II - LES ESSAIS NUCLÉAIRES EN POLYNÉSIE : LA RECHERCHE D'UNE INCIDENCE MINIMALE

Quatre ans avant la cessation des essais nucléaires au Sahara la poursuite de ces essais dans un autre site avait été décidée et ce sont plus particulièrement les atolls de Mururoa et de Fangataufa à l'extrémité Est de l'archipel des Tuamotou en Polynésie française qui avaient été désignés à cette fin.

1. La situation géographique et climatique

Le choix du site de Mururoa (et Fangataufa) s'est imposé très aisément pour des raisons évidentes d'isolement, d'absence de population proche (moins de 2300 habitants dans un rayon de 500 km et moins de 5000 dans un rayon de 1000 km) et de régime climatique favorable qui minimisait au maximum les risques de retombées sur des régions habitées permettant également une dispersion efficace vers des zones entièrement vides. En effet, pendant l'hiver austral, la zone d'essais se trouve dans une région de vents soufflant en altitude de l'Ouest vers l'Est donc en direction d'une zone désertique de plus de 6000 km.

Il convient de rappeler en outre que ce site du CEP (Centre d'Expérimentation du Pacifique), situé à plus de 1100 km de Tahiti, était à plus de 4750 km d'Auckland en Nouvelle Zélande, 6600 km des côtes californiennes et de Lima, 6900 km de l'Australie.

Les distances des sites d'essais étrangers par rapport à des régions substantiellement peuplées n'avaient rien à voir avec celles du CEP. Aux Etats-Unis, le site du Nevada est à 120 km de Las Vegas et 15 millions d'habitants vivent dans un rayon de 150 km du site. En URSS, Semipalatinsk est à 560 km d'Omsk et Barnaul dans l'Altaï est encore un peu plus proche : on compte 1,2 million d'habitants dans un rayon de 500 km autour du site. En Australie, Maralinga et Emu sont situées à 850 km d'Adélaïde en moyenne (1,2 million d'habitants). Enfin, en Chine la distance Lob Nor-Ouroumtchi est de 500 km, et les localités au Kansu sont à la même distance.

Cet éloignement et cet isolement ont été un facteur essentiel à la limitation des incidences des essais français dans le Pacifique mais ce bénéfice avait un coût évident à la fois en termes financier, d'organisation et de contrainte. Son évaluation, problématique d'ailleurs, n'est pas l'objet du présent rapport, mais l'importance de ce coût ne doit pas être oublié ou minimisé. La sécurité a nécessairement un prix par rapport à des solutions de facilité bien moins lourdes et bien moins onéreuses ; les cas de Mururoa et de Semipalatinsk l'illustrent chacun à leur manière.

La part limitée des essais français dans l'ensemble des essais atmosphériques mais aussi les conditions dans lesquelles ils ont été conduits, avec le respect de grandes exigences au niveau météorologique, montrent d'emblée pourquoi des retombées locales ont été extrêmement limitées lorsqu'il y en a eu et pourquoi leur contribution aux retombées globales reste faible puisque, ainsi que le précisait dès 1982 le rapport de l'UNSCEAR, le niveau de radioactivité artificiel imputable aux retombées des essais n'a fait que décroître depuis 1965.

Source : UNSCEAR 1982

Evolution dans le temps des doses collectives provenant des explosions nucléaires dans l'atmosphère.

(a) Dose collective annuelle moyenne reçue de 1958 à 1979 (en pourcentage de la dose provenant des sources naturelles)

(b) Dose collective engagée pour l'avenir par les tirs effectués entre 1945 et 1980 (en terme de journées d'exposition équivalentes aux sources naturelles

Pour l'ensemble du Pacifique, de 1946 à 1962, les Etats-Unis ont procédé à 106 essais atmosphériques et la Grande-Bretagne à 22 de 1952 à 1958 ; la totalité des essais réalisés dans cette zone représente 170 mégatonnes environ, la part française étant estimée à 10,1 mégatonnes pour 41 essais atmosphériques.

