III. VRAIS ET FAUX RISQUES RÉSULTANT DES ÉCHANGES DE PRODUITS

La déclaration officielle des cas de fièvre aphteuse par les Etats membre de l'OIE joue un rôle essentiel dans la limitation de l'ampleur des épizooties. Cependant, elle s'effectue de façon parfois aléatoire, pour ne pas dire plus...

C'est pourquoi les Etats de l'Union européenne ont mis en place une réglementation des importations de produits en provenance des pays tiers, dont l'application pourrait être, toutefois, plus rigoureuse.

A. L'APPLICATION PARFOIS ALÉATOIRE DU PRINCIPE DE DÉCLARATION DES CAS DE FIEVRE APHTEUSE À L'OIE

1. Le principe de déclaration

En vertu des articles 2, 3 et 6 du chapitre 2-1-1 du titre 2-1 du code zoosanitaire international, les Etats qui souhaitent bénéficier du précieux statut de « pays indemne de fièvre aphteuse sans vaccination » s'engagent à faire preuve de célérité et de régularité dans la déclaration des maladies animales. Il y a malheureusement loin de la théorie à la pratique, et la liste que publie régulièrement l'Office international des épizooties contient parfois le nom d'Etats qui négligent de respecter scrupuleusement leurs engagements internationaux.

2. Une application « à éclipses »

a) Bien que la liste des Etats indemnes de fièvre aphteuse soit périodiquement révisée par l'OIE...

La liste relative au statut des pays en matière de fièvre aphteuse, adoptée par le Comité international de l'OIE, est périodiquement rendue publique, conformément aux dispositions du Chapitre 2.1.1 du Code zoosanitaire international. Cette liste se présente comme suit :

PAYS CONSIDÉRÉS COMME INDEMNES DE FIÈVRE APHTEUSE
OÙ N'EST PAS PRATIQUÉE LA VACCINATION
(A JOUR À LA DATE DU 31 MAI 2001)

Albanie
Allemagne
[Argentine]*
Australie
Autriche
Belgique
Bulgarie
Canada
Chili
Chypre
Costa Rica
Croatie
Cuba
Danemark

El Salvador
Espagne
Estonie
Etats-Unis
Ex-rep. Youg de Macédoine
Finlande
[France]*
Grèce**
Guatmala
Guyana
Haïti
Honduras
Hongrie
Indonésie
[Irlande]*

Islande
Italie
Japon**
Lettonie
Lituanie
Luxembourg
Madagascar
Malte
Maurice
Mexique
Norvège
Nouvelle-Calédonie
Nouvelle-Zélande
Panama

[Pays-Bas]*
Pologne
Portugal
Roumanie
[Royaume-Uni]*
Singapour
Slovaquie
Slovénie
Suède
Suisse
[Swaziland]*
Tchèque, Rép.
Ukraine
[Uruguay]*
Vanuatu

* Le statut des pays indemnes de fièvre aphteuse désignés entre crochets [] est suspendu, en raison de la récente apparition de la maladie.

** Le Japon a été réintégré à la liste le 26 septembre 2000, et la Grèce le 25 janvier 2001.

Source : OIE

On notera qu'à la même date, six pays comportent une zone indemne de fièvre aphteuse où n'est pas pratiquée la vaccination : l'Afrique du Sud, le Botswana, la Colombie, la République de Corée, la Namibie et les Philippines ; que deux Etats, le Brésil et la Colombie, ont une zone indemne de fièvre aphteuse où est pratiquée la vaccination et enfin que seul le Paraguay est considéré comme pays indemne de fièvre aphteuse où est pratiquée la vaccination

b) Certains Etats parviennent à demeurer dans la catégorie des pays « indemnes » alors même qu'ils sont infectés

L'exemple de l'Argentine est, à ce titre, fort instructif.

L'Argentine est parvenue, en mai 1997, après avoir dépensé non moins de 1,2 milliard de dollars et combattu la fièvre aphteuse pendant 70 ans, à figurer sur la liste des Etats indemnes de fière aphteuse sans vaccination. Ce statut était d'autant plus précieux que le cheptel argentin de 49 millions de têtes peut alimenter des flux d'exportations importants (339.000 tonnes pour une valeur de 671 millions de dollars en 2000), notamment sur le créneau du boeuf de qualité « Hilton » dont le cours se situe aux alentours de 8 à 9.000 dollars la tonne. Cette conquête augurait bien du développement des exportations vers les Etats libre de toute contamination et ne pratiquant pas la vaccination, mais la contrebande venue du Paraguay en a décidé autrement.

