B. RELEVER LE PLAFOND DE LA DÉDUCTIBILITÉ, VOIRE DÉPLAFONNER

Le plafonnement de l'avantage fiscal consenti par les dispositions de l'article 199 undecies B à un même contribuable a plusieurs conséquences :

- il pénalise le financement des « gros » projets hôteliers 48 ( * ) ;

- il réduit le volume d'épargne disponible pour financer les investissements outre-mer, concentrant ainsi les financements vers les projets les moins risqués et offrant la rentabilité la plus forte.

Or, le développement le développement de l'industrie hôtelière et le soutien des petites entreprises, indispensables au développement de l'outre-mer, comptent parmi les objectifs principaux de la politique de soutien fiscal à l'investissement.

Les effets économiques du plafonnement se révélant contre-productifs, son relèvement, voire sa suppression, s'impose.

Le relèvement du plafond serait-il susceptible de se traduire par une augmentation du coût pour l'Etat de la défiscalisation ? En théorie, cela ne devrait pas être le cas car le volume d'investissements défiscalisés chaque année ne dépend pas de l'épargne disponible mais des besoins d'investissements exprimés par les entreprises ultramarines.

Cependant, en pratique, l'augmentation du volume d'épargne disponible pour financer la défiscalisation qui résulterait du relèvement du plafond se traduirait vraisemblablement par une réduction du niveau d'exigence des investisseurs en termes de rentabilité ou de sécurité des placements, si bien que certains projets d'investissements aujourd'hui exclus redeviendraient potentiellement « défiscalisables », entraînant une dépense fiscale supplémentaire.

La contrepartie de l'augmentation de la dépense fiscale qui résulterait du relèvement du plafond devrait être le maintien d'un taux minimal de rétrocession de l'avantage fiscal aux opérateurs local, afin que la majoration de l'avantage fiscal accordé aux contribuables à hauts revenus imposables s'accompagne, dans les mêmes proportions, d'une augmentation des montants rétrocédés aux opérateurs locaux.

C. ENCOURAGER LES ÉCONOMIES D'ÉCHELLE ET MUTUALISER LES RISQUES

La situation de blocage à laquelle est aujourd'hui confrontée le financement des « petits » projets provient de l'impossibilité, pour les cabinets d'ingénierie financière, à la fois de rétrocéder 60 % de l'avantage fiscal à l'opérateur local, de fournir une rémunération intéressante aux investisseurs, de percevoir une commission et de faire face aux frais qu'implique la gestion de SNC (constitution de provisions, paiement de la taxe professionnelle, etc.).

Sachant que la rémunération des investisseurs ne peut être réduite plus qu'elle ne l'a été ces dernières années, et que les « monteurs » spécialisés dans les « petits » projets connaissent de graves difficultés financières illustrées par la disparition des cabinets qui n'avaient pas constitué de provisions suffisantes, le blocage ne peut être levé qu'en agissant sur deux facteurs : le taux de rétrocession 49 ( * ) et la part des frais de gestion dans le montant de l'avantage fiscal.

Une part importante des frais de gestion étant constituée de frais fixes , leur part dans le total peut être réduite en favorisant la constitution de SNC de grande taille.

La constitution de telles structures est aujourd'hui possible mais se heurte à la lourdeur de la procédure de demande d'agrément (qui oblige une SNC réalisant la même année un montant d'investissement supérieur au seuil de l'agrément à obtenir un agrément pour chacun des investissements, indépendamment de leur montant individuel) : pour les petites opérations, le chef d'entreprise ultramarin a fréquemment besoin d'acquérir dans des délais très brefs incompatibles avec la durée de trois mois (généralement prorogée) de l'instruction de la demande par les services fiscaux 50 ( * ) . Par ailleurs, pour un cabinet d'ingénierie financière, l'arbitrage entre le temps passé à accomplir les démarches requises par la procédure d'agrément (études de marché, etc.) et le gain financier procuré par un investissement de faible montant le conduit souvent, lorsqu'il peut se le permettre, à renoncer à financer l'investissement.

L'existence d'obstacles à la constitution de SNC de grande taille est d'autant plus dommageable que les avantages de cette formule sont nombreux :

- la baisse de la part relative des frais fixes permet d'accroître la rémunération des monteurs, redonnant ainsi aux projets les plus risqués une chance de trouver un financement par la défiscalisation ;

- en permettant d'accroître les marges des monteurs, les SNC de grande taille permettent à la concurrence entre cabinets de s'exercer, accroissant ainsi potentiellement les taux de rétrocession accordés aux opérateurs locaux ;

- le financement d'investissements diversifiés par une même SNC permet de mutualiser les risques supportés par les investisseurs, donc de permettre le financement de projets risqués sans pour autant mettre en péril la sécurité du placement.

