Rapport d'information sur colloque n° 305 (2001-2002) de M. Henri REVOL , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 16 mai 2002

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N° 305

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002

Rattaché au procès-verbal de la séance du 21 février 2002

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 mai 2002

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) et du groupe d'étude de l'Energie (2) sur les Actes du Colloque « Le marché européen de l'énergie : enjeux et conséquences de l'ouverture » organisé par le Sénat le 12 décembre 2001,

Par M. Henri REVOL,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Gérard Larcher, président ; MM. Jean-Paul Emorine, Marcel Deneux, Gérard César, Pierre Hérisson, Jean-Marc Pastor, Mme Odette Terrade, vice-présidents ; MM. Bernard Joly, Jean-Paul Émin, Patrick Lassourd, Bernard Piras, secrétaires ; MM. Jean-Paul Alduy, Pierre André, Philippe Arnaud, Gérard Bailly, Bernard Barraux, Mme Marie-France Beaufils, MM. Michel Bécot, Jean-Pierre Bel, Jacques Bellanger, Jean Besson, Claude Biwer, Jean Bizet, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Dominique Braye, Marcel-Pierre Cleach, Yves Coquelle, Gérard Cornu, Roland Courtaud, Philippe Darniche, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, Yves Detraigne, Mme Evelyne Didier, MM. Michel Doublet, Paul Dubrule, Bernard Dussaut, André Ferrand, Hilaire Flandre, François Fortassin, Christian Gaudin, Mme Gisèle Gautier, MM. Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Charles Guené, Mme Odette Herviaux, MM. Alain Journet, Joseph Kerguéris, Gérard Le Cam, Jean-François Le Grand, André Lejeune, Philippe Leroy, Jean-Yves Mano, Max Marest, René Monory, Paul Natali, Jean Pépin, Daniel Percheron, Ladislas Poniatowski, Jean-Pierre Raffarin, Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Charles Revet, Henri Revol, Roger Rinchet, Claude Saunier, Bruno Sido, Daniel Soulage, Michel Teston, Pierre-Yvon Trémel, André Trillard, Jean-Pierre Vial.

(2) Le groupe d'étude est composé de : M. Henri Revol, président ; MM. Jacques Valade, Jean Faure, Jean Besson, Jean-François Le Grand, Aymeri de Montesquiou, Ladislas Poniatowski, vice-présidents ; MM. Jacques Bellanger, Gérard César, Pierre Hérisson, Roland du Luart, Mme Odette Terrade, secrétaires : MM. Philippe Nachbar, André Rouvière, François Trucy, Alex Türk, membres du bureau ; MM. Philippe Adnot, Claude Belot, Jean Boyer, Robert Calmejane, Auguste Cazalet, Philippe Darniche, Hubert Durand-Chastel, Jean-Paul Émin, André Ferrand, Hilaire Flandre, Alain Gérard, François Gerbaud, Jean-Pierre Godefroy, Adrien Gouteyron, Louis Grillot, Hubert Haenel, Pierre Laffitte, Alain Lambert, Lucien Lanier, Jacques Legendre, Serge Lepeltier, Paul Loridant, Jean-Louis Masson, Joseph Ostermann, Michel Pelchat, Jacques Pelletier, Jean Pépin, Jean-François Picheral, Xavier Pintat, Bernard Piras, Jean-Pierre Plancade, Charles Revet, Roger Rinchet, Bruno Sido, Jean-Pierre Vial, Xavier de Villepin.

Energie

LE MARCHÉ EUROPÉEN DE L'ÉNERGIE

ENJEUX ET CONSÉQUENCES DE L'OUVERTURE

COLLOQUE

Sous le haut patronage de

Monsieur Christian Poncelet, président du Sénat,

et la présidence de

Monsieur Henri Revol, sénateur de la Côte-d'Or,

Président du groupe d'étude de l'Energie du Sénat

PALAIS DU LUXEMBOURG

Paris

Le mercredi 20 juin 2001

Débats animés par M. Jean-Louis Caffier, Rédacteur en chef à LCI


ALLOCUTION D'OUVERTURE

M. Gérard Larcher, sénateur des Yvelines, président de la commission des Affaires économiques et du Plan

Je vous remercie d'être venus si nombreux pour débattre des enjeux et conséquences de l'ouverture du marché européen de l'énergie, qui bouleverse ce secteur et conduit à une mutation sans précédent de nos grands opérateurs historiques. Nos services publics industriels et commerciaux, forgés à la Libération, ont puissamment contribué au développement de notre pays. Aujourd'hui, un de nos défis majeurs réside dans leur adaptation à la mondialisation et à la concurrence. Pourtant, quand il s'agit d'avancer, toutes les crispations conservatrices se réveillent et, plutôt que de procéder aux changements nécessaires en temps utile, on préfère trop souvent les différer, quitte à accroître la pénibilité des efforts qu'il sera inéluctable d'opérer. À l'inverse, lorsque l'on décide de dire la vérité, et d'avancer résolument en réformant sans brutalité, on s'aperçoit alors que tous peuvent y gagner. J'ai présidé le groupe d'étude de la Poste et des Télécommunications du Sénat, et je vous invite à faire un voyage au « pays des télécommunications ». En 1996, le gouvernement et le Parlement n'ont pas hésité à supprimer le monopole de la téléphonie entre points fixes de France Télécom et à changer ses statuts. Souvenez-vous de la situation sociale d'alors, avec ces grèves de décembre 1995 au prétexte de défense d'un service public à la française. La réforme a néanmoins été votée et appliquée, et on constate actuellement son succès. Les salariés de France Télécom ont pu devenir actionnaires de leur entreprise, et celle-ci a les moyens de s'adapter à la nouvelle donne. Les consommateurs - dont les factures ont globalement diminué - et les plus défavorisés - qui bénéficient de tarifs spéciaux avec interdiction de leur couper « le fil de la vie » -, sont gagnants. De plus, la typologie des prestations s'est élargie : le nombre de personnes ayant accès à la téléphonie mobile a été multipliée par dix en trois ans. Les entreprises ont pu alléger leurs charges grâce à la baisse des tarifs, et l'État a bénéficié de recettes complémentaires avec la vente des actions de France Télécom. Quant à l'opérateur, si son marché de la téléphonie fixe s'est effrité, celui des téléphones mobiles et de l'Internet est en plein développement.

Enfin, plus d'un milliard et demi d'euros ont été investis dans notre économie par les opérateurs concurrents, ce qui implique des créations d'emplois.

Cette réforme des télécommunications est donc une réussite, et on a eu raison de la faire il y a sept ans !

Le secteur de l'énergie est certes spécifique, mais il me paraissait intéressant de rappeler aujourd'hui l'expérience de l'ouverture du secteur des télécommunications, autre service public de réseau.

La loi du 10 février 2000 sur le service public de l'électricité semble davantage inspirée par la crainte que par l'ambition du changement. L'évolution qu'elle propose paraît timide au regard des réformes structurelles engagées par certains de nos partenaires européens. En faisant oeuvre de protectionnisme, le gouvernement a desservi EDF. S'agissant du secteur gazier, si notre opérateur public a conquis des parts de marché à l'international, le retard pris pour la transposition de la directive gaz est inquiétant.

Je souhaite voir le service public se moderniser, s'adapter aux évolutions mondiales et se développer en Europe et ailleurs ; non par un bouleversement radical, mais par étapes. Il nous faut aller de l'avant, être offensifs plutôt que défensifs. Le réalisme, en effet, s'impose par la voix du marché. Le statut de nos opérateurs doit évoluer. Une « sociétisation », c'est-à-dire l'ouverture du capital aux partenaires industriels, est nécessaire, même si l'État reste majoritaire. La mutation du secteur énergétique passe par cette « sociétisation ».

Ces mutations, leur rythme, leurs modalités, leurs conséquences, constituent autant de questions auxquelles des réponses variées seront apportées aujourd'hui. C'est donc un débat essentiel qui s'engage grâce à l'excellente initiative du groupe d'étude de l'Énergie, rattaché à notre commission des Affaires économiques du Sénat, dont il contribue à nourrir les réflexions dans ce domaine, avec son président Henri Revol.


INTRODUCTION DU COLLOQUE

M. Henri Revol, sénateur de la Côte-d'Or, président du groupe d'étude de l'énergie, vice-président de l'OPECST

Je suis particulièrement heureux de vous accueillir ce matin au premier colloque que le Sénat consacre à l'énergie. Pourtant, notre assemblée se préoccupe depuis longtemps des questions énergétiques avec la création d'un groupe d'étude dès le premier choc pétrolier et, plus récemment, d'une commission d'enquête sur la politique énergétique de la France. Son rapport de 1998, intitulé « Politique énergétique : passion ou raison », insistait déjà sur la priorité de l'indépendance énergétique qui se décline en trois enjeux politiques : la sécurité de l'approvisionnement, le respect de l'environnement et la compétitivité des entreprises. Le Sénat a également été impliqué en février 2001 dans le débat lancé par le Livre Vert de la Commission européenne en diffusant la contribution écrite de Jacques Valade sur la sécurité d'approvisionnement énergétique dans le cadre communautaire. Compte tenu de l'importance pour notre économie de l'ouverture du marché énergétique à la concurrence, notre assemblée a donc pris l'initiative de ce colloque sur un sujet dont l'actualité se confirme tous les jours.

Que de chemin parcouru depuis 1986, date de la décision européenne pour une meilleure intégration du marché intérieur de l'énergie, et de sa traduction -tardive- dans les directives du 19 décembre 1996 pour l'électricité et du 11 mai 1998 pour le gaz.

En tant que rapporteur de la loi de transposition de la directive électricité pour la commission des Affaires économiques du Sénat, je tiens à souligner l'importance du travail et du rôle du Sénat qui a adopté deux cent cinquante-huit amendements à ce projet.

La France est spécialiste de la réforme à petits pas de ses entreprises publiques ; elle confond la prudence avec une stratégie défensive. L'opposition entre entreprises privées et publiques n'est plus d'actualité, au même titre que notre protectionnisme empêche toute stratégie d'internationalisation et se retourne au final contre le service public, les marchés européens risquant de lui échapper.

Pour continuer la course mondiale en tête, EDF et GDF, qui ont besoin de capitaux, doivent ouvrir leur capital à des partenaires industriels. Il faut leur donner les moyens de leurs ambitions, de même qu'il faut transposer au plus vite la directive gaz .

Si l'ouverture des marchés reste un enjeu commun, on constate cependant de fortes disparités entre les pays européens, ce qui implique que de nombreux progrès restent à accomplir.

La mondialisation des marchés énergétiques se traduit à la fois par la globalisation des activités au plan international et par l'intégration croissante des entreprises du secteur.

Je souhaite que ce colloque mette l'accent sur les moyens et les enjeux de l'ouverture des marchés et sur les choix stratégiques qu'elle implique, qu'il s'agisse des conditions de raccordement, de la fluidité des échanges, de la disparité des structures de l'offre énergétique des États européens, ou encore de la sécurité des approvisionnements. Nous aborderons aussi les choix stratégiques des grandes entreprises du secteur énergétique, et enfin les décisions politiques à adopter pour relever durablement le défi de la libéralisation.

I. LE MARCHÉ UNIQUE DE L'ÉNERGIE EN 2005 : UNE PERSPECTIVE VOLONTARISTE, ENTRE PARI ET IMPÉRATIF

1. M. Dominique Ristori, directeur des Affaires générales de la DG « Transport, Énergie » à la Commission européenne

Nous essayons à Bruxelles de façonner un modèle européen qui permette de trouver le bon chemin vers un marché ouvert, régulé et sûr. Ces trois caractéristiques indissociables doivent servir de référence à la mise en place du marché énergétique européen.

Le marché intérieur de l'énergie s'est tardivement orienté vers un marché unique. Il a heureusement évolué rapidement depuis 1996.

Le marché unique est nécessaire pour accroître l'efficacité économique. Ainsi, la concurrence conduira les producteurs d'électricité à mieux utiliser les ressources, et les consommateurs à choisir leur fournisseur.

Depuis l'entrée en vigueur des directives électricité et gaz, le degré d'ouverture moyen en Europe est de deux tiers pour le marché de l'électricité et de 70 % pour le gaz. Cette réalité est portée par l'évolution du marché, par la restructuration des entreprises et les décisions ambitieuses de certains gouvernements. Il est à ce sujet regrettable que la transposition de la directive gaz ne soit pas encore faite en France. Des rythmes d'ouverture différents d'un pays à l'autre, créent trop de problèmes et de disparités entre les opérateurs. Pour réunir des conditions parfaites de concurrence, il est nécessaire que tous les consommateurs industriels aient le choix de leur fournisseur. Il est ainsi anormal que cette possibilité soit établie en Allemagne et non en France.

La Commission propose dès 2003 pour l'électricité, et 2004 pour le gaz, le choix des fournisseurs en Europe aux clients industriels. Les propositions européennes ne se limitent pas à la dérégulation ; une régulation moderne, qui s'articule autour d'autorités de régulation indépendantes et de gestionnaires de réseaux de transport, est en voie d'élaboration.

Quant à la sécurité d'approvisionnement, pour éviter les crises comme en Californie, nous avons prévu une étroite surveillance de l'évolution de l'offre et de la demande.

Il est important de créer un véritable marché unique européen et non pas quinze marchés libéralisés et séparés les uns des autres. C'est le sens de la proposition du règlement sur les échanges transfrontaliers qui représentent aujourd'hui seulement 8 % de la production d'électricité. Un accord est en cours pour les gestionnaires de réseaux de transport pour harmoniser et fluidifier l'espace en Europe. Il mettrait fin au pancaking (les charges successives au passage des frontières) à un moment où l'élargissement du marché de l'Europe se réalise et pourrait ainsi aider certains pays à développer leur production, créer des nouvelles centrales et des nouveaux régulateurs. Le modèle européen doit servir demain à l'élargissement.

À Bruxelles, le Conseil des ministres sous présidence belge se termine sans grande décision. En revanche, la future présidence espagnole sera déterminante avec, notamment, un Conseil prévu en mars 2002 à Barcelone. Les conditions devraient alors être réunies pour trouver la route d'un progrès rapide et décisif. Il est urgent que nous trouvions un accord sur ce dossier du marché intérieur de l'électricité et du gaz qui représente 250 milliards d'euros de chiffre d'affaires par an.

En ce qui concerne la régulation, des solutions raisonnables s'amorcent, en termes de tarifs, d'indépendance des gestionnaires de réseaux et de règlements transfrontaliers.

2. M. Jean Syrota, président de la Commission de régulation de l'électricité (CRE)

Dans l'intitulé de notre table ronde, la référence qui pose le moins de difficultés dans le thème est : « 2005 ». C'est l'horizon que propose la Commission européenne pour imposer une ouverture à la concurrence, au moins pour toutes les entreprises et activités économiques.

Pour ce qui est du volontarisme, il y a un aspect spécifique à la France que je dois mentionner. Le marché français du gaz n'est ouvert à la concurrence que pour les 20 % résultant de l'effet direct de la directive européenne de 1998. Celle-ci n'est pas transposée en droit français, et la Cour de justice instruit le dossier de la condamnation de la France.

Je concentrerai donc mon propos sur l'électricité puisque d'une certaine façon, pour l'électricité, le plus dur est fait, l'élan est donné, les bases sont en place.

