B. LES FACTEURS EXPLICATIFS DES FLUCTUATIONS ENREGISTRÉES

En matière de délivrance des agréments, deux années ont marqué, entre 1996 et 2001, une rupture par rapports aux années précédentes : l'année 1998, au cours de laquelle le nombre d'agréments accordé a diminué de 60 % et les montants agréés ont baissé de 67 % ; l'année 2001, au cours de laquelle les montants agréés ont progressé de 80 %.

Evolution des agréments accordés par secteur d'activité (données non corrigées)

(en nombre et en millions d'euros)

Secteurs « non sensibles »

Année

Ind.

Log.

Agr.

Én. nouvelles

BTP

Art.

SI

Main

1997

98,0

146,8

14

31,3

41,3

-

-

-

148

15

67

9

156

7

-

-

1998

72,6

47

-

41,4

8,4

-

-

-

19

3

-

7

1

-

-

-

1999

85,6

65,0

5,3

64,2

19,5

-

-

-

80

10

16

8

29

-

-

-

2000

246,5

50,6

0,8

70,8

10,0

-

-

-

80

10

1

14

19

-

-

-

2001

478,1

37,1

5,7

60,0

36,6

0,8

1,0

1,0

83

11

11

19

24

3

3

2

Secteurs « sensibles »

H ôtel

Tour./pl.

Trans.

Audiovis.

Pêche

SPIC

Entr. dif

Total secteurs
« non sensibles » + « sensibles »

1997

302,2

501,0

206,4

3,3

38,9

8,1

-

1.396

26

150

203

6

44

3

-

834

1998

56,4

50,3

118,8

3,1

5,4

60,1

1,0

464

13

49

221

8

5

3

2

331

1999

120,0

43,2

183,6

1

14,4

25,7

0,5

628

19

54

245

3

11

2

1

478

2000

36

49,5

178,6

12,4

30,0

-

-

685

9

39

236

9

17

-

-

434

2001

160,9

63,7

299,5

27,2

35,5

19,7

1,3

1.228,3

Caractères droits : montant des investissements agréés. Caractères en italique : nombre de dossiers agréés

L'analyse par secteurs d'activité de l'évolution des agréments délivrés permet d'expliquer ces ruptures en mettant en évidence les déterminants de l'évolution des agréments : l'impact des modifications législatives d'une part, et l'impact des projets exceptionnels d'autre part.

Ces deux facteurs illustrent le caractère ambivalent de la défiscalisation outre-mer : à la fois placement financier pour les contribuables métropolitains (le caractère plus ou moins avantageux de l'avantage fiscal influence le niveau du flux d'épargne vers l'outre-mer) et instrument du développement économique (dans des petites économies, la mise en oeuvre de projets de grande ampleur se traduit par d'importantes fluctuation du montant total des investissements).

1. L'impact des modifications législatives

La modification législative dont l'impact a été le plus fort ces dernières années sur les volumes agréés est la suppression par la loi de finances pour 1998 de la « double défiscalisation », c'est-à-dire de la possibilité de bénéficier à la fois d'un avantage fiscal à l'occasion de la réalisation de l'investissement et de la faculté de déduire du résultat imposable les déficits tirés de son exploitation à titre « non professionnel ». A compter du 15 septembre 1997, la possibilité d'imputer les déficits a disparu.

Cette suppression a provoqué une baisse du montant des investissements agréés à la fois massive et généralisée à pratiquement tous les secteurs d'activité : tourisme (- 97 %), hôtellerie (- 82 %), transports (- 43 %), pêche (- 87 %), logement (- 69 %), bâtiment (- 80 %), agriculture (- 10 %). En nombre d'agréments accordés, les baisses ont été d'ampleur tout aussi importante, mais concentrées sur quelques secteurs d'activité (tourisme, industrie, agriculture, bâtiment). Deux secteurs, dans lesquels un faible nombre de projets est agréé chaque année, n'ont pas été affectés par la suppression de la « double défiscalisation » : l'audiovisuel et les énergies nouvelles.

