B. FAIRE PRIMER LA LOGIQUE ÉCONOMIQUE SUR LA LOGIQUE FISCALE POUR LA DÉFINITION DU SEUIL DE L'AGRÉMENT

La loi prévoit que, dès lors qu'un investissement est financé par une SNC qui réalise plus 300.000 euros d'investissement par an, il doit être soumis à l'agrément quel que soit son montant.

Par conséquent, dans le droit actuel, un même investissement (d'un montant inférieur à 300.000 euros) échappe à l'agrément s'il est réalisé « en direct » par une entreprise locale ou par une SNC de moins de 300.000 euros d'investissements annuels, mais est soumis à l'agrément s'il est réalisé par une SNC de plus de 300.000 euros d'investissements annuels.

Ce dispositif est en décalage avec la logique qui a présidé à la mise en place de la procédure de l'agrément : l'agrément existe parce que l'Etat souhaite s'assurer que, pour les investissements supérieurs à un montant donné réalisés par des entreprises implantées outre-mer :

- l'avantage fiscal accordé constitue la contrepartie d'un projet utile au développement économique ;

- en cas de financement « externalisé », le montage est suffisamment protecteur des investisseurs et de l'opérateur local.

Le « fait générateur » de la soumission à la procédure d'agrément étant la réalisation par une entreprise ultramarine d'un investissement d'un certain montant, il est difficilement compréhensible que la soumission à l'agrément de cet investissement dépende plus du schéma fiscal retenu (défiscalisation « en direct » ou « externalisée ») que de son montant.

Ce choix du législateur s'expliquait par la volonté de protéger les investisseurs 54 ( * ) qui investiraient des sommes importantes dans une « grosses » SNC, celle-ci ne finançant que des investissements d'un montant inférieur au seuil de l'agrément. En pareil cas, il était considéré que, si la fiabilité juridique des montages élaborés par le cabinet d'ingénierie financière était remise en cause et l'avantage fiscal repris, l'investisseur serait très lourdement pénalisé même si sa seule erreur aurait été de placer une confiance excessive dans la compétence de son monteur.

Cette précaution, très protectrice des investisseurs, se traduit en pratique par l'éviction du bénéfice de la défiscalisation des projets les plus petits et les plus risqués. Dès lors, une question se pose : un retour à la logique initiale de l'agrément, qui consisterait à agréer des projets en fonction de leur montant et non en fonction du volume total d'investissement réalisé par la SNC qui les « porte », et qui permettrait de financer les projets les plus risqués et les plus petits, se traduirait-il par une prise de risque beaucoup plus élevée pour les investisseurs ?

La réponse à cette question tient en deux points :

- aujourd'hui, lorsqu'ils trouvent des monteurs qui acceptent de les financer, les petits projets sont plutôt réalisés dans le cadre de « petites » SNC de façon à échapper à la lourdeur de la procédure de l'agrément, incompatible avec l'exigence de réactivité que demandent les petits projets. Ces « petites » SNC financent un nombre limité de projets, et comprennent peu d'investisseurs. Dès lors, en cas de reprise de l'avantage fiscal accordé à l'un des projets, les investisseurs encourent une perte importante (le risque étant accru lorsque les mêmes investisseurs deviennent associés de plusieurs « petites » SNC) ;

- si une même SNC pouvait financer à la fois des projets agréés et des projets non agréés, elle financerait un montant plus élevé d'investissements (certains étant agréés, d'autres pas, en fonction de leur montant) et associerait un plus grand nombre d'investisseurs. Par conséquent, en cas de reprise de l'avantage fiscal associé à l'un des projets, la perte serait mutualisée entre les différents investisseurs, réduisant ainsi leur risque (le risque serait d'autant plus réduit que les monteurs chercheraient vraisemblablement à constituer des SNC « mixtes », comportant des projets agréés et des projets non agréés, de manière à offrir un placement rassurant à leurs investisseurs).