Le marché unique et son degré de mise en oeuvre

Selon la Commission européenne, le marché unique de l'électricité est celui des quinze États membres de l'Union. Les consommateurs éligibles sont libres de choisir le fournisseur de leur choix. Les producteurs sont libres de s'installer. Les réseaux de transport et de distribution, sont gérés impartialement, le prix du transport est indépendant de la distance -ce qui garantit effectivement que tout client peut choisir un fournisseur de son choix sur une zone très vaste-, et un régulateur indépendant supervise le fonctionnement du marché et garantit le droit d'accès aux réseaux.

Ce droit est plus effectif dans la forme que dans les faits, comme en témoigne l'exemple de deux pays comparables : l'Allemagne et la France. En droit, la France a ouvert son marché à hauteur de 30 % de la consommation intérieure, et l'Allemagne à 100 %. La gestion du réseau de transport est assurée par un service d'EDF en France et par plusieurs sociétés privées outre-Rhin. Les apparences sont clairement favorables à l'Allemagne.

Pourtant, l'Allemagne compte une demi-douzaine de gestionnaires de réseaux de transport, filiales à 100 % des producteurs allemands et, dans la pratique, les tracasseries administratives et techniques dissuadent les consommateurs allemands d'acheter leur électricité à l'étranger. Si ces consommateurs veulent se plaindre, ils ne pourront pas se tourner vers un régulateur, au contraire de ceux des quatorze autres pays de l'Union européenne, pour trouver rapidement des solutions à leurs problèmes. Et finalement, un examen attentif montre que le marché dépend du consensus entre opérateurs historiques.

L'idéal serait de disposer d'un moyen de mesure incontestable de l'ouverture des marchés. Malheureusement, s'il existe théoriquement divers indicateurs, ils sont tous plus ou moins critiquables, et les conclusions des analyses mériteraient plus de modestie.

Une seule chose est sûre, l'ouverture d'un marché par le droit ne crée pas ipso facto la concurrence, compte tenu de la résistance au changement, d'une part, et des limites physiques des capacités de transport de l'électricité par les réseaux, d'autre part.

Le développement des réseaux

À supposer que le droit permette de changer de fournisseur, qu'une concurrence effective permette de mettre en concurrence plusieurs d'entre eux, encore faut-il qu'à la fin, celui qui produit puisse faire parvenir son électricité à celui qui la consomme. Or, aujourd'hui, les réseaux nationaux sont, encore souvent, trop peu interconnectés, notamment vers les îles ou les péninsules (Royaume-Uni, Italie, péninsule Ibérique, Scandinavie). Dans ces cas, il est souvent difficile et coûteux de construire ou de renforcer les lignes, mais ce n'est pas une raison pour ne pas réaliser les extensions des interconnexions sur l'Europe continentale, où l'on constate des congestions chroniques pour des raisons physiques ou en raison du jeu des opérateurs.

Par définition, la bonne façon de gérer une congestion persistante, ce n'est pas de mettre aux enchères une capacité de transit présumée éternellement limitée, la bonne façon de gérer une congestion persistante c'est de la supprimer.

Ces mécanismes d'enchères, qui ont tendance à se développer, constituent, au passage des frontières, des péages qui augmentent le prix de l'électricité et maintiennent un cloisonnement entre réseaux qui va à l'encontre du but recherché de créer un marché unique concurrentiel.

La régulation

Construire le marché unique, c'est donc d'abord construire le réseau qui en est la colonne vertébrale, puis amener une concurrence effective et, enfin, réguler le fonctionnement de ce marché. À l'heure actuelle, la plupart des problèmes nés de l'ouverture reçoivent une solution satisfaisante à l'échelle nationale, grâce aux régulateurs nationaux. D'autres se règlent par accord bilatéral entre régulateurs. Certains problèmes, enfin, peuvent nécessiter une approche européenne coordonnée. On voit donc bien qu'il faut à la fois conserver la subsidiarité dans ce domaine, comme dans bien d'autres, et organiser une régulation européenne.

Si la Commission et le Parlement doivent jouer un rôle essentiel, en définissant les règles communes de fonctionnement du marché et en fixant les objectifs, les mécanismes de mise en oeuvre détaillés doivent rester de la compétence des États, au nom du principe de subsidiarité. Aussi, c'est bien aux régulateurs eux-mêmes qu'il faut confier, collectivement, dans un comité ad hoc, le soin d'exercer les quelques fonctions de régulation qui seraient mieux assurées au niveau communautaire qu'au niveau national ou bilatéral.

Les limites du marché

La sécurité d'approvisionnement de l'électricité ne me paraît pas pouvoir reposer uniquement sur le marché. Par lui-même, le marché peut certainement optimiser la gestion des moyens de production, mais ces économies et ces optimisations ne garantissent nullement l'adéquation de l'offre et de la demande. Le signal, incitant à investir, délivré par le marché peut intervenir trop tard pour éviter la défaillance, car les délais de procédure et de construction sont longs, et l'électricité ne se stocke pas.

La crise californienne a eu de multiples causes, dont la principale a été incontestablement cette insuffisance de capacité de production et de transport, qui était prévisible mais qui n'a pas été prise en compte par les pouvoirs publics en temps utile. La programmation des investissements, pour faire face à une perspective de consommation, demeure donc un garde-fou nécessaire.

En conclusion, pour assurer aux consommateurs, en permanence, l'énergie dont ils ont besoin au meilleur rapport qualité/prix, il faut faire appel à la responsabilité conjointe des autorités politiques, des opérateurs et des régulateurs

M. Dominique Ristori

Si les directives actuelles n'exigent pas la mise en place de régulateurs, les propositions du mois de mars stipulent l'obligation d'introduire partout une autorité indépendante de régulation. Notre objectif est double : anticiper, sur le plan réglementaire, les conditions d'accès aux réseaux et l'approbation des tarifs.

Nous veillerons à ce que nos propositions, portant notamment sur la tarification transfrontalière, fonctionnent avec la participation de tous les régulateurs européens.

En ce qui concerne les infrastructures et interconnexions, il est indispensable de prendre des décisions pour combler le déficit, ou créer des lignes dans les zones fragiles de l'Europe.

Nous ferons en sorte que des stimulations financières existent aussi au niveau européen malgré les divergences de politique et d'organisation.

3. M. Jacques Valade, sénateur de la Gironde, président de la commission des Affaires culturelles, vice-président du groupe d'étude de l'Énergie

En réponse à Dominique Ristori, je voudrais d'abord tempérer son optimisme concernant le futur Conseil européen de Barcelone qui devrait, selon lui, trouver une issue rapide aux problèmes énergétiques. Vu les échéances électorales en France, il sera peut-être difficile pour nos représentants de s'affranchir de telles contraintes... même si au niveau particulier du groupe d'étude de l'Énergie du Sénat, il existe une grande homogénéité de pensée.

L'objectif fixé par la Commission européenne d'ouverture totale des marchés de l'électricité et du gaz dès 2005 nous paraît très volontariste au regard du non-respect des engagements initiaux de certains États membres.

L'Europe doit naviguer entre une définition ambitieuse d'objectifs et le réalisme à l'égard des situations nationales, à savoir entre un pari sur l'avenir et un impératif donné.

Le pari est indispensable si on veut avancer sur la voie de la construction d'un marché européen de l'énergie. Les déboires de certains États américains, la faillite d'Enron, laquelle comptait plus de vingt mille salariés, après celle de Pacific Gas and Electric, incite à la prudence plutôt qu'à la précipitation.

L'impératif de diversification et de sécurité de l'approvisionnement énergétique de l'Europe passe par la libéralisation de ce secteur. L'Europe doit définir les objectifs, les États membres se concerter en prenant en compte l'évolution du marché. Cette méthode, ni dogmatique, ni conservatrice, semble être la plus judicieuse. Il faut respecter les délais et les calendriers pour arriver, progressivement, mais réellement, à l'ouverture.

Le respect des délais de transposition des directives

Dans ce domaine, la France ne donne pas le bon exemple ! Une proposition de loi, initiée par un des membres du groupe d'étude de l'Énergie du Sénat, prévoit l'inscription automatique des projets de loi de transposition à l'ordre du jour des assemblées, six mois au moins avant l'expiration du délai fixé pour la transposition.

Sans polémiquer, le grand écart permanent de la majorité plurielle actuelle n'est pas supportable. En voulant transposer la directive gaz sous forme d'un cavalier au détour du projet de loi de finances rectificative, le gouvernement actuel joue l'Arlésienne et illustre tout ce qu'il ne faut pas faire.

L'ouverture effective des marchés de l'Union

Il n'existe pas de corrélation entre le degré théorique d'ouverture et l'exercice réel de la concurrence du marché. De ce point de vue, certains États membres comme l'Italie, le Royaume-Uni et l'Allemagne sont plus en retard que la France. Si leur degré d'ouverture est théoriquement de 100 %, la réalité est plus proche de 35 % pour le Royaume-Uni, et de 0,5 % pour l'Allemagne !

Malgré une transposition de la directive électricité a minima, la France enregistre un taux d'ouverture de son marché de 8,3 %. Par ailleurs, malgré un avis défavorable du gouvernement, nous nous félicitons de la naissance de Powernext à Paris le 26 novembre 2001. Cette nouvelle bourse de l'électricité devrait contribuer au développement du marché français et rattraper ainsi les écarts creusés par le précurseur nordique (Nord Pool), les bourses anglaise, allemande et néerlandaise.

Le rôle de l'Union

Dans notre rapport sur le Livre Vert de la Commission, nous avons défendu les rôles respectifs de la Commission européenne et des États membres. Ainsi, Bruxelles doit veiller à ce que les règles soient transposées dans leur totalité, dans les délais impartis, et que leur mise en oeuvre permette une ouverture effective des marchés. Par ailleurs, les États membres doivent continuer de jouir d'une certaine marge de manoeuvre dans les modalités d'instauration de la concurrence.

L'Union doit harmoniser les modes de régulation mis en place par les États membres et inciter les régulateurs à mieux coordonner leurs actions avec leurs homologues européens.

L'enjeu majeur demeure la sécurité d'approvisionnement énergétique. La multiplicité des échanges et des acteurs, la fluidité du marché et la diversification des moyens de production y contribuent. Mais trop de libéralisation pourrait à l'inverse menacer la sécurité d'approvisionnement en privilégiant excessivement le court terme au détriment du long terme.

Le Livre Vert pose les vrais problèmes en permettant la définition d'une réelle politique énergétique européenne. Les institutions communautaires avec les États membres doivent veiller à ce que l'offre s'adapte à l'évolution de la demande tant à court terme qu'à long terme. Il appartient aux États d'assurer la diversité des ressources d'approvisionnement et des modes de production, sans perdre de vue l'indispensable solidarité européenne.

Cette diversité, gage de sécurité, suppose que chaque État développe les moyens de production les plus adaptés. La France doit ainsi renouveler son parc nucléaire.

Entre le monopole et la dérégulation sans bornes, l'Union se doit de trouver une troisième voie qui concilie l'ouverture du marché énergétique à la concurrence, la prise en compte des enjeux de long terme et la sécurité d'approvisionnement.

II. RISQUES ET OPPORTUNITÉS D'UN MARCHÉ OUVERT

1. Mme Marie-Anne Frison-Roche, professeur de droit à l'IEP de Paris, directeur du Forum de la régulation

Le droit dans l'analyse des risques et dans l'évaluation des opportunités a un rôle important à jouer. L'ampleur des risques et des opportunités, tout en étant à l'origine d'un droit nouveau, va également créer de plus en plus de réglementations et de jugements.

Le droit ne s'occupe pas que de gérer les risques et le marché, les opportunités. Le droit a pour mission de construire les opportunités, par l'intermédiaire du régulateur, qui favorisent, par exemple, les nouveaux entrants. Le régulateur estime alors que sa mission est d'assumer une application asymétrique des règles de droit, non pour gêner en soi l'opérateur historique mais pour que la concurrence devienne effective, par des entrées facilitées de concurrents.

Mais le droit a également pour mission la gestion des risques. Il faut ici distinguer le traitement juridique d'un risque non-juridique (risque technique ou économique) et le risque juridique proprement dit. Dans ce domaine, le droit engendre des risques. Le risque juridique, c'est l'incertitude de la réglementation. Il faut éviter les réglementations ratées qui, par leur incertitude, produiraient elles même des risques. En matière électrique, quelques exemples pourraient illustrer ces propos.

Les conditions du risque

C'est, tout d'abord, la complexité juridique qui engendre des conditions propices au risque. Cette complexité est impossible à réduire. Tout opérateur s'entoure aujourd'hui de précautions juridiques, d'autant plus grandes que le juge occupe une place certaine dans la mise en ouvre des réglementations.

Une autre condition propice au risque est représentée par la variété entre les droits communautaires et les différents droits nationaux européens. Cette situation aurait de toutes façons été difficile à éviter et ces marges ont sans doute été la condition politique d'adopter du dispositif communautaire.

L'absence de maturité du système représente la troisième condition propice au risque. Les institutions, comme le régulateur, sont très jeunes et n'ont pas de guide d'application ou d'interprétation. Du temps est nécessaire, même si une accélération serait envisageable en faisant intervenir des institutions comme le juge aptes à dire du droit et à émettre de la doctrine. La doctrine est essentielle comme procédé de maturation des règles, elle peut être émises par les régulateurs, les parlements, les ministres ou les juges.

Le dernier paramètre susceptible de produire du risque provient des tensions persistantes, non pas entre le droit national et le droit communautaire (lequel devrait l'emporter), mais entre le droit spécial et le droit général et surtout entre le droit sectoriel de la régulation et le droit de la concurrence. Il faut travailler non pas à leur fusion mais à leur articulation.

Il existe des causes spécifiques qui engendrent des risques juridiques que les autorités ont pour charge de diminuer. Ainsi, le risque juridique global pose le principe de gouvernement du système de la régulation du marché ouvert -et non abandonné- à la concurrence. Le problème est de savoir si ce secteur économique est gouverné par le principe de la concurrence ou par le principe de la contrainte. En droit communautaire, un principe non-concurrentiel semble prédominer, mais la loi française semble dire l'inverse. Il faut prendre position car un droit n'est sûr que si principes et exceptions sont clairement désignés.

Prenons l'exemple du trading, la loi nationale étant ambiguë sur le négoce de l'électricité, il faut bien interpréter les silences. Si le principe, c'est la concurrence, le silence signifie : « allez-y » ! Si, au contraire, la concurrence est l'exception, un silence veut dire : « n'y allez pas » ! Il serait nécessaire que les autorités nous éclairent sur la place de la concurrence et du service public.

La seconde cause de risque est relative aux conflits entre principes et entre institutions. Ainsi, quand vous avez deux principes juridiques très forts, la charge peut être partagée entre les institutions ; le régulateur serait responsable de la concurrence et le ministre serait chargé du service public. Voilà qui est potentiellement porteur de conflits.

Travaillons à des procédés de compromis plutôt que de conflits. La technique de compromis élaborée par le Conseil constitutionnel fait fonctionner les deux principes au même niveau et en même temps. Chacun des principes se déploient dès l'instant que le principe ne porte atteinte à son adversaire que de façon proportionnée. La proportionnalité est donc dans ce contexte une notion-clé.

