2. La menace d'attaques biologiques ou chimiques : un sentiment de vulnérabilité qui se généralise

La délégation a également pu constater que le risque d'une attaque biologique ou chimique constitue une préoccupation très vive chez de nombreux responsables politiques américains.

Lors d'une réunion au Center for international and strategic studies (CSIS) , ce sujet a été longuement abordé.

Il semble désormais clair que la contamination par le bacille du charbon opérée par le biais du courrier postal provenait d'une source située sur le territoire américain, compte tenu de la sophistication de la matière produite. Des interrogations subsistent sur les intentions réelles des auteurs de ces actes. Toutefois, l'opinion a été marquée non seulement par leur bilan humain (5 morts et de nombreuses personnes infectées), mais aussi par leur impact sur la vie du pays et la difficulté à les prévenir et à les traiter. Plusieurs mois après cet épisode, des centres de tri étaient encore fermés pour décontamination. Les dommages financiers de ces attentats se chiffrent en milliards de dollars.

Alors que l' anthrax est considéré comme relativement facile à combattre, en regard d'autres agents pathogènes plus redoutables comme la variole, sa diffusion en quantité limitée a mis en lumière les carences des pouvoirs publics. Les spécialistes du CSIS estiment que 14 pays conduisent actuellement des programmes biologiques actifs et qu'il importe d'en tirer les conséquences en renforçant d'urgence les mesures de protection.

Cette attaque à l' anthrax est intervenue alors que les responsables politiques étaient déjà sensibilisés à la vulnérabilité face au bioterrorisme .

Un exercice de simulation, baptisé Dark winter avait précisément été organisé par le CSIS au mois de juin 2001. Cet exercice mettait en scène l'ensemble des autorités civiles et militaires américaines et visait à évaluer leurs réactions face à une attaque utilisant l'agent infectieux de la variole, caractérisé par sa haute virulence et sa facilité de transmission. Cette simulation qui s'est déroulée sur plusieurs jours a mis en évidence l'impréparation des autorités à un tel scénario, la mauvaise coordination entre autorités locales et fédérales et entre les différents services impliqués dans la gestion de la crise. L'insuffisance des stocks de vaccins et la nécessité de préparer des plans d'urgence, en particulier au niveau sanitaire, a été soulignée.

La délégation a retiré de cette présentation une double impression.

Tout d'abord, elle constaté que de nombreux travaux sur les risques de terrorisme biologique ou chimique avaient déjà été menés aux Etats-Unis, qui possèdent incontestablement sur ce point une longueur d'avance sur l'Europe . Certaines personnalités rencontrées se sont d'ailleurs inquiétées de la faiblesse des réflexions européennes en la matière, et ont souligné la nécessité d'une coopération transatlantique beaucoup plus active.

Par ailleurs, elle a pu mesurer la réalité du sentiment d'inquiétude face à ce risque, ce qui explique largement l'écho favorable reçu par le discours sur les armes de destruction massive et la nécessité d'éliminer les régimes qui s'en équipent.

Ainsi, bien que la probabilité qu'un groupe terroriste parvienne à s'emparer du virus de la variole apparaisse faible, compte tenu de l'éradication de cette maladie depuis la campagne de vaccination menée par l'Organisation mondiale de la santé en 1977, les inquiétudes portent sur la sûreté des deux dépôts officiels du virus qui subsistent, aux Etats-Unis et en Russie, mais surtout sur l'existence de dépôts non déclarés. Des interrogations subsistent sur la situation des laboratoires de l'ex-Union soviétique où étaient produites des suspensions liquides de la variole pouvant être placées dans des munitions. Le devenir des scientifiques qui travaillaient dans ces laboratoires nourrit également des craintes. De même, des soupçons pèsent sur l'existence de dépôts non déclarés dans d'autres pays, notamment en Irak et en Corée du nord.

Tout en considérant que pour un groupe terroriste, l'acquisition, la production, la militarisation et la dissémination d'agents biologiques constituent une opération extrêmement complexe, les analystes américains ne croient pas ces obstacles insurmontables pour des groupes aussi organisés qu' Al Quaïda.

Le sentiment dominant chez les responsables politiques américains est aujourd'hui qu'il n'y a pas lieu de s'interroger sur la plus ou moins grande probabilité de la menace des armes biologiques, mais qu'il faut dès à présent agir pour se prémunir de telles attaques.

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