B. EXPOSÉS-DÉBATS
(
La
séance est reprise à 14 h 00
).
M. Claude Saunier, sénateur
- Mesdames, messieurs, nous n'avons
pas trop de retard, notre programme est chargé, nous allons donc
reprendre immédiatement.
Deux grands thèmes cet après-midi, « les conditions de
la réussite », on a parlé évidemment ce matin
des enjeux.
A partir de 16 heures, on verra quelles sont les modalités
« d'un volontarisme collectif » et donc de décisions
politiques des différents partenaires.
Deux thèmes de réflexion donc concernant les conditions de la
réussite, de 14 à 15 heures 30, le premier présenté
par M.
Yves
GUILLOUMY
de STMicroelectronics, puis le
deuxième introduit par
Jean THERME
sur l'élaboration d'une
filière.
Je leur donne la parole immédiatement.
LES CONDITIONS DE LA RÉUSSITE
1. Maîtriser la mondialisation
M. Yves Guilloumy
.- Mesdames, Messieurs, bonjour, bon après-midi.
Jean-Philippe Dauvin, qu'un bon nombre d'entre vous connaissez, est
mobilisé aujourd'hui par les opérations encadrant l'annonce des
résultats annuels de notre société STMicroelectronics.
J'ai l'honneur de le représenter au pied levé pour vous faire un
topo sur notre vision de la mondialisation de l'industrie du semi-conducteur.
Permettez-moi de me présenter : Yves Guilloumy, j'occupe les
fonctions de Vice-président Sales & Marketing Europe et de Directeur
général adjoint au sein de la filiale française du Groupe
STMicroelectronics.
Tout d'abord, avant d'aborder le panorama de la mondialisation, je pense qu'il
est utile de rappeler quelles sont les lignes de force des évolutions de
notre marché et quelles en sont les conséquences pour les
industriels.
Ce tableau, que vous voyez apparaître, est déjà bien connu
par plusieurs d'entre vous. Il est important de souligner qu'en quarante ans
les applications du semi-conducteur ont évolué d'une
manière très rapide vers des systèmes fixes
d'infrastructures, vers un marché de type « grande
consommation » basé sur les terminaux avec pour chaque
dispositif un contenu, un poids de plus en plus important de la fonction
semi-conducteurs et composants électroniques.
En conséquence, les contraintes économiques qui encadrent,
gèrent et dirigent les marchés de grande consommation,
s'appliquent de plus en plus au marché du semi-conducteur avec un poids
de plus en plus important des paramètres coûts et des
paramètres prix.
Ce tableau qui était repris dans le document de synthèse qui vous
a été remis, illustre l'importance de l'évolution des
prix. Il représente d'une certaine manière une simulation
très imagée du coût d'une fonction prix
mégabit/mémoire. Qu'est-ce qu'un
mégabit/mémoire ? A titre de comparaison, c'est la taille
d'un livre de 300 pages ou c'est à peu près une photo
numérique de moyenne définition.
Le prix de cette fonction en trente ans a été diminué par
un million de fois. Un million ! Vous voyez sur ce transparent que le prix
est passé du prix d'un téléviseur au prix d'un poulet, au
prix d'un tee-shirt et aujourd'hui c'est le prix d'une enveloppe non
timbrée !
Si on revient à ce tableau, bien entendu il est évident que pour
supporter, pour encadrer et pour maîtriser une telle évolution de
prix - encore une fois, gardez ce chiffre en mémoire, le facteur
1 million et cela va continuer - les évolutions technologiques, les
évolutions vers les micros et les nanotechnologies pour augmenter la
capacité d'intégration des fonctions sur silicium, l'augmentation
de la taille des tranches pour améliorer les critères de
productivité des différentes usines, sont des paramètres
critiques très importants mais ils ne sont pas forcément les
seuls.
Les quelques transparents suivants - vous voyez qu'on est encore à la
phase, chez STMicroelectronics, du macro transparent mais du nanodispositif sur
silicium ! - ont pour but de vous donner une photo de la mondialisation
à travers les différentes régions.
Tout d'abord, l'évolution du marché dans les différentes
régions : qu'est-ce que ce tableau est en train de dire ?
C'est qu'il y a eu un rééquilibrage très important au
cours de la dernière décennie qui a essentiellement
affecté les Etats-Unis, l'Amérique, le Japon et l'Asie Pacifique
en termes d'évolution du marché.
Dans les 36 % de l'Asie Pacifique, le poids de la Chine est estimé
à 11 % et les régions du Sud-Est asiatique à
25 %. Ce rééquilibrage s'est fait parmi ces trois grandes
régions macro-économiques, et vous pouvez constater que le poids
de l'Europe, 19 % en 1992 et 20 % estimés en 2002, est
resté, lui, relativement constant.
Un autre élément important de la mondialisation et de la
situation mondiale est l'évolution de ce que l'on appelle « la
production mondiale », c'est-à-dire le chiffre d'affaires des
sociétés. Un des phénomènes très important
qui a marqué la dernière décennie est la
prédominance des sociétés américaines et même
un poids encore plus important de toutes les sociétés
américaines, principalement au détriment des
sociétés japonaises. Les sociétés japonaises, qui
étaient le modèle dans les années 80, ont perdu au cours
des dix dernières années un poids très important dans le
panorama mondial du marché de l'industrie du semi-conducteur.
Autre transparent : un autre facteur déterminant, c'est
l'évolution des investissements sur le plan mondial. Ici, ce tableau
montre qu'il y a un changement radical. De 1992 à 2002 la
prédominance des investissements en Asie du Sud-est et par les
sociétés asiatiques - et même en Chine - est très
importante, elle est passée d'un poids de 15 % par rapport à
un total mondial de 11 milliards de dollars d'investissement à
40 % en l'an 2002, ce qui fait que les investissements dans la
région Asie du Sud-est faits par les sociétés asiatiques
sont passés de 1,5 milliard de dollars environ en 1992 à 10
milliards de dollars en 2002 , un facteur pratiquement de 6.
Les sociétés américaines et européennes ont suivi
l'évolution avec un coefficient moyen d'augmentation des investissements
de 2 à 2,5. Quant aux Japonais, le montant des investissements en valeur
dollar constant est resté identique.
Qu'est-ce que l'on peut retenir de ces trois tableaux, comme image de
l'évolution de la mondialisation ?
Quand on regarde le marché, le marché en termes de facturation,
c'est-à-dire en termes de consommation de composants, on est vers un
équilibre des différents marchés dans les grandes
régions économiques, 25 % en Asie et 22 % dans la zone
Amérique, 22 % au Japon, 20 % en Europe, 11 % en Chine,
on a une équirépartition des marchés.
Quand on regarde quelles sont les sociétés qui oeuvrent dans ces
marchés, on a une prédominance des sociétés
américaines avec plus de 52 % et une stabilité des
sociétés européennes, et quand on regarde les
investissements, c'est-à-dire la préparation du futur, on voit
que là la prédominance des sociétés asiatiques est
devenue importante.
Une question que l'on peut se poser : est-ce que l'avenir appartient aux
Asiatiques, puisque ce sont ceux qui investissent le plus dans leur
région dans le cadre de la mondialisation ?
Les nouveaux défis de notre métier conduisent-ils
automatiquement, d'une manière irréversible, vers une
délocalisation en Asie ? Nous ne le pensons pas.
Mais quels sont de toute façon les points forts de l'Asie tels qu'on
peut les analyser, non pas d'une manière comparative mais d'une
manière photographique par rapport à la situation que l'on trouve
aujourd'hui en Asie et en Chine ?
Premièrement, ils ont des marchés en forte croissance, ce sont
des pays en voie d'évolution très rapide, des croissances
annuelles même dans des phases de crise, entre 5 et 10 % du PIB de
chaque pays et un large potentiel et une très large population qui court
après tout ce qui est électronique.
Deuxièmement, ce sont des régions qui ont été
choisies par beaucoup d'industriels pour la mise en place de nouveaux
modèles de production.
Prenons l'exemple des fondeurs de silicium, ils ont vu leur émergence en
Asie. Prenons l'exemple des nouveaux acteurs industriels, les IMS, ils ont vu
le jour aux Etats-Unis avec un transfert rapide de leurs outils de production
dans les zones asiatiques.
Donc beaucoup de nouveaux modèles de production voient le jour et se
développent dans la zone Asie du Sud-est.
Les facteurs de production : ils ont des conditions de production,
coûts et flexibilité, supérieures à la moyenne et
les aides locales sont importantes et sûrement supérieures
à la moyenne.
De plus en plus, on voit dans ces pays la notion de filières qui se
développe, faire de la production en Asie n'est plus uniquement avoir
des usines tournevis mais il y a des filières amont de recherche et
développement, des centres de design, des sociétés qui
font des études, qui vont ensuite sous-traiter la production de leurs
études vers les usines qui sont localisées là-bas ;
ce qui fait que la notion de filière électronique dans des pays
comme Taïwan, dans des pays comme Singapour, voire comme la Malaisie, la
Corée bien entendu, la Chine et demain peut-être d'autres comme le
Vietnam, la notion de filière électronique devient une
réalité aussi dans ces pays.
C'est ce que nous appelons « grappes industrielles » avec
des centres de R&D, des présences de multifournisseurs et de la
logistique qui leur permet d'avoir de hauts degrés de
compétitivité.
Est-ce inéluctable et irréversible ? Vu par la petite
fenêtre de STMicroelectronics, nous disons « non »,
parce que nous pensons, aujourd'hui, que notre société - c'est un
petit flash aussi - est dans un mode que l'on va appeler « de
mondialisation contrôlée ». Qu'est-ce que cela veut
dire ? Cela veut dire que quand on regarde le marché, le premier
tableau en haut à gauche du transparent montre le marché tel que
je vous l'ai présenté précédemment, les ventes de
notre société 44 % en Asie, 18 % en Amérique,
34 % en Europe, à part une déficience au Japon, sont
relativement équilibrées dans les autres régions
macro-économiques du monde.
Notre production : aujourd'hui, la production de semi-conducteurs
45 % - ce sont des estimations - sont en Asie, 23 % aux Etats-Unis,
10 % en Europe, 22 % au Japon. Nous avons 25 % de notre
production en Asie, 19 % aux Etats-Unis, et 56 % en Europe, nous
avons une prédominance de production en Europe.
Quant aux investissements, vous avez la répartition des investissements
sur le plan mondial, 38 % en Asie et 37 % en Amérique,
8 % en Europe, 17 % au Japon. Ce sont les investissements
réalisés physiquement dans les régions. ST est à
20-25 % en Europe pour les investissements de R&D ; il y a
très peu de délocalisation des sociétés en Asie,
3 % uniquement, 65 % aux Etats-Unis, c'est là où il y a
la majeure partie des investissements mondiaux faits dans les domaines de la
recherche et du développement, 11 %, et 21 % en Europe, ST
dépense 85 % de ces dépenses en recherche et
investissements, qui sont globalement au niveau d'1 milliard de dollars en
Europe.
Donc aujourd'hui il y a encore une prédominance dans les phases amont
R&D investissement et même production de notre société
en Europe, tout en ayant un déploiement de notre chiffre d'affaires dans
le monde, c'est ce que nous appelons très modestement une
« mondialisation contrôlée ».
Quelle est notre vision - et ce sera le transparent de conclusion - de
l'état de la concurrence mondiale ?
Nous avons cherché à faire une analyse USA, Japon, Taïwan -
parce qu'il y a énormément d'activités-, Chine
également-, Corée pour illustrer les trois pays importants de
l'Asie du Sud-est et l'Europe.
Les grands points directeurs du marché :
? Il y a le marché du PC qui est toujours un grand
« driver » du marché de l'industrie des composants
électroniques. C'est un point fort des Etats-Unis.
? les standards, c'est-à-dire les grands standards qui mènent
l'évolution de l'industrie, comme les grands standards Internet, etc. Je
sais bien qu'il y a des standards en Europe mais on considère que les
grands standards sont plus encore basés aux USA et au Japon qu'en
Europe. C'est une des remarques qui a été faite ce matin lors
d'une intervention d'une personne de la salle. La question était la
suivante : est-ce qu'en Europe il y a toujours des grands standards qui
vont être les lignes de force du développement de l'industrie du
futur ?
? R&D Technologie, coûts de fabrication, évidemment un
avantage très important à la Chine et aux Pays du Sud-Est
asiatique.
? La concentration de l'industrie : encore une très forte
concentration de l'industrie en Europe, aux Etats-Unis et en Corée.
? Une politique industrielle Etat-Régions qui est très forte
à Taïwan, très forte aux Etats-Unis, encore très
forte au Japon, forte en Corée, en Chine qui semble être forte et
on va dire un petit peu plus faible, tout en n'étant pas
négligeable, en Europe.
? Le phénomène population, c'est-à-dire dimension
macro-économique de la Région au sein de l'industrie mondiale.
Quand on regarde l'Europe par rapport aux autres, il nous reste deux grandes
dominantes qui sont la R&D et la technologie et la dimension de l'Europe
avec ses 400-450 millions d'habitants et une extension dans le poids
économique mondial.
Par contre, les Etats-Unis ont toujours une très forte dominante
compétitive dans la plupart de ces points directeurs.
Taïwan, la Chine, la Corée se développent de plus en plus.
En conclusion, la mondialisation de l'industrie du semi-conducteur est
déjà une réalité et elle est en marche. Elle est en
marche en Asie du Sud-est et en Chine, et elle se développera
probablement dans d'autres zones, l'Europe de l'est dans un proche futur, et
peut-être dans un avenir à plus ou moins long terme en
Amérique du Sud.
A notre avis, vouloir l'ignorer serait une erreur profonde, vouloir la
contrôler ou espérer la contrôler serait probablement un
jugement un petit peu utopique et irréaliste. Savoir la gérer, en
maîtrisant ses conséquences et en accompagnant ses effets est
sûrement réalisable et à notre avis reste le défi de
tous les Européens et notamment de la France.