2. M. Jürgen Kroneberg, membre du directoire de la société RWE Net, président de l'Union des exploitants des réseaux électriques (VDN)

En 1998, l'Allemagne a libéralisé son marché électrique, ce qui a permis de faire émerger de nouveaux acteurs, producteurs et courtiers. Le modèle allemand d'autorégulation d'accès au réseau a prouvé son efficacité :

- plus de cent quarante concurrents coexistent dans la zone de transport ;

- deux millions de consommateurs allemands ont changé de fournisseur ;

- les prix ont baissé d'environ 50 % pour les industriels et de 20 % pour les usagers domestiques, soit sept à dix milliards d'euros pour les consommateurs allemands ;

- soixante-dix traders sont présents dans les bourses d'échange ;

- des fournisseurs multinationaux occupent notre marché.

Après trois ans de libéralisation, il faut admettre que les résultats sont un succès pour les entreprises allemandes. Il n'y a pas d'autorité de régulation générale car le gouvernement favorise l'entente entre opérateurs et producteurs. Un accord entre industriels et consommateurs vient d'être signé, et l'accès des tiers au réseau allemand est à l'étude.

Ce contexte n'est pas partagé par l'ensemble de l'Europe où la libéralisation n'est pas parfaitement achevée : à titre d'exemple, cent millions de personnes ne peuvent pas encore choisir leur fournisseur. Cette situation est inéquitable.

Le groupe RWE

Il a restructuré ses compétences en matière d'énergie et d'environnement avec la création d'unités opérationnelles distinctes pour la production, la distribution et le trading, dans les secteurs du gaz, de l'eau et dans la gestion des déchets, ce qui constitue un gain de transparence et d'efficacité.

Le concept multiservices mis en place par RWE permet des économies d'échelle. Nous sommes ainsi devenus le numéro 3 dans l'activité de l'eau et avons appliqué le même concept pour le recyclage des déchets.

D'ici à 2005, RWE aura réduit ses effectifs de douze mille cinq cents employés grâce à un plan de retraites anticipées sans licenciement. Nous avons aussi amélioré la gestion de notre portefeuille :

- en diversifiant nos ressources d'énergie vers le nucléaire ou la lignite ;

- en introduisant une stratégie de gestion des risques pour combattre la volatilité des prix ;

- et en nous séparant de nos activités non essentielles : RW Trading est ainsi devenue une des principales sociétés de négoce en Europe.

La libéralisation du marché allemand démontre à quelle vitesse les forces du marché peuvent refaçonner toute une industrie. Ce grand changement, même s'il a pris de court de nombreux participants, représente de grandes opportunités à la fois pour les consommateurs et l'ensemble de l'économie.

3. M. Preben Munch, représentant de Bergen Energi

Bergen Energi se place dans le contexte de l'application des régulations, aux côtés des utilisateurs finaux. Le souci de notre société est de faire fonctionner au mieux le marché pour l'utilisateur final.

Il faut distinguer le courtier du trader. Le courtier n'achète ni ne revend de l'électricité, il fait se rencontrer l'acheteur et le vendeur. Le trader achète et revend, il gagne de l'argent selon la marge qu'il réalise. Bergen Energi est un courtier qui offre au consommateur les meilleures conditions en tenant compte de sa stratégie et de sa définition des risques.

La Norvège a été le premier pays d'Europe à procéder à la déréglementation du marché de l'énergie. Depuis dix ans, nous vivons dans un environnement ouvert et avons dû faire face au challenge de la déréglementation, où le rôle de la bourse est prédominant, Nord Pool l'a démontré depuis 1996, date de sa création, et nous nous réjouissons que Powernext nous ait choisis comme partenaire, voire comme modèle.

Il est important de souligner la volatilité de l'électricité. Avant, la logique d'achat voulait que le prix reste stable. Sur un marché dérégulé, le timing est très important pour obtenir le meilleur prix. Les acteurs doivent gérer le risque que représente cette volatilité, et mettre des garde-fous. Un marché qui fonctionne est capable de mettre en place des outils pour gérer ces risques. C'est pourquoi le cadre légal est un aspect important, comme le sont les tarifs de transport qui doivent rester transparents et inchangés (quelles que soient les distances). Avec EDF, le problème peut se poser en France pour les acteurs étrangers, surtout quand ils sont moins puissants. Sur un marché développé, l'écart de prix entre le marché de gros et le consommateur final est très étroit.

La France a de nombreux atouts dans ses institutions et dans son esprit d'ouverture. L'évolution de son marché est encourageante.

Le cadre législatif actuel est, par contre, contraignant. Certains acteurs étrangers peuvent être privilégiés par rapport aux acteurs français dans plusieurs domaines. Enfin, le non-accès à la bourse pour des utilisateurs finaux constitue un frein au marché. Un marché a besoin de fluidité, il ne peut pas être limité à certains traders. Les utilisateurs finaux, les utilisateurs d'énergie en France, doivent avoir accès à la bourse, c'est la condition du bon fonctionnement du marché.

4. M. Marc Hiegel, directeur de la stratégie et de la participation à la direction générale gaz et électricité de TotalFinaElf

Les compagnies pétrolières abordent l'ouverture à la concurrence avec optimisme, ce n'est pas une nouveauté pour nous, mais plutôt un facteur d'opportunités et de développement au bénéfice du consommateur.

La sécurité d'approvisionnement, qui a déjà fait l'objet d'un Livre Vert de l'Union européenne et d'un rapport récent du Sénat, et la flexibilité posent cependant plusieurs problèmes.

La flexibilité

Le modèle de développement des marchés gaziers européens est bien connu : les contrats à long terme entre les acheteurs et les fournisseurs ont fait leurs preuves en développant l'industrie gazière européenne et en permettant la mise en place de transport et de terminaux de réception du gaz. Le risque est partagé entre les acheteurs (risque volume) et les vendeurs (risque prix) qui acceptent que le prix du gaz reflète l'état du marché en restant compétitif avec les énergies concurrentes et substituables.

Mais ce modèle a ses limites : le manque de flexibilité sur les prix et sur les volumes, et la durée des contrats (de vingt à trente ans). Le gaz étant un combustible en très forte croissance, pour des raisons évidentes d'environnement, il convient donc d'améliorer la compétitivité du prix du gaz et sa sécurité d'approvisionnement pour les clients.

La dérégulation du marché européen apporte-t-elle une réponse suffisante à ces demandes ?

Oui, en ce qui concerne le coût car les fournisseurs étant en compétition, les prix baissent (voir les exemples de l'Allemagne et de la Grande-Bretagne).

En ce qui concerne la flexibilité, la réduction du long terme en marché spot nécessite des activités de trading, déjà réalisées aux États-Unis et au Royaume-Uni, mais balbutiantes en Europe continentale. Le trading apportera la flexibilité sur la durée des contrats et sur les risques par des mécanismes de couverture sur les quantités (grâce aux bourses d'échange) et sur les prix avec des nouvelles formules d'indexation.

Le trading est un métier difficile qui comporte des risques, la faillite d'Enron en est la preuve. L'existence de zones où existe du gaz librement accessible est nécessaire au développement du trading. S'il en existe sur la façade maritime au nord de l'Europe, le Sud n'en possède pas. TotalFinaElf prévoit d'en exploiter un dans le sud-ouest de la France, zone naturelle d'échange entre les ressources venant du nord de l'Europe et celles venant du Maghreb et qui a la capacité de stockage nécessaire. La France aurait ainsi un outil favorable au développement du trading et à l'ouverture du marché gazier.

La sécurité d'approvisionnement

50 % du gaz consommé par l'Union européenne arrive de Russie, d'Algérie et de Norvège. À l'horizon 2015, 70 % sera importé, toujours en provenance de ces pays producteurs, ainsi que de quelques autres situés sur la façade atlantique (Trinité et Tobago, Nigeria, Angola) ou du Moyen-Orient.

Pour favoriser l'arrivée de ces volumes nécessaires à l'Europe, les compagnies doivent agir à deux niveaux : le développement des champs gaziers dans les pays où existent les ressources (mais pas toujours les moyens de les exploiter) et l'aide au transport sur de longues distances (Sibérie, mer Caspienne), qui nécessite de gros investissements (des dizaines de milliards de dollars). La visibilité indispensable aux investisseurs n'est pas favorisée par la dérégulation qui privilégie le court terme. Il ne faut donc pas abandonner les contrats à long terme. Les compagnies pétrolières gazières ont un rôle à jouer en matière de sécurité d'approvisionnement (production, transport, savoir-faire...) et sont prêtes à investir à condition de disposer d'une visibilité minimale sur l'ouverture de leur marché.

En conclusion, la dérégulation est un atout, mais mal maîtrisée, elle pourrait accroître la dépendance de l'Europe et aller à l'encontre de l'objectif majeur de l'ouverture à la concurrence : la satisfaction des clients.

5. Mme Sophie Meritet, maître de conférences à l'université Paris IX-Dauphine, chercheur associé au centre français sur les États-Unis

Deux dates clés sont à retenir dans le processus d'ouverture des réseaux américains qui remonte déjà à vingt-cinq ans :

- en 1978, avec l'ouverture de l'industrie électrique à la concurrence ;

- en 1992, avec l'ouverture du marché de gros.

L'ouverture du marché de détail est plus récente et a connu des difficultés.

La crise californienne est sans conteste la plus spectaculaire dans le système électrique américain. Son origine principale se trouve dans le déséquilibre entre l'offre et la demande. S'ajoute à ce dysfonctionnement, celui de la sécurité d'approvisionnement sur des marchés dérégulés.

Autre enseignement, la coordination entre l'autorité fédérale, la FERC (Federal Energy Regulatory Commission) et celle des États, les PUC (Public Utility Commissions).

Au sujet d'Enron, il est encore trop tôt, à mon sens, pour aborder les causes et les conséquences de la chute de cette entreprise innovante.

Le déséquilibre de l'offre et de la demande

Aux États-Unis, les États ont autorité pour l'ouverture du marché de détail. Les deux grands modèles : la Californie et la zone Nord-Est ont montré des défaillances en matière d'approvisionnement et de prix : d'une part, la demande a augmenté davantage que la capacité de production, et d'autre part, les concepts de réserves et du long terme ne font pas partie de la culture des politiques (on travaille « just in time »).

Si l'industrie est ainsi vulnérable au choc entre l'offre et la demande, il reste à savoir si les marchés dérégulés peuvent donner à temps le signal pour déclencher la décision d'investissement.

La FERC et les PUC

L'autorité fédérale laisse faire les États et suit la cinquantaine de laboratoires d'essais sur la dérégulation. Les observations actuelles sont les suivantes : les prix sont en hausse, les réserves en baisse, et la politique internationale et environnementale retarde les investissements et le processus. Il faut donc réviser les relations entre la FERC et les PUC pour encadrer la restructuration de l'industrie et tendre vers un équilibre des autorités indispensable.

Le processus continue

Vingt-quatre États sur cinquante-deux libéralisent leur marché de détail, ce qui montre bien la volonté américaine de poursuivre le processus. Mais l'ouverture à la concurrence est aujourd'hui remise en cause, notamment par la crise californienne. D'autres États font aujourd'hui figure de modèles, comme le Texas qui opte pour un processus séquentiel et tient compte des conditions structurelles des marchés.

En conclusion, le remplacement des règlements anciens par des nouveaux plus efficaces apparaît comme une solution, tout en gardant la création de marchés concurrentiels. Les États-Unis ont compris à leurs dépens que l'ouverture nécessite une expertise pointue entre les différents acteurs et une correction du processus.

6. M. Patrick Pierron, secrétaire fédéral de la fédération Chimie Énergie en charge des questions énergétiques

Il faut aborder tout d'abord la politique énergétique européenne avant de parler des moyens économiques. Pour la CFDT, l'énergie n'est pas différente des autres industries (chimie, pétrole...). Il ne suffit pas seulement d'ouvrir ou pas le capital, mais de définir une politique industrielle, économique et sociétale.

Il est donc nécessaire de poser un débat citoyen. Quelle est la meilleure solution pour les clients ? Et pour quoi faire ?

Un tel débat citoyen nous dirait que l'énergie n'est pas une marchandise comme une autre : elle doit permettre de réduire la fracture sociétale dans le monde. L'énergie facilite le développement des territoires, désenclave des régions, maintient une population rurale et structure nos sociétés. Avec des moyens de production décentralisés, la nature des réseaux, la nature des emplois et la façon de vivre vont changer. Nous sommes donc pour une politique énergétique européenne diversifiée et régulée, à ne pas confondre avec un mille-feuille de politiques nationales, avec des arbitrages et une optimisation des investissements.

Le premier pas d'une politique énergétique européenne est la sortie du Livre Vert qui pose les bonnes questions, même s'il ne reste qu'une étape dans l'élaboration de cette politique.

Une politique de développement durable respecte l'environnement, selon les critères de Kyoto, tend vers une plus grande indépendance énergétique, tient compte des ressources naturelles (géothermie, hydrogène, solaire, éolien...) et diversifie les moyens de production. Il y aura des choix à faire ; définir la part du nucléaire, celle du charbon propre, celle des énergies renouvelables.

Concernant la continuité des fournitures, seul un plan offensif communautaire sur la maîtrise de l'énergie peut promouvoir des appareils, des moyens de transport ou des isolations thermiques pour les habitations. Selon une enquête conjointe de la Commission européenne et de l'ADEME, une politique de maîtrise de l'énergie sur l'habitat résidentiel équivaudrait à l'économie d'une petite centrale nucléaire. Et d'après les perspectives européennes, la maîtrise de l'énergie réduirait la consommation de 15 % dans le tertiaire et de 20 % dans l'industrie.

Quelles peuvent être dans ce contexte les missions de service public ? Le citoyen doit avoir un droit à l'énergie et au chauffage. Ces deux concepts font partie des droits fondamentaux du citoyen et de la dignité humaine. Aux pouvoirs politiques d'établir les cahiers des charges. On peut ainsi imaginer une forme de péréquation communautaire qui régulerait les prix pour les usagers domestiques. Quant à la sécurité des installations intérieures électriques et gaz, il serait bon qu'elle relève des missions de service public.

Concernant l'emploi, quelles sont les compétences de demain, les qualifications par rapport aux nouvelles technologies ? C'est à l'Europe d'impulser une politique sociale.

Pour conclure, la politique énergétique de demain devra prendre en compte la dimension européenne et l'intérêt général. Elle devra être diversifiée, mixte et centralisée, répondre à la demande et non pas à l'offre.

7. M. Angel Tradacete Cocera, directeur de la direction E-Cartels industries de base et énergie à la DG « Concurrence » à la Commission européenne

Les articles 3 et 4 du Traité de la Communauté européenne décrivent les politiques et les activités inhérentes à l'accomplissement des objectifs de l'Europe.

La création d'un marché intérieur comporte la libéralisation progressive de tous les secteurs de l'économie. La politique de libéralisation devient ainsi un moyen de réaliser son marché intérieur.

La politique de la concurrence communautaire a, elle, pour but d'assurer la concurrence sans distorsion et l'intégration des marchés.

Sans l'existence de textes, la Cour de justice européenne a conclu que le secteur de l'énergie entrait dans le champ d'application des règles de la concurrence. De là à conclure que l'énergie est primordiale pour la réalisation des objectifs de la CE !