Selon des sources officielles, les services vétérinaires argentins auraient, dès le mois de juin 2000, renforcé les contrôles à la frontière du Paraguay, par crainte que l'épizootie qui y sévissait n'atteigne son territoire. En août, des bovins venant du Paraguay, dont certains présentaient des sérologies positives ont cependant été introduits illégalement en Argentine et mis au contact d'autres bêtes. La contrebande entre les deux pays résultait de la différence de prix des animaux (le prix du bétail vif au kilo est 0,25 à 0,45 dollar au Paraguay et de 0,98 dollar environ en Argentine) et de l'absence d'identification individuelle du cheptel.

Après avoir procédé à des abattages préventifs , les autorités ont mis sous surveillance sanitaire et militaire plusieurs zones, avec le concours de l'armée. A la fin du mois d'août, divers témoignages de producteurs ont évoqué la mise en oeuvre de programmes de vaccination, démentis par le gouvernement. Ces rumeurs se sont poursuivies de façon épisodique jusqu'en janvier 2001. En février, des campagnes de vaccination préventive ont été officiellement menées, mais aucun foyer n'a été reconnu. Il a fallu attendre le 13 mars 2001 pour que l'Argentine annonce officiellement -le même jour que la France !- l'existence d'un foyer . L'Argentine a alors suspendu unilatéralement ses exportations vers les Etats-Unis et le Canada, mais non pas celles vers l'Union européenne. Peu après le secrétaire d'Etat à l'agriculture et le chef des services vétérinaires ont été contraints de démissionner, tandis que l'affaire prenait une dimension judiciaire 79 ( * ) .

A la date du 2 juin 2001, l'Argentine comptait 1.105 foyers aphteux. 9.352 animaux étant atteints 80 ( * ) . Un programme de vaccination a été lancé (près de 40 millions de doses auraient été utilisées à la date du 19 mai) et de nombreux gouvernements provinciaux ont demandé que les troupeaux soient vaccinés dès que possible. Le coût total du programme de vaccination est estimé à 62 millions de dollars.

Votre mission se félicite de ce que la France ait consigné les lots de viande fraîche argentine dans les postes d'inspection frontaliers dès le 16 mars et interdit l'importation de viandes fraîches (qu'elles aient été expédiées avant ou après la notification officielle de sa situation par l'Argentine à l'OIE) en provenance d'Argentine, le 23 mars 2001. Elle regrette cependant que cette décision n'ait pas été prise plus tôt, puisque de fortes suspicions pesaient sur l'état sanitaire de certaines parties du cheptel argentin. Elle le déplore d'autant plus que le risque encouru en Argentine était bien connu des spécialistes de la fièvre aphteuse dès l'automne 2000 81 ( * ) .

Elle déplore en outre que l'Union européenne ait attendu le 4 avril 2001, près de trois semaines après l'annonce faite par l'Argentine, et après huit mois au cours desquels de forts soupçons ont pesé sur ce pays, pour suspendre les importations de viandes fraîches qui en proviennent. Encore cette interdiction ne portait-elle que sur les viandes expédiées après la notification de sa situation par l'Argentine.

Votre mission d'information considère que l'Union européenne et la France doivent sanctionner sévèrement, en refoulant leurs exportations, les Etats qui usurpent le statut de pays indemne de fièvre aphteuse.

* 79 Cf. « La justicia allanò officinas del SENASA », dans Clarin, 28 mars 2001 ; « Del silencio al reconocimiento publico del rebote de la aftosa », dans La Nacion, 5 mars 2001.

* 80 OIE, Informations sanitaires, 8 juin 2001, vol. 14, n° 23, fièvre aphteuse en Argentine, rapport de suivi n°13.

* 81 C'est ainsi que lors d'une session du Comité exécutif de la Commission européenne de la fièvre aphteuse de la FAO, tenue les 16 et 17 novembre 2000, un intervenant signalait que l'Argentine n'avait pas perdu son statut indemne, alors même que le virus avait été isolé à la suite de tests sérologiques, tandis qu'un autre spécialiste estimait qu'à l'avenir, un foyer devrait être déclaré chaque fois qu'il existerait des preuves d'infection active, comme cela avait été le cas en Argentine. Cf. Rapport du Comité exécutif précité de la FAO, p. 8.

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