Je vous remercie pour votre attention.
(
Applaudissements
)
M. Claude Saunier, sénateur
- Merci Monsieur Guilloumy.
On entend beaucoup parler par les temps qui courent de mondialisation,
voilà un exemple concret de mondialisation. Nous verrons d'ailleurs
comment et par quelle stratégie on peut réagir à cet
enjeu.
Ce que va nous dire Jean THERME est un premier élément de
réponse.
2.
Construire une filière en impliquant l'ensemble de ses
éléments de valeur ajoutée.
M. Jean Therme
- Bonjour à tous.
Après ce brillant exposé, je vais essayer de prendre un angle
d'attaque un peu différent pour vous montrer qu'effectivement tout cela
est en cours mais qu'il y a encore des possibilités de résistance
au niveau européen et certainement au niveau national.
Je vais essayer de vous parler dans un premier temps d'une vision au niveau de
la France et de l'Europe, et après descendre dans un petit village
gaulois qui s'appelle maintenant Grenoble !
Ce que j'ai essayé de faire c'est de simplifier le système le
plus possible en m'adressant essentiellement aux gens qui ne sont pas
spécialistes de microélectronique pour essayer de les convaincre
que finalement c'est un domaine sur lequel on a encore des cartes à
jouer.
La première chose qu'il faut comprendre, c'est qu'on a affaire à
un cycle complet qui paraît séquentiel en fait, mais qui est
terriblement intégré. On part d'un produit, ensuite on va
réaliser la conception du produit, on va transformer cela en des
plaquettes de silicium, ensuite ces plaquettes vont être
découpées en puces, montées en boîtiers, puis vont
être livrées à un client avec des performances
données.
Tout cela a une chaîne de transfert d'informations et de cohérence
globale dans le sens descendant mais aussi a une cohérence globale
fondamentale dans le sens ascendant c'est-à-dire que la satisfaction du
client va dépendre de la performance des produits et la performance des
produits va dépendre de tous les éléments de la
chaîne.
Si quelque part, il y a une mauvaise définition de la
spécification ou une mauvaise conception, ou une mauvaise
réalisation technologique ou à la limite des tests qui sont
insuffisants, quelque part le produit ne sera pas accepté par le client
et par le marché. Donc ce système, qui est terriblement
intégré, nécessite d'avoir une vision globale et on peut
difficilement imaginer une répartition par étapes successives,
chacun étant spécialisé dans quelque chose et personne
n'ayant la fonction d'intégration. C'est ce qui avait déjà
été mis en évidence par Denis Griot ce matin. Je crois que
c'est important.
Et quand on regarde ces grands blocs, en fait il y en a 4 :
? il y a le client, il est un peu partout dans le monde, on vient de le voir,
c'est clair ;
? il y a tous les gens qui vont tourner autour des produits et de la
conception, qui rassemblent plutôt des compétences que des moyens
et qui sont en général le plus près possible des clients,
et qui nécessitent soit des compétences relativement
généralistes quand les produits ne sont pas très
compliqués, ou des compétences extrêmement pointues sur des
produits du type mixte, analogique, digital ou sur des produits haute
fréquence. Cela, c'est un ensemble qui est plutôt associé
à des pôles de compétences ;
? Autre bloc, le bloc technologie lourde, qui nécessite des moyens
extrêmement lourds, qui n'existe, pour l'essentiel, que dans quelques
pays très industrialisés aujourd'hui. On en a fait le tour
précédemment. Mais quelque part, ici, vous avez quand même
un coeur du système, on va voir pourquoi ensuite ;
? quatrième élément, cela concerne plutôt tout ce
qui est packaging et tests - je suis volontairement simplificateur parce que le
test se situe en fait à plusieurs endroits - qui sont des moyens
semi-lourds.
Par contre, on va travailler sur des puces élémentaires dont le
prix sur chaque élément unitaire est beaucoup plus important. On
voit se déplacer une grande délocalisation de ces
activités-là. C'est pour cela qu'aujourd'hui pratiquement toutes
les activités de packaging, d'assemblage se retrouvent dans des pays
à bas coûts de main d'oeuvre, beaucoup en Asie, en Afrique, en
Afrique du Nord.
On retrouve la technologie qui est encore partagée dans tous ces pays
très développés, comme on l'a vu
précédemment, et puis on retrouve aujourd'hui toutes les
compétences autour des produits et des conceptions qui sont
réparties un peu partout dans le monde mais quand même beaucoup
encore dans les pays industrialisés.
Quand on regarde une deuxième dimension qui est la dimension amont-aval,
que j'ai simplifiée au maximum, et cela l'orateur
précédent l'a bien précisé, on s'aperçoit
que finalement, aujourd'hui, la zone de repli des pays très
industrialisés comme l'Europe est plutôt une zone de repli qui se
caractérise sur la recherche-développement, qui essaye de monter
jusqu'à une activité de production, moyenne série, plus
spécifique mais pas jusqu'aux productions de masse à proprement
parler.
A l'autre bout, on voit les pays émergents -et on les a signalés
précédemment- qui sont en train, à partir d'une production
la plus aval possible, de remonter gentiment pour essayer d'aller occuper la
totalité du terrain, ce qui fait qu'en fait on s'aperçoit qu'une
bonne stratégie pourrait être, pour un Etat comme la France, mais
aussi surtout l'Europe, de tenir la ligne de front - on est en période
assez guerrière ces temps-ci - de ne pas trop reculer sur cette
partie-là parce que la remontée sera de toute façon
progressive et finira quelque part par envahir tout le reste, et puis aussi de
recréer les conditions plus en amont d'une base arrière
relativement solide.
En fait, on va jouer au niveau national sur une base arrière de R&D
relativement solide sur le pôle grenoblois, et on va retrouver la ligne
de front sur un certain nombre d'unités qui sont situées à
différents endroits en France.
Quand on regarde rapidement cette répartition sur la France, ici on a
les différents industriels avec leurs implantations, les poids
respectifs - les valeurs ne sont pas à l'unité près bien
entendu - on voit très clairement une forte dominante en nombre sur la
région Sud-Est, avec un gros centre à Grenoble, incluant
principalement ST, puis Philips, Motorola et Atmel, un gros centre en PACA,
dans la zone d'Aix-en-Provence, avec ST, Atmel et Texas Instruments à
Nice, et puis, deux, trois autres pôles importants comme Motorola
à Toulouse, Altis à Paris, Philips à Caen, d'autres
implantations de ST à Rennes et à Tours, et puis vous avez Atmel
à Nantes. Vous vous apercevez que vous avez encore un énorme
réservoir très important dans le Sud-Est puis un certain nombre
d'autres sites qui sont importants.
Je crois qu'il ne faut pas, dans une politique nationale, vouloir jouer
à 100 % Grenoble contre le reste, ou jouer un repli sur une base
arrière de R&D contre le reste. Je pense que la meilleure
stratégie consiste à effectivement construire cet outil de
R&D sur le pôle grenoblois, qui reste dans la compétition
mondiale, en étant un ensemble de stature mondiale ; il faut aussi
maintenir des emplois, des centrales technologiques, et des grandes
unités de production un peu ailleurs en France. C'est cette double
politique - il n'y a pas une opposition de l'une par rapport à l'autre -
qui permettra à la France de rester dans la compétition.
Finalement, quand, en revenant à cette technologie et à ce
pôle grenoblois que je connais un peu mieux, j'ai essayé de voir
pourquoi cela s'est mis à marcher, parce qu'en fait il faut quand
même se souvenir qu'en 1987, SGS Thomson et Thomson Semi-conducteurs,
c'était au minimum une situation de survie, et au pire une situation
catastrophique. Si on la prend quinze ans plus tard, on s'aperçoit
qu'elle est quelque part un peu plus intéressante.
Quand on cherche les composantes qui ont permis de tenir jusque là, on
va retrouver certainement une histoire assez longue qui remonte à une
quarantaine d'années, qui a créé un pôle de
compétences relativement important, un couplage
enseignement/recherche/industrie qui est extrêmement fort, ce qui fait
que finalement le développement est un développement
essentiellement endogène qui s'appuie sur une activité de
recherche & développement relativement forte ainsi que sur un
soutien des pouvoirs publics extrêmement fort, continu, pérenne.
J'en parlerai après.
Une filière complète : je vais essayer d'expliquer ce qu'est
une filière complète sur un bassin d'emplois et, pour finir, un
certain nombre de clefs pour le futur qui me paraissent importantes.
Quand on considère les 40 années écoulées, je les
ai prises pour la technologie CMOS - c'est vrai qu'il y a une partie bipolaire
qui la rejoint -, elle est issue dans les années 60 de gens du
nucléaire - je suis désolé - qui se sont posé des
questions sur l'électronique durcie, et qui ont sorti une
première génération de technologie CMOS, ce qui a
créé une société qui s'appelle le LETI, puis
après une société qui s'appelait ESSIS, qui a
évolué par agrégations successives vers les
activités de STMicroelectronics actuellement à Grenoble, et puis
des start-up qui sont nées derrière, notamment SOITEC et
d'autres. C'est une racine qui a plus de quarante ans et c'est une constitution
d'un pôle de compétences qui s'est fait sur le long terme.
Deuxième idée, ce couplage enseignement/recherche/industrie est
une des spécialités locales. Il a fonctionné dans le
domaine de la houille blanche, de l'électrotechnique, dans le domaine de
la microélectronique également, et c'est un peu ce que l'on
continue à cultiver dans le cadre du Pôle Minatec. C'est une
association au même endroit, avec des gens qui se connaissent, qui
travaillent ensemble, le plus intégré possible, des gens du monde
de l'enseignement, avec l'Institut national polytechnique de Grenoble, des gens
de la recherche autour du LETI et puis des gens de l'industrie avec bien
entendu ST, les start-up et l'ensemble du monde industriel de ce bassin
d'emplois.
Ceci se fait dans le cadre d'une initiative locale relativement forte, donc
c'est clairement la volonté d'intégrer au maximum les
compétences qui apportent de la valeur ajoutée sur un plan local.
Ensuite, quels sont les acteurs ? On va prendre trois grandes
périodes et simplifier à l'extrême, par décades. Je
suis volontairement simplificateur, voire simpliste.
- Les années 80 : on faisait du 100 mm et des technologies
microniques.
- Les années 90 : on est passé à 200 mm et des
technologies submicroniques.
- On passe, dans les années 2000, à du 300 mm et on travaille
dans les technologies que je qualifierai de nanoélectroniques puisqu'on
est en dessous de 100 nanomètres.
On regarde quels étaient les acteurs. Il y a des acteurs de R&D, on
a vu qu'il y avait quand même de fortes racines de R&D, des acteurs
industriels.
- Des acteurs de R&D : on a retrouvé tout au long du parcours
le CEA-LETI, mais on retrouve aussi le CNET, qui est devenu
France-Télécom-CNET et qui est sorti du jeu. Cela, c'est quelque
chose de très important dans le système. Le CNET a fortement
contribué à l'essor de la microélectronique sur le
pôle grenoblois. On peut remercier les gens de
France-Télécom d'avoir réussi le transfert,
c'est-à-dire faire en sorte que le savoir-faire reste sur place et passe
notamment chez ST, en partie au LETI, mais c'est quand même une perte
très importante pour la France, c'est-à-dire que c'était
un grand acteur de soutien de l'innovation qui n'est plus dans le dispositif
local. Cela constitue une perte extrêmement importante.
- Au niveau des industriels, on retrouve le premier qui s'appelait Thomson
semiconductors, qui est devenu SGS Thomson, qui est devenu STMicroelectronics.
Cela colle à peu près avec les décades, à quelques
années près, et dont la puissance de feu a notablement
augmenté puisqu'on était largement inférieurs à 1
milliard de dollars au départ, et que cela se situe entre 6 et 8
milliards de dollars maintenant. Donc un industriel qui a de manière
interne fortement grossi et qui a pu amener des capacités de
développement de manière importante.
Ensuite, se sont rajoutés à chaque étape de nouveaux
industriels, pour le 200 mm, c'est Philips semiconductors qui a rejoint le
dispositif grenoblois, qui est toujours présent dans le 300 mm et
pour le 300 mm c'est Motorola qui est arrivé et qui est donc le
troisième acteur important. On se retrouve maintenant avec ST plus
Philips, plus Motorola, qui constituent un des clusters les plus importants au
monde, peut-être le deuxième derrière INTEL, mais
certainement le premier sur les produits différenciés.
Vous voyez qu'on a d'une part une augmentation du système tracteur des
industriels ou de la grappe industrielle du semi-conducteur, quelque part une
continuité au niveau de la R&D, mais un affaiblissement par le
départ du CNET.
Quand on regarde maintenant les financements avec les mêmes
périodes, on va retrouver de grandes constantes également. C'est
un soutien je dirai voulu, stratégique, permanent, pérenne de
l'Etat, et maintenant des collectivités locales et territoriales.
L'Etat met un peu d'argent via le CEA, qui est un de ses outils de
fonctionnement dans ce domaine. Il en a mis de manière importante, ne
cherchez pas le nom des ministères, je n'ai pas voulu suivre les sigles
des ministères à l'époque, je retiens plutôt
l'Industrie, qui était le grand soutien majeur de cette activité
dans le domaine de la microélectronique sur le long terme.
La DGA a été très motrice au départ, parce qu'en
fait les produits militaires, à une époque où le
marché était faible, étaient des produits qui tiraient
encore les technologies, ce n'est plus vrai maintenant, donc c'est plutôt
la DGA maintenant qui essaye de récupérer des savoir-faire de la
part du civil pour faire des produits plus à application militaire.