Les marchés de l'électricité et du gaz, libérés dernièrement, sont encore caractérisés par des monopoles ne favorisant pas la concurrence communautaire qui est pourtant l'objectif commun des politiques européennes. La libéralisation permet d'améliorer la compétitivité de l'industrie avec des prix concurrentiels, de l'innovation et de l'emploi.

Le risque est cependant que le niveau requis pour la compétitivité ne soit pas atteint et que certains États ouvrent leurs marchés plus rapidement que d'autres. Enfin, l'ouverture doit être organisée et réglementée pour éviter les effets négatifs sur la sécurité de l'approvisionnement, sur la qualité et sur les objectifs d'environnement et d'emploi.

Un rapport récent de la Commission conclut que l'ouverture du marché est tout à fait compatible avec des normes de service public, avec la réalisation d'objectifs environnementaux et sociaux acceptables.

La structure des marchés

Les structures, maintenues malgré une certaine maturité des marchés, ne sont pas favorables à la concurrence. L'électricité et le gaz sont des industries de réseau, donc de monopole, et les grands opérateurs jouissent d'une position dominante sur leur territoire.

Les sociétés électriques et gazières sont à intégration verticale, leurs activités touchent aussi bien la production, la transmission et la distribution, que la fourniture.

La délimitation horizontale (marché géographique différent) et verticale (activité ciblée) des entreprises implique une baisse de la concurrence, notamment dans l'industrie du gaz.

La coopération des acteurs au niveau de la production et de la commercialisation augmente l'offre, mais réduit le choix des fournisseurs.

Pour créer et maintenir des marchés concurrentiels, il est nécessaire d'avoir une libre concurrence, du côté de la demande et de l'offre, et un libre accès au réseau.

Deux politiques peuvent mener à l'intégration des marchés : la politique de la concurrence communautaire et une législation spécifique pour le secteur (avec les directives). Elles peuvent toutes deux être appliquées en parallèle et de façon indépendante.

Les perspectives de la libéralisation

L'échec du Conseil européen de Stockholm en mars 2001, pour fixer un délai à l'ouverture totale du marché, fait craindre un ralentissement du processus de libéralisation et de la libre concurrence. La Commission fera de son mieux pour faire aboutir la directive d'accélération et rappellera aux États membres leurs propres responsabilités quant aux distorsions de concurrence existantes. Elle appliquera aussi le droit de la concurrence communautaire pour créer des précédents indispensables pour l'avenir.

Enfin, et surtout, la Commission espère que les consommateurs (notamment les clients industriels) ne permettront aucun retard au processus de libéralisation, puisqu'ils sont les premiers à profiter de la création des marchés de l'énergie concurrentiels.

8. M. Michael Reynolds, directeur général Europe de la société Endesa

Le pictogramme chinois pour les crises a deux aspects, un qui indique un danger imminent, l'autre les opportunités. Nous traversons un changement qui affecte notre industrie. Les effets de la déréglementation et l'augmentation de la concurrence entraînent des évolutions importantes. La mondialisation, l'impact des protocoles de Kyoto, la gestion des crises sont autant de changements qui impliquent une stratégie des acteurs dans le secteur énergétique en Europe. Certains services publics ont été privatisés, ce qui provoque des problèmes de désinvestissement inévitables.

On parle également de renaissance de l'énergie nucléaire.

Les risques liés à toutes ces évolutions sont évidents : plus de concurrence, perte de clients, effondrement des prix (de 30 % en Espagne depuis cinq ans, et de 19 % en Grande-Bretagne en dix-huit mois). Les risques sont liés à la volatilité accrue, et les entreprises comme ENDESA doivent gérer de manière plus appropriée ces nouveaux risques.

En ce qui concerne la distribution et la fourniture de produits, les prix français peuvent fortement varier, la vitesse d'ouverture de marché s'accélère et génère ainsi une instabilité.

En Angleterre, il y a dix ans, 67 % de la capacité énergétique était représentée par le charbon. Nous sommes à 31 % aujourd'hui. Le gaz était au niveau 0, il représente aujourd'hui 39 %. À l'horizon 2020, le charbon sera à 20 %.

Nous pouvons équilibrer nos portefeuilles, optimiser nos marchés et les opérations, avec le souci de servir le client, et nous engager plus loin dans le commerce en gérant les risques.

Les opportunités sont nombreuses pour les entreprises électriques comme ENDESA : intégration à l'horizontale offrant des services accrus aux clients (facturation, contrôle de la consommation) et intégration verticale avec une meilleure surveillance des activités et des tractations commerciales. Sur le plan géographique, nous avons dépensé quinze milliards d'euros pour nous étendre en Europe. Le but est de profiter de la libéralisation pour investir sur des territoires non explorés.

Les entreprises performantes arrivent, aussi, à garder leurs clients pour les services principaux tout en se diversifiant (dans les assurances notamment).

ENDESA travaille, pour sa part, sur des systèmes conventionnels de transmission d'électricité par des lignes à haute tension.

Ce qui prime, c'est la flexibilité, la capacité à s'adapter aux différentes conditions de marché et les bonnes compétences de gestion. C'est sur ces bases que le succès sur le marché européen peut s'accomplir demain : diversité des services proposés aux clients, capacité de mettre en place des partenariats dynamiques, et politique compétitive en termes de tarification.

9. M. Kurt Stockmann, vice-président de l'Office fédéral allemand des ententes

Comme M. Kroneberg, je pense que la voie adoptée en Allemagne est un succès, car le domaine de la production électrique a fortement évolué. Les prix ont baissé de plus de 40 % en trois ans, c'est dire l'effet positif de la libéralisation. Selon un récent rapport, le processus de libéralisation représente un gain de 3 % du PNB et est à l'origine de nouveaux emplois dans d'autres industries.

Le retard constaté actuellement dans l'ouverture du marché tient au fait que les acheteurs ne changent pas de fournisseur si les prix sont comparables. Seule la pression de la concurrence à venir pourra faire baisser les prix.

Nous faisons confiance au marché et acceptons l'autorégulation de l'offre et de la demande, même si le résultat, encore une fois, n'est probablement pas idéal. Cependant, l'alternative d'une régulation étatique n'a pas été acceptée par le législateur allemand.

D'autre part, nous attachons beaucoup d'importance à une bonne politique sociale. Des personnes à revenus modestes doivent bénéficier de l'électricité, du gaz, et donc du chauffage. Une politique de fixation des prix serait une erreur car elle coûterait plus cher qu'une alternative d'aide directe aux personnes concernées.

10. M. André Merlin, directeur de Réseau de transport d'électricité (RTE)

L'actualité relative au record de consommation d'électricité de ces derniers jours (au-dessus de 74.500 mW) prouve la bonne santé du réseau français.

Néanmoins, les prix ont flambé sur les bourses de l'électricité (plus de 200 euros par mWh) et les différentiels de prix selon les bourses montrent que des progrès restent à faire en matière de coordination du marché de l'électricité en Europe.

La situation actuelle

Le modèle européen du marché de l'électricité est actuellement en cours de constitution, conformément à la première directive qui présente un certain nombre d'avantages. Les gestionnaires de réseau de transport ont à la fois la responsabilité de l'exploitation, de la maintenance et du développement du réseau de transport. L'orientation prise est grandement bénéfique, par rapport notamment à d'autres pays comme les États-Unis où une séparation existe entre les « ISO » (Independant System Operator) et les « TRANSCO » (Transmission Company), avec comme objectifs de fusionner ces deux fonctions en une seule.

L'Union européenne dispose, d'autre part, des contrats bilatéraux en matière de négoce d'électricité et des « marchés spot » facultatifs. Nous n'avons plus, ou presque, de marchés obligatoires. La récente réforme anglaise -NITA- pour supprimer ce marché spot obligatoire, a d'ailleurs eu des effets très positifs sur les prix de l'électricité dans cette zone du Royaume-Uni. Il ne faut pas pour autant se leurrer : il n'y a pas aujourd'hui en Europe un véritable marché unique de l'électricité, mais plutôt quinze marchés, ce qui montre tout l'enjeu de la future directive.

La transparence et l'ouverture du marché

L'objectif de l'ouverture du marché de l'électricité ne peut se réaliser qu'en renforçant la transparence. Chaque pays doit en effet avoir une fonction de régulation, définir des règles ex ante, et en vérifier l'application, ce qui, aujourd'hui, ne correspond pas à la réalité.

L'harmonie entre les différentes autorités de régulation est également indispensable. Il faut un tarif affiché et appliqué de manière transparente à tous les utilisateurs (le tarif négocié pose des tas de difficultés), et des gestionnaires de réseau véritablement indépendants (la séparation juridique n'est pas seule en cause, mais plutôt l'actif que représente le réseau de transport).

Les dispositions contenues dans la loi française sont, à ce sujet, plus efficaces et permettent une plus grande indépendance du gestionnaire de réseau que dans d'autres pays d'Europe.

Le progrès de l'ouverture du marché passe par une véritable amélioration de la transparence.

La sécurité d'alimentation

« Le marché ne veut pas tout ». Concernant la crise californienne, il y a eu certes des défauts de régulation, mais la cause première en demeure l'insuffisance de l'offre, à la fois en moyens de production et en moyens de transport. Cela signifie qu'au-delà des mécanismes des marchés, il est nécessaire de disposer d'un bilan prévisionnel qui permet d'analyser le futur équilibre de l'offre et de la demande.

Il serait utile d'intégrer cette disposition dans la future directive car elle permettra aux États membres, sur la base de ce document prévisionnel, de faire des appels d'offres afin d'éviter les crises de type californienne.

III. CHOIX STRATÉGIQUES ET POLITIQUES POUR UN MARCHÉ EUROPÉEN DURABLEMENT RÉGULÉ

1. M. Jean Besson, sénateur de la Drôme, rapporteur de l'énergie de la commission des Affaires économiques et du Plan

Le secteur de l'énergie évolue très vite depuis quelques années. La France disposait jusqu'à présent d'une offre énergétique cloisonnée qui présentait la particularité d'une gestion centralisée pour l'électricité et mixte publique/privée pour le pétrole et le gaz. Aujourd'hui, un marché régulé est une conception largement admise qui doit néanmoins intégrer que l'énergie n'est pas une marchandise ordinaire dont la commercialisation s'organise autour des seules lois naturelles de l'offre et de la demande.

Les fondements d'un marché énergétique durablement régulé

Les institutions européennes et les pouvoirs publics nationaux ont pour mission de définir le cadre dans lequel évoluera le marché énergétique. Ainsi, la transparence de la régulation est une règle fondamentale qui permettra :

- le bénéfice d'espaces de liberté de commerce et d'industrie pour les industriels ;

- le contrôle de la bonne exécution des missions d'intérêt général qui incombent aux industriels ;

- une répartition plus juste des charges entre les industriels dans le cadre de leurs obligations de service public.

À cet égard, les grandes orientations de notre politique énergétique doivent préserver les trois fondements suivants : la recherche de la sécurité d'approvisionnement, la compétitivité de notre économie et la prise en compte des impératifs environnementaux.

Parmi les acteurs de cette politique, je tiens à souligner le rôle primordial assumé par les collectivités locales dans l'organisation et le contrôle du service public de l'électricité et du gaz. Ainsi, elles peuvent aujourd'hui revendiquer leur part dans certains bons résultats, comme la réduction par deux du temps moyen des coupures d'électricité ou la progression du taux de lignes souterraines (de 18 à 29 %).

L'évolution de l'organisation électrique et gazière en France

Les enseignements tirés du modèle anglo-saxon doivent nous conduire à envisager l'ouverture à la concurrence dans un contexte de renforcement du contrôle public, dont l'exercice revient très légitimement aux collectivités locales.

Depuis l'ouverture du marché, les clients éligibles ont bénéficié d'une baisse de 15 % de leur coût d'approvisionnement. L'exigence de la compétitivité du prix se double d'un impératif de cohésion sociale pour les clients domestiques, que doit respecter par le Fonds de Solidarité Énergie. Celui-ci a traité deux cent trente mille dossiers en 2000 pour un montant de 40 millions d'euros financés par l'État, les collectivités locales et EDF. Dans mon département de la Drôme, ce partenariat tripartite a eu pour conséquence directe de diviser par quinze le nombre de coupures de courant pour impayés (de sept mille huit cent cinquante et une en 1994 à cinq cent quatre en 2000).

Par ailleurs, la question de la sécurité de l'acheminement de l'électricité a été relancée par les conséquences de la tempête de décembre 1999, qui ont été importantes pour la France qui dispose d'un réseau de lignes souterraines bien plus réduit que l'Allemagne (29 % contre 70 %). Sur ce dernier point, il faut veiller à ce que seuls les objectifs de rentabilité de court terme ne façonnent pas l'évolution du système électrique. Ainsi, la main invisible du marché n'est pas « verte » pour ce qui est de l'intégration aux paysages des réseaux électriques.

L'État et les collectivités locales doivent également être présents dans le développement d'une production décentralisée d'électricité (photovoltaïque, solaire thermique ou éolien) en bonne cohérence avec l'environnement local.

En conclusion, la directive européenne en cours de discussion sera vraisemblablement à l'origine d'une révolution qui nous imposera notamment d'inventer une régulation du marché de masse afin que nos concitoyens bénéficient également des bienfaits de la concurrence. Les élus sont aujourd'hui pleinement convaincus de la nécessité d'intégrer la notion de développement durable au coeur de leurs choix d'aménagement du territoire, d'urbanisme, de solidarité et de cohésion sociale. Notre politique énergétique se doit d'intégrer progressivement une approche renouvelée de la décentralisation dans la nouvelle dimension du marché régulé.

2. M. Jean-Marie Chevalier, directeur du Centre de géopolitique de l'énergie et des matières premières

Il est tout d'abord indispensable de rappeler que les bouleversements des industries de réseaux résultent très directement de la volonté politique européenne de construire un marché unique de l'énergie sur lequel l'introduction d'une plus grande concurrence devrait entraîner une baisse des prix et des coûts. Les quelques segments qui demeurent en monopole doivent, quant à eux, être régulés de façon à entraîner également des baisses de même nature. Dans un tel contexte, on insistera sur la complexité des nouveaux mécanismes de marché, la difficulté des choix stratégiques et la nécessité de mettre en place des modalités efficaces de régulation.

Nouveaux mécanismes de marché : complexités et incertitudes

L'introduction de la concurrence sur le marché énergétique entraîne une déconstruction des chaînes de valeur avec l'apparition de nouveaux marchés et de nouveaux mécanismes de marché. On constate une dissociation des activités qui recouvre d'abord la séparation comptable entre les activités de production, de transport, et de distribution, et qui peut être suivie par une séparation des fonctions de propriété, d'opération, de maintenance, d'achat et de vente pour un actif donné. La segmentation des activités pourrait aussi entraîner la multiplication de marchés sur lesquels peut jouer une concurrence plus précise, plus instantanée et plus complexe. Par exemple, sur les marchés de l'électricité, des kWh de différentes natures (base, pointe, ajustement) peuvent être achetés et vendus, à des échéances temporelles variées avec une volatilité de prix, et donc des risques, qui peuvent être couverts par des produits financiers dérivés. Ainsi, ces marchés nouveaux, générateurs de risques, rendent plus difficiles les décisions stratégiques.