2. Les conditions de réalisation des essais atmosphériques ; les différents types de tirs

Seuls seront rappelés ici les quelques éléments factuels ou techniques nécessaires à l'appréciation des incidences sur l'environnement et la santé. L'organisation du CEP, la distribution des fonctions entre les différents acteurs au sein des Armées et du CEA ne sont évoquées que dans la mesure où elles peuvent également avoir une importance dans cette perspective.

2.1. Des tirs atmosphériques

La France avait déjà l'expérience des essais souterrains en galerie. Les premières expériences atmosphériques réalisées à Mururoa et à Fangataufa l'ont été soit à partir d'une barge flottant au milieu de l'atoll, soit, dès que la technique a été maîtrisée, sous ballons captifs, et exceptionnellement d'avions.

La nécessité se faisait jour de passer aux essais d'engins thermonucléaires, donc de passer à des puissances mégatonniques, ce qui impliquait que l'on sorte du domaine des essais souterrains.

2.2. Des tirs regroupés en « campagnes »

Pour éviter que les retombées atteignent des îles habitées, il était impératif que les essais se fassent sous un régime de temps favorable, la surveillance météorologique étant de toute façon constante, rigoureuse et exhaustive.

Aussi, la période où les tirs ont lieu s'étend-elle de mai à septembre. Ce regroupement des tirs en quelques jours pendant les cinq mois de campagne s'observe également et répond, outre les exigences météorologiques, à des besoins d'organisation. Il faut en effet considérer que chaque tir représente, surtout lors des premières campagnes, une organisation importante et lourde avec évacuation du site par une véritable flotte. Une description illustrative et résumée de cette organisation est donnée dans l'ouvrage « Les essais nucléaires français » 10 :

« Chaque tir, surtout ceux d'une certaine énergie, en raison de l'altitude du nuage, et donc de l'altitude à laquelle il faut faire des prélèvements de poussières et de gaz, représente une véritable opération aéronavale : appareillage des bâtiments bases dans la nuit précédant le tir ; surveillance des zones maritimes et aériennes proches du champ de tir ; élaboration des prévisions météorologiques et décision de procéder à l'expérimentation ; montage de l'engin expérimental et évacuation du personnel ayant procédé à ce montage ; activation de l'ensemble des moyens de mesures du champ de tir ; exécution du tir ; déclenchement de l'opération prélèvements, soit par pénétration du nuage par des avions spécialement équipés, soit par lancement de fusées de prélèvement de poussières de gaz, retombant en mer et qu'il faut ensuite localiser et récupérer par chalutage en hélicoptère avant transfert par avion vers les laboratoires de Hao ; récupération des enregistrements sur le champ de tir ; retour de la « Flotte » à Mururoa en vue de l'expérimentation suivante.

Ces opérations minutieusement préparées par l'état-major du GOEN (Groupement Opérationnel des Expérimentations Nucléaires) se déroulent, dès les premiers tirs, « comme à l'exercice ». Elles exigent, pour les campagnes importantes que sont les campagnes 1966 et 1968 (avec prélèvements par fusée), la mise en _uvre d'une force aéronavale imposante, la Force Alpha, qui comprend un porte-avions, des escorteurs d'escadre, des avisos escorteurs, des avions anti-sous-marins et un soutien logistique important. »

2.3. En premier lieu, les tirs sur barge

En un an, du 2 juillet 1966 (premier tir du CEP) au 2 juillet 1967 ont eu lieu quatre tirs sur barge. La barge est positionnée avec précision devant le blockhaus du poste d'enregistrement avancé (PEA). Cette barge qui comprend une grande partie de l'instrumentation (enregistrement et contrôle) était naturellement détruite à chaque essai. Ce type de tir entraînait une contamination locale substantielle qui gênait ensuite la reprise des activités sur l'atoll. Ce sont de beaucoup ces tirs sur barge qui ont entraîné la plus importante contamination . Le directeur des services de protection radiologique du CEA reconnaissait d'ailleurs : « si nous n'avions pas effectué de tirs sous barge, nous aurions aujourd'hui des lagons impeccables » 11 .