On a vu apparaître les collectivités locales et territoriales qui
ont beaucoup joué dans le cadre du 200 mm, qui jouent encore de
manière importante dans le cadre du 300 mm et qui se sont
substituées à une partie des financements.
Plus récemment, le ministère délégué
à la recherche et aux nouvelles technologies -et Mme la ministre l'a dit
ce matin- a lancé une initiative qui permet de fédérer
l'ensemble des grandes plates-formes technologiques françaises pour
continuer à alimenter en savoir-faire cet ensemble.
Donc vous voyez que l'Etat et les collectivités locales et
territoriales, chacun à son moment, mais dans une certaine
continuité, avec des relais, ont toujours soutenu ce pôle
grenoblois et l'ont toujours accompagné dans son développement.
C'est quand même quelque chose d'important. Je n'ai pas mis les chiffres,
parce qu'il aurait fallu les valider tous et cela aurait été trop
long, mais sachez que ce sont des sommes relativement importantes.
Finalement, quand on parle de filières complètes sur un bassin
d'emplois, qu'est-ce que cela veut dire ? Voilà à peu
près le paysage du pôle grenoblois maintenant : 13.500
emplois directs issus de ce genre de technique, et 30.000 emplois indirects.
On trouve de toute façon le tracteur microélectronique, seule la
microélectronique a la puissance de feu pour investir lourdement et
tirer le système. Donc c'est la plus grosse part des emplois, plus de
5.000 emplois.
Derrière, s'est créé tout un ensemble de
compétences, de savoir-faire, beaucoup de fonderies de microtechnologies
qui ont réutilisé des moyens, des salles blanches,
réutilisé des compétences, réutilisé des
partenariats, réutilisé des connaissances de clients pour se
créer.
Mais surtout, en latéral, se sont implantés beaucoup
d'équipementiers, essentiellement des équipementiers
étrangers qui ont implanté des équipes lourdes, et
également beaucoup de petits équipementiers locaux, et beaucoup
d'entreprises de services et sous-traitantes qui ont voulu faire une salle
blanche à Grenoble, tout le monde sait faire une salle blanche, depuis
les tuyaux en passant par le plancher, en passant par les cloisons. Donc il
s'est créé tout un environnement favorable à
l'émergence de salles blanches sur ce pôle, et puis,
derrière, on retrouve des entreprises à fort potentiel qui
utilisent ces moyens technologiques pour réaliser leurs produits et
également des gens qui travaillent autour du logiciel.
Donc en se limitant juste à cela, vous voyez cette espèce de
filière qui suit un énorme tracteur qui est la
microélectronique et qui constitue un pôle d'emplois relativement
important et qui justifie en général l'implication des
collectivités locales et territoriales dans son développement.
Je voudrais insister sur la nécessité d'avoir un coeur de
technologie. Un pôle comme ceci n'existe que parce qu'au centre il y a de
très grosses unités de technologies qui drainent d'énormes
investissements, et derrière ces investissements cela permet de
constituer ce bassin d'emplois. Si vous faites tomber ces coeurs de
technologie, vous allez vous retrouver obligatoirement avec une faiblesse
d'investissement local et toute cette espèce d'ensemble complet
s'écroule relativement vite.
Vous voyez que les fournisseurs d'équipements, les start-up à
fort potentiel, les gens qui font des services, les gens qui font des logiciels
viennent s'agglomérer autour de cette espèce de moteur qui est un
coeur techno, une centrale techno très, très puissante, comme
l'était le projet Crolles 1, et comme l'est actuellement le projet
Crolles 2.
Quelles peuvent être les clefs pour l'avenir ? On les a vues ce
matin. Il est certain qu'un des éléments majeurs pour le futur va
être l'exploitation de la pluridisciplinarité. Autant il y a vingt
ans les électroniciens pouvaient parler avec les
microélectroniciens, ils arrivaient à faire de la
microélectronique, ensuite il a fallu qu'ils discutent dans le cadre de
l'augmentation de la complexité des technologies avec des gens beaucoup
plus spécialistes, ensuite ils ont discuté avec des
mécaniciens, des opticiens, des magnéticiens pour les
microsystèmes et la visualisation, maintenant ils commencent à
discuter avec des médecins, des biologistes pour les biopuces, ils
parlent de plus en plus avec les gens du logiciel, ils commencent à voir
les gens des sciences humaines venir pour les aspects usages et applications
dans la société des produits, donc on voit que la
pluridisciplinarité est devenue un élément important.
Il va falloir constituer des centres qui vont agréger toutes ces
compétences pour pouvoir se permettre de continuer dans la
complexité de la technologie.
Et puis, des ouvertures, on en voit dans le domaine de la santé, je l'ai
vu dans le domaine de l'énergie, dans le domaine de la nanoscience, dans
le domaine du logiciel, ce sont des choses générales.
L'autre point, on l'a vu précédemment, je ne passerai pas dessus,
c'est l'internationalisation, et pour rester dans la course à
l'international il faut rester dans les investissements lourds. J'ai
donné deux exemples d'investissement sur le pôle de
Grenoble : le projet Crolles 2 qui allie ST, Motorola et Philips, et
TSMC à hauteur de pratiquement 3 milliards d'euros, et puis le
pôle Minatec qui a une composante LETI plus une composante pour
accueillir l'ensemble de ces activités pluridisciplinaires et avales et
également une composante en lien avec Crolles 2, en 300 mm,
qui pèsera plus d'1 milliard d'euros. Ce sont des chiffres qui sont
à la hauteur de ce que l'on trouve aux Etats-Unis avec 1, 2, 3 milliards
de dollars, sur les très grands projets, ou en Asie.
Merci. J'en ai terminé.
(
Applaudissements
)
M. Claude Saunier, sénateur
- Merci Monsieur Therme.
Nous avons maintenant une petite quinzaine de minutes de débat.
Je l'introduis par deux ou trois éléments de
référence.
Premier exposé, mondialisation, je ne reviens pas là-dessus, les
enjeux, l'Europe se tient, sa part de marché résiste
malgré les évolutions. Il n'y a donc pas à tenir de
discours pessimiste, mais il faut quand même prendre conscience qu'au
cours de ces dix, quinze, vingt dernières années, il y a eu pour
les entreprises et pour les pays des fluctuations extrêmement
importantes, donc on est là dans un marché brutal où les
évolutions se font extrêmement vite.
Il ne faut jamais perdre cet élément de vue.
Deuxième élément, et c'est une première
réponse, comment assurer la pérennité d'une filière
industrielle dont on a vu ce matin qu'elle était majeure, comment
assurer la pérennité dans un territoire donné, en
l'occurrence le territoire national, voire le territoire européen ?
La réponse, l'une des réponses, est importante, elle a
été déclinée dans le détail par Jean Therme
à l'instant, c'est effectivement l'intégration, l'imbrication des
différents partenaires, des différentes composantes de la
chaîne, donc cela veut dire avoir une stratégie, que cette
stratégie soit élaborée par l'ensemble des partenaires,
que l'ensemble des partenaires se reconnaisse dans ce projet, et qu'ils s'y
impliquent dans la durée.
On a bien noté aussi que ce qu'on observe et qui est positif aujourd'hui
à Grenoble en réalité est le résultat d'actions qui
ont été engagées il y a une quarantaine d'années.
Troisième élément de réflexion, tout cela
résulte aussi d'un engagement très fort des pouvoirs publics, de
l'argent public parce que dans une composante industrielle comme la composante
de la microélectronique il y a des enjeux à court terme, il y a
des investissements massifs à court terme, mais une filière
majeure comme la filière de la microélectronique ne peut pas
imaginer d'engager de l'argent privé sur des horizons qui sont de dix,
quinze, ou vingt ans. Or, ce qui se passera dans vingt ans se prépare
aujourd'hui ; donc seule une logique déconnectée du
marché immédiat peut fonctionner.
D'où la nécessité d'une filière, et nous verrons
tout à l'heure que l'autre réponse c'est effectivement de
maîtriser ce qui est le coeur du dispositif, c'est-à-dire
l'intelligence, c'est-à-dire la formation. Mais cela, ce sera
l'exposé de tout à l'heure.
Donc on a dix minutes d'échanges sur ces deux données,
mondialisation et création d'une filière, mobilisation des
acteurs.
M. Pierre Gentil
(Grenoble) - Je suis surtout représentant du
réseau national de formation microélectronique.
Je voudrais simplement rajouter à ce qu'a dit Jean Therme l'importance
d'avoir une recherche amont et qui ne soit pas forcément dirigée
vers un objet pratique, industrialisé rapidement.
Mais également souligner la nécessité de pouvoir
développer des recherches amont dans le domaine de la physique, de la
chimie, de l'optique, de la mécanique. Il a fallu tout cela pour que les
microsystèmes arrivent à se mettre en place et se
développent aujourd'hui.
C'est aussi un élément important qui n'est pas forcément
localisé en un point précis, qui n'est pas forcément
localisé à Grenoble, même si c'est important qu'il soit
aussi notable sur la place grenobloise, mais qui doit être
développé dans un pays développé comme la France,
au même titre que la formation et la richesse des hommes, la
matière grise qui apportent tout cela, c'est important.
M. Therme
- Je suis tout à fait d'accord avec toi Pierre, j'ai
voulu être simpliste, donc en quinze minutes j'étais obligé
de focaliser, mais c'est vrai que c'est un point important, notamment dans la
migration entre micro et nano, puisque dans ce domaine-là on va revenir
aux fondamentaux qui sont des fondamentaux de physique, de chimie qui sont
très importants et qui vont repartir de l'amont.
C'était une des faiblesses du pôle grenoblois d'avoir fortement
couplé LETI et CNET avec ST et de s'être peut-être
coupé avec le monde amont, et c'est un des points qu'on adresse le plus
dans le pôle Minatec notamment et dans les nouveaux projets de centres de
compétences en 300 mm. Cela fait partie de nos
préoccupations, mais il est clair que cela ne joue pas au niveau du
pôle grenoblois, mais au niveau national et largement international. Je
suis tout à fait d'accord avec ta remarque.
M. Claude Saunier, sénateur
- L'une des réponses c'est
l'existence des 5 plates-formes technologiques qui ont été
mises en place il y a environ une bonne année, qui sont en cours de
constitution, qui à la fois assurent l'équilibre du territoire
national, parce qu'on pourrait imaginer que l'on vide la totalité de
l'espace national et qu'on concentre tout à Grenoble pour des enjeux de
compétition mondiale, mais la réponse c'est le maintien de ces
plates-formes dès lors qu'elles se spécialisent , dès lors
qu'elles atteignent à l'excellence et dès lors évidemment
qu'elles fonctionnent en réseau.
M. Christian de Prost (Atmel)
- J'ai une question qui porte sur le sujet
de la mondialisation. Cette question s'adresse à l'industriel, à
ST, mais peut aussi s'adresser à Jean Therme.
Gérer la mondialisation, j'aime beaucoup le terme, dans le futur est-ce
que cela passera forcément par la négociation d'alliances ?
Quand je pense à mondialisation, je pense à l'Asie, puisqu'on a
parlé surtout de la focalisation sur l'émergence de l'industrie
asiatique, donc est-ce que gérer la mondialisation nécessite
d'avoir des alliances, voire des regroupements avec des sociétés
asiatiques, aussi bien au niveau industriel qu'au niveau recherche ?
La contrepartie c'est que, comme Jean Therme l'a très bien
montré, le pôle grenoblois est très fortement soutenu et
j'espère qu'il sera très fortement soutenu dans l'avenir par les
pouvoirs publics, est-ce que ce genre d'alliance, d'accord, d'échange
sera possible dans le futur ?
Donc ma question c'est : comment gérer ce problème ?
M. Guilloumy
- Je pense que gérer la mondialisation, c'est avant
tout peut-être valoriser -les propos ont été très
bien mis en exergue par M. Jean Therme- en amont, dégager le
maximum de valeur ajoutée sur les points forts qui sont les points forts
de l'Europe. Je pense que c'est la clef indispensable.
Effectivement, il faut éviter au maximum, même si cela progressera
d'un côté comme de l'autre, que la phase aval de l'Europe parte,
elle est déjà partie, notamment beaucoup d'activités de
production, de développement sont parties en Asie et une bonne part du
marché, il faut éviter que les Asiatiques reviennent, remontent
d'une manière très rapide vers la phase amont qui sont les points
forts et les points d'ancrage réels de l'industrie et de la
microélectronique en Europe et en France.
Ceci doit être fait en dégageant le maximum de valeur
ajoutée et en mettant en place la valorisation du tissu universitaire,
des pôles de compétences, de la technologie, et en capitalisant
aussi sur le fait que l'Europe représente quand même un
marché de consommation non négligeable dans le monde de
l'électronique et aussi de consommation des composants
électroniques.
Y aura-t-il des alliances ? Je pense qu'aujourd'hui les alliances ne sont
peut-être pas des critères, elles seront peut-être des
résultantes, mais ce ne sont sûrement pas des axes
stratégiques que de mettre les alliances en avant, sauf les alliances
qui vont contribuer, comme c'était le cas, à développer la
valeur ajoutée et l'ancrage du « know how » et de la
compétitivité de l'Europe par rapport à cette puissance de
feu qui existe en Asie.
M. Therme
- Peut-être un petit commentaire personnel. Je pense que
l'histoire n'est jamais écrite à l'avance. Si on avait fait le
même débat il y a une bonne quinzaine d'années, on se
serait dit que la partie était définitivement perdue face aux
Japonais, qui étaient en train d'écraser les Américains,
et on aurait pu tenir exactement le même discours !
