b) Des missions difficiles à redéfinir dans un contexte institutionnel incertain
Les SDAP
apparaissent globalement comme des services n'ayant pas trouvé leur
équilibre ; pour dégager les lignes de ce que pourrait
être une réforme, il faut reconnaître que les certitudes
sont plus négatives que positives : il est plus facile, en
l'état actuel des choses, de faire le point des difficultés que
de faire des propositions, faute de connaître le contexte institutionnel
dans lequel vont pouvoir évoluer les SDAP.
Beaucoup d'éléments de l'enquête témoignent non
seulement de la dispersion des tâches mais encore de la difficulté
des ABF à exercer leurs missions dans le domaine des monuments
historiques, qui dans la plupart des cas ont un caractère très
secondaire.
Les priorités du service font d'abord apparaître
la place
prépondérante des activités de contrôle et de
conseil des collectivités locales
, suivies par celles touchant aux
travaux sur les monuments historiques. En dépit de
l'intérêt affiché des ABF pour ce secteur, on remarque que
l'enquête démontre que la délégation fonctionne
généralement davantage en la matière que pour les missions
de contrôle, ce qui veut dire que les dossiers de subventions ne sont,
bien souvent, pas traités directement par le chef de service.
Il est clair que les équilibres administratifs dépendent de
facteurs locaux tenant, soit à des facteurs personnels tenant à
l'existence, ou non, de bonnes relations avec leurs interlocuteurs, soit
à des facteurs institutionnels.
Les SDAP émettent, par exemple, des réserves sur l'attitude des
DRAC à leur égard. Ils regrettent la lourdeur d'affectation des
crédits, l'absence d'autonomie pour le choix des opérations, le
manque de mise en commun des connaissances, ainsi que, la mention mérite
d'être soulignée, les interventions de la CRMH dans les dossiers
d'entretien...
En outre, les problèmes de dispersion des activités se doublent
de question de frontières institutionnelles, dont on a vu qu'ils
étaient réels en matière de gros entretien avec la DRAC et
les ACMH, mais dont il faut dire également qu'ils existent
également pour le volet urbanisme de l'activité des SDAP.
C'est ainsi que, si les missions de contrôle et de conseil sont
privilégiées, la situation en la matière n'est pas nette
et dépend bien souvent de l'existence ou non d'un Conseil
d'architecture, d'urbanisme et d'environnement (CAUE).
Les relations avec cet organisme, lorsqu'il existe, sont qualifiées de
cordiales même si la coordination n'est pas toujours très
développée, au point que certains ABF se posent parfois des
questions sur la répartition des rôles entre les deux organes,
tandis que d'autres vont jusqu'à s'interroger sur l'effet réel de
la présence d'un CAUE dans le département.
Il y a là un problème d'articulation des missions entre celles
des ABF et des CAUE et des conseillers pour l'architecture mis en place
auprès de certaines DRAC.
D'une façon générale, de part et d'autre, on souligne -et
votre rapporteur a pu s'en rendre compte par lui même lors d'une visite
dans une commune dont le maire avait du mal à faire la différence
entre les compétences des conservations régionales et des du
service départemental-, le manque de lisibilité du dispositif
administratif pour les partenaires locaux qui ne comprennent pas comment se
partagent les responsabilités entre CRMH, ACMH et ABF.
En définitive, les SDAP ressentent un sentiment d'isolement et d'abandon
et regrettent leur peu de relations avec la DAPA en espérant vivement
pourvoir constituer un jour un échelon déconcentré du
ministère de la culture à l'image des DRAC.
Face à une situation qui n'est manifestement pas stabilisée,
votre rapporteur spécial n'est pas en mesure d'indiquer des pistes de
réforme, dans la mesure où, aussi nécessaire soit-il,
l'échelon de base de l'administration du patrimoine dépend de ce
qui sera fait aux autres niveaux.
Certes, des progrès peuvent être envisagés, et
l'enquête montre que certains services départementaux s'adaptent
pour se comporter au moins autant comme une administration de conseil et de
services que comme un gendarme ; mais la redéfinition des missions
et du métier des SDAP supposent notamment que l'on sache comment vont
évoluer les compétences des ACMH et des CRMH, et, en tout premier
lieu, comment vont se répartir les compétences entre
échelons centraux et locaux de l'administration du patrimoine.
Au-delà des expériences pour améliorer les conditions
d'accès des usagers au service-telles les permanences dans les mairies
en vue de la formulation immédiate des avis aux pétitionnaires,
ou pour assurer l'homogénéité et la
prévisibilité des décisions administratives avec la
sélection d'avis à enjeux pour examen approfondi et la
création de référentiels -, les esprits évoluent en
matière de décentralisation. L'enquête témoigne d'un
large accord au sein des SDAP pour que certains avis soient
transférés aux collectivités locales lorsqu'il existe des
plans d'urbanisme.
D'une façon générale, et en dépit des doutes qu'ils
émettent parfois sur les capacités des collectivités
locales à assurer la gestion du patrimoine architectural, les SDAP
considèrent néanmoins que celles-ci pourraient assurer, en outre,
le suivi sanitaire des monuments historiques, la formulation d'avis dans les
ZPPAUP, ainsi que d'avis simples dans les périmètres de
protections revus, enfin, l'instruction des dossiers de déclaration de
travaux.
Mais, l'enquête montre également que, si certains ABF manifestent
un attachement très fort au maintien de compétences en
matière de monuments historiques comme un moyen de conforter la
légitimité technique, d'autres n'hésitent pas à se
poser la
question du recentrage de leurs missions soit autour du pôle
du conseil architectural
, soit autour du pôle des monuments
historiques.
Être architecte ou urbaniste, telle est la question à laquelle on
ne peut échapper et dont la réponse dépend des choix qui
seront faits sur l'architecture de l'administration du patrimoine.
La définition des compétences des ACMH dans le cadre
départemental permettrait sans doute de faire basculer
définitivement le centre de gravité administratif des ABF vers le
droit de l'urbanisme et de l'environnement, en revanche, des réformes
comme le transfert global des compétences au département de
compétences de proximité en matière de monuments
historiques - voire la création d'une agence départementale
associant également l'État comme cela a été
envisagé lors d'un séminaire de réflexion organisé
par la DAPA-, conforteraient la vocation mixte des services
départementaux de l'architecture et du patrimoine.