2.4. En second lieu, les tirs sous ballon

Une première expérience sous ballon captif eut lieu le 11 septembre 1966 mais ce n'est qu'au milieu de 1968 que l'on put mettre un terme aux tirs sur barge dont le caractère contaminant au plan local était notoire à plusieurs titres. En effet, lorsque le tir est effectué sur barge donc au niveau de la mer, la boule de feu créée par l'explosion peut atteindre plusieurs centaines de mètres de rayon pour les engins les plus puissants et se heurte aux matériaux et à l'eau du lagon qui sont alors vaporisés et mélangés aux gaz chauds.

Ce délai s'explique par le fait que cette technique était difficile à maîtriser : « il faut que la charge utile du ballon soit suffisante pour que la nacelle puisse emporter l'engin à expérimenter et l'instrumentation des mesures proches. Il faut aussi que, malgré des vents souvent très forts, la stabilité de la nacelle soit parfaite de manière à ce que les différents appareillages de mesures installés au sol restent bien pointés sur elle au moment du tir. On est donc amené à mettre en _uvre les techniques des aérostiers un peu oubliées et à faire de nombreux essais en métropole » 12 .

On doit penser en outre que l'altitude au ballon pouvait varier de 200 à 800 mètres.

La technique étant maîtrisée, les résultats ont largement atteint les objectifs : l'explosion s'est faite à une hauteur suffisante, supérieure au rayon de la boule de feu, sans interaction donc avec le sol ou l'eau, limitant ainsi très fortement les retombées radioactives. Ce progrès décisif a été remarqué, ainsi dans l'ouvrage SCOPE/59 « Nuclear Test Explosions » de Sir Frederick Warner, René J.C. Kirchmann (page 60) : « L'énergie de fission cumulée des essais français peut être estimée à 6500 kt, un peu moins que 3 % du total mondial. Cela représente, si l'on suppose que tous les produits de fission sont reportés d'une manière égale au niveau planétaire, une irradiation équivalente à onze jours de radioactivité naturelle. Les faibles valeurs troposphériques (en relation avec les valeurs stratosphériques) sont le résultat positif de la technique de tir appelée « sous ballon » .

Lorsque la contamination locale est pratiquement nulle, on peut engager les opérations de rééquipement de la zone de tir immédiatement après l'essai précédent et surtout le besoin d'une évacuation à bord d'une flotte, avec poste de commandement sur un bâtiment de la Marine, disparaît.

Après les essais confirmés de 1967 et de juillet -début août 1968, la première bombe thermonucléaire (tir « Canopus » eut lieu dans ces conditions, à Fangataufa, le 26 août 1968 (2,6 Mt) à une altitude d'un peu plus de 500 mètres ce qui, selon le Professeur Yves Rocard « pour une bombe thermonucléaire qui dépasse la mégatonne, était à peu près correct pour tirer des bombes aussi propres que possible » 13 .

2.5. Par ailleurs, des essais spécifiques : tirs par avion et essais de sécurité

#172; Les tirs par avion

Trois essais nucléaires ont été réalisés en 1966, 1973 et 1974 par tir à partir d'avions dans des zones éloignées de Mururoa, respectivement à 85, 26 et 17 kilomètres. Ce type d'essai, bien davantage pratiqué par les Américains et les Soviétiques, et dans une moindre mesure par les Britanniques et les Chinois, a l'avantage de reproduire exactement les conditions réelles d'utilisation des armes nucléaires mais ne permet peut-être pas une observation et une mesure aussi détaillées de l'explosion de l'engin lui-même.

#172; Les essais de sécurité

A côté des essais de tir de l'engin nucléaire, la France a pratiqué, comme les autres puissances ayant développé un armement nucléaire opérationnel, des essais destinés à s'assurer que l'engin proprement dit ne s'amorce pas de lui-même pendant le transport ou le stockage et que, dans tous les cas d'accidents possibles, il ne puisse y avoir de dégagement d'énergie nucléaire, même si cet accident entraîne l'amorçage de l'explosif classique de la charge nucléaire. On peut admettre tout au plus une certaine dispersion de matières fissiles.