Je pense que la vie n'est faite que de non-linéarités et de
bifurcations, et il y en aura encore d'autres qui viendront, et pour l'instant
ce que l'on constate sur les courbes de ST, qui était très
intéressant, c'est que l'Europe tenait toujours à peu près
des pourcentages constants au cours du temps, elle ne montait pas, elle ne
baissait pas, et quand on faisait la somme de l'Asie plus le Japon, la somme
était à peu près constante, en pourcentages.
Donc, même si le volume augmentait, les pourcentages étaient
stables. Je pense que l'histoire reste encore à écrire.
M. Faure
- Et si je peux faire un commentaire sur le commentaire,
actuellement le problème auquel on est confronté, c'est que par
les temps qui courent on va avoir du mal à augmenter les prix sur le
marché, donc il faut qu'on fasse baisser nos coûts de façon
drastique en amont.
Les problèmes de productivité industrielle ont été
en partie réglés par des mécanismes d'out searching, etc.,
il me semble qu'une des sources que nous avons vraiment pour dégager des
profits c'est de partager les coûts de R&D, et on a vu tout à
l'heure qu'ils étaient extrêmement élevés.
Encore une fois, en amont, une bonne partie de nos problèmes de
coûts de revient ont été réglés. Comme on ne
pourra pas monter les coûts en aval, il faudra bien qu'on se partage
entre nous les coûts de R&D, c'est forcément la voie dans
laquelle on va aller.
M. Bois
- Une question relative aux chiffres que vous avez donnés
sur la mondialisation. Il y a un chiffre qui m'a beaucoup surpris, c'est que
les sociétés américaines arrivent à maîtriser
environ 50 % du chiffre d'affaires généré dans ce
secteur avec une part d'investissement relativement faible, qui est de l'ordre
de 30 %.
On peut avoir évidemment deux interprétations de cette
observation, l'une - j'ai eu l'impression que c'est celle que vous faisiez- est
que l'Asie est en train de préparer le futur et surinvestit aujourd'hui
par rapport au chiffre d'affaires généré, ce qui est une
interprétation évidemment tout à fait raisonnable.
Est-ce qu'il n'y a pas aussi derrière cet écart de chiffres
l'idée que les sociétés américaines investissent
plutôt sur l'aval de la valeur ajoutée et donc finalement tirent
plus de valeur ajoutée par dollar investi en ayant plutôt tendance
à faire appel à de la fonderie pour de la production, et donc
est-ce que cela ne signifie pas aussi que l'Asie investit beaucoup sur des
technologies à faible valeur ajoutée, les mémoires,
etc. ? Qu'en pensez-vous ? Est-ce que c'est uniquement la
préparation du futur ?
M. Guilloumy
- Je pense que votre propos est juste et pertinent.
En Asie, aujourd'hui, il y a une amplification énorme des
investissements, mais pas uniquement dans des technologies de produits à
faible valeur ajoutée, comme les mémoires et autres.
L'Asie est en train aussi de se positionner sur des technologies très
avancées, des technologies de tranches les plus importantes et aussi
vers ce que l'on appelle des « systèmes sur puces »,
c'est-à-dire avoir la capacité de produire des systèmes
sur puces les plus sophistiqués.
Par contre, il y a effectivement une inéquation, un petit peu comme vous
le soulignez, entre le montant des investissements des Américains, qui
sont peut-être des investissements orientés aussi vers de la
productivité à très court terme, par rapport à
l'Asie, mais comme le disait M. Jean Therme tout à l'heure, si on
faisait un parallèle avec ce qui s'est passé il y a vingt ans,
les Japonais surinvestissaient, avaient des critères d'investissement
qui étaient incomparables même avec les Américains et le
reste du monde.
Qu'adviendra-t-il de cela ?
Par contre, aujourd'hui, la compétitivité technologique de l'Asie
est une réalité alors qu'il y a cinq ans ou dix ans, l'Asie
était capable d'assembler, de faire de la production mais avait une
compétitivité technologique qui était moindre et qui
était en retrait.
Aujourd'hui, l'Asie est capable, en termes de compétitivité
technologique, de participer au monde du semi-conducteur, d'être un
acteur important dans le monde, mais il y a une inflation des investissements
qui ne sont pas toujours en ligne avec les chiffres d'affaires que
présente la société asiatique.
M. Lavigne
- Je vais être très bref.
Pendant un petit peu plus de huit ans, j'ai été président
de Motorola et, l'âge ayant fait son oeuvre, je viens de passer dans une
nouvelle phase de la vie, comme on dit pudiquement.
Je voudrais partager un peu cette expérience de huit ans, mais
très brièvement, en cinq minutes. Lorsqu'on est Président
d'une filiale d'un grand groupe étranger comme l'est Motorola, on est
d'abord au sein de ce groupe l'ambassadeur de la France et on fait de son
mieux pour attirer les investissements en France, et grâce à des
collègues extrêmement talentueux et tout aussi amicaux que Denis
Griot et Jacques Blondeau qui sont dans cette salle, je pense que nous avons eu
beaucoup de succès, nous avons pu investir dans notre pays.
Lorsque je rencontre des élus comme vous, Monsieur le Sénateur,
et d'autres qui sont dans cette salle, j'ai un langage tout à fait
opposé.
Je voudrais dire que tous les espoirs qui ont été indiqués
par les excellentes présentations, sont tout à fait réels,
mais il y a quelques handicaps dans notre pays qu'il faudrait absolument
corriger très rapidement.
Le premier, lorsqu'on veut faire de la production, ce serait d'abord de
supprimer ce handicap qu'est la taxe professionnelle qui, dans la
comptabilité américaine, est incluse dans le coût des
produits, et donc si on pouvait financer - vous ne trouverez aucun industriel
raisonnable qui ne souhaite pas financer des infrastructures -, donc c'est plus
l'assiette que le mode de financement qu'il convient de régler.
Nous aurions déjà quelques points de handicap en moins lorsqu'on
veut passer à la production.
Le deuxième point, qui est beaucoup moins discuté de nos jours,
touche aux effets extrêmement pervers de la loi sur les 35 heures
appliquée aux cadres. Dans beaucoup d'entreprises nous avons
réduit la durée de travail des cadres de 225, quelquefois 228,
parfois 217 légalement, mais très souvent 210-211 jours.
Or, les cadres et les ingénieurs français, qui sont de grande
qualité, tirent la locomotive France. En les faisant moins travailler,
on va beaucoup moins vite et je ne sais pas comment corriger cela, mais c'est
un effet extrêmement négatif que les autorités, que les
élus et responsables de ce pays doivent absolument régler dans un
horizon proche. On n'a pas encore vu les effets négatifs de cela, mais
je puis vous assurer qu'ils arrivent. Il suffit de passer le vendredi
après-midi dans les laboratoires et de voir comment ils étaient
peuplés autrefois, et comme ils sont déserts maintenant.
C'étaient les deux seuls points que je voulais aborder.
(
Applaudissements
)
M. Claude Saunier, sénateur
- Je vous réponds, Monsieur
Lavigne, très brièvement.
Sur le premier point, c'est l'une des propositions que je transmets au
ministre. Je crois qu'effectivement il y a une inadaptation des textes
définissant les modalités d'application de la taxe
professionnelle à la réalité de la filière
industrielle.
Je veux dire qu'en particulier les dernières évolutions de la
taxe professionnelle, qui étaient destinées à favoriser la
création d'emplois, et on sait pour quelle raison, indirectement
pénalisaient les gros investissements.
Or, la caractéristique de la microélectronique, c'est le poids
massif des investissements, donc c'est là un problème. En plus,
c'était plafonné, il y a toute une série de dispositions
très concrètes et sur lesquelles j'appelle l'attention des
pouvoirs publics.
Sur la loi des 35 heures, je sais que c'est à la mode de tirer dessus.
Très franchement, je crois que pour avoir justement suivi au cours de
ces mois de mise en oeuvre la loi des 35 heures, pour avoir été
en contact avec un certain nombre d'industriels, j'ai eu le sentiment que
c'était tout de même un peu plus difficile à mettre en
oeuvre dans les petites et moyennes entreprises, et en particulier plus dans
les petites entreprises artisanales que dans les très grands groupes
industriels où la gestion de la masse permettait de faire face plus
facilement aux données.
Je comprends bien votre argument selon lequel les cadres sont les moteurs des
entreprises comme les vôtres et que l'efficacité d'un cadre se
traduit en quelques décennies et qu'il y a là un vrai
problème à gâcher le temps de plus forte
productivité.
Néanmoins je voudrais, mais vous le savez aussi bien que moi puisque
vous appartenez à une grande firme internationale, vous dire que
l'engagement et le temps passé par les cadres dans les centres de
recherche américains ne sont pas forcément supérieurs
à ceux qu'ils passent dans les centres français.
Donc une interrogation, mais le débat est ouvert !
Une question ?
M. Didier Lamouche (Altis Semiconductors)
- Je voulais revenir sur la
question de M. Bois, tout à l'heure, au sujet du positionnement
technologique des Asiatiques par rapport aux Américains.
Les chiffres qui ont été montrés par STMicroelectronics
étaient très intéressants, ils cachent quand même
une réalité et un point singulier, c'est que les données
sur les Etats-Unis sont très fortement influencées par le cas
d'INTEL.
INTEL, évidemment, est un leader technologique mais a la chance d'avoir
réussi à imposer un standard et aujourd'hui ils ont 80 % du
marché des microprocesseurs. Ayant 80 % du marché des
microprocesseurs, ils en fixent le prix. En fixant le prix, ils travaillent
avec des marges très importantes, et à l'inverse les chiffres
asiatiques sont tirés dans l'autre sens par le fait que la plupart des
leaders sur des marchés comme les mémoires sont asiatiques.
Là, c'est exactement l'inverse. Je vous donne un exemple :
aujourd'hui une mémoire standard que vous avez dans vos PC, c'est une
mémoire 256 Mbit, les leaders mondiaux sont asiatiques, et d'abord
Samsung. Le microprocesseur le plus avancé c'est un Pentium IV, dans le
même PC. Le niveau technologique nécessaire aujourd'hui pour
produire une mémoire 256 Mbit et un Pentium IV est le même. La
difficulté est exactement la même, sauf qu'un Pentium IV cela se
vend entre 200 et 400 dollars, une mémoire 256 Mbit selon les jours,
voire les minutes, entre 4 et 10 dollars, il y a un rapport de 10 à 25.
Mais, au fond, la technologie est exactement la même, donc si vous ne
prêtez pas attention à cela, vous avez l'impression toujours
qu'ils sont sur le bas de gamme. Ce n'est pas vrai du tout.
Je citerai un dernier exemple, sur les produits un peu plus spécifiques,
les produits sur lesquels ST, Motorola sont, dans ce domaine, le leader mondial
c'est une compagnie qui s'appelle TSMC, qui est taïwanaise, qui est le
leader des fondeurs.
Les fondeurs, demain, vont représenter entre 50 et 60 % du
marché mondial, c'est-à-dire que 50 à 60 % des
composants spécifiques qui sont dans vos téléphones, vos
ordinateurs, et vos applications avancées viendront de Taïwan, et
comme TSMC a 50 % du marché, cela veut dire que bientôt un
composant sur deux avancé en logique viendra de cette compagnie à
Taïwan, le vrai danger est là, la technologie ils l'ont, donc il
faut vraiment se sortir de la tête qu'ils sont sur le bas de gamme, la
faible qualité. C'est exactement l'inverse.
C'est là où se trouve une des menaces pour l'Europe
également.
M. Claude Saunier, sénateur
- Si on y ajoute l'engagement des
collectivités territoriales et des Etats, un engagement massif qui est
en dehors de toutes les règles de l'OMC, et la complaisance avec
laquelle l'OMC traite ces questions-là, je dois dire que l'Europe
devrait se mobiliser aussi et être peut-être un peu moins vigilante
à l'application de contraintes qu'elle se donne elle-même sur les
règles de concurrence applicables en interne, alors que pendant ce
temps-là le gouvernement taïwanais paye les usines, paye les
machines, permet aux fondeurs de récupérer les machines et de les
transposer en Chine du sud trois ans après.
Bref, on est en dehors de toute règle équitable de concurrence.
C'est là peut-être un problème qu'il faudra à un
moment ou un autre aborder, étant entendu que le fond de l'affaire, tout
de même, c'est effectivement la compétence, c'est l'intelligence,
etc., ce qui me permet de vous proposer de passer à la deuxième
table ronde, modérée, animée par M. Bernard Faure,
Directeur de Philips et Président du SITELESC.
M. Faure
- On a vu ce matin que tout au long de la valeur ajoutée
il y avait de la matière grise et donc c'est un sujet, je pense, dont on
est tous conscients de l'importance. De même que nous sommes tous
conscients de l'importance de la formation professionnelle continue.
Compte tenu du court laps de temps qui nous est imparti, on a plutôt
choisi de mettre quelques coups de projecteur sur deux ou trois sujets bien
précis, de façon que dans la salle il puisse y avoir un dialogue
plutôt que de longs discours.
Peut-être deux ou trois remarques liminaires, plus pour lancer le
débat. Sur la formation continue, c'est un budget, en France, de 150
milliards d'euros environ. C'est une somme tout à fait
considérable, donc des investissements d'une telle nature
mériteraient une évaluation assez solide, sur le retour sur
investissement et sur la façon dont cet outil est utilisé. Sur
ces 150 milliards, en gros, l'Etat et les collectivités territoriales en
payent 50 %, et les entreprises et ménages à peu près
50 %.
Ma première remarque liminaire serait de dire, par rapport à cet
énorme budget de formation continue, comment est-ce qu'on le
gère ? Et, si je peux me permettre, puisque c'est le moment de
faire des propositions, on a un dispositif de formation professionnelle
continue extrêmement compliqué, entre les flots de financement de
la formation en alternance, de la formation en apprentissage, de la formation
continue, des Chambres de commerce, des Chambres des métiers, etc. Il
suffit de regarder combien, vu des entreprises, ce problème est
complexe. Donc je proposerai à la fois de simplifier l'ensemble de ces
flux financiers au niveau de la France, ce qui permettrait probablement
d'éviter des saupoudrages de l'ensemble de ces sommes sur des formations
extrêmement diversifiées, et en tout cas de les focaliser sur
quelques filières telles qu'on les a vues tout à l'heure.