Même s'il n'est pas mesurable, l'effet de la suppression de la « double défiscalisation » sur le montant des investissements réalisés outre-mer dans les secteurs éligibles à la défiscalisation a sans doute été moindre que ne le font apparaître les statistiques de l'agrément . En effet, cette suppression a eu pour effet d'exclure du champ de l'agrément un grand nombre de projets réalisés dans les secteurs non sensibles qui étaient soumis à l'agrément non pas du fait de leur montant mais parce qu'un agrément était nécessaire pour l'ensemble des projets, quel que soit leur montant, pour lesquels les investisseurs souhaitaient bénéficier de la possibilité d'imputer les déficits d'exploitation sur le résultat imposable.

Il reste cependant que la possibilité d'imputer les déficits sur le résultat imposable rendait fiscalement intéressant pour des contribuables métropolitains d'investir dans des projets économiquement non viables outre-mer 45 ( * ) . Avec la suppression de la « double défiscalisation », l'intérêt d'investir a diminué et un « tri » s'est naturellement opéré entre les projets défiscalisés présentant un réel intérêt pour l'économie locale et les projets défiscalisés dont la vocation était principalement de permettre d'alléger la pression fiscale des contribuables métropolitains. Selon les explications apportées à votre rapporteur par le ministère de l'économie et des finances, « la suppression de la « double défiscalisation » à l'impôt sur le revenu a permis de mettre fin aux montages les plus agressifs fiscalement et les plus contestables juridiquement (mandats de gestion souvent dénaturés par des garanties excessives) » .

Dans la plupart des secteurs d'activité, le montant des investissements agréés a progressivement retrouvé un niveau proche de celui de 1997, ce qui témoigne d'une réorganisation et d'une professionnalisation des entreprises locales (transport, pêche, bâtiment). En revanche, certains secteurs d'activité ne se sont jamais relevés du choc de 1998, le logement mais surtout le secteur du tourisme et de la plaisance. Le secteur de l'hôtellerie retrouve en 2001 un niveau intermédiaire entre celui de 1997 et celui des années qui ont suivi.

Pour le ministère de l'économie et des finances, « la diminution de l'aide fiscale (...) a conduit soit à une plus grande sélectivité dans le choix des projets les plus rentables, même si cette sélectivité a été « sévère » dans certains secteurs (plaisance, hôtellerie), soit à un recours accru aux aides directes ».

2. L'impact des projets exceptionnels

L'entrée en vigueur des dispositions de la loi de finances pour 2001, réputées moins favorables que le régime précédent en termes d'avantage fiscal, s'est traduite, comme en 1998, par une baisse du nombre de demandes d'agrément et par une baisse du montant des investissements pour lesquels l'agrément est demandé. Pourtant, en 2001, le nombre d'agréments accordés a progressé par rapport à 2000, de même que le montant des investissements agréés (en hausse de 80 %).

Cette évolution s'explique par la forte sensibilité du montant total des investissements agréés aux « projets exceptionnels » de montant très élevé . Ainsi, en 2001, 88 % de l'augmentation de 545 millions d'euros 46 ( * ) du montant des investissements agréés est due à seulement trois secteurs d'activité, l'industrie (+ 232 millions d'euros), l'hôtellerie (+ 125 millions d'euros) et les transports (+ 121 millions d'euros).

Les augmentations constatées dans ces différents secteurs ne traduisent plutôt la réalisation de quelques projets importants qu'une dynamique d'ensemble. L'augmentation constatée dans le secteur des transports s'explique essentiellement par l'agrément d'un projet d'acquisition de deux Airbus en Nouvelle Calédonie tandis que, pour l'industrie, l'augmentation résulte de l'agrément d'une usine de nickel, en Nouvelle-calédonie également.

Pour l'hôtellerie, en revanche, une dynamique d'ensemble du secteur est constatée, mais elle est limitée à la seule Polynésie (qui concentre 83 % de l'augmentation), où plusieurs projets de construction et de rénovation d'hôtels ont été agréés.