Les choix stratégiques des entreprises et des États

Les entreprises doivent redéfinir complètement leurs positionnements stratégiques dans les chaînes de valeur, sachant qu'elles ne peuvent pas couvrir tous les métiers. Quelle gamme de produits et de services ? Quel positionnement géographique ?

En fait, il existe une très grande variété de « modèles d'entreprise » dont chacun a ses avantages et ses limites et dont aucun ne peut prétendre à l'universalisme ou encore à l'optimum économique. Le futur sera fait de cette multitude de modèles dont certains s'avéreront très réussis tandis que d'autres disparaîtront. Chaque firme doit donc inventer le modèle pour lequel elle dispose des meilleurs talents et des meilleures chances. Dans ces choix stratégiques, l'équilibre entre risques et profits est évidemment d'un maniement difficile.

Des mécanismes efficaces de régulation

Il s'agit enfin de mettre en place des mécanismes efficaces de régulation, qui sont encore à inventer et dont on doit tester l'efficacité d'une façon très empirique. Trois différents niveaux d'intervention peuvent être distingués.

Le premier concerne les exigences d'intérêt général qui restent la prérogative des États dans un processus souhaitable de concertation européenne : quelle forme de service public et d'intervention pour que soient protégés les intérêts du long terme ?

Le deuxième niveau concerne la régulation des segments d'activités qui relèvent encore du monopole naturel (transport du gaz et de l'électricité). Ce sont les régulateurs nationaux, également dans un processus de concertation européen, qui doivent veiller à ce que l'accès aux réseaux se fasse dans des conditions non discriminatoires et selon une tarification raisonnable.

Le troisième niveau concerne le bon fonctionnement de la concurrence. Il relève des autorités nationales et européennes de la concurrence qui doivent être vigilantes sur les fusions-acquisitions, les abus de positions dominantes et les pratiques collusives qui pourraient entraîner des distorsions de concurrence.

La mise en place de mécanismes efficaces de régulation aux trois niveaux mentionnés ci-dessus est essentiel.

En conclusion, les événements du 11 septembre 2001 constituent un paramètre nouveau qui doit être pris en compte dans la construction de scénarios, du plus calme (la globalisation continuée) au plus perturbateur (fragmentation du monde). Ces différents scénarios ont pour point commun de déterminer trois grandes priorités :

- plus grande sûreté des installations énergétiques ;

- efficacité accrue des systèmes énergétiques, de façon à réduire la dépendance de notre système économique vis-à-vis de l'énergie, et en même temps à lutter contre les émissions de gaz à effet de serre ;

- diversification des formes d'énergie et des sources d'approvisionnement.

Le respect de ces critères est à la base d'un développement économique durable qui pourra permettre un accès partagé aux ressources énergétiques.

3. Mme Anne Lauvergeon, président du directoire d'AREVA

Le marché intérieur européen est déjà une réalité pour la plupart des secteurs économiques, comme le nucléaire.

Le secteur nucléaire, pour sa part, s'inscrit dans le cadre du traité EURATOM qui pose des règles concernant l'approvisionnement et l'abolition des tarifs douaniers. Ces dispositions ont permis de créer un contexte favorable aux échanges à l'intérieur et à l'extérieur de la Communauté. Les États membres restent néanmoins maîtres de leur politique à l'égard de leur énergie nucléaire : huit pays sur quinze possèdent des centrales nucléaires civiles, et 35 % de l'électricité européenne produite était d'origine nucléaire en 2001.

Le traité EURATOM offre au secteur nucléaire un cadre juridique cohérent à l'échelle communautaire, permettant à l'Union européenne :

- de se doter de normes de radioprotection harmonisées nécessaires au développement industriel de ce secteur et à la libre circulation des matières ;

- de favoriser des rapprochements et une coopération accrue entre industries européennes ;

- d'adopter une réglementation commune minimale pour les exportations sensibles.

Dans le contexte du marché de l'électricité, la dérégulation entamée en Europe a eu comme conséquence de diminuer les prix de ventes (en moyenne de 25 % pour les industries et de 6 à 7 % pour les ménages sur la période 1998-2000), même si de fortes disparités de coûts subsistent aujourd'hui au sein des États membres. D'après les chiffres d'Eurostat, la tendance serait à cet égard à la stabilisation, voire à une augmentation. Ce changement serait dû en partie à la hausse des prix de combustibles fossiles -comme le gaz- utilisés pour produire l'électricité.

Dans ce contexte, le nucléaire dispose d'atouts économiques puisque le kWh nucléaire est tout à fait compétitif : 0,02 centime d'euro contre respectivement 0,07 centime d'euro et 0,53 centime d'euro pour les kWs éoliens et solaires.

Du point de vue environnemental, l'énergie nucléaire est une véritable opportunité car elle n'émet pas de gaz à effet de serre.

En Europe, elle évite chaque année le rejet de 400 millions de tonnes de CO2. Le kWh français émet dix-sept fois moins de CO2 que le kWh danois, et treize fois moins que le kWh allemand. Cet atout devrait conforter la position du nucléaire dans le futur marché de l'énergie et représente une carte maîtresse pour respecter les engagements environnementaux pris à Kyoto et infléchir le phénomène de réchauffement climatique.

D'une manière générale, il est temps d'arrêter la « diabolisation » ou à l'opposé, l'« angélisation », car toutes les énergies ont des impacts sur l'environnement ou la santé .

La société a besoin d'un vrai débat sur les différents types d'énergie. À cet égard, AREVA, qui développe d'autres types d'énergie (éolienne) et est leader sur le marché mondial, est confiant dans l'avenir. Nous cherchons à diversifier, à développer des réacteurs plus petits, plus modulaires, adaptés aux pays où les réseaux de transport d'électricité sont plus modestes.

En matière de libéralisation, il convient aussi d'être mesuré. L'expérience californienne montre les limites d'une libéralisation qui, non maîtrisée, peut se révéler être un échec. Malgré l'existence d'un cadre juridique harmonisé, il conviendra, en particulier, d'éviter que la recherche d'une rentabilité immédiate ne se fasse au détriment des investissements des filières intensives en capital ou dont la rentabilité n'est pas assurée à court terme. Il faudra au contraire réunir les conditions nécessaires pour que les investissements à long terme soient attractifs afin de disposer d'infrastructures adaptées.

Il est également nécessaire que le soutien au développement des énergies nouvelles et renouvelables n'aboutisse pas à une distorsion de la concurrence entre les différentes filières et soit préjudiciable à un mix énergétique diversifié.

Les aides d'État, tout à fait légitimes pour le développement de nouvelles énergies, doivent cependant être équitables afin de permettre à l'ensemble des industriels de se positionner favorablement dans un contexte international.

En conclusion, une baisse des prix du kWh et un renforcement des échanges, caractéristiques du nouveau marché européen de l'électricité, sont autant d'éléments qui, si les conditions d'investissement et de concurrence sont réunies, permettront à l'énergie nucléaire d'exprimer au mieux son potentiel dans les décennies à venir.

Forte de ses atouts à la fois économiques, environnementaux et technologiques, l'industrie nucléaire est prête à évoluer dans le contexte d'un marché libéralisé de l'énergie en proposant à ses clients des réponses adaptées à leurs besoins.

Au regard de ses avantages en termes d'accès à l'électricité et donc de développement, les positions idéologiques de part et d'autre finiront par céder la place à un dialogue ouvert et constructif au bénéfice de l'ensemble des consommateurs.

4. M. Pierre Gadonneix, président de Gaz de France (GDF)

L'évolution du marché

Le secteur du gaz naturel est en forte croissance, que ce soit en France, en Europe et dans le monde. Le taux de croissance est de l'ordre de 3 %, et le bilan énergétique européen fait apparaître une augmentation très nette de la part du gaz naturel dans le mix énergétique (23 %). Nous constatons une volonté générale des États d'introduire davantage de compétition dans ce secteur, depuis vingt ans aux États-Unis, plus de dix ans en Grande-Bretagne, et à partir de 1998 pour l'ensemble de l'Union européenne avec la directive gaz.

Le processus de libéralisation qui en résulte, s'est traduit par une évolution significative des règles du jeu économique, marquée par l'apparition de nouveaux acteurs, qui viennent concurrencer sur leur marché les « opérateurs historiques ». Parallèlement, cette libéralisation s'est accompagnée d'une concentration des opérateurs qui recherchent une plus grande internationalisation et l'accession à la taille critique.

L'industrie du gaz naturel se transforme profondément avec la multiplication des opérations de court terme, alors que, jusqu'à présent, le marché européen des approvisionnements était essentiellement caractérisé par des contrats de long terme. Ce phénomène répond à des attentes : la fluidification des marchés, l'optimisation des portefeuilles d'approvisionnement et la couverture des risques, à condition qu'il ne représente qu'une part limitée du volume global des transactions.

L'état de la libéralisation

La directive européenne de 1998 avait une date limite d'application fixée au mois d'août 2000. Depuis cette date, la libéralisation s'est incontestablement mise en place. Une autorité de régulation a été créée dans quasiment tous les pays européens, avec quelques variantes liées à leurs traditions.

Même si elle n'est pas encore totale, l'ouverture du marché est une réalité partout en Europe, à des degrés divers, et elle va s'accentuer. Les opérateurs anticipent cette évolution, ce qui explique l'apparition de nouveaux acteurs. Les frontières géographiques sont en train de tomber, il n'y aura plus de monopole comme en France, et les opérateurs deviendront au moins européens. Ce seront les producteurs, des opérateurs de trading et des opérateurs multi-énergie (électriciens en particulier).

On voit également apparaître, comme je l'ai souligné, des marchés de court terme qui sont très volatils et spéculatifs.

Gaz de France a anticipé ces changements en ouvrant, en août 2000, son réseau de transport de façon transparente et concurrentielle aux clients éligibles (consommant plus de 25 millions de m3 par an). Offrir des prestations de transport représente pour GDF un nouveau métier. Il faut pouvoir demain garantir la même qualité de services que nous offrions hier. Cela implique une sécurité d'approvisionnement à long terme au meilleur prix (aux États-Unis, les prix du gaz naturel ont augmenté de 500 % l'été dernier, de 30 % seulement en France).

L'ambition de GDF est, bien sûr, de prendre des parts de marché dans d'autres pays. Il faut pour cela gérer les risques, répondre aux sollicitations sur les marchés de court terme à travers la filiale de trading et consolider la production avec le développement de gisements.

La sécurité d'approvisionnement

La situation gazière est très différente de celle de l'électricité où le lieu d'approvisionnement est proche du lieu de consommation. En matière gazière, l'Europe est, et sera, de plus en plus dépendante de sources lointaines. Ce qui implique des investissements d'infrastructures gigantesques. Le coût du transport est très important pour cette énergie, puisqu'il est dix fois plus lourd que pour le pétrole. Les opérateurs ne prendront ces risques qu'avec une visibilité à long terme de l'enjeu. L'équilibre doit donc se trouver entre plus de concurrence à court terme et le financement des infrastructures nécessaires à long terme.

La sécurité d'approvisionnement est à mon sens un enjeu majeur d'une politique européenne de l'énergie, les chiffres repris dans le Livre Vert sur l'évolution de la dépendance externe de l'Union en énergie en témoignent (de 50 % aujourd'hui à 70 % dans vingt ans). Le choix du mix énergétique peut constituer une réponse décisive, dans la mesure où la diversification des risques est la réponse adaptée à cette question de la sécurité d'approvisionnement. De ce point de vue, la place du gaz naturel dans ce mix énergétique augmentera encore à l'avenir.

Le Livre Vert de la Commission souligne bien à cet égard le dialogue énergétique indispensable avec les pays producteurs (Algérie, Norvège et Russie pour le gaz naturel).

D'une manière plus générale, il importe que l'impératif de la concurrence ne porte pas préjudice à la sécurité d'approvisionnement et au rôle essentiel des contrats de long terme.

Enfin, il faut rappeler qu'en matière de développement durable, le gaz naturel occupe une place capitale. La diversification des sources d'énergie est la seule solution raisonnable, et le gaz naturel répond aux critères de sécurité tout en réduisant la combustion de CO2.

Finalement, le charme de notre industrie est de trouver l'équilibre entre plus de concurrence, une politique à long terme équilibrée et la régulation, sans pour autant perdre la marge de manoeuvre due à l'initiative.

5. M. François Rain, directeur général de la Société nationale d'électricité thermique (SNET)

Je développerai trois thèmes :

L'ouverture du marché est un processus de longue haleine

L'ouverture à la concurrence est à l'origine de l'émergence de plusieurs marchés différents les uns des autres, de par leur produit, mais aussi de par leur taille. Par exemple, les marchés de gros réunissent les producteurs, les traders, et les transporteurs chargés de l'équilibre de l'offre et de la demande. Il faut également distinguer la vente de l'énergie de la vente de la réserve, car l'électricité ne se stockant pas, il faut des capacités disponibles et prêtes à intervenir en fonction des besoins.

En parallèle de la diversité des marchés, une multiplicité de produits (la base, la pointe, l'ajustement) commence à être échangée sur des bourses selon des durées différentes : du court terme (spot, infrajournalier), au long terme (contrats d'assurance).

Nous sommes donc dans un système complexe où se côtoient plusieurs marchés, différents prix et de nouvelles logiques.

L'ouverture du marché de l'énergie, non encore pleinement réalisée, est un processus de long terme. C'est, selon moi, l'affaire d'une décennie.

Les freins à l'évolution de l'ouverture du marché

Des freins politico-juridiques existent, avec notamment la deuxième directive en débat à Bruxelles qui pose le problème de l'éligibilité pour tous.

Partielle en France (30 % du marché aujourd'hui, 33 % demain), l'ouverture du marché est plus large dans d'autres pays d'Europe. Une incertitude demeure ainsi quant à la réalisation effective de l'ouverture.

Des freins technico-juridiques sont également des obstacles à l'ouverture. La mise en place du marché de l'ajustement, par exemple, a dû être retardée à cause de problèmes techniques.

Enfin, des freins de nature structurelle et économique ne doivent pas être sous-estimés. Les compétiteurs sont d'autant plus limités que le « ticket d'entrée » est élevé, car la compétition se fait et se fera par l'interconnexion.

Les limites économiques sont réelles malgré l'existence de bourses d'électricité (comme Powernext) qui n'en sont encore qu'à leur début. Ainsi, la quantité des produits échangés est minime et les durées sont encore courtes. Les parts de marché ne commenceront véritablement à se redistribuer que d'ici à une dizaine d'années.

La nécessité de contrepoids au marché

Il existe aujourd'hui un certain nombre d'organismes régulateurs de la concurrence qui fonctionnent bien et qui devront continuer leur tâche en prenant en compte le problème à venir de la distribution. Mais ces instruments, encore insuffisants, posent les questions suivantes. Le bon niveau de la régulation se situe-t-il au niveau national ou européen ? En effet, compte tenu du paysage contrasté de l'ouverture en Europe, il faudra très certainement une régulation au niveau européen. Enfin, concernant la question du trading, les traders peuvent-ils agir en dehors de tout contrôle, sachant que les dispositions législatives françaises ne sont pas aujourd'hui adaptées ? Une réflexion doit impérativement également être menée sur ce dernier problème.