Ma deuxième remarque, c'est que l'ensemble du dispositif actuel repose
sur un accord contractuel qui remonte à 1970, et une loi qui a repris
cet accord contractuel mais avec des bases et des paramètres qui,
à l'époque, étaient des paramètres du type :
« il faut une formation sur l'ensemble de sa vie professionnelle, on
ne va pas changer de métier ». La France, à
l'époque, était extrêmement industrielle, donc il y avait
une population industrielle très forte. Il faudrait
réfléchir aux paramètres qui détermineraient une
nouvelle proposition.
Pour en venir maintenant à la microélectronique un peu plus
précisément, on sait que le nombre d'ingénieurs dans notre
profession va continuer à augmenter. Je sais bien qu'on traverse des
vagues et que dire cela actuellement c'est un peu difficile, mais on sait que
monter un système de formation prend du temps et monter des structures,
c'est recruter des professeurs, c'est recruter des doctorants, etc., c'est un
mécanisme assez lourd. Le rythme d'augmentation des ingénieurs en
microélectronique ne sera probablement pas du aussi marqué qu'on
le prévoyait il y a deux ou trois ans mais nous n'avons aucun doute sur
le fait que la population va continuer à croître et qu'il faudra
mettre en place un outil de formation qui permettrait de le faire.
C'est à la fois un problème quantitatif, c'est également
un problème qualitatif, et là j'allais dire que c'est l'inverse,
c'est-à-dire qu'il faudrait que l'outil soit suffisamment adaptable aux
évolutions des besoins de l'industrie. On a vu tout à l'heure la
rapidité avec laquelle les technologies évoluent,
c'est-à-dire que s'il faut mettre en place des blocs de
compétences assez lourds pour les prochaines années, en tout cas
pour les cinq prochaines années, il faut également adapter les
compétences et les métiers. Au niveau de la conception d'un
circuit, ce n'est pas le même type de formation qu'au niveau d'une
architecture de systèmes ou d'une architecture de réseaux.
Donc il faudra - on a vu tout à l'heure l'importance de
l'évolution des systèmes sur puce, on a vu tout le
problème des simulations, des tests, de la CAO, des plates-formes
logiciels - qu'à la fois on mette en place un système de
formations assez structuré et dans le même temps qu'on puisse
avoir des adaptations à ces profils.
Je dirai également que manque, au niveau des compétences et des
profils professionnels, un certain nombre de données qu'on voit peu
apparaître au niveau des formations. J'entends par là la
nécessité de travailler dans des équipes de projets, pour
les ingénieurs actuellement en général dans un
environnement international, je veux signaler le goût d'entreprendre. Je
ne sais pas si on peut tellement le développer à l'école.
Je voudrais signaler le souci de formation de ces collaborateurs. Je voudrais
signaler le fait qu'on travaille dans un avenir incertain, qu'on n'a plus
beaucoup de repères certains et qu'il faut s'adapter très vite,
bref avoir des compétences nouvelles.
Je pense que par-delà la réflexion qu'on aura sur les
compétences techniques et les profils techniques, une réflexion
du type de compétence et de profils nouveaux serait tout à fait
opportune.
Tout cela implique évidemment - on l'a dit et redit - à la fois
un décloisonnement entre le monde universitaire et les instituts de
recherche, probablement un décloisonnement aussi entre les instituts de
recherche entre eux, et probablement aussi une coopération entre les
industriels et les universitaires et le monde universitaire en
général, tant au niveau de la conception des programmes que de
l'orientation des programmes à venir.
Voilà un ensemble de réflexions permettant de lancer les
débats qui vont venir. Peut-être Patrice Hesto, qui est professeur
à Paris XI, va-t-il pouvoir nous donner les éléments de
comparaison au niveau européen par rapport à notre système
éducatif, voir comment il s'intègre ou il s'insère au
niveau européen ?
M. Patrice Hesto
- Je voudrais faire deux petites remarques.
Tout à l'heure, Jean Therme nous a parlé de lignes de soutien du
ministère de l'industrie, de la DGA qui s'est étiolée, et
du ministère de la recherche. Je voudrais quand même souligner que
le ministère de l'éducation nationale, qui assure toute la
formation, assure la formation des ingénieurs ou de personnes Bac +5, ce
qui n'est pas une petite affaire et qui représente une somme non
négligeable.
Je voulais aussi, un peu dans le même ordre d'idées, dire que si
dans le grand tableau que nous a montré la personne de chez
STMicroelectronics qui a remplacé M. Dauvin, on rajoutait une ligne sur
l'intérêt de la formation, sur les gens qui sont formés, je
pense qu'au niveau de la France on pourrait mettre deux ou trois
« plus », et cela représenterait quelque chose de
non négligeable.
Je voudrais vous parler de la formation initiale en microélectronique et
vous dire un peu comment les choses vont évoluer, de telle sorte que
l'ensemble se mette au niveau de ce qui se passe en Europe. Vous avez
peut-être entendu parler d'une certaine reconstruction des cycles de
formation, et en particulier on va aller vers un système dit LMD,
Licence Mastère Doctorat, ou 3, 5, 8, c'est-à-dire qu'il va y
avoir des sorties de l'établissement scolaire vers le monde industriel,
au niveau trois ans après le Bac -niveau licence-, cinq ans après
le Bac -niveau maîtrise-, ou huit ans après le Bac niveau d'un
doctorat.
Il y a une chose importante dans ce cadre-là, c'est qu'il y a la mise en
place d'un système de crédits, ces crédits seront
capitalisables et transférables et
a priori
dans toute l'Europe,
c'est-à-dire qu'il y a des crédits qui pourront être acquis
en Allemagne, en Espagne ou en Italie, et complétés par des
choses qui se passeront en France. Ces crédits seront applicables
à toute activité, que ce soit de l'enseignement, des stages, des
mémoires, des projets, à toute forme d'enseignement, que ce soit
de l'enseignement sur place ou enseignement à distance, de la formation
initiale ou de la formation continue, et même des rythmes
d'apprentissage.
Cela va progressivement se mettre en place, les premières formations
correspondant au LMD, donc licence/mastère/doctorat, vont être
mises en place, je pense à la rentrée 2003 si tout va bien, et
petit à petit en quatre ans toute la formation en France va arriver avec
un schéma de ce style-là.
Pour fixer un peu les idées, je vais essayer de montrer comment les
choses vont s'articuler, et en particulier s'articuler par rapport à ce
qui existe à l'heure actuelle. On va avoir le niveau
baccalauréat, si je prends la filière universitaire, c'est ce qui
est en vert, on va avoir un premier cycle d'études de trois ans qui va
permettre de sortir au niveau licence. J'ai marqué « licence
normale », c'est-à-dire les anciennes licences qui sont en
fait au milieu d'un cycle d'études, mais il y a la mise en place de
licences professionnelles et cela va répondre un peu à un besoin
qui a été exprimé tout à l'heure,
c'est-à-dire que ce seront des choses qui seront mises en concertation
avec les industriels, et en particulier qui pourront participer aux
enseignements.
Il y a quand même pour mémoire le DUT qui, au niveau Bac +2,
ne va pas tomber tout de suite. Quand j'écris DUT, c'est DUT ou BTS.
Normalement, les deux premières années de DUT ou de BTS feraient
les deux premières années de la licence professionnelle.
Le deuxième cycle d'études de deux ans constituera le
Mastère, soit le Mastère recherche qui permettra d'aller vers un
doctorat, soit le Mastère professionnel. Pour aller vite, c'est un peu
ce que l'on appelle à l'heure actuelle les DESS, mais qui vont
être réorganisés avec les OCTS, et il y aura toujours entre
les deux une sortie au niveau maîtrise, mais qui petit à petit va
tomber.
Du côté des écoles d'ingénieurs, il y aura les
classes préparatoires aux grandes écoles sur deux ans et
après trois ans d'école d'ingénieurs, soit cinq ans ou le
niveau mastère, et donc en ce moment il y a des discussions au niveau
des écoles d'ingénieurs ; peut-être M. Duby, s'il est
là, pourra nous en dire quelques mots tout à l'heure.
Sur la gauche du transparent, vous avez une échelle d'années, 1,
2, 3, 4, 5, etc., et il y a une échelle de crédits OCTS ; en
gros une année représentera 60 crédits. Pour arriver
au niveau licence, il faudra avoir acquis 180 crédits, et pour arriver
au niveau mastère il faudra avoir acquis 300 crédits.
Juste un mot sur la licence professionnelle, c'est relativement nouveau, cela a
été créé en novembre 1999, et l'objectif premier de
cette licence - ce qui n'était pas le cas de la licence traditionnelle-
c'est l'insertion sur le marché du travail, c'est tout à fait
dans le nouveau système LMD, c'est fondé sur un partenariat entre
les universités, les autres établissements d'enseignement, par
exemple les lycées au niveau des BTS, les entreprises et les branches
professionnelles, cela doit donc intégrer les DUT, les BTS dans le
cursus licence, et dans nos domaines, parmi les licences, il y a les licences
dites des métiers de l'électronique, de l'information, des
systèmes industriels, et il y a une vingtaine de formations, ce qui
représentait, en 2001-2002, 500 inscrits, donc avec un certain nombre de
mentions qui correspondent effectivement à notre formation.
Pour ce qui est plus spécifiquement de l'enseignement de la
microélectronique - on en a entendu parler un certain nombre de fois
depuis ce matin - il y a une coordination nationale de la formation
microélectronique qui est un groupement d'intérêt public,
qui a été mis en place entre 12 centres de ressources
universitaires et le SITELESC. Cette coordination nationale, d'ailleurs, est
présidée par M. Tordo. Donc il y a 12 centres de ressources
qui sont souvent très proches des grandes centrales dont on a
parlé tout à l'heure et des centrales de proximité. Vous
voyez que c'est réparti à peu près partout dans toute la
France et dans ces 12 centres il y a une bonne douzaine de DESS et de DEA qui
ont profité des installations, 25 écoles d'ingénieurs et
tout cela a formé un petit millier de diplômés en
microélectronique par an, c'est à peu près les flux
actuels. Il faudrait sûrement les augmenter mais à ce
moment-là il y aurait un problème de moyens.
En plus, il y a à peu près 5 000 étudiants et
élèves qui ont été initiés aux
microtechnologies, au sens large, sachant que cela peut être des
chimistes qui sont recyclés ou des gens qui ont une formation initiale
qui n'est pas forcément tout à fait dans ce domaine-là.
Plutôt que de rentrer maintenant dans le détail, je crois que le
mieux c'est que vous consultiez le site, qui est simple,
www.cnfm.fr
, et par exemple sur ce
site, si vous cherchez le détail de tous les DESS ou des DESS
participant au CNFM qui gravitent autour de sujets dans le domaine de la
microélectronique, on trouve 11 filières qui ont formé
près de 200 étudiants en 2001, qui vont de 3 DESS sur Bordeaux, 1
sur Grenoble, 1 sur Lille, etc. Voilà ce que je voulais dire pour lancer
les choses au niveau de la formation.
Il est évident que les flux de sortie sont peut-être un peu
insuffisants à l'heure actuelle, cela c'est un peu une question de
moyens, il est sûr que quand on veut former des étudiants, en
particulier dans le domaine de la technologie, cela coûte très
cher de faire passer des étudiants en salle blanche.
Dans le domaine de la conception, à la limite, si c'est devant une
station de travail, ce n'est pas forcément énorme, mais quand on
va vers le système sur puce, quand on veut des plates-formes de
prototypage et autres, ce n'est pas forcément simple non plus. Il y a un
certain nombre de réflexions qui sont menées à l'heure
actuelle pour essayer de faire que la formation, la recherche et le monde
industriel arrivent à des solutions communes pour faire avancer les
choses.
M. Claude Saunier, sénateur
- Merci.
M. Faure
- Maurice PINKUS, qui est directeur de formation à
l'UIMM, va vous donner quelques chiffres clefs pour savoir de quoi on parle.
M. Maurice Pinkus
- Bonjour. Je suis directeur emploi-formation
à la Fédération des industries électriques,
électroniques et de communication. Je suis en charge des questions de
formation à la FIEEC et à l'UIMM, Union des industries et
métiers de la métallurgie. Je m'occupe aussi du suivi de
formations, des diplômes, en particulier de l'enseignement
supérieur.
Le thème sur lequel je vais intervenir, c'est « la
microélectronique, la haute technologie une chance à
saisir ». Parmi les conditions de la réussite, et M. Hesto est
déjà rentré dans le sujet, figure effectivement la
capacité à trouver sur notre territoire une main d'oeuvre de
qualité. Pour cela, bien sûr il faut qu'il existe des formations
de qualité, et pour animer ces formations des enseignants, des
enseignants chercheurs, donc une recherche, des moyens d'enseignement et M.
Hesto a insisté sur les moyens.
Pour ma part, j'insisterai davantage sur le fait qu'il faut aussi des
élèves. Une des grandes inquiétudes que nous pouvons quand
même avoir, porte sur l'approvisionnement de ces filières, et plus
largement des filières des enseignements scientifiques et technologiques
en étudiants pour les années à venir. Les chiffres
clefs : disons que jusqu'à aujourd'hui la situation pour les
formations qui nous intéressent a évolué plutôt
favorablement puisque nous avons aujourd'hui des flux de diplômés
en France de l'ordre de 25 000 diplômés par an. Les
formations qui correspondent à ce que l'on peut appeler les technologies
de la formation et de la communication représentent environ 40 % de
cet ensemble de diplômés, 40 % c'est important.