L'appréciation du seuil de l'agrément doit donc s'analyser en fonction du montant des investissements réalisés par une SNC pour chacun de ses clients qui exploitent les équipements, et non au niveau du montant total d'investissement réalisé par la SNC . Une même SNC devrait donc solliciter un agrément lorsqu'elle réalise un investissement dont le montant est supérieur au seuil, et s'abstenir lorsque le montant de l'investissement est inférieur au seuil.

La contrepartie de cette souplesse pourrait être, outre les effets positifs sur le financement des « petits » projets et des projets risqués outre-mer, un renforcement des obligations déclaratives des SNC qui réalisent chaque année un montant d'investissement supérieur au seuil de l'agrément. Il importe que l'administration connaisse mieux la nature des investissements réalisés par les SNC, pour des raisons de connaissance statistique de l'utilisation de la dépense fiscale liée à la défiscalisation mais aussi pour rester au fait des innovations constatées dans les schémas de financement retenus par les « monteurs » 55 ( * ) .

Il pourrait être demandé aux SNC réalisant chaque année un montant d'investissements supérieur au seuil de l'agrément de transmettre à la fin de chaque exercice, pour chacun des investissements qu'elles ont réalisés et quel que soit le montant de ces investissements : l'objet de l'investissement ; l'identité de l'opérateur ultramarin bénéficiaire de l'investisseur ; le schéma de financement (nombre d'investisseurs, taux de rétrocession accordé à l'opérateur local, rentabilité offerte aux investisseurs, etc.). Afin de faciliter le traitement de ces informations par l'administration fiscale, les SNC devraient fournir ces informations classées par collectivité locale d'outre-mer et par secteur d'activité. Le non respect de ces obligations déclaratives pourrait entraîner le retrait total ou partiel de l'avantage fiscal correspondant aux investissements qui n'auraient pas été déclarés.

Un nouvel équilibre pour l'agrément

Une non-soumission à l'agrément des « petits » projets financés par des structures externalisées se traduirait pas un recul du contrôle administratif sur les investissements défiscalisés, même si les SNC étaient soumises à des obligations déclaratives supplémentaires. Un relèvement du seuil de l'agrément pour les investissements réalisés dans les secteurs « sensible » aurait les mêmes effets.

Cependant si, dans le même temps, le seuil de l'agrément applicable aux investissements réalisés dans les secteurs « non sensibles » était abaissé, comme le propose le présent rapport, il en résulterait un élargissement du champ du contrôle administratif.

Les moyens humains de l'administration étant limités, et pour éviter un engorgement des services fiscaux, il est nécessaire de faire un choix : est-il plus utile de contrôler plus de « gros » projets réalisés dans les secteurs « non-sensibles » ou de continuer à contrôler l'ensemble des « petits » projets financés par des SNC et tous les projets de plus de 150.000 euros réalisés dans les secteurs sensibles ?

Le dispositif proposé par le présent rapport pour la fixation du seuil de l'agrément aurait eu pour effet, s'il avait été appliqué en 2000 et en 2001 56 ( * ) :

- d'exclure du champ de l'agrément 55 % à 60 % des investissements qui lui ont été soumis (dont environ la moitié correspondaient à des investissements de moins de 150.000 euros) ;

- d'inclure dans le champ de l'agrément tous les agréments réalisés « en direct » par des entreprises exerçant leur activité dans les secteurs « non sensibles » dont le montant était compris entre 450.000 euros et 760.000 euros (et dont le nombre est inconnu).

* 54 Et, selon certains interlocuteurs de votre rapporteur, de permettre un contrôle administratif étroit sur les commissions perçues par les « monteurs ».

* 55 Une partie des abus constatés antérieurement provenaient d'une mauvaise connaissance par l'administration fiscale des schémas financiers élaborés par les cabinets d'ingénierie financière.

* 56 Pour la répartition par montant des investissements agréés, se reporter au tableau du IV de la quatrième partie du présent rapport.

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