L'objectif technologique ultime est la sûreté intrinsèque de l'engin lui-même, au-delà des dispositifs de séparation physique de l'explosif classique et de la partie nucléaire. La charge est dite alors « autosûre ».

L'atteinte de cet objectif implique donc la réalisation d'expérimentations répétées qui sont polluantes. Entre 1966 et 1974, cinq essais de sécurité ont été effectués à Mururoa. Ces essais ont été réalisés au sol en zone « Colette ». La dispersion de plutonium a été importante et la zone a dû dans un premier temps être recouverte de bitume pour immobiliser le plutonium déposé. Dans un deuxième temps, au milieu des années 80, une importante opération de décontamination a été réalisée dans ce secteur.

Sept autres essais de ce type l'ont été en souterrain après 1974 jusqu'en 1989. Les chiffres sur ce point varient quelque peu selon les sources, notamment semble-t-il , selon qu'il y ait eu ou non très léger dégagement d'énergie nucléaire. L'AIEA donne, quant à elle, le chiffre de 10 essais de sécurité souterrains dont trois avec dégagement. Le même genre d'incertitude, avec des marges plus élevées, s'observe aux Etats-Unis sans parler de l'URSS.

3. La sécurité des essais atmosphériques

Après le choix du site d'expérimentation qui s'est révélé être un des sinon le mieux adapté par rapport à tous les autres sites d'essais atmosphériques, et l'utilisation d'une technique de tir peu contaminante, l'organisation qui vise à assurer la sécurité maximale donc une incidence minimale sur l'environnement et la santé, a été fixée comme objectif aux différents acteurs, Armées et CEA. Au-delà de ce qui a déjà été évoqué, les lignes de force de cette organisation sont :

- la priorité donnée à la « sécurité  météorologique » par rapport aux exigences techniques et militaires, et

- la vigilance sanitaire par la surveillance des hommes et du milieu naturel.

Ici encore, on se contentera de rappeler les éléments essentiels de dispositifs qui ont déjà été largement présentés à différentes occasions.

3.1. La « sécurité météorologique »

L'objectif de la plus grande sécurité possible vis-à-vis des risques météorologiques a impliqué la mise en place d'un réseau étendu de stations météorologiques. En effet, la zone du Pacifique sud présentant l'avantage d'être presque vide d'îles peuplées, la densité de points d'observation était évidemment en rapport. Il a ainsi été nécessaire d'ajouter au réseau existant des stations complémentaires fixes (insulaires) mais aussi mobiles sur les bâtiments de la Marine nationale dont certains étaient chargés spécialement de cette tâche (avec l'observation des retombées) : les « piquets météo » en place pendant tout la saison d'essais.

Les moyens aériens d'analyse ont été aussi largement utilisés, de même que les satellites météorologiques.

La procédure et les critères de sécurité pour le tir répondaient à une stratégie précise ainsi caractérisée dans l'ouvrage déjà cité 14 :

« - aucune retombée directe prévisible sur une zone habitée y compris en cas de pluie, pouvant entraîner une radioexposition supérieure à celle due à la radioactivité naturelle ;

- toute retombée imprévisible sur un atoll ou une île habitée ne doit pas dépasser la limite annuelle recommandée par la Commission Internationale de Protection Radiologique (CIPR) pour les populations ;

- tout dépassement de cette valeur ne peut se rencontrer que dans les zones déclarées dangereuses (qui couvrent aussi le risque d'éblouissement) ;

- aucune couche nuageuse ne doit risquer, en traversant une route aérienne commerciale, de contaminer un avion au-dessus des niveaux recommandés par la CIPR ;

- sur le site de tir, on doit respecter les mêmes normes de protection contre les rayonnements que dans le cas d'une centrale nucléaire et de son voisinage.

