisation croissante de la vie politique.

En effet, à partir du début des années 1990, et plus particulièrement à partir de 1994 avec l'accession aux fonctions de Speaker de la chambre du républicain très conservateur Newt Gingrich, puis avec le déclenchement de la procédure d'impeachment contre le Président Clinton, la vie politique américaine s'est polarisée.

Le rôle des appareils et des stratégies politiques s'est ainsi accru, et l'activité du Congrès est devenue de plus en plus idéologique, tandis que l'éventail des opinions des parlementaires s'élargissait considérablement vers la droite, avec « la nouvelle révolution conservatrice ».

Parallèlement, plusieurs Think Tanks ultraconservateurs comme l'Heritage Foundation , ont réellement acquis droit de cité, alors que leurs analyses n'étaient auparavant guère considérées comme « raisonnables ».

Ces évolutions ont ainsi conduit le CRS à étendre l'éventail des arguments et des points de vue qui devaient être pris en considération dans ses rapports. Malgré cela les experts du CRS, qui signent leurs rapports, sont de plus en plus exposés, au point que des Sénateurs influents ont récemment proposé la suppression du CRS.

De même, ces évolutions se sont traduites par une résistance politique croissante aux préconisations du GAO.

Parallèlement, le niveau élevé des déficits publics au début des années 1990 (le besoin de financement des administrations publiques a dépassé 5% du PIB au cours des années 1991, 1992 et 1993) fit de la maîtrise des dépenses publiques et de la réduction du nombre de fonctionnaires, y compris parlementaires, un enjeu électoral majeur.

S'agissant du CRS, le souci d'une plus grande efficacité de la dépense publique eut d'ailleurs une conséquence paradoxale : certains parlementaires, comme le Sénateur McCain, ancien candidat à l'investiture présidentielle, souhaitent en effet que les rapports du CRS soient publiés afin de bénéficier au plus grand nombre, ce que le CRS refuse à ce jour pour limiter les pressions et les controverses. Le CRS est ainsi placé entre le marteau des parlementaires que la diffusion ses travaux contrarie et l'enclume de leurs collègues qui veulent une diffusion plus large.

Le GAO était pour sa part vulnérable en raison de sa taille. En effet, le GAO employait plus de cinq mille fonctionnaires au milieu des années 1980, soit 16 % de l'ensemble des personnes travaillant au Congrès et près de 37 % des fonctionnaires du Congrès.

Compte tenu de ce que les effectifs des autres agences ou services du Congrès étaient de taille plus réduite ou difficilement compressible (la bibliothèque du Congrès - quatre mille employés - est ainsi une institution au service du public où les gains de productivité sont lents), toute réduction symbolique des effectifs du Congrès devait passer par une diminution du nombre d'employés du GAO.

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