II. 2. LA DYNAMIQUE DE L'INVESTISSEMENT S'EXPLIQUE PAR LES DÉTERMINANTS CLASSIQUES
Les travaux les plus récents montrent que les déterminants traditionnels de l'investissement, à savoir les variations de l'activité et de la profitabilité, suffisent à rendre compte de la trajectoire de l'investissement observée au cours des trente dernières années. Ces résultats sont renforcés si l'on tient compte de la bulle immobilière apparue au début des années 1990.
A. UN PROBLÈME SPÉCIFIQUE DE L'INVESTISSEMENT EN CONSTRUCTION
L'évolution de l'investissement productif total des années 1990 doit être expliqué à la lumière de sa composante en construction.
L'investissement a en effet connu des évolutions
différenciées selon les produits. De 1984 à 1990,
l'investissement en matériels et logiciels d'une part et
l'investissement en construction d'autre part, ont augmenté tous deux
à des rythmes élevés : 8,3 % en moyenne pour le
matériel et logiciels et 4,9 % pour le bâtiment. Ainsi,
jusqu'en 1990, la FBCF en construction semblait
complémentaire
à l'investissement en équipements et logiciels et contribuait
fortement au cycle de l'investissement total. Ces évolutions jointes
sont liées à la forte accélération de la valeur
ajoutée observée sur cette même période.
Cette embellie de toutes les composantes de l'investissement cesse de
façon brutale en 1990. La guerre du Golfe en août 1990 ne vient en
réalité qu'ajouter à un climat international
dégradé. La croissance qui s'est déjà
infléchie dans les pays anglo-saxons et les incertitudes liées
à la réunification allemande ont pesé à la fois sur
les décisions de consommation privée et d'investissement des
entreprises. Les niveaux élevés du change et des taux
d'intérêt limitent alors les capacités de financement des
entreprises françaises. L'accumulation du capital connaît alors
une longue décélération qui durera jusqu'au début
de l'année 1997.
Toutefois, cette rupture ne touche dans un premier temps que la FBCF en
équipements et logiciels, et épargne un temps, jusqu'en 1992, la
FBCF en construction. Depuis 1990, les deux types d'investissement,
« construction » et équipements et logiciels
connaissent donc des évolutions qui semblent déconnectées.
A partir de 1990, l'investissement en équipements et logiciels se
retourne et connaît de 1990 à 1994, durant quatre années
consécutives, une baisse continue (2,4 % en moyenne). La baisse est
spectaculaire en 1993 : d'environ 10 % en glissement annuel aux
deuxième et troisième trimestres. Cette période correspond
à des épisodes de croissance nulle ou de récession. En
phase avec une amélioration de l'activité et de la
profitabilité, l'investissement en équipements et logiciels
redémarre dès 1994 (soit trois ans plus tôt que
l'investissement total) et il faut attendre l'année 1997 pour voir
s'estomper les effets de la crise économique sur l'investissement dans
sa totalité.
Entre 1980 et 2001, la FBCF en construction est passée de 36,6 milliards
d'euros aux prix de 1995 à 36,2 milliards d'euros aux prix de 1995, mais
elle avait atteint un niveau historique en 1991-1992 à plus de 44,5
milliards d'euros. La phase d'expansion de l'investissement en bâtiment
qui commence en 1985 ne s'achève qu'avec l'éclatement de la bulle
immobilière en 1992. Ce retard de deux ans du cycle de la construction
par rapport au cycle économique s'est traduit par une morosité
durable de l'investissement en construction dans les années qui suivent.
Le rebond intervient certes en 1999, mais le point haut de l'année 1992
n'a toujours pas été retrouvé.
Comme le montre le graphique qui suit, l'investissement en bâtiment des
entreprises, qui constituait plus de 36 % de leur FBCF en valeur en 1978,
n'en représente plus que 25 % en 2001.
L'investissement en bâtiment a donc tiré
globalement
vers le bas le taux de croissance de la FBCF totale, à l'exception de la
période 1990-1993, et plus récemment depuis 1999. A
l'opposé, la FBCF en équipements et logiciels a été
multipliée par 2,3 entre 1980 et 2001. L'évolution un moment
décevante de l'investissement des entreprises françaises
apparaît, par conséquent, moins nette si l'on exclut la composante
« bâtiment » de la FBCF et si l'on se concentre sur
l'investissement hors bâtiments.
C'est ce que montrent en effet plusieurs études
économétriques. Pour Irac et Jacquinot (1999), c'est
l'investissement en construction qui est à la source de l'atypisme en
partie constaté de l'investissement total de la décennie 1990.
Pour ces auteurs, l'investissement hors construction a eu dans les
années 1990 un comportement tout à fait conforme à la
dynamique des années 1980 reposant essentiellement sur l'activité
(et en partie sur le profit). Irac et Jacquinot montrent qu'entre 1990 et 1995,
l'investissement en construction s'est maintenu à des niveaux trop
élevés au regard du cycle de la valeur ajoutée ou du taux
d'utilisation des capacités de production. Il semble que pour effacer
cette période de suraccumulation, l'investissement en construction ait
du tomber à présent à des niveaux assez faibles.