La maîtrise des techniques de prévision météorologique et radiobiologique était telle qu'elle autorisait la présence de tous les expérimentateurs sur la base vie du site de tirs, ce qui libérait le dispositif opérationnel de la lourdeur d'une évacuation préalable et permettait de saisir, dans les meilleures conditions de fiabilité, une situation météorologique favorable ».

Cette connaissance météorologique doit avoir son prolongement dans l'application au tir lui-même et à ses effets immédiats et à moyen terme. Les mêmes auteurs 15 précisent ainsi ce qu'ils appellent « une bonne connaissance de la source, de bons modèles de calcul du transfert des particules  et des retombées locales. Un modèle très fiable dans toute la gamme des énergies a été établi : dimensions géométriques, composition du nuage, distribution granulométrique des particules, répartition de la radioactivité.

Un bon modèle de calcul des retombées locales, essentiellement problème de balistique et de cinématique, a été mis au point. Ceci permet d'établir des cartes de retombées à partir de données météorologiques présentant des courbes isochrones donnant l'heure de l'arrivée de la retombée et des courbes isointensités donnant le niveau de la retombée.

Les services français, à partir des études théoriques et expérimentales menées en Polynésie, ont acquis une grande maîtrise pour la prévision des retombées immédiates et différées. Pour cela, ils disposaient d'un excellent modèle de calcul de transfert des particules légères à toute distance. Il était en effet nécessaire pour parer au risque d'accroissement des retombées locales par précipitation au sol par la pluie, pour assurer la sécurité des vols long courrier, pour éviter l'atteinte des territoires voisins, en particulier des pays andins».

Cette « sécurité météo » avait un coût financier bien sûr, mais avant tout sous forme d'attente et éventuellement de décalage des opérations et de toutes les activités des différents intervenants. Ainsi, 18 tirs ont été repoussés pour cause de météorologie défavorable dont :

- 8 tirs entraînant des retards de un à deux jours,

- 10 tirs entraînant des retards de 3 à 17 jours.

La somme de l'ensemble de ces retards réprésente un cumul d'environ cent jours d'attente.

L'objectif de sécurité a ainsi déterminé une organisation et un état d'esprit qui ont sans doute contribué à éviter non seulement des événements comme celui du tir Bravo à Bikini ou ceux liés à certains tirs à Semipalatinsk ou encore ceux des retombées de certains tirs du Nevada (« Simon » en 1953 et « Plumbbob » de mai à octobre 1957).

3.2. La vigilance environnementale et sanitaire

La même orientation et une méthode analogue ont prévalu pour la vigilance environnementale et sanitaire. Il faut dire aussi que la pression hostile aux essais français de pays de la zone géographique, au sens étendu du terme (Nouvelle Zélande, Australie, Pérou) était telle que les instructions des autorités civiles et militaires ont, dès le départ, exigé un souci de sécurité que l'on pourrait qualifier d'exhaustif.

Dès 1962, le CEA, à travers son Département de protection, avait installé à Faaa (Tahiti) une station de prélèvements de produits alimentaires pour surveiller les niveaux de radioactivité artificielle qui pouvaient avoir leur origine dans les essais nucléaires étrangers. L'évolution des dépôts de strontium 90 dans l'hémisphère Sud illustre d'ailleurs ce phénomène : le maximum a été atteint en 1964 avec 1,55 10 16 Bq, le niveau est redescendu à 0,4 en 1968, puis remonté à 0,55 en 1971 et s'est stabilisé à moins de 0,15 à partir de 1974.

- Après la décision de créer le centre d'expérimentations du Pacifique, deux services mixtes (Armées-CEA) avaient été institués :

- le service mixte de sécurité radiologique pour assurer la radioprotection du personnel et la surveillance de l'environnement physique (eau, air, sol) par un réseau de mesures de l'irradiation ambiante et par les mesures effectuées sur les prélèvements périodiques.

- le service mixte de contrôle biologique pour la surveillance radiobiologique de l'environnement (faune et flore).