6. M. Gérard Mestrallet, président-directeur général de Suez

Une certaine peur, en France, de la libéralisation dans le domaine de l'énergie est paradoxale quand on connaît la puissance de grands acteurs mondiaux, présents aujourd'hui, comme AREVA, EDF, GDF et Suez, le plus international de tous. Ces acteurs français peuvent conserver leur compétitivité tout en favorisant le consommateur et, dès lors, la concurrence.

Suez est présent dans trente pays et dans toute la gamme des métiers de l'énergie (production électrique, transport, distribution, vente, trading). L'électricité représente plus de la moitié (62 %) des activités de Suez ; sur les 55.000 mW de production, 98 % sont en dehors de France (55 % en Europe dont un tiers en Belgique, 45 % hors d'Europe). En Europe, nous nous sommes développés aussi en Hongrie, en Italie, aux Pays-Bas, en Pologne, et au grand international avec l'Amérique latine (Brésil, Chili, Mexique), en Asie, au Moyen-Orient. Nous sommes aussi un trader d'énergie aux Etats-Unis et en Scandinavie, fondateurs de la bourse d'Amsterdam et de Powernext.

Il est essentiel de sécuriser cette activité de trading par des activités de production et avoir une capacité de réserves propres. Nous nous sommes développés en Europe plutôt sur l'aval avec des centrales nucléaires en Belgique, des turbines à gaz aux Pays-Bas. En France, contrairement aux idées reçues, il est possible de vendre de l'électricité sur une soixantaine de sites français. Cela prouve que le marché est réellement ouvert, et l'accès aux lignes haute tension est le même pour nous que pour EDF.

Le marché ne s'organisera cependant pas tout seul, d'où la nécessité de créer des règles menant à une dérégulation organisée.

La crise californienne est l'expression d'une régulation mauvaise et insuffisante, en plus de l'absence de capacités de production supplémentaires. Comme la faillite d'Enron n'est pas due à l'excès de trading, il faut donc se méfier des assimilations trop rapides.

Suez approuve l'ouverture avec la mise en place d'autorités de régulation indépendantes mais coordonnées entre les États membres. La dérégulation américaine, longue et hétérogène, n'est pas l'exemple à suivre. Il est important de séparer les activités régulées et libérées. Il devrait y avoir une séparation juridique en Europe, comme en France, entre le réseau de transport (RTE) et la société mère (EDF). Électrabel est ainsi devenu le principal fournisseur du RTE. Electrabel, qui s'est séparé, en Belgique, en deux réseaux, pour l'électricité et pour le gaz. Un exemple que devrait suivre l'Allemagne qui, malgré un marché libéré à 100 %, n'a pas de régulateur, ses lignes à haute tension étant en outre la propriété des grands opérateurs. Ce qui marche en France, ne marche pas outre-Rhin.

Pour les collectivités, la dérégulation offre des ouvertures formidables. Les communes, déjà propriétaires des réseaux, vont devenir éligibles - comme les sociétés d'économie mixte -, elles pourront choisir leur fournisseur.

Enfin, depuis le 11 septembre 2001, les rapports mondiaux ont changé; on ne peut pas laisser des poudrières potentielles dans les pays du Sud, il faut commencer à résoudre les problèmes cruciaux pour l'humanité de la faim dans le monde, de l'accès à la santé, de l'accès à l'eau et à l'énergie.

7. M. François Roussely, président d'Électricité de France (EDF)

Le marché de l'énergie n'est pas un marché tout à fait comme les autres, surtout depuis quelques mois. Il existe désormais un rapport au temps, nouveau, qui nécessite de concilier le court terme et le long terme. Dans le domaine électrique, il faut harmoniser la demande immédiate avec les ressources énergétiques et les très lourds investissements. Ne tenir compte que du long terme, c'est n'obéir qu'à une logique de l'offre dans un système planifié. Ne tenir compte que du court terme, c'est courir le risque californien (absence de constructions et d'investissements). C'est pourquoi, plus on libéralise, plus une régulation attentive au long terme est indispensable.

Les clients

Dans les pays qui ont récemment ouvert leur marché, la même proportion de clients, de l'ordre de 3 à 4 %, a changé de fournisseurs. En Allemagne où le marché est, dit-on, ouvert à 100 %, en réalité les empilements de réseaux et de péages entravent la circulation de l'électricité. Les processus sont lents, même pour les marchés libéralisés depuis une dizaine d'années, comme la Grande-Bretagne ou les pays scandinaves qui arrivent seulement maintenant à l'éligibilité du consommateur final. Ceci nous incite à ne pas nous bloquer sur les seuils d'ouverture et de calendriers.

Il est important de différencier service public et entreprises publiques. Le groupe EDF possède une longue tradition de service public, notamment pour le traitement des clients les plus démunis, y compris dans ses filiales comme à London Electricity. Dans la deuxième directive, la Commission propose d'ailleurs de protéger les personnes vulnérables et les droits du consommateur, de garantir à tous un approvisionnement sûr.

La régulation de l'offre

Idéalement, l'offre doit être abondante, bon marché, et la concurrence entre fournisseurs réelle et bénéfique aux consommateurs. Aujourd'hui, il y a un véritable éclatement du marché de l'énergie avec l'apparition de nouvelles entreprises : en France, EDF a vu s'installer d'autres producteurs d'électricité. En dehors de la production, ce sont les services de maintenance proposés aux clients qui les fidélisent (génie climatique, génie thermique). En outre, les techniques d'intervention, comme le trading, se développent, mais les sociétés qui le pratiquent ont besoin de pouvoir compter sur des actifs industriels pour éviter les risques de faillite de type Enron. En Grande-Bretagne, pas un seul des acteurs privatisés en 1990 n'existe encore aujourd'hui, et le morcellement des activités (production, transport) a montré ses limites. C'est pourquoi, désormais, les distributeurs tentent de se constituer une base de production stable.

Les échanges

Aujourd'hui, il existe en Europe une succession de marchés qui mériteraient d'être mieux interconnectés. La fluidité des échanges est en effet une des bases de la création d'un marché unique de l'énergie, mais elle implique la mise en place de gestionnaires de réseaux indépendants. L'Europe doit également établir les conditions d'une régulation globale et une réflexion à l'échelle européenne sur la programmation des investissements.

On constate donc que l'énergie devient un produit qui s'échange ; sans sous-estimer la capacité de ces moyens financiers, il ne faut pas pour autant oublier les dimensions industrielle et humaine associées aux métiers de l'énergie.

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Débat avec la salle

Question :

Je m'inquiète sur le long terme, notamment sur le réchauffement de la planète (4 à 6 °C de plus vers 2100) et la distribution de l'énergie à l'ensemble de la population du monde. Comment va-t-on faire pour modifier les orientations en matière d'utilisation des ressources énergétiques et avec quels moyens ? L'autre question concerne la recherche, ne pourrait-on pas envisager une taxe, pour les industries de l'énergie, afin de financer les études à long terme ?

François Roussely :

Le mouvement de libéralisation de l'énergie ne favorise pas forcément les investissements et les progrès dans le domaine de la recherche. Les entreprises allemandes, par exemple, ont réduit à néant leur effort de recherche et de développement. EDF y consacre plus de 455 millions d'euros et deux mille six cents personnes par an. Mais les recherches sur fonds publics sont faibles, c'est l'Europe qui devrait les financer à long terme.

Question :

Concernant l'organisme régulateur, la Commission a mis en place des organismes d'harmonisation permettant aux acteurs gaziers de se rencontrer avec les États et les opérateurs. C'est un fonctionnement efficace. Pourquoi cela ne fonctionnerait-il pas dans le domaine de l'électricité ?

Pierre Gadonneix :

Les régulateurs de l'électricité se réunissent pour des forums réguliers et pour le gaz naturel, à Madrid. Donc la coordination fonctionne.

Le rôle du régulateur est de développer et d'organiser la concurrence, mais la sécurité d'approvisionnement est plutôt du ressort d'une politique nationale avec une coordination européenne.

François Roussely :

Il y a trois types d'acteurs, ceux qui définissent les orientations de fond (type Commission européenne), les régulateurs qui doivent être indépendants, et les autorités de la concurrence qui travaillent sur les règles du jeu à respecter par les entreprises.

Question :

Quelle sera l'offre d'EDF en 2005, 2006 ? Sera-t-elle limitée ou plus vaste ?

François Roussely :

Dans le cadre de la première directive, tous les clients qui consomment plus de 9 mWh seront éligibles en 2003, et auront droit à tous les services que l'on peut offrir. Pour les autres, on ne peut, pour le moment, offrir ni gaz, ni quelque service que ce soit (même par nos filiales). Je souhaite enfin qu'il y ait un régulateur et une autorité responsable du transport.

Question :

Que pensez-vous de la proposition de la Commission de libéraliser totalement les marchés du gaz et de l'électricité au 1er janvier 2005 ?

François Roussely :

À Stockholm, on a fait semblant de croire que l'on pouvait aller à marche forcée vers une deuxième directive sans avoir tiré les enseignements de la première. Des progrès restent à faire sur le contenu des services universels, sur la protection de l'environnement, sur le traitement des personnes démunies.

Pierre Gadonneix :

Il ne suffit pas d'afficher des dates, il faut que l'ouverture corresponde à une réalité.

Question :

On a entendu dire que les entreprises françaises ont des atouts, qu'il faudrait que le marché intérieur français soit plus ouvert dans le domaine du gaz, et que la France prend beaucoup de retard. Alors, quand aura-t-on une loi pour le gaz ?

Pierre Gadonneix :

Gaz de France a fait le pari, et je pense qu'il est en train de le gagner, d'appliquer la directive avant que la loi ne soit votée.

À quoi sert la loi ?

GDF devait faire ce choix car le marché de l'ouverture se fera, et nous ne voulons pas prendre de retard. C'est un choix juridique d'être dans le peloton de tête.

IV. QUELLES DÉCISIONS POUR LA FRANCE ?

1. M. Ladislas Poniatowski, sénateur de l'Eure

Les manoeuvres du gouvernement en matière de transpositions de directives ou de projets de loi sont souvent farfelues et difficiles à suivre.

La transposition de la directive gaz et le statut de GDF sont deux sujets très préoccupants qui méritaient d'être traités séparément.

Péripéties d'une « mini-transposition »

La directive de 1998 devait être transposée avant août 2000, un projet de loi la remplaçant a ensuite traîné pendant un an sur le bureau de l'Assemblée nationale pour se solder par une transposition en urgence. Quel imbroglio juridique !

Cette transposition, qui aurait permis d'éclairer des graves questions, reste des plus floues. On s'en remet à GDF pour établir un tarif provisoire (qui dure depuis un an et demi) de l'accès au réseau. Les conséquences néfastes ne se sont pas fait attendre, l'Espagne, ayant procédé à une transposition effective, a interdit à notre opérateur d'étendre ses activités au-delà des Pyrénées. La réforme prévoit le transfert de l'État à GDF de la propriété du réseau gazier, moyennant un acompte de 180 millions d'euros, une aubaine pour Bercy en manque de rentrées fiscales !

La France aura ainsi perdu de trois à quatre ans avec ces tergiversations. Les quinze auront adopté une nouvelle directive de libéralisation avant que celle de 1998 ne soit transposée.

L'avenir de Gaz de France

Tout comme EDF, GDF souhaite accroître ses activités sur les marchés étrangers en servant quinze millions de clients dans le monde en 2005, c'est-à-dire doubler de taille. Ses prises de participations sont déjà très importantes en Amérique latine (Argentine, Mexique, Uruguay), en Europe (avec la privation de l'opérateur lituanien et son renforcement en Italie). Cette politique ambitieuse nécessite des investissements colossaux : 1,9 milliard d'euros investis en 2000, près du quart concernant les participations étrangères et la création de filiales. GDF devra donc se diversifier. Avec quels moyens ? L'État lui permettra-t-il d'émettre des titres participatifs ?

GDF sera-t-elle transformée en société à capitaux publics ? Telles sont les questions auxquelles nous aurions souhaité obtenir des réponses claires. Mon propos n'est pas la privatisation de GDF, mais les enjeux humains et industriels qui conditionnent son développement. Gaz de France mérite mieux que des caprices politiques.

Le gouvernement doit avant tout faire confiance aux dirigeants des établissements publics français du secteur de l'énergie.

2. M. Christian Stoffaës, président de l'Initiative pour les services d'utilité publique (ISUPE)

Un nouveau concept européen de service public est en train de se préciser. Cette notion, définie auparavant à l'échelon national, va désormais être européanisée engendrant tout un processus législatif et institutionnel. Cette initiative française qui date de juillet 2001 a fait l'objet d'un mémorandum demandant à la Commission la préparation d'une directive-cadre. Toutes les instances se sont accordées à dire que le moment était venu de préparer une nouvelle génération de textes communautaires. C'est la conséquence du sommet de Stockholm ; la France et l'Allemagne ont signalé à la Commission qu'elle allait trop vite et trop loin, et qu'il fallait réfléchir sur le processus de libéralisation (cf. le discours du 28 mai 2001 sur l'Europe élargie du Premier ministre).

Les relations entre les services publics et l'Europe

On parle ici des services publics marchands (industriels et commerciaux), il s'agit d'activités économiques gérées par des entreprises, et encadrées fortement par l'État, par des règlements, et les secteurs concernés sont les télécommunications, les postes, les transports et l'énergie : l'électricité et le gaz.

Les services publics sont restés longtemps à l'écart de la construction européenne or leurs règles de fonctionnement traditionnelles sont incompatibles avec les dispositions du Traité de Rome qui consacre les principes du libre échange. Au début des années 1980, certaines injonctions ont commencé à éroder le système des services publics : en 1985 le traité de l'Acte unique stipulait, en effet, que le Marché commun devait s'étendre à tous les secteurs, y compris les secteurs exclus. Le processus de dérégulation qui était engagé dans un contexte de politique de libéralisation, (à commencer par l'Angleterre thatchérienne et la France, avec ses monopoles d'État), restait en marge prenant du retard notamment sur le calendrier des transpositions en droit national des premières directives.

En 2001, des événements importants, ont marqué le secteur de l'énergie : l'incident de Californie, la faillite d'Enron, la ratification du protocole de Kyoto. Au-delà, le nouveau contexte international remet sur le devant de la scène la question de la sécurité énergétique, l'approvisionnement du pétrole et du gaz se faisant dans des pays islamiques qui risquent d'être déstabilisés.

La libéralisation a néanmoins progressé, mais ce nouveau contexte incite à réfléchir à une troisième voie, un compromis entre le régime des monopoles et le modèle britannique, notamment pour les régions en développement où l'énergie est un secteur à très forte croissance.

L'intérêt économique général

C'est une construction démocratique avec des débats, des votes, des lois. Dans le domaine de l'énergie, des thèmes nouveaux sont en train d'émerger, comme la sécurité d'approvisionnement énergétique, mise en exergue par le Livre Vert publié par la Commission Européenne qui souligne la dépendance croissante de l'Europe (70 %) à l'égard des importations en provenance de zones instables : le Golfe, l'Asie centrale, la Russie. Qui dit sécurité d'approvisionnement européenne, dit thème d'intérêt économique général en Europe ; il faut donc une politique énergétique de sécurité. Enfin, le thème du changement climatique a très positivement incité les États membres au consensus pour la ratification du protocole de Kyoto (malgré la réticence américaine).