Je dirai que lors des dernières années, ces effectifs de
diplômés ingénieurs ont doublé en quinze ans, et en
particulier c'est dans ces domaines des technologies de la formation et de la
communication que les effectifs ont le plus évolué.
A côté des ingénieurs, il y a aussi, et fort heureusement,
un appoint de jeunes diplômés de qualité issus de
l'université. Jusqu'à aujourd'hui c'était Maîtrise
et DESS ou DEA ; c'est en voie de transformation, comme M. Hesto vous
l'indiquait, en filière licence puis Mastère. En tout cas, il y a
là effectivement un potentiel de formation de qualité, bien
animée, et on ne saurait trop insister sur la chance que nous pouvons
avoir dans notre domaine d'avoir une réelle coordination de ces
formations avec le centre national des formations microélectroniques.
C'est un cas un peu unique, d'ailleurs, dans le système universitaire
français, d'avoir une réelle coopération entre
différents pôles sur le territoire pour se partager les
orientations, les spécialistes, partager les formations, avoir une
politique d'équipements commune, etc. Donc c'est vraiment quelque chose
d'important, que les industriels apprécient et soutiennent favorablement
car ils ont un interlocuteur. Nous souhaiterions évidemment d'ailleurs
que ce comité national des formations en microélectronique, sans
trop insister sur les moyens, puisse effectivement continuer à jouer ce
rôle qui nous paraît très important.
Donc, côté formation, je dirai que la situation est plutôt
favorable et que par rapport à d'autres pays nous sommes plutôt
bien armés sur ce plan-là.
Notre inquiétude réelle, pour les années qui viennent,
porte sur l'approvisionnement de ces filières en jeunes, en jeunes de
qualité bien sûr, et c'est peut-être une des raisons des
problèmes que nous rencontrons, ce sont des domaines qui ne sont pas
faciles. Il est certain qu'apprendre la microélectronique, la physique,
cela demande du travail, ce sont des sujets ardus et pas toujours
forcément considérés comme très attractifs.
Nous sommes confrontés déjà à une situation
générale d'évolution de la démographie, cela nul
n'y peut rien. Les classes d'âge sont ce qu'elles sont et de façon
générale toutes les filières de formation vont devenir de
plus en plus en concurrence les unes avec les autres pour attirer les jeunes.
En ce qui concerne les filières scientifiques et techniques, un fait que
nous avons déjà commencé à subir à
l'université ces dernières années : les effectifs
d'étudiants dans ces filières ont chuté
considérablement. En quelques années, dans bon nombre
d'universités, dans les filières scientifiques, on a des
effectifs qui ont diminué de l'ordre de 25 %, parfois plus sur
certains endroits, donc c'est tout à fait préoccupant.
Du côté des écoles d'ingénieurs, je
l'évoquais tout à l'heure, je dirai que cela résiste
mieux. Jusqu'à aujourd'hui les effectifs ont continué d'augmenter
mais les écoles d'ingénieurs ne parviennent pas toutes à
faire le plein, dans leur filière, et en particulier dans ces
domaines-là.
Il y a une raison sur laquelle je reviendrai mais qui ne facilite pas les
choses, c'est que dans ces filières on ne trouve presque que des
garçons. Déjà on se prive à la base de près
de la moitié de la population de jeunes susceptibles d'intégrer
ces filières, d'aller vers nos métiers. C'est un sujet sur lequel
je reviendrai, qui fait que dès aujourd'hui les difficultés nous
les rencontrons, et à vrai dire nous les rencontrons moins que les pays
voisins, les Etats-Unis notamment, qui rencontrent ces difficultés
depuis déjà de nombreuses années. Les Etats-Unis, eux,
peuvent se permettre d'attirer des étrangers et de les garder, donc ils
font ce travail. En France, c'est plus difficile.
C'est aussi un point sur lequel on pourrait éventuellement essayer de
faire évoluer les choses.
Donc du côté du vivier, des inquiétudes sérieuses et
des actions - j'y viendrai, c'est le point important - à mener pour
essayer non pas de renverser mais au moins d'améliorer la situation.
Du côté des besoins des entreprises : évidemment on
peut se placer du côté des Cassandre qui disent que de toute
façon demain il n'y aura plus d'industrie, il n'y aura plus
d'entreprises, donc le mieux c'est de ne rien faire. Ce n'est évidemment
pas notre point de vue car nous avons un fort potentiel, il faut l'utiliser, il
faut le développer, simplement il ne faut pas se cacher les yeux, il y a
des problèmes.
Bernard Faure pourrait fort bien parler de l'attractivité du site France
et il est vrai que si nous raisonnons aujourd'hui ensemble, eh bien il faut
nous situer dans la perspective d'une amélioration de
l'attractivité et non pas d'une détérioration, et si on se
situe dans le cadre d'une amélioration de l'attractivité du site
France et au moins d'une stabilisation de l'état de notre industrie dans
ce domaine, eh bien il y aura, pour les années qui viennent,
déjà à remplacer tous les ingénieurs qui vont
partir à la retraite, et ils seront nombreux dans la décennie qui
va venir.
On a un effet de ciseau important que nous voyons arriver, entre des besoins
qui vont augmenter du côté des entreprises et des jeunes qui
risquent d'arriver en nombre plus restreint.
J'en viens tout de suite aux actions que nous avons commencé à
mener -quand je dis « nous », ce sont les organisations
professionnelles- avec le ministère en charge de l'industrie. Nicole
Fontaine aurait peut-être pu vous annoncer une initiative qui devrait
être lancée pour améliorer l'attractivité des
métiers de l'industrie, cela devrait se faire prochainement et nous
pourrions dans ce cadre-là imaginer une action plus spécifique
sur les ingénieurs et pourquoi pas aussi sur la
microélectronique.
Nous avons avec l'UIMM, l'Union des industries métiers de la
métallurgie, des actions de terrain qui sont mises en oeuvre depuis
déjà douze ans pour faire découvrir les entreprises aux
jeunes des collèges, cela c'est quelque chose qu'il faut continuer, car
il ne suffit pas de faire des coups médiatiques, c'est une action
profonde et pérenne qu'il faut mener pour effectivement renverser les
idées que peuvent avoir les jeunes de l'entreprise industrielle.
Et puis la FIEEC, que je représente, a mis en place une commission de
relations avec l'enseignement supérieur et dans ce cadre-là nous
envisageons de mener des actions à la fois d'échanges
réciproques d'information sur l'évolution en amont du vivier, en
aval de nos besoins, pour effectivement adapter au mieux, déjà
sur le plan qualitatif, les profils des jeunes qui sont formés dans nos
écoles, dans nos universités, et puis développer ensemble,
puisque c'est quelque chose que nous partageons, des actions pour effectivement
convaincre les jeunes de venir déjà dans les formations qui
conduisent à nos métiers, et ensuite, une fois formés,
d'aller réellement dans les entreprises industrielles.
Voilà les actions que nous allons mener, avec en conclusion deux
vecteurs importants sur lesquels il faut avoir réellement des actions
convaincantes, c'est en direction des filles - là il y a un gros travail
à faire pour qu'elles considèrent que le métier
d'ingénieur ou le métier d'ingénieur en
microélectronique est un métier ouvert aux femmes, on peut tous
en attester, on a des exemples qui peuvent être mis en avant, c'est
attirer les jeunes étrangers et on espère que la mise en place du
nouveau système d'enseignement supérieur, conforme à des
standards européens, permettra de faciliter l'accueil des jeunes
étrangers, et puis un dernier mot sur la formation continue, car tout
n'est pas joué à vingt cinq ans, nous avons de nombreux
personnels dans nos entreprises qui sont capables effectivement
d'améliorer leur qualification, et là il y a des rigidités
qui ont renversé la situation, qui ont fait qu'aujourd'hui, avec la
réduction du temps de travail, la formation continue a eu tendance
plutôt à diminuer, et demain nous souhaiterions qu'avec une
utilisation du temps libéré par la réduction du temps de
travail, on puisse tout au contraire développer la formation continue.
Je vous remercie.
(
Applaudissements
)
M. Faure
- Un troisième coup de projecteur pour illustrer de
façon un peu concrète les relations et voir comment on
améliore les relations entre le monde industriel et les
universités.
Christian TORDO, qui est Directeur Général de Texas Instruments,
a la parole.
M. Christian Tordo
- Jean Therme, tout à l'heure, parlait d'un
long voyage de quarante ans concernant l'émergence du pôle de
Grenoble en microélectronique, je serai plus modeste en ce qui me
concerne puisque la microélectronique sur Sophia, bien que notre
société y soit présente depuis quarante ans, a eu un long
moment de gestation et véritablement la microélectronique a
décollé à partir de 1994.
Pour vous donner deux chiffres, en 1993-1994 la microélectronique en
PACA Est, c'est-à-dire sur Sophia-Antipolis, représentait environ
800 personnes avec des activités extrêmement diversifiées y
compris, à l'époque encore, de l'assemblage de puces pour
l'industrie spatiale. Aujourd'hui, la microélectronique
représente un volume d'emplois d'environ 2 500 ingénieurs,
dont 90 % travaillent sur la conception, la conception de systèmes
sur puce dans des géométries et dans des technologies
extrêmement pointues, puisqu'en ce qui me concerne, mais d'autres
sociétés font quasiment la même chose, on conçoit,
on développe sur nos sites des systèmes dans des
géométries de 130 nanomètres et des produits dans des
plaques de 300 mm, ce qui est l'état de l'art en matière de
conception et de production.
Qu'est-ce qui a fait le succès de la microélectronique à
Sophia et que faut-il faire pour le pérenniser ? Premier
élément, et je reviens là à ce qui a
déjà été abordé sur le plan de la formation,
l'attractivité de ce territoire pour les activités de R&D est
liée à la facilité, ou du moins à la moindre
difficulté, de recruter des gens et j'insiste parce que dans notre
économie, que je préfère appeler
« globale » plutôt que
« mondialisée », la multiculturalité est
importante. Le site de Sophia-Antipolis est un des sites où nous sommes
capables d'attirer des gens de toutes nationalités, de toutes cultures,
ce qui encore une fois, dans une économie globalisée, me parait
un facteur extrêmement important.
Je souhaiterais vous faire partager deux convictions.Cela a été
évoqué ce matin et un petit peu cet après-midi, mais je
suis convaincu que nous sommes à l'orée, en matière
d'industrie microélectronique, d'une nouvelle explosion tout simplement
parce que nous allons de plus en plus aller vers des applications grand public
où on ne parle pas en millions de pièces mais presque en
milliards de pièces, et donc cela va obligatoirement avoir un effet
d'accélérateur extrêmement important.
Dans ce cadre-là, on a beaucoup parlé de milliards d'euros, donc
développement de la demande. Je pense, quant à moi, que le
facteur limitatif du succès ou de la croissance, plus importante ou
moindre, de cette industrie sur un territoire sera la capacité de ce
territoire et donc des entreprises à recruter, donc à avoir les
gens formés dont elles ont besoin.
J'en suis convaincu et je voudrais répéter ce que j'avais eu
l'occasion de dire au Sénateur Saunier quand nous nous étions
vus, je crois qu'en la matière la France a une excellente position parce
que nous formons des gens de bon niveau, qui sont, je ne dis pas en nombre
suffisant, cela a été évoqué, mais par rapport aux
autres pays l'effet de ciseau est moindre.
Donc je considère que dans ce qui est pour moi le facteur fondamental du
succès de notre industrie dans les vingt prochaines années, la
France, il faut bien le reconnaître - cela a été
évoqué par M. Lavigne - n'a pas beaucoup d'atouts en main de
ce type, mais en l'occurrence la formation initiale et continue est un atout
pour notre industrie. Cet atout, il faut d'abord le constater et le
réaliser, je crois que c'est fait, et que le rapport le démontre.
Il faut aussi l'entretenir et je voudrais très rapidement revenir sur la
situation du CNFM puisqu'en l'occurrence, dans le cadre du GIPS CNFM, qui est
la concrétisation de la coopération industrie/université
en matière de formation, dont j'assure la présidence pour le
SITELESC, ont été évoquées les difficultés
de financement du CNFM.
Je voudrais de ce point de vue être un tout petit peu plus alarmiste que
ce que M. Gentil a dit par pudeur, parce que tout simplement si nous ne sommes
pas capables, après avoir eu un financement 0 en 2002, de renouveler, de
récupérer les financements dont a besoin le GIPS CNFM pour
fonctionner - on ne parle pas là en milliard d'euros mais en quelques
millions d'euros -, je crois que toute la filière et tout ce qui a
été dit depuis ce matin sera à passer par pertes et
profits, parce que tout simplement, comme l'a dit M. Jutand, nous n'aurons pas
les cerveaux pour travailler sur les programmes qui auront été
financés.
Je sais que je parle à un convaincu, mais il faut vraiment que tous
ensemble nous travaillions sur ces aspects parce que cela serait, compte tenu
de ce que j'évoquais précédemment, dramatique pour notre
industrie si ce financement n'était pas renouvelé, et il faut
bien reconnaître qu'à ce jour nous n'avons aucune certitude sur la
manière dont ce financement sera assuré, tant pour les missions
qui existent, que pour celles qu'il faut développer, que ce soit sur les
enseignements liés aux conceptions de systèmes sur une puce, les
nanotechnologies, les biopuces, etc.
C'est donc le premier élément sur le site de Sophia, et par
extension une des conditions, qui est pour moi la condition majeure de
réussite de l'industrie microélectronique en France dans les
prochaines années.