En outre, un laboratoire « civil », créé au sein du CEA, intervenait pour effectuer les analyses et mesures sur les échantillons prélevés par le précédent : le laboratoire de surveillance radiologique, devenu ensuite (en 1979) le laboratoire d'étude de surveillance de l'environnement, il a enfin été intégré à l'IPSN en en devenant l'échelon polynésien. Ce laboratoire fonctionne toujours ; il a pour mission de surveiller le niveau de radioactivité dans l'environnement en Polynésie.

Cette organisation, quelque peu complexe, a néanmoins permis de suivre précisément l'évaluation des situations pendant la totalité des essais atmosphériques puis souterrains. L'UNSCEAR a ainsi pu disposer de séries de données standardisées et suivies sur de très longues périodes de même que tous les organismes étrangers, notamment scientifiques avec lesquels des contacts ont eu lieu et ce, sur plus de trente ans.

- La vigilance sanitaire au niveau des personnels a été assurée dans les conditions qui imposaient la législation générale et les réglementations spécifiques propres par exemple aux établissements du CEA, pour ce qui concerne notamment la protection contre les radiations ionisantes. Dans les deux atolls le niveau de surveillance a été le même que celui prévu pour les autres installations nucléaires françaises.

En outre, la législation propre à la Polynésie a naturellement été appliquée. Ce suivi médical concernait tous les travailleurs civils, c'est-à-dire non seulement les agents du CEA mais aussi les salariés des entreprises extérieures dès lors qu'ils travaillaient sur l'un des sites d'expérimentation.

Les résultats du suivi médical assuré par le CEA ont fait l'objet d'une enquête sanitaire qui a porté sur près de 6700 personnes ; cet effectif représente 3% de la population polynésienne de l'époque. Il n'en est ressorti aucun risque radiologique spécifique.

Par ailleurs, les pratiques de suivi dosimétrique individuel ont été appliquées pour l'ensemble des personnels civils et militaires (cf. infra).

1 Christian Bataille

2 Le rapport de l'accident de Kyshtym survenu dans l'Oural en 1957 et qui fut diffusé en 1974 en URSS et en 1989 à l'extérieur commentait en quelques lignes les risques : « L'expérience acquise par les pays possédant un domaine nucléaire développé dans la production et l'utilisation de l'énergie atomique montre que certaines catégories professionnelles et populations peuvent être soumises au danger d'une exposition trop forte » cité par D. Robeau, Catastrophes et accidents nucléaires dans l'ex Union Soviétique, IPSN, EDP, 2001.

3 Rapport 2000 (annexe C) de l'UNSCEAR- Comité scientifique des Nations-Unies pour l'étude des effets des rayonnements ionisants.

4 Cet terme « d'incidences » est celui qui figure dans le texte de la saisine elle-même.

5 « Les essais nucléaires français », sous la direction d'Yves Le Baut (Bruylant éd. 1996)

6 Groupe opérationnel des expérimentations nucléaires

7 Les unités utilisées à l'époque ont été converties ici, pour l'essentiel, en unités du Système International actuel :

- pour l'exposition externe : 1 Roentgen = 1 rad _ 1 rem _ 10 mSv (milliSievert) _ 10 mGy

- pour le débit de dose : 1 Roentgen/h = 1 rad/h _ 10 mGy/h (milliGray)

- pour l'environnement : 1 pCi (picocurie) = 37 mBq (milliBecquerel)

8 Biréacteur bombardier en service dans l'armée de l'air à cette époque et utilisé notamment dans cette fonction jusqu'à la fin des essais atmosphériques en Polynésie.

9 Effet de souffle entraîné par l'onde de choc

10 Les essais nucléaires français  (op. cit. page 20)

11 « Tahiti pacifique » - Août 1995

12 « Les essais nucléaires français » (op. cit. page 20)

13 Mémoires sans concessions - Yves Rocard - p. 265

14 « Les essais nucléaires français » (op. cit. page 20)

15 « Les essais nucléaires français » (op. cit. page 20)

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