Pour définir et pour faire respecter les cahiers des charges de l'intérêt économique général, il faut des institutions. La Commission commence à être très encombrée, et la question sur les autorités fédérales de régulation va se poser. Le principal interlocuteur devient ce type d'institution ; la transition s'est donc faite.

3. M. Jean-Sébastien Letourneur, président de l'Union des utilisateurs industriels d'énergie (UNIDEN)

L'Union des utilisateurs industriels d'énergie (UNIDEN) souligne ce qui ne marche pas. Les consommateurs industriels veulent une mise en concurrence véritable sur l'électricité et le gaz naturel, et un accès transparent et non discriminatoire aux infrastructures correspondantes.

Les infrastructures

Le point le plus sensible concerne le gaz naturel pour lequel les gazoducs, les terminaux méthaniers et les installations de stockage doivent être considérés comme des infrastructures essentielles et, de fait, réglementés. Le but étant que tous les acteurs du marché aient un accès identique sur l'ensemble du territoire national. Une problématique dégagée par l'expérience de GDF. Mais il ne s'agit que du transport en France et pas du métier de GDF Négoce pour négocier un nouveau tuyau pour amener du gaz de Russie ou de Norvège. Les infrastructures essentielles doivent dépendre d'un organisme de transport pour que tous les acteurs puissent disposer des mêmes atouts, sans discrimination, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

Pour l'électricité, avec la mise en place du régulateur et avec la séparation effective du réseau de transport, la France supporte très bien la comparaison avec les autres pays d'Europe. Le problème français réside toujours dans la position écrasante d'EDF avec 95 % de la production, les alternatives d'EDF ne peuvent donc venir que de l'importation. Il est apparu très vite que le refus de l'Allemagne de jouer le jeu des quatorze autres États membres : ne pas avoir de régulateur, avoir un accès négocié plutôt qu'un accès régulé, est le phénomène qui bloque le processus européen. Au niveau des offres des traders, la France est isolée à cause du manque de concurrence et de la barrière que constitue un euro par mWh aux frontières. Le bon mécanisme est, à mon sens, d'avoir plusieurs fournisseurs, de les mettre en concurrence sans que cela soit biaisé par le transport pour le gaz ou par les freins aux frontières pour l'électricité.

La sécurité d'approvisionnement

Elle est, selon l'UNIDEN, fondée sur la diversité des choix énergétiques qui devient de plus en plus problématique. La conjonction d'impératifs d'environnement et la concentration de l'offre (pour le fuel lourd) nous amène à penser que nous sommes poussés vers le tout gaz pour les installations pouvant basculer du charbon ou du pétrole vers le gaz. Parce qu'il est plus propre et moins cher que le fuel lourd depuis la fusion de TotalFinaElf, seul le gaz apparaît comme la solution. Cet appauvrissement de l'offre énergétique est contraire à la souplesse nécessaire de la sécurité d'approvisionnement.

Enfin, des politiques énergétiques fondées sur le développement d'énergies excessivement subventionnées, comme l'éolienne, constituent un signal économique inadapté. Malgré les dispositions de la loi pour les appels d'offres, les consommateurs industriels estiment que les prix d'achat de l'énergie éolienne sont hallucinants.

4. M. Christian Bataille, député du Nord, vice-président de l'OPECST

En tant que rapporteur de la loi électricité, André Lajoinie, président de la commission de la Production et des Échanges à l'Assemblée, m'a demandé de le représenter.

La loi du 10 février 2000 sur la transposition de la directive européenne, qui demandait aux pays membres l'ouverture de leur marché, n'a pas retenu l'ouverture du capital d'EDF. Comme Ladislas Poniatowski et François d'Aubert, nous pensons que la privatisation totale et entière d'EDF n'est pas la solution, et ceci contrairement à l'annonce faite par Nicolas Sarkozy pour le RPR, de la vente d'EDF et de l'utilisation de cet argent pour moderniser l'État.

C'est dire combien dans ce pays un débat sur l'énergie serait nécessaire, comme beaucoup le pensent ici aujourd'hui.

Les nouveaux contextes

Le vent libéral a « soufflé fort », aux États-Unis et en Angleterre. On a innové ; on est allés vers l'ouverture sans limites, avec des expérimentations comme le trading qui conduisent vers des mécomptes et des déboires. Sans épiloguer sur l'histoire récente californienne, je trouve très préoccupant qu'au pays de la Silicon Valley on ait créé des conditions qui font que personne n'investit dans les installations électriques. Quant à Enron, on a provoqué les conditions de l'écroulement du marché. Il faut donc réfléchir sur le rôle de l'État, et sur celui de l'Europe qui ne doit pas être moindre. On peut être européen, comme moi, et militer, non pour un État fort mais pour une fédération efficace et une répartition des pouvoirs entre l'État et le marché.

L'indépendance des approvisionnements

L'Europe a un rôle régulateur à jouer dans l'avenir pour assurer cette indépendance. Si les choses restent en l'état, il n'y aura plus d'investissements de long terme, et on ne renouvellera donc pas la première génération de centrales nucléaires en France et en Europe. Nous dépendrons des approvisionnements extérieurs en matière de gaz, de pétrole, et même de charbon malgré les réserves de lignite chères aux Allemands. Et l'Europe perdra son indépendance, c'est ce que craint George Bush junior pour les Etats-Unis, qui a décidé une politique énergétique spectaculaire (concernant le nucléaire, le gaz et le pétrole).

La loi électricité

Elle n'est pas ce que souhaitaient les plus « libéralisateurs », mais le reflet de la majorité gouvernementale. En ce qui concerne le transport de l'électricité, le RTE fonctionne de manière séparée du fonctionnement d'EDF, tout en restant sous la tutelle du ministre de l'Industrie qui garde le dernier mot.

Quant au rôle du régulateur, la CRE n'est pas le pouvoir suprême, elle doit s'assurer du bon fonctionnement des marchés, de l'offre et de la demande, mais n'est pas chargée de faire la politique énergétique.

La loi a créé l'ouverture à la concurrence de 30 % du marché électrique, et nous y sommes allés très vite alors que l'Allemagne n'y est pas, puisqu'elle a introduit une fausse ouverture. Nous qui avons un « délit de sales gueules », qui sommes d'affreux jacobins, avons ouvert davantage notre marché.

Enfin, notons l'absence de loi gaz ; le gouvernement ne soumettant pas au Parlement la transposition de la directive gaz pour l'instant. Nous avons résolu le transport de gaz par un article de loi récent. Nous ne sommes pas allés plus loin. Ce n'est pas pour autant que GDF se porte mal !

5. M. André Bohl, président de l'Association nationale des régies de services publics et des organismes constitués par les collectivités locales (ANROC)

La loi de transposition de février 2000 n'a rien changé à la loi de 1906 sur la distribution de l'électricité et à celle de 1946 sur les nationalisations. Il peut donc y avoir des contradictions juridiques qui risquent d'être un jour sources de conflits. Cette loi électricité définit le service public comme une obligation nationale française. L'État assure la cohérence des approvisionnements, fixe les règles de la concurrence et confie le transport à EDF qui a créé RTE. Les collectivités « concédantes » ou exploitantes directes assument la distribution sur leur seul territoire dans le cadre de contraintes techniques, sociales et environnementales. La complexité des réseaux et l'impératif de sécurité de fourniture s'imposent à ces distributeurs, comme les règles sociales des personnels des IEG. La politique d'environnement s'impose également sur la construction des lignes et sur les obligations d'achat. Le marché européen est singulièrement « ouvert » pour la production, mais séparé pour la fourniture et l'acheminement, qui regroupe transport et distribution.

L'éligibilité des clients est partielle et a comme conséquence pour le distributeur, l'obligation d'effectuer une partition de ses achats. Comme les réseaux de distribution sont communs aux clients, éligibles ou non, une entreprise peut difficilement assumer leur développement si le tarif d'accès varie selon la fiscalité locale, et les traders feront des bénéfices sur ces opérations. Nous ne sommes donc plus dans le cadre de la concurrence. Les déficits éventuels sont partiellement pris en charge par le Fonds d'amortissement (FACE) ou de péréquation (FPE). C'est donc le contribuable local qui paiera la différence.

Car les prix sont administrés pour des tarifs de fourniture et de péage d'acheminement. Une partie du péage est reversée au RTE par le distributeur, le déséquilibre de ses comptes pouvant entraîner la responsabilité du réseau de distribution. La valeur des réseaux qui appartiennent aux collectivités locales est difficile à apprécier en raison des concessions provisoires (depuis 1946) à EDF et GDF. Enfin, les communes se voient confisquer par l'État des réseaux qu'elles ont réalisés.

En conclusion, si l'ouverture du marché a été heureusement possible aux clients éligibles, il serait maintenant utile d'étudier les statuts juridiques et économiques des opérateurs des pays européens. Pour permettre l'exercice de la concurrence sans pénaliser le client captif ni charger le contribuable, il y a lieu de réviser le statut de la concession et d'autoriser l'éligibilité totale des entreprises locales de distribution ayant un client éligible. Le principe de la territorialité d'exercice de ces entreprises, s'il est cohérent avec le recours de la fiscalité locale en cas de déficit, ne l'est pas dans le cadre d'une ouverture du marché.

Il faudrait enfin s'interroger sur la possibilité pour ces entreprises de globaliser leurs achats pour faire face à la concurrence. La création de services d'achats et de fournitures est une modalité indispensable au bon fonctionnement de la concurrence.

6. M. Jean-Yves Autexier, sénateur de Paris

L'introduction d'une concurrence débridée sur le marché de l'électricité en Europe conduira irrémédiablement à sacrifier les investissements à long terme et donc à l'abandon de l'énergie nucléaire. Alors que le programme électronucléaire a permis à la France un taux d'indépendance énergétique supérieur à 50 %, un prix de kWh extrêmement compétitif avec peu d'émission de CO2. Ce type d'investissement non rentable à court terme ne peut pas attirer un opérateur privé : Siemens et ABB se sont défaits de leurs activités nucléaires au profit de la Cogema.

La Grande-Bretagne des années quatre-vingt-dix avec la ruée vers le gaz, a obligé Tony Blair à geler les autorisations pour de nouvelles centrales en raison des risques du tout gaz.

Les investissements énergétiques de court et moyen terme seront donc privilégiés, si on n'y prend pas garde, et une priorité sera donnée au gaz ou au charbon, avec les conséquences que nous savons : difficultés d'approvisionnement, dépendance et effet de serre.

La seule solution pour répondre à ces défis passe par une politique beaucoup plus volontariste en ce qui concerne l'énergie nucléaire. La France ne doit plus tergiverser et lancer le programme EPR, tout en trouvant un terrain d'entente avec les États-Unis pour leur nouveau réacteur AP600.

Seuls les États peuvent initier une telle stratégie industrielle. La Commission européenne confirme dans son Livre Vert l'intérêt de l'énergie nucléaire tout en précisant que l'abandon des centrales existantes en Europe équivaudrait à une hausse de 12 % des émissions de CO2. Elle recommande aux États membres le renouvellement du parc des centrales existantes et aux autres, hostiles au nucléaire, de ne pas empêcher les pays qui le souhaitent d'y recourir, à condition bien sûr de garantir la sécurité nucléaire de tous les citoyens d'Europe. Et personne mieux que l'État ne peut garantir cette sécurité. La directive électricité laisse aux pouvoirs publics la possibilité d'influencer, voire de contraindre, les investissements. Selon l'article 3 : les États membres peuvent imposer aux entreprises du secteur de l'électricité des obligations de service public qui portent sur la sécurité (y compris sécurité d'approvisionnement), la régularité, la qualité, les prix de fournitures, ainsi que la protection de l'environnement. C'est à chacun de définir les obligations de service public. Les gouvernements, les Parlements doivent mieux contrôler les organes de régulation, comme la Commission de régulation de l'électricité pour la France.

Une fois la sécurité renforcée, la puissance énergétique passe par une politique de recherche ambitieuse, que seuls les États peuvent impulser (la France se doit de relancer le programme EURATOM).

Dans les faits, et malgré la directive, le marché français est ouvert à 2 % -compétitivité d'EDF oblige- et à 3 % en Allemagne où l'ouverture est censée être totale. L'État garant d'une libéralisation maîtrisée n'empêche en rien les électriciens d'avoir une ambition internationale. Une entreprise comme EDF a fait des progrès considérables en termes de productivité, mais doit se développer en Europe : en Italie, en Grande-Bretagne. Certains pensent qu'EDF devra ouvrir son capital pour continuer dans cette voie. C'est à voir. Les ressources d'EDF sont suffisantes à son développement, mais il est nécessaire que l'entreprise augmente sa rentabilité en introduisant en Bourse ses filiales comme London Electricity. Ce qui est sûr, c'est que l'État doit rester l'actionnaire majoritaire considérant les investissements de long terme, et la sécurité qui nécessite une surveillance constante de la puissance publique.

M. Henri Revol

Sans refaire le débat, mais dans une maison qui fait la loi, dire que : « de n'avoir pas fait la loi ça ne gêne personne », c'est un peu ennuyeux. Je prends en exemple Powernext : malgré la disposition interdisant le trading, ça existe quand même et ça fonctionne ! On m'a expliqué ce matin que cette bourse électrique « est créée par une interprétation hardie de la loi »...

M. Christian Bataille

La création de Powernext par dérogation à la loi est scandaleuse. Il faut espérer un changement de majorité pour régulariser tout cela. Mais je m'opposerai à cette régularisation législative. Les hauts personnages de l'électricité et du gaz font ce qu'ils veulent, et la loi c'est nous, pas eux !


ALLOCUTION DE CLÔTURE

M. Jacques Valade, sénateur de Gironde, président de la commission des Affaires culturelles, vice-président du groupe d'étude de l'Energie

Nous vivons en Europe, pour le secteur de l'énergie, une période de mutation passionnante qui concerne les États, les entreprises et tous les citoyens européens. J'ai noté les accents révolutionnaires de Christian Bataille nous donnant un rendez-vous inattendu...

Mais pour conclure ce colloque, je voudrais revenir sur les quatre éléments que le professeur Chevalier a évoqués.

Ces problèmes de l'énergie sont essentiellement dominés par l'obsession, qui doit être la nôtre, de la sécurité des installations énergétiques. Et il ne s'agit pas seulement des installations nucléaires comme le pense le grand public.

Nous devons optimiser l'efficacité des installations énergétiques. « L'énergie intelligente » est un concept à privilégier.

Il faut assurer la diversification par rapport aux énergies et par rapport aux pays. Les Britanniques pensent au gaz, les Allemands au charbon et la France tient au nucléaire. Chaque région doit avoir ses propres préoccupations, mais on ne peut plus être tout gaz, tout charbon ou tout nucléaire. D'où l'intérêt du concept de mix énergétique. Dans les Landes, par exemple, le Conseil général a décidé d'équiper tous les collèges du département de chaudières à bois ; la forêt des Landes compte un million d'hectares. Le système fonctionne à condition que les chaudières soient adaptées et qu'il y ait un service d'approvisionnement. C'est un exemple d'initiative intéressante qui peut servir de référence.

Il faut enfin que nous essayions de maîtriser les conséquences de nos décisions énergétiques sur le développement économique sur les transports et sur l'habitat.