Deuxième élément, et là je ne m'étendrai pas
parce que cela a été déjà amplement
développé, c'est l'effet de cluster. Aujourd'hui, l'effet de
cluster c'est la réunion dans un lieu d'une masse critique suffisante
d'industriels, d'établissements d'enseignement supérieur, de
laboratoires dans le cadre d'une coopération bien comprise entre les uns
et les autres, dans une illustration de ce que l'on appelle en jargon le
concept de « coopétition » mais qui est
extrêmement important, qui là aussi est un atout de
Sophia-Antipolis parce qu'il existe - je crois que c'est même une des
caractéristiques de notre territoire - cette coopération entre
les clubs qui se développe, tant sur Sophia qu'en relation avec PACA
Ouest, je pense au CREMSI, je pense au club High-tech, à Asten, etc.
L'existence ou l'émergence d'un cluster est un élément
important de la réussite, et ce que je voudrais aussi évoquer sur
ce point c'est peut-être la nécessité de mieux aligner les
programmes nationaux de soutien à la R&D à l'existence du
tissu industriel là où il est.
Je regrette par exemple - je pense que vous vous associez à moi - que
dans les plates-formes technologiques qui ont été
décidées - il y en a 4 - il n'y en ait pas en PACA. J'ai eu la
faiblesse de considérer que PACA Est plus PACA Ouest cela constitue une
région majeure en matière de conception et de production
microélectronique, et donc si on ne fait pas cet effort de liaison entre
les grands projets nationaux de renforcement de nos plans de la R&D et de
l'existence d'un tissu industriel important, dynamique, et qui continue
à se développer, là encore je pense qu'on prend un risque
de retard, d'accumulation de retard et à terme d'une non
pérennisation de ce qui a pu être réalisé.
En conclusion, je reste quand même, en ce qui me concerne - et je fais
référence à ce qui a pu se passer chez nous sur les dix
dernières années et ce qui commence aussi à se
développer au sein de la Région PACA avec le site du Rousset -,
la création de l'Ecole électronique de Gardanne, les projets que
nous avons de centres communs mutualisés, convaincu que nous avons des
atouts, mais encore une fois, pour moi, le principal atout est la formation
initiale et continue et il ne faut absolument pas, de ce point de vue, me
semble-t-il, transiger sur cet aspect.
M. Claude Saunier, sénateur
- Merci M. Tordo.
(
Applaudissements
)
Je voudrais vous dire que je souscris pleinement à vos propos, aux
vôtres Monsieur Tordo mais à ceux aussi de M. Faure, de M. Hesto
et de M. Pinkus.
Simplement, je voudrais vous dire très rapidement que si, dans le cadre
de ce colloque, l'équipe qui l'a organisé a
délibérément consacré une plage entière aux
conditions de la réussite liée à la formation, ce n'est
pas un hasard.
Ce qui est en effet important et ce que nous avons entendu non seulement en
France, mais ailleurs, c'est cette analyse-là, à savoir qu'il
s'agit d'un secteur où l'enjeu majeur se joue sur la capacité de
mobiliser, de former les intelligences, que ce que nous observons ici en
France, plutôt moins qu'ailleurs, c'est effectivement la
désaffection par rapport aux disciplines scientifiques, c'est un vrai
problème qui affecte en particulier les pays hautement
industrialisés, beaucoup moins l'Inde, beaucoup moins la Chine.
Nous sommes effectivement dans un secteur où, assez paradoxalement, la
mondialisation fonctionne aussi à plein et nous, nous avons un
système de formation, à la fois très largement ouvert,
globalement démocratique où l'accès est quasiment gratuit,
même s'il y a des progrès à faire, mais qui se fait
régulièrement écrémer par d'autres Etats qui ne
consacrent pas collectivement d'argent à la formation des jeunes et qui,
économisant de ce côté-là, peuvent se payer le luxe
de prendre les meilleurs de nos thésards et de leur faire un pont d'or
-vous voyez à qui je pense en particulier ! - et dont
l'organisation naturelle est d'envoyer des chargés de mission faire le
tour des universités.
J'ai rencontré un industriel du côté des Etats-Unis qui,
régulièrement, tous les ans, fait le tour de 22
universités chinoises. Je pense qu'il y en a d'autres qui doivent
prospecter dans nos universités.
Cela ne coûte pas très cher de prendre un jeune thésard et
de lui faire un pont d'or, quand on sait que c'est un autre pays qui a pris le
bébé, qui l'a conduit à la maternelle, à
l'école primaire, au collège, au lycée et au niveau de la
licence ou des écoles d'ingénieurs.
Donc nous sommes dans un environnement de compétition, nous sommes aussi
dans un environnement en grande mutation. C'est à la fois un risque et
une chance, puisqu'on le sait, la donnée démographique majeure
c'est que dans les cinq, dix ans qui viennent, la moitié globalement des
effectifs de l'éducation nationale vont être renouvelés. Je
ne dis pas que l'éducation nationale ne fonctionne pas bien, je dis que
c'est une opportunité de réadapter le système
éducatif sans que cela pose de problème majeur au personnel en
place.
Sur toutes les questions qui ont été évoquées en
introduction par M. Faure, sur la nécessité de revoir le
dispositif de formation, bien entendu, mais je veux dire qu'il n'y a rien de
criminel à dire qu'une loi qui date de 1971 n'est pas aujourd'hui
totalement adaptée aux réalités économiques et
sociales de 2003, donc la révision de cette loi qui est une grande loi,
qui est une loi fondatrice, la mise en place de certains de ces dispositifs et
leur adaptation à ces dispositifs, à la spécificité
de filières industrielles qu'on ignorait évidemment en 1971, me
semblent effectivement dans l'ordre du raisonnable et du souhaitable.
De même, dans les propositions concrètes que je fais, il y a la
nécessité de revoir le fonctionnement de nos filières de
formation en tenant compte de la nécessité de la
pluridisciplinarité. Cela vaut pour vous, filières industrielles,
comme pour un certain nombre d'autres et très concrètement je
suggère à l'honorable institution universitaire de revoir sa
capacité et ses modalités d'estimation et de validation des
services, de notation des personnels. Il n'est pas normal que quelqu'un qui
fait l'effort de dépasser sa propre formation initiale et de
s'intéresser à d'autres disciplines soit plutôt
pénalisé par cet effort-là.
Tout cela doit être pris en compte, sera transmis là où
cela doit être transmis, y compris l'élément qui n'est pas
secondaire et que vient de me rappeler M. Tordo sur le financement très
spécifique du CNFM. C'est un élément évidemment
stratégique, on parle en fait de 5 à 7 millions
d'euros, on ne peut pas dire que sur un secteur dont on voit depuis ce matin
que c'est un secteur stratégique, un pays comme la France ne peut pas se
donner les moyens de faire face à la consolidation d'un outil de
formation comme le CNFM.
Voilà deux ou trois mots que je voulais évoquer. Nous en avions
déjà discuté depuis maintenant plusieurs mois et je
voulais vous dire que tout cela a été bien intégré
dans les propositions que je fais.
Il est temps de faire une pause.
(
La séance, suspendue à 15 heures 45, est reprise à 16
heures
).
M. Claude Saunier, sénateur
- Mesdames, Messieurs, le milieu de
la microélectronique est un milieu très largement masculin,
j'espère que des progrès seront faits grâce à l'
engagement des jeunes étudiantes qui sont souvent brillantes mais qui
prennent parfois d'autres directions.
Je voudrais vous remercier pour la discipline dont vous faites preuve, nous
travaillons depuis 9 heures 30, nous avons cinq minutes de retard, ce que je
n'osais espérer. Le dernier point que nous abordons est le volontarisme
collectif, introduit par deux réflexions préalables.
Nous aurons tout d'abord Laurent GOUZÈNES, Directeur du plan et des
programmes d'études de STMicroelectronics, et puis
M. Gérard MATHERON, qui est Directeur du programme
européen Médéa +. Ensuite, vers 16 heures 30, nous
aurons une table ronde réunissant un certain nombre de
personnalités que je présenterai à ce moment-là.
Laurent Gouzènes, vous avez la parole.
LE VOLONTARISME COLLECTIF
1. L'engagement des concurrents
M. Laurent Gouzènes
.- Merci.
J'ai la redoutable tâche de vous présenter les stratégies
politiques de tous les pays de la planète en quinze minutes, donc
forcément cela va être très court, très restreint.
Les Etats s'intéressent en fait de très près à
l'industrie du semi-conducteur. Pourquoi ? Parce que cette industrie
entraîne dans un premier temps l'industrie électronique, avec des
produits électroniques, qui est une industrie qui fait environ
1 000 milliards de dollars.
Cette industrie de l'électronique permet, derrière, une industrie
des services qui, en chiffres, correspond à des ressources entre 5 et
14 000 milliards de dollars, c'est donc un volume évidemment
extrêmement important d'activités et de services, qui
génèrent beaucoup d'emplois bien entendu. C'est à cause de
cette importance considérable du secteur entraîné que les
Etats s'intéressent de très près à la
compétitivité de leur industrie de semi-conducteurs et donc
cherchent à en susciter le développement au maximum.
La microélectronique, c'est la technologie clef de l'électronique
et c'est à cause de cela que les Etats vont la soutenir. Les Etats ont
à leur disposition un ensemble d'outils et chacun d'entre eux va
choisir, selon son organisation propre, sa taille, ses possibilités, en
fait un ensemble dans la palette des modes d'intervention qui sont divers.
La R&D représente 15 % du chiffre d'affaires des entreprises,
et donc à ce titre c'est un des facteurs clefs de leur succès et
c'est sur ce point que les Etats fournissent en général une
assistance très importante aux entreprises qui sont chez eux. Cela peut
être par le financement des laboratoires, par des mesures fiscales
particulières ou des modèles de coopération, notamment
l'élaboration de programmes de coopération.
Deuxième grand axe : les investissements. Ils représentent
traditionnellement entre 20 et 25 % du chiffre d'affaires des entreprises,
et à nouveau tout élément qui permet de faciliter et de
susciter des investissements dans un pays, à travers des subventions
directes à l'investissement ou des déductions diverses, est
évidemment extrêmement important, c'est ce que comparent les
entreprises qui veulent s'installer dans un pays ou dans un autre.
Quant à la fiscalité, il s'agit évidemment, on l'a vu,
d'un marché important et souvent beaucoup de fiscalités sur les
entreprises sont basées sur les investissements, et comme les
investissements sont aussi très élevés, évidemment
la fiscalité locale est un facteur très important.
Autre outil à disposition des Etats : les
« moyens » d'aider les entreprises à
conquérir le marché. Il y a une guerre qui était bien
connue, qui s'est passée entre les Etats-Unis et le Japon, car le Japon
voulait absolument interdire l'implantation de semi-conducteurs
étrangers sur son territoire. Il a fallu que les Etats-Unis se
fâchent, mettent des sanctions commerciales, signent des accords
anti-dumping et obligent le Japon à avoir une ouverture de leur
marché à hauteur de 25 % pour que le Japon ouvre ses portes
aux semi-conducteurs étrangers. Ceci étant, c'est quasiment
25 % de semi-conducteurs américains et non pas européens
évidemment !
Autre facteur de compétitivité sur lequel les Etats peuvent
effectivement aider les entreprises, on en a parlé longuement, c'est
l'emploi et la formation. L'emploi, que l'on peut directement aider à
travers des systèmes qui favorisent l'emploi, dans ce secteur : la
flexibilité, des moyens de rémunération des personnes qui
vont travailler dans ce secteur nouveau et à haut risque, et puis la
formation dont on a parlé tout à l'heure.
J'ai choisi pour illustrer ces modalités de vous présenter plus
en détail Taïwan, qui est un pays qui a utilisé presque
à fond l'ensemble de ces outils pour développer son industrie.
C'est remarquable surtout par l'ampleur des résultats, cela montre qu'en
faisant beaucoup on peut arriver aussi à énormément de
choses.
La première étape consistait, en 1991, à définir un
certain nombre de secteurs prioritaires, dont les semi-conducteurs, mais
également des secteurs qui dépendent ou en amont, ou en aval, des
semi-conducteurs, dont les communications, l'informatique, les machines
équipements de production et matériaux. On a donc au moins trois
axes qui ont été très renforcés sur lesquels des
lois spéciales ont été faites, concernant la R&D, la
fiscalité et l'industrialisation.
Dans un premier temps, Taïwan a développé progressivement un
centre, un ensemble de laboratoires de haute technologie qui ont permis de
maîtriser le savoir, puis le savoir-faire donc la technologie, et enfin
ils ont converti cela en possibilité industrielle.
Le coeur du dispositif taïwanais c'est l'ITRI. L'ITRI correspond au
CEA-LETI, mais en beaucoup plus gros : 6 000 personnes, contre
1 000 personnes au CEA. L'ITRI est donc six fois plus gros que le LETI.
L'ITRI a beaucoup d'activités. Une très grosse partie de
l'activité, c'est la microélectronique-silicium, le
développement des procédés mais également tout ce
qui est les machines en amont, les matériaux et également non
seulement le « front end » mais également le
« back end », donc le packaging, et tout ce que l'on fait
avec le silicium, c'est-à-dire tout ce que l'on peut faire à
partir de là, de l'optoélectronique, de l'ARF, on peut faire des
microsystèmes, on peut faire d'autres technologies connexes qui sont les
écrans plats et puis on s'intéresse également aux produits
finaux que l'on fait avec, c'est-à-dire les assistants personnels, les
décodeurs, les cartes à puce. En fait Taïwan, aujourd'hui,
commence à être un leader sur le marché des assistants
personnels, à arriver très fort sur le marché des
décodeurs et on va bientôt la voir arriver sur le marché
des cartes à puce et des téléphones.
Il y a également une autre technologie micro, c'est tout ce qui est DVD,
les technologies de CD également, sur lesquelles Taïwan est en
train également de prendre une part de leader sur toute la chaîne
de production, cela va de la fabrication du disque au système de codage
et de décodage de l'image.