Par conséquent, plus les SNC sont de grande taille, plus le financement des investissements réalisés par les petites entreprises fragiles, qui constituent le coeur du tissu économique de l'outre-mer, est facilité .

La constitution de telles SNC pourrait être encouragée en précisant que le seuil de l'agrément s'apprécie non pas en fonction du montant d'investissements réalisés par une SNC au cours de l'année mais en fonction du programme d'investissement réalisé au cours de l'année par une même entreprise implantée outre-mer . De cette façon, le financement des « petits » projets pourrait bénéficier de la réactivité nécessaire tandis que les projets plus importants resteraient soumis au contrôle administratif 51 ( * ) .

Les SNC « multiprojets » du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

Afin de faciliter la constitution de SNC de grande taille, le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie propose depuis peu une solution différente de celle suggérée par votre rapporteur. Les caractéristiques de ces « SNC multiprojets » sont décrites dans un courrier adressé par le ministre à un cabinet d'ingénierie financière, reproduit ci-dessous :

« Les structures concernées devront solliciter auprès de mes services un accord de principe sur la base d'une demande qui préciserait les modalités juridiques et financières type de réalisation des investissements. Cette demande constituerait le « cahier des charges » descriptif des projets envisagés. Ce document engagerait le cabinet de conseil à l'origine de la demande ainsi que la SNC qui devront se conformer aux modalités de réalisation présentées. Cette demande devra préciser :

« - l'identité de la structure concernée ;

« - la nature des investissements envisagés et leur objet (création, extension, renouvellement d'activité) ;

« - le prix de revient des investissements sur la base duquel la réduction d'impôt est demandée et les justificatifs correspondants (devis ou factures proforma ; un engagement des fournisseurs précisant l'absence des remises, rabais ou ristournes devra également être fourni) ;

« - le schéma juridique retenu (les modèles d'actes devront être communiqués) ;

« - le plan de financement (emprunts, subventions, TVA NPR, ...)

« - les modalités du financement bancaire envisagé (montant, durée, taux, garanties) ;

« - le montant de l'ensemble des frais de montage et des autres commissions liés aux projets ;

« - le détail des sommes mises à la charge de l'exploitant au titre de la location et du rachat du bien ;

« - les engagements et modalités de sortie de l'opération.

« Le montant total des investissements réalisés par chaque SNC n'excédera pas 1,5 M €. Une même SNC ne réalisera des investissements que dans un seul département ou territoire d'outre-mer.

« Dès lors que ces conditions sont réunies, les demandes présentées à l'agrément seront instruites globalement par l'administration dans le délai légal de trois mois, et feront l'objet d'un accord de principe à hauteur des investissements éligibles.

« Une fois les investissements réalisés et les parts de la SNC acquises par les investisseurs, personnes physiques, un agrément proprement dit devra être sollicité au titre de chacun des projets « portés » par la structure qui seront individuellement analysés. A ces demandes d'agrément devront être joints, outre les éléments définitifs déjà sollicités à l'appui de l'accord de principe :

« - la liste nominative des investisseurs ;

« - éventuellement les autorisations permettant l'exploitation des biens.

« L'ensemble de ces éléments sera analysé, sur la base du cahier des charges évoqué précédemment, à la lumière des conditions d'octroi de l'aide fiscale, des engagements communautaires et de l'avis du Ministre de l'outre-mer.

« Afin d'expérimenter les modalités d'application de la procédure simplifiées ainsi définie et d'apporter, le cas échéant, les modifications nécessaires à son bon fonctionnement, le traitement de ces demandes d'agrément sera, jusqu'au 31 décembre 2003, effectué par le Bureau des Agréments.

« Au terme de cette période d'expérimentation et sous réserve des autres conditions visées précédemment, les décisions d'agrément relatives à des investissements réalisés en Guadeloupe, Guyane, Martinique et à la Réunion, un bilan de cette procédure sera établi et les décisions pourront éventuellement être délivrées par le directeur des services fiscaux compétent. »

* 48 Voir A ci-dessus.

* 49 Voir D ci-dessous.

* 50 Certains interlocuteurs de votre rapporteur lui ont indiqué que les délais d'instruction des demandes d'agrément seraient moins longs si les effectifs des services chargés de l'instruction étaient plus importants.

* 51 Pour plus de détail sur cette proposition et sur les évolutions possibles de la procédure d'agrément, se reporter au IV ci-après.

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