Dans notre souci de développement, d'équilibre et de solidarité envers certains pays, on ne peut pas imposer notre modèle. On ne peut pas calquer des modes de fonctionnement qui ne correspondent ni à leurs capacités, ni aux modes de vie de leurs populations. Le choix d'aider telle ou telle région est complexe.

Pour finir, je souhaite remercier à nouveau Henri Revol d'avoir suscité ce colloque, et toutes celles et tous ceux qui l'ont préparé, sont intervenus ou qui ont assisté à ces débats.


BRÈVE BIOGRAPHIE DES INTERVENANTS

Jean-Yves Autexier :

Sénateur de Paris (depuis 2000). Conseiller de Paris (depuis 1986) et conseiller du 20e arrondissement (depuis 1983).

Député de Paris (1988-93). Auteur de la première proposition de loi sur le PACS (1990). Conseiller pour les Affaires politiques du ministre de l'Intérieur (1997-2000).

Christian Bataille :

Député du Nord (depuis 1988). Conseiller régional du Nord-Pas-de-Calais. Vice-président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST). Membre de la commission Production et Échanges de l'Assemblée nationale. Rapporteur du projet de loi sur la gestion des déchets nucléaires à haute activité. Rapporteur du projet de loi sur la modernisation et le développement du service public de l'électricité.

Médiateur chargé de la concertation sur l'implantation de laboratoires de recherche souterrains pour les déchets radioactifs (1992-94).

Jean Besson :

Sénateur de la Drôme (depuis 1989). Rapporteur pour avis du budget de l'énergie à la commission des Affaires économiques et du Plan. Conseiller général de la Drôme. Président du syndicat départemental d'électricité de la Drôme.

André Bohl :

Président de l'Association nationale des régies de services publics et des organismes constitués par les collectivités locales (ANROC) (1979-89 ; depuis 1995). Membre du Conseil supérieur de l'électricité et du gaz. Président de l'Association professionnelle des régies de Lorraine et d'Alsace (depuis 1977). Maire de Creutzwald (depuis 1973).

Sénateur de Moselle (1974-2001).

Jean-Marie Chevalier :

Directeur du Centre de géopolitique de l'énergie et des matières premières. Professeur à l'université Paris IX-Dauphine, où il dirige le DEA d'Économie industrielle. Directeur au Cambridge Energy Research Associates (CERA, bureau de Paris).

Auteurs de nombreux articles et ouvrages sur l'énergie et l'industrie dont « Économie industrielle des stratégies d'entreprises » (2000) ; a dirigé le numéro spécial d'Économie et Sociétés « L'Europe de l'énergie : convergences et complexités » (2001).

Marie-Anne Frison-Roche :

Professeur de droit à l'IEP de Paris. Directeur du Forum de la régulation. Directeur du diplôme d'études supérieures spécialisées de droit des affaires. Directeur de l'Institut de droit économique, fiscal et social (depuis 1994).

Pierre Gadonneix :

Président de Gaz de France (GDF) (depuis 1996). Président de l'Adimac (depuis 1996). Membre du Conseil économique et social (depuis 1994). Administrateur de différentes sociétés dont France Télécom (depuis 1998).

Commissaire adjoint du gouvernement auprès d'EDF (1978-87). Directeur général de GDF (1987-95). Président du Conseil français de l'énergie (1993-98).

Marc Hiegel :

Directeur de la stratégie et de la participation à la direction générale gaz et électricité de TotalFinaElf : suivi des questions d'ouverture des marchés en Europe et de la gestion des participations des filiales AVAL Gaz Électricité en Europe.

A exercé différentes fonctions au sein du groupe TotalFinaElf (depuis 1980) : il a été en charge des activités de commercialisation du gaz naturel en France ; puis a rejoint dans les années 1990 la branche Production en Afrique, puis en mer du Nord.

Jürgen Kroneberg:

Membre du directoire de RWE Net AG (depuis 2000) et auparavant de RWE Energie AG
(1997-2000). Président de l'association des gestionnaires du réseau allemand, Verband der Netzbetreiber (VDN) (depuis 2001).

Administrateur adjoint de l'arrondissement de Steinfurt, chef de la section de la jeunesse et des affaires sociales (1989-94). Administrateur en chef de l'arrondissement de Rheinisch-Bergischer Kreis (1994-97).

Gérard Larcher :

Sénateur des Yvelines (depuis 1986). Président de la commission des Affaires économiques et du Plan. Vice-président de la délégation du Sénat à l'aménagement et au développement durable du territoire. Maire de Rambouillet.

Ancien vice-président du Sénat. Ancien membre de la commission supérieure du service public des Postes et Télécommunications.

Anne Lauvergeon :

Président du directoire du groupe AREVA (depuis 2001).

Chargée de mission à la présidence de la République pour l'Économie internationale et le Commerce extérieur (1990). Nommée en 1991 secrétaire général adjoint à la présidence de la République et sherpa du président de la République pour l'organisation des sommets internationaux (G7). Associé-gérant de Lazard Frères & Cie (1995-97). Directeur général adjoint d'Alcatel Télécom (1997-98), puis, après être entrée au Comité exécutif du groupe Alcatel, est en charge du secteur des participations industrielles du groupe dans la défense, l'énergie, les transports et le nucléaire (Thomson, CSF, Alstom, Framatome) (1998-99). Nommée en 1999 président-directeur général du groupe COGEMA, Compagnie générale des matières nucléaires.

Jean-Sébastien Letourneur :

Président de l'Union des utilisateurs industriels d'énergie (UNIDEN) (depuis 1992).

Président de International Federation of Industrial Energy Consumers Europe (IFIEC Europe) (1992-97). A occupé différentes fonctions à Péchiney, notamment président de Péchiney Nederland (1988-98) et directeur des relations institutionnelles (1995-98).

Sophie Meritet :

Maître de conférences à l'université Paris IX-Dauphine, enseignante à l'Université de Houston, Texas, USA. Chercheur associé au centre français sur les États-Unis. Membre de l'Association internationale des économistes de l'énergie (IAEE).

Chargée d'études sur le marché électrique aux États-Unis au Poste d'expansion économique, Houston, Texas, USA. Chargée d'études économiques sur l'industrie énergétique en Europe et aux États-Unis à la direction déléguée au développement de Vivendi.

André Merlin :

Directeur général de Réseau de transport d'électricité (RTE) (depuis 2000). Président du Comité technique de la Conférence internationale des grands réseaux électriques (depuis 1996). Président de l'association européenne des gestionnaires de réseaux de transport d'électricité (depuis 2001). Membre fondateur de l'Union pour la coordination du transport d'électricité en Europe (UCTE). Président de l'assemblée générale de l'École supérieure d'électricité.

A occupé différentes fonctions au sein d'EDF (1968-97), dont notamment celles de directeur adjoint des études et recherches (1992-94), directeur de la production hydraulique et thermique classique, du transport d'énergie et des télécommunications, de l'exploitation du système électrique et directeur du marché de la grande industrie (1994-97).

Gérard Mestrallet :

Président-directeur général de Suez (depuis 2001). Président du conseil d'administration de Tractebel et de la Société Générale de Belgique. Administrateur de Saint-Gobain et de l'Ecole polytechnique. Membre du conseil de surveillance des sociétés AXA, Casino, Crédit Agricole, Indosuez et Société du Louvre.

Conseiller auprès du maire de Shanghai et du maire de Séoul. Membre du Council of International Advisers du gouvernement de Hong Kong.

Chargé de mission à la Compagnie de Suez (1984-86), puis délégué général adjoint pour les Affaires industrielles (1986-91). Administrateur délégué et président du comité de direction de la Société Générale de Belgique (1991-95). Nommé président-directeur général de la Compagnie de Suez (1995). Président du directoire de Suez jusqu'au 4 mai 2001.

Preben Munch :

Représentant en France de Bergen Energi (depuis 2000).

Directeur général d'EB National Elektro SA, Suisse (1988-90). A exercé différentes fonctions au sein d'ABB France : directeur de projet (1990), directeur de la communication (1990-92), directeur d'ABB Industries snc (1992-94), directeur général d'ABB Services snc (1994-96). Président de Noral SA, Norvège (1996-98). Directeur général de Tandberg Data SA (1999-2000).

Patrick Pierron :

Secrétaire fédéral de la fédération Chimie Énergie, en charge des questions énergétiques (depuis 2000).

Entré dans les industries électriques et gazières à la direction électricité, gaz services en 1981. Détaché syndical CFDT dans la gestion des oeuvres sociales et mutualistes à la Caisse mutuelle et d'action sociale de Metz Lorraine (1991-93). Responsable CDFT IEG Grand Est (1993-97). Secrétaire général du syndicat Chimie Énergie Lorraine (1997-2000).

Ladislas Poniatowski :

Sénateur de l'Eure (depuis 1998). Membre de la commission des Affaires économiques et du Plan. Maire de Quillebeuf-sur-Seine. Conseiller général de l'Eure.

Ancien député. Ancien vice-président du Conseil général de l'Eure.

François Rain :

Directeur général de la SNET (depuis mai 2000), après avoir été directeur général adjoint.

ENA-administrateur civil, il a travaillé une partie de sa carrière à la Direction générale de la concurrence, de la consommation, et de la répression des fraudes (DGCCRF). Ancien conseiller de Pierre Bérégovoy, ministre de l'Économie, des Finances et du Budget, et de Michel Sapin, ministre de l'Économie et des Finances.

Henri Revol :

Sénateur de la Côte-d'Or (depuis 1989). Vice-président de l'OPECST. Président du groupe d'étude de l'Énergie. Maire de Messigny-et-Vantoux (depuis 1971). Conseiller général de la Côte d'Or (depuis 1973). Vice-président du Conseil général de la Côte-d'Or (depuis 1983).

Rapporteur du projet de loi sur la gestion des déchets nucléaires à haute activité. Rapporteur du projet de loi sur la modernisation et le développement du service public de l'électricité. Co-auteur avec Jacques Valade d'un rapport d'information (session 2000-2001) au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan sur la sécurité d'approvisionnement en Énergie de l'Union européenne, présenté au nom du groupe d'étude de l'Énergie (réponses aux questions du Livre Vert de la Commission européenne).

Michael Reynolds :

Directeur général Europe d'Endesa (depuis 2000).

Director for contracts de UK Power Industry (début des années 1980). À la privatisation de l'industrie électrique (1990), il devient le directeur de la production National Power Company, le plus grand producteur d'Angleterre et du pays de Galles. Il dirige les premières opérations de croissance externe au Portugal et devient CEO d'une opération avec trois autres sociétés : EDF, Endesa of Spain et Electricidadde do Portugal.

Dominique Ristori :

Directeur des Affaires générales de la direction générale « Transports, Énergie » à la Commission européenne (depuis 2000), où il couvre en particulier - tant pour l'énergie que pour les transports - la politique générale et les relations interinstitutionnelles, le marché intérieur dans tous ses aspects, y compris concurrence et service public, la dimension environnementale, les affaires internationales et le volet information et communication.

A occupé différentes fonctions à la Commission européenne (depuis 1978), dont celle de directeur en charge de la politique énergétique (1996).

François Roussely :

Président d'EDF (depuis1998).

Directeur général de la police nationale (1989-91). Secrétaire général pour l'administration au ministère de la Défense (1991-97). Membre du comité de l'énergie nucléaire du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) (1991-97). Membre du conseil d'administration de la Société nationale immobilière (1991-97). Conseiller maître à la Cour des comptes (1994). Secrétaire général et membre du comité exécutif de la SNCF (1997). Directeur du cabinet civil et militaire d'Alain Richard, ministre de la Défense (1997-98).

Kurt Stockmann :

Vice-président de l'Office fédéral allemand des ententes (depuis 1996).

Président de section de décision de l'Office fédéral des ententes (1984-96). Président du Comité du droit et de la politique de la concurrence de l'OCDE (1985-94). Président du Comité fédéral du contrôle des marchés publics (1994-96).

Christian Stoffaës :

Président de l'Initiative pour des services d'utilité publique en Europe (ISUPE). Directeur de la délégation à la prospective internationale d'EDF (depuis 1991). Professeur associé à l'université Paris IX-Dauphine, et à l'IEP de Paris.

Chef du Centre d'études et de prévision du ministère de l'Industrie (1978-81). Directeur adjoint des industries électroniques et de l'informatique (1982-86). Chargé de mission auprès du ministre (1986-88).

Jean Syrota :

Président de la Commission de régulation de l'électricité (CRE) (depuis 2000).

Directeur de l'Agence pour les économies d'énergie (1974-78). Directeur des affaires industrielles et internationales à la direction générale des télécommunications (1978-81). Directeur général adjoint des Télécommunications (1980-81). Directeur général de l'énergie et des matières premières au ministère de l'Industrie (1982-88). Président-directeur général de COGEMA (1988-99). Vice-président du Conseil général des Mines (1993-97).

Angel Tradacete Cocera

Directeur de la direction Cartels, Industries de base et Énergie à la direction générale « Concurrence » de la Commission européenne (depuis 1998).

Ancien directeur financier et directeur général dans diverses sociétés de dimension internationale (1977-87). Il a ensuite exercé des fonctions de cadre aux directions générales « Relations externes » et « Commerce » au sein de la Commission européenne (1988-98).

Jacques Valade

Sénateur de la Gironde (1980-87 ; depuis 1989). Président de la commission des Affaires culturelles. Vice-président du groupe d'étude de l'Énergie. Membre de l'OPECST. Conseiller municipal de Bordeaux. Conseiller régional d'Aquitaine.

Coauteur avec Henri Revol d'un rapport d'information (session 2000-2001) au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan sur la sécurité d'approvisionnement en Énergie de l'Union européenne, présenté au nom du groupe d'étude de l'Énergie (réponses aux questions du Livre Vert de la Commission européenne).

Ancien vice-président du Sénat. Ancien ministre. Ancien député.

« LE MARCHÉ EUROPÉEN DE L'ÉNERGIE : ENJEUX ET CONSÉQUENCES DE L'OUVERTURE »

Avec l'ouverture progressive, maîtrisée et régulée à la concurrence des secteurs de l'électricité et du gaz, le marché européen de l'énergie connaît une mutation sans précédent.

Le groupe d'étude de l'énergie du Sénat a souhaité se pencher sur les enjeux et les conséquences de cette évolution, qui sont bien sûr d'ordre économique et financier, mais concernent aussi le champ social et environnemental.

Comment nos grands opérateurs historiques s'adapteront-ils à la nouvelle donne, tout en profitant de l'aiguillon de la concurrence ?

Dans quelles conditions l'ensemble des acteurs du marché pourront-ils agir sur ce marché régulé, en vue de contribuer à l'efficacité économique des entreprises et au bien-être des citoyens européens ?

Comment s'assurer que la libéralisation du secteur énergétique permettra à la fois de répondre aux impératifs de compétitivité de l'industrie européenne, d'exercice effectif de la concurrence dans l'ensemble des États membres, de diversification et de sécurité de l'approvisionnement énergétique et de respect de l'environnement ?

Telles sont quelques-unes des questions auxquelles le colloque "le marché européen de l'énergie : enjeux et conséquences de l'ouverture" a tenté de répondre. Les points de vue des intervenants à ce colloque, nombreux et de qualité, sont présentés dans le présent document.

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