II. UNE METHODOLOGIE AMBIGUË QUI CONDUIT FINALEMENT A UNE ACCELERATION DE LA CROISSANCE DES TRAFICS ROUTIERS

A prime abord, la lecture du document dans sa première moitié laisse imaginer que les orientations générales des schémas directeurs de marchandises et de voyageurs sont guidées par le souci de satisfaire les besoins futurs dans un espace européen toujours plus ouvert, tout en restant attentif au nécessaire rééquilibrage intermodal.

La fin du document conduit à penser que le contenu du scénario MV est, pour les marchandises, défini assez arbitrairement avec comme principal souci de se rapprocher des engagements pris à Kyoto, sans que l'on se soit assuré de sa plausibilité et de ses impacts en termes de services rendus .

Le malaise méthodologique est renforcé par les textes des chapitres 112 (Perspectives d'évolution de la demande de transport) et par l'annexe 1 qui présentent les projections futures par mode suivant quatre scénarios sans jamais évoquer le scénario retenu MV. Il est patent qu'il n'y a pas de cohérence méthodologique dans le tableau de la page 108 entre les projections des productions de transport, voyageurs et marchandises, en 2020 des scénarios A à D et du scénario MV.

Cette méthodologie montre toute son ambiguïté dans les conséquences du scénario MV (une croissance demeurant très forte, cf. figure 2 page 10, pour les trafics routiers de voyageurs, et un transfert massif vers le rail pour les trafics de marchandises, cf.
figure 1 page 9) qui conduisent à une croissance du trafic routier qui irait globalement en s'accélérant par rapport à la période passée , comme le montre le tableau ci-après.

Progressions passée et future avec le scénario MV des véh-km sur le réseau routier national en milliards de véh-km

Progression annuelle moyenne

1970

1996

2020
scénario MV

1970-1996

1996-2020

Véhicules légers

44,8

141,4

249,8

3,7

4,5

Poids lourds

11,4

31

44,4

0,8

0,6

Total

56,2

172,4

294,1

4,5

5,1

Source : Calculs du Consultant à partir des trafics totaux de 1970 et 1996 (SETRA) et des taux de croissance du tableau de la page 108

L'élaboration de ce tableau a nécessité les trois hypothèses suivantes qui, bien que sommaires, ne doivent pas modifier les ordres de grandeur des deux colonnes de droite :

• le taux moyen de poids lourds est estimé à 18 % en 1996 53 ( * ) ,

• le taux d'occupation des voitures est supposé constant 54 ( * ) ,

• la charge utile moyenne des camions est aussi supposée constante dans le temps 55 ( * ) .

Le passage d'une croissance annuelle de 4,5 milliards de véh-km au cours des 26 dernières années à 5,1 milliards de véh-km durant la période 1996-2020 montre que la réduction de la croissance des trafics de poids lourds n'arrivera pas à compenser suffisamment la progression soutenue des véhicules légers.

Les études de projections de trafics sur le réseau routier national sont menées actuellement en suivant les directives de la circulaire n°98-99 du 20 octobre 1998 du Ministère de l'Equipement, relative aux méthodes d'évaluation économique des investissements routiers en rase campagne. Cette circulaire indique les taux moyens nationaux de progression des trafics qu'il convient de considérer. Ces taux sont différenciés pour les VL en fonction de la distance de parcours , et pour les PL en fonction de la nature du trajet (interne France, échange et transit international). Des hypothèses de croissance basse, moyenne et haute, sont par ailleurs considérées. Tous trajets et tous véhicules confondus, les taux moyens sont présentés dans le tableau suivant.

Taux de progression des trafics routiers au niveau national d'après la circulaire 98-99

Taux annuel de croissance linéaire (base 1995)

Période 1995-2015

Période 2015-2025

Hypothèse basse

2,0 %

1,0 %

Hypothèse moyenne

2,5 %

1,25 %

Hypothèse haute

3,1 %

1,55 %

La figure 2 bis ci-après montre que le scénario MV dépasse en 2020 l'hypothèse haute de la circulaire actuellement en vigueur. Il est nettement supérieur à l'hypothèse moyenne (non représentée par souci de lisibilité mais qui se situe approximativement à mi-distance des hypothèses haute et basse) qui est traditionnellement retenue dans la plupart des études de projets routiers et autoroutiers.

Concrètement cela signifie que l'approbation du scénario MV devrait normalement amener le Ministère de l'Equipement à produire une nouvelle circulaire indiquant des taux moyens de croissance futurs des trafics routiers cohérents avec ceux du scénario MV et donc supérieurs aux taux actuellement en vigueur .

Figure 2 bis : Evolution passée et croissances futures des trafics routiers sur le réseau national (RN + autoroutes), en milliards de véh-km

Cette croissance accélérée du trafic routier, qui n'est pas clairement indiquée dans le document SMSCT, soulève donc deux questions de fond vis-à-vis du scénario MV :

• Ce scénario n'apparaît pas cohérent avec l'objectif général de se rapprocher des engagements de Kyoto.

• La réduction importante des investissements routiers risque de conduire à une dégradation marquée des conditions de circulation.

En résumé, il semble que le scénario MV ne présente un schéma pertinent ni vis-à-vis de la satisfaction des besoins futurs en terme de qualité de service, ni vis-à-vis de la nécessaire prise en compte des impératifs environnementaux.

* 53 Le SETRA ne donne pas la décomposition des trafics entre VL et PL.

* 54 Hypothèse qui permet de dire que la croissance en voyageurs-km sur route est identique à la croissance en VL-km.

* 55 Hypothèse qui permet de dire que la croissance en tonnes-km sur route est identique à la croissance en PL-km.

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