B. AU FINAL, LE RISQUE DE LA REPRODUCTION À L'ÉCHELLE RÉGIONALE DU MÊME SCHÉMA QU'AU NIVEAU NATIONAL AVEC PARIS

Il s'avère que cette politique dite des pôles de croissance a tendance à reproduire à l'échelle régionale le même schéma qu'au niveau national avec Paris. L'Ile-de-France concentre 20 % de la population nationale, poids qui est dépassé par 9 métropoles vis-à-vis de leur région !

Durablement vive a été la polémique sur la question de la prétendue confiscation, par les métropoles et plus largement par les capitales de région, des soutiens de l'Etat au développement, confiscation que d'aucuns assimilaient à une reproduction à l'échelon régional de la dualité pluriséculaire qui opposait Paris et le reste du territoire national. La concentration de l'emploi, de plus en plus nette depuis les années 1960, rend compte de ce processus (Figure 3.5).

Toujours est-il que les relations des métropoles avec l'environnement régional ne sont pas réellement satisfaisantes. Actuellement, villes et régions semblent faire jeu à part et évoluer selon des logiques différentes .

Métropole dynamique, Toulouse semble se comporter avec la région Midi-Pyrénées comme Paris avec la France, en collectant toutes les forces vives , sans entraîner son arrière-pays. Ses relations majeures s'effectuent en bipôle avec Paris, ou, dans le cadre de la mondialisation, comme concurrente de Seattle ou Hambourg pour le titre de capitale mondiale de l'aéronautique. Par ailleurs la région Midi-Pyrénées piétine, avec un affaiblissement du réseau des villes secondaires.

De la même façon, le dynamisme lillois est lié à la constitution d'un noeud ferroviaire au coeur de l'Europe, très attractif pour les capitaux internationaux mais qui n'entraîne pas de reprise économique sensible dans l'ensemble de la région Nord-Pas-de-Calais.

Sur l'axe mosellan, le couple Metz-Nancy, évolue essentiellement selon une dynamique transfrontalière, et non pas régionale.

Ainsi se met en place une métropolisation du territoire, de niveau international. Dans ce cadre, certaines villes s'associent, soit dans le cadre de réseaux qui peuvent associer des villes de taille différente, soit dans le cadre d'alliances transnationales (Figure 3.6). Mulhouse et Bâle, associées dans Regio Basiliensis, partagent la gestion de plusieurs équipements ; Metz et Sarrebrück coopèrent dans le domaine universitaire et technologique ; depuis 1986, Lyon, Milan, Stuttgart et Barcelone, réunies dans le « quadrige européen » passent des accords de coopération dans quatre domaines représentant leur points forts : céramique, médecine, fibres optiques et aménagement rural. En avril 1991, à l'initiative de la ville de Vendôme, a été adoptée une charte de coopération entre douze villes d'Europe.

Figure 3.5 - La centralisation de l'emploi en 1962 et en 1990

Source : Atlas de France, Territoire et aménagement, Vol. 14
La Documentation française, 2002, p. 29

Figure 3.6 - Scénario 4 : "Le polycentrisme maillé"

Source : DATAR, Aménager la France de 2020 - Mettre les territoires en mouvement, Paris,
La Documentation française, 2002, p. 70

La politique des métropoles d'équilibre, complétée par la prise en compte de l'ensemble des métropoles régionales, a permis un rééquilibrage - significatif même s'il est encore insuffisant - avec la région francilienne, qui permet d'écarter l'expression empruntée par J.-F. Gravier (« Paris et le désert français ») il y a un demi-siècle.

Les trajectoires de croissance démographique des agglomérations de province attestent d'un début de rééquilibrage démographique avec la capitale.

Elles ont par ailleurs massivement profité d'aménagements urbains de grande ampleur, et pour la plupart d'entre elles (Lyon, Strasbourg, Toulouse, ...) acquis une visibilité européenne qui leur manquait, en se spécialisant dans certains domaines d'excellence.

Mais les métropoles régionales demeurent encore très en retrait, non seulement, comme il est normal, vis-à-vis de Paris, qui reste la capitale économique et conserve une suprématie absolue, mais aussi par rapport aux grandes métropoles européennes voisines. Seule Lyon fait figure de capitale régionale de rang européen. Il reste sans doute aux autres à se spécialiser pour se singulariser et se faire connaître : Toulouse et l'aéronautique, Strasbourg et la fonction européenne.

Reste que sans métropole régionale forte, la France ne pourra prétendre s'inscrire dans la compétition économique européenne. Les efforts entrepris et les progrès effectués depuis plusieurs décennies doivent donc être pérennisés et plus encore dynamisés.

Elles doivent d'autre part composer, à un autre niveau, avec le risque de reproduire à l'échelle régionale le même schéma que Paris au niveau national. Une meilleure synergie doit être instaurée pour que le développement économique des métropoles entraîne celui des territoires sous leur influence. Cette dynamique commune passe par un fonctionnement en « réseaux de villes », au sein desquels les métropoles joueraient un rôle moteur.

Aujourd'hui, alors que l'internationalisation des activités tend à renforcer les pôles et les réseaux déjà très actifs, on peut se demander comment communiquer aux villes moyennes le dynamisme résultant des réalisations internationales des métropoles.

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