A plus petite échelle, l'impact des projets exceptionnels est également constaté dans des secteurs dans lesquels le nombre de dossiers agréé est généralement faible (cette faiblesse s'expliquant d'ailleurs plutôt par le petit nombre de demandes enregistrées que par une grande sélectivité de l'administration fiscale). Il en va ainsi des services publics industriels et commerciaux et de l'audiovisuel, pour lequel l'augmentation importante entre 2000 et 2001 s'explique essentiellement par trois projets réalisés en Guadeloupe par des projets de télévision cablées.

L'analyse des données « corrigées », retracées dans le tableau ci-dessous, permet de mettre en évidence l'impact des projets exceptionnels. Il apparaît ainsi que, lorsqu'on ne tient pas compte des projets exceptionnels, l'augmentation des volumes agréés entre 2000 et 2001 n'est plus de 80 % mais de 21 %.

Evolution des agréments accordés dans les secteurs éligibles (données corrigées)

(en nombre et en millions d'euros)

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Hôtellerie

en nombre de dossiers

20

24

13

19

9

27

en montant

147,6

301,9

56,4

120,0

36,0

161,0

montant moyen

7,4

12,6

4,3

6,3

4,0

6,0

Tourisme/plaisance

en nombre de dossiers

225

133

49

54

39

45

en montant

135,7

81,1

47,0

43,3

49,6

68,4

montant moyen

0,6

0,6

1,0

0,8

1,3

1,5

Transport

en nombre de dossiers

180

203

221

245

236

229

en montant

192,4

206,4

118,9

183,6

178,7

113,9

montant moyen

1,1

1,0

0,5

0,7

0,8

0,5

Audiovisuel

en nombre de dossiers

17

6

8

3

9

6

en montant

26,2

3,2

3,2

1,1

12,5

27,2

montant moyen

1,5

0,5

0,4

0,4

1,4

4,5

Industrie

en nombre de dossiers

4

3

16

80

80

81

en montant

4,7

14,9

66,6

85,7

124,6

83,2

montant moyen

1,2

5,0

4,2

1,1

1,6

1,0

Pêche

en nombre de dossiers

3

-

5

11

17

12

en montant

6,1

-

1,7

14,5

30,0

35,5

montant moyen

2,0

0,3

1,3

1,8

3,0

Agriculture

en nombre de dossiers

-

-

-

16

1

12

en montant

-

-

-

5,3

0,7

5,7

montant moyen

0,3

0,7

0,5

Energies nouvelles

en nombre de dossiers

12

9

7

8

14

19

en montant

57,9

31,3

41,3

64,2

70,7

60,0

montant moyen

4,8

3,5

5,9

8,0

5,1

3,2

Concessions SPIC

en nombre de dossiers

4

3

3

2

-

4

en montant

3,5

8,1

60,1

25,8

-

19,7

montant moyen

0,9

2,7

20,0

12,9

4,9

Entreprise en difficulté

en nombre de dossiers

1,0

-

2,0

1,0

-

1,0

en montant

3,1

-

0,9

0,5

-

1,3

montant moyen

3,1

0,5

0,5

1,3

Logement

en nombre de dossiers

3

15

3

10

10

11

en montant

-

11,9

11,3

3,7

4,6

15,2

montant moyen

-

0,8

3,8

0,4

0,5

1,4

Bâtiment

en nombre de dossiers

3

-

1

29

19

24

en montant

21,8

-

8,4

19,5

10,1

36,7

montant moyen

7,3

8,4

0,7

0,5

1,5

Services informatiques

en nombre de dossiers

3

en montant

1,1

montant moyen

0,4

Artisanat

en nombre de dossiers

3

en montant

0,7

montant moyen

0,2

Maintenance

en nombre de dossiers

2

en montant

1,0

montant moyen

0,5

Total

en nombre de dossiers

472

396

328

462

433

467

en montant

599,0

658,7

415,7

566,9

517,4

627,8

montant moyen

1,3

1,7

1,3

1,2

1,2

1,3

* 45 L'un des interlocuteurs de votre rapporteur a illustré ce phénomène en donnant l'exemple de bateaux « qui faisaient des ronds dans l'eau ».

* 46 Le montant de l'augmentation des investissements agréés en entre 2000 et 2001 est supérieur au montant total des investissements agréés en 1999.

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