L'ITRI rend possible la création de laboratoires communs entre
industriels, éventuellement partagés entre plusieurs industriels
et l'ITRI. C'est un premier point technique.
Deuxième point : il offre la possibilité, à travers
des programmes nationaux, d'attaque des thèmes donnés et
là par exemple j'en cite deux, il y a les « systèmes
sur puces », et l'autre c'est typiquement le GSM, la communication
sans fil, sur lesquels on associe à la fois des laboratoires, l'ITRI et
plusieurs industriels en aval.
Quand tout cela donne des produits, l'ITRI fait des spin off, ces spin off, la
plupart sont très connus, c'est TSMC, UMC et d'autres dans notre
secteur, mais dans les écrans plats il faut savoir que Taïwan
représente 40 % de la production mondiale, c'est absolument
énorme pour une production qui n'existait pas il y a quatre ans.
Un autre point, puisqu'on parlait des hommes, le transfert des hommes depuis
l'ITRI est quelque chose d'impressionnant puisqu'en moyenne, depuis 1993,
l'ITRI a transféré 1 000 personnes par an dans l'industrie.
Ce petit pays de 21 millions d'habitants a créé l'ITRI. Il a
ensuite créé ce qu'ils appellent des parcs technologiques,
c'est-à-dire des zones spéciales qui sont un peu des zones
franches dans lesquelles c'est le paradis des investisseurs, il n'y a pas
d'impôts à payer, on est remboursé de tout ce que l'on
devrait théoriquement payer comme impôts et on reçoit de
l'argent en plus, cela fait qu'évidemment cela a très bien
marché !
M. Claude Saunier, sénateur
- On peut rêver !
M. Gouzènes
- Il y a évidemment beaucoup d'usines. Il y a
52 usines à Hsinchu, 52 c'est quatre fois ce qu'il y a en France. C'est
quand même très impressionnant, et même dans le Sud de
Taïwan il y a aussi une forte activité puisque le Nord est
saturé, le résultat en final c'est qu'en moins d'une dizaine
d'années s'est créé un parc technologique de plus de
100.000 emplois locaux directs dans les technologies semi-conducteur,
écrans plats et CD dont j'ai parlé tout à l'heure, et que
Taïwan, dans le semi-conducteur, assure 10 % de la production
mondiale, c'est-à-dire autant que l'Europe à elle toute seule.
Vu des entreprises, qu'est-ce que cela donne quand on se situe tout au
bout ? Quand on regarde les ratios de R&D d'une entreprise de
semi-conducteurs classique, on trouve des chiffres qui sont d'un ordre de
grandeur de 15 % du chiffre d'affaires. Si on regarde de près les
comptes de TSMC, UMC, on s'aperçoit que ces chiffres sont autour de 3
à 5 %, ce qui montre donc qu'en fait la technologie de ces grands
fondeurs leur est transférée de façon quasiment gratuite
par l'ITRI. L'ITRI est un centre technologique qui transfère
« gratuitement » ses technologies aux industriels
taïwanais. C'est le premier grand facteur de réussite.
Deuxième autre grand facteur de réussite, les mécanismes
fiscaux qui permettent de déduire les investissements. Il y a d'une part
une double déduction des investissements, c'est-à-dire qu'en fait
les industriels sont remboursés d'impôts en fonction de leurs
investissements, et ils ont également des possibilités de
fiscalité réduite, voire nulle, notamment ils ont une exemption
de cinq ans d'impôts sur les bénéfices, cette exemption
d'impôts étant reconductible par tranches d'investissement, ce qui
leur permet donc de rouler en permanence sur des activités qui sont non
imposées.
Pour donner des ordres de grandeur sur ce que représente cet avantage,
on peut regarder à nouveau de près les comptes de TSMC, sur les
quatre années, 1997, 1998, 1999, 2000. Les chiffres sont en dollars
taïwanais, sur les trois lignes, cela fait de gros chiffres. Il faut
diviser à peu près par 30. Si on regarde la dernière
colonne, 166 milliards de dollars taïwanais, c'est-à-dire
5 milliards de dollars, on voit que le bénéfice avant
impôts, 63 000, représente donc à peu près
40 % du chiffre d'affaires, chose étonnante c'est que le
bénéfice après impôts est supérieur !
Quand j'ai dit que c'est le paradis des investisseurs, c'est tout à fait
vrai, vous pouvez vérifier que sur toute la ligne
« après impôts » on est plus riche qu'avant
impôts !
Les ordres de grandeur, quand on traduit en euros le montant de ces
bénéfices après impôts, sont de 500 millions
d'euros, 400, 700, 2 milliards d'euros, alors 2 milliards d'euros sur
lesquels vous ne payez pas d'impôts, si en France cela se passait avec un
niveau d'imposition qui est à 35 %, cela représenterait
700 millions d'euros d'avantages en une seule année !
Je ne connais pas le détail des chiffres du ministère de
l'industrie sur les financements de la microélectronique, mais enfin
c'est largement plusieurs années de microélectronique en France.
Il n'y a pas que les Taïwanais qui font cela, évidemment. Le
paradis de la libre entreprise c'est l'Amérique, où on laisse les
entreprises faire toutes seules. On a fait une grande étude avec l'IDATE
pour identifier ces financements. Il y a beaucoup d'organismes qui financent la
recherche des laboratoires et des industriels aux Etats-Unis, et on a
trouvé des financements qui étaient, en 2000, entre 900 et
1 milliard et demi de dollars par an.
Quelques petits exemples aussi pour voir comment cela se passe, par exemple
à Eastfishkill au Nord de New York ; il y a le grand centre d'IBM
en 300 mm qui va démarrer et sur lequel, au total, 659 millions de
dollars d'aides ont été accordés pour réaliser ce
projet.
On aide sur les grands projets, mais on va aider également
l'infrastructure, par exemple le Department of Commerce a un programme ATP de
transferts de technologies, et en fait on voit par exemple qu'il a donné
9,5 millions de dollars à une petite entreprise pour faire un
système de contrôle, une machine de contrôle de
qualité.
Et puis, la DARPA, on trouve aussi en aval les grands programmes d'aide
à l'informatique sur le high performance computing, avec tous ses
sous-projets dans lesquels on trouve environ 1,8 milliard de dollars, donc
un chiffre absolument considérable, dont une partie retombe
évidemment sur l'électronique et les architectures de
calculateurs. A cela se rajoute aussi, ce qui est important pour une
entreprise, un crédit impôt recherche qui se fait en volume sur
une partie de l'activité.
On ne peut pas faire le tour de tous les pays mais on peut encore citer trois
pays et quelques exemples.
A Singapour, l'impôt sur les sociétés en standard est de
20 %, donc évidemment beaucoup plus faible qu'en France ou en
Allemagne, mais il y a également une formule particulière, ce
sont des impôts à 5 % pour ceux qui sont des pionniers, comme
par hasard ce sont toujours les gens qui font de l'électronique et des
semi-conducteurs. Un point qui est important, qui permet de rapatrier des gens
qui viennent des Etats-Unis et leur offrir de hauts salaires nets, c'est qu'en
plus la tranche maximale de l'imposition est à 26 %, donc une
tranche qui est beaucoup plus faible évidemment que dans beaucoup de
pays, notamment européens.
L'Irlande dispose de fonds structurels européens. Le taux d'imposition
pour les entreprises est de 10 et va passer à 12 % très
bientôt, ceci étant cela reste à un niveau très bas
et ceci justifie les investissements massifs d'INTEL qui fait des
bénéfices colossaux. En gros, on a évalué que les
avantages d'imposition pour INTEL en Irlande lui permettaient de se payer une
nouvelle unise à 2,5 milliards de dollars tous les six ans
gratuitement !
Egalement le développement du NMRC, parce que comme les Irlandais ont
peur qu'INTEL se sauve, ils ont créé un centre de recherche qui
s'appelle le NMRC qui se développe et sur lequel ils refont un peu comme
Taïwan, ils décident de mettre de l'argent, mais enfin ils sont
plus petits, donc ils en mettent moins.
Les Etats ont suscité en fait, pour les entreprises, des regroupements
qui leur permettent d'atteindre la taille critique et donc on voit se
constituer, dans les différentes zones géographiques, que ce soit
le Japon, l'Amérique, Taïwan, et même la France, puisqu'en
France on a aussi quelque chose à Crolles qui est de bonne taille, des
gros centres qui regroupent des industriels qui font de la recherche en commun.
On voit également, ce qui est important, les plaques centrales de TSMC
et de Taïwan qui en fait, maintenant, sont reliées à toutes
les autres parties du monde.
Il y a également la stratégie américaine. INTEL est tout
seul, il est tellement gros, qu'il peut vivre tout seul. Il y a encore des
Américains qui vivent tout seuls, mais on va certainement voir des
regroupements, des rattachements très bientôt.
Ce qu'il faut retenir c'est que tous les pays ont des formes d'aide à
leurs entreprises, que les formes de soutien sont extrêmement
variées, des formes financières, formation, recherche, etc., et
cela fait beaucoup de choses. La France doit agir de façon
compétitive par rapport à ce qui se fait ailleurs pour garder son
industrie.
Merci.
(
Applaudissements
)
M. Claude Saunier, sénateur
- Deuxième intervention,
après le niveau mondial, que font l'Europe et la France ?
Monsieur Gérard MATHERON va nous en dire deux mots.
2.
Les réponses françaises et
européennes : les dispositifs nationaux, les programmes
européens.
M. Gérard Matheron
- Monsieur le Sénateur, Mesdames,
Messieurs, quand on m'a demandé d'intervenir sur le thème des
actions françaises et européennes, des dispositifs, je me suis
dit : il y a là deux pièges, le premier c'est d'essayer de
faire une liste la plus exhaustive possible, ce que je serais évidemment
incapable de faire compte tenu de la complexité, de la
variété, de la diversité, du fouillis des
différents instruments d'intervention en France et en Europe. Le second,
c'est de citer des chiffres et de me faire accuser d'être soit trop
laxiste, soit au contraire trop réducteur.
Malgré tout, j'accepte le défi et je vais essayer de
décrire le plus simplement possible, et je crois qu'un certain nombre de
mes collègues ont essayé aussi, de montrer la
microélectronique sous son angle le plus simple même si c'est un
petit peu réducteur. Quelles sont, au-delà de ce que les autres
régions en concurrence avec l'Europe font, comme vient de le montrer
Laurent Gouzènes, les actions en France et en Europe dans le domaine de
l'aide à la microélectronique, et en particulier l'aide à
la chaîne de valeur microélectronique.
Schématiquement, encore une fois, de façon très
simplifiée, il y a trois grands types d'intervention :
? évidemment, l'intervention des Etats. Elle figure ici dans la
deuxième colonne en partant de la gauche, pour laquelle la
décision vient essentiellement des gouvernements, dont les principaux
objectifs sont de créer ou de soutenir l'emploi, de créer ou de
soutenir les champions nationaux et de favoriser la mise en relation des
équipes en particulier au niveau universitaire par la formation de
réseaux de recherche.
? l'échelon européen, au sens de la commission européenne,
à travers les différents programmes cadres qui se sont
succédé, une initiative qui part de la commission
européenne elle-même, qui gère à la fois les
objectifs et les budgets avec une volonté d'ouverture, et je crois que
c'est un des défis les plus importants qui se pose à l'Europe
aujourd'hui, ouverture à tous les pays, à tous les acteurs.
C'était difficile à 6, cela l'était plus à 12, cela
le sera encore plus à 25, d'un point de vue politique s'entend, de
partager les connaissances, de donner donc accès à ces
connaissances à la plus large majorité d'individus, de citoyens
européens d'où l'importance croissante de servir des besoins
sociétaux au-delà même de l'accès aux technologies
ou aux infrastructures industrielles, et enfin de mettre aussi en relation les
laboratoires, les PME, les grandes entreprises.
? le troisième schéma qui s'est développé depuis
maintenant une quinzaine d'années dans le cadre de l'environnement
Eurêka. Rappelons qu'Eurêka est une initiative industrielle
appuyée par les Etats, donc c'est un mixte d'initiatives industrielles
et de soutiens publics aux niveaux nationaux, qui se situe d'une façon
un petit peu intermédiaire par les moyens d'intervention entre l'action
de la commission européenne et les actions nationales.
Il y a eu dans le cadre de la microélectronique, puisque c'est de cela
dont on parle aujourd'hui, trois grands programmes qui se sont
succédé :
JESSI, qui était essentiellement centré sur le rattrapage
technologique. On disait en 1987-1989 que l'industrie microélectronique
européenne était morte. L'histoire a montré que les
énergies rassemblées ont permis d'éviter cette
catastrophe, et au contraire de resituer l'Europe en position de
compétitivité.
Medea a voulu développer un peu plus dans le sens de la chaîne de
valeurs en impliquant davantage les industriels des systèmes, donc
développer un certain nombre d'activités, liant les
sociétés de systèmes électroniques et les
sociétés de semi-conducteurs.
Medea+, qui lui succède depuis le début de l'année 2000
jusqu'en 2008, a en fait pour ambition d'intégrer complètement
cette chaîne pour permettre de développer les innovations en
système sur silicium.
Donc innover, bien évidemment, c'est un programme de recherche
système sur silicium, on l'a entendu dire plusieurs fois dans la
journée, c'est l'objectif général de la
microélectronique et de la nanoélectronique qui s'ouvre
derrière, couvrir des besoins par des solutions technologiques et mettre
l'Europe en situation de leader mondial, c'est en tout cas l'ambition
principale du programme Medea + actuel.
Si on essaye maintenant de mettre dans une échelle un peu
tridimensionnelle ces différents instruments d'intervention pour les
coopérations, on va distinguer d'abord deux niveaux de positionnement,
l'un qui est le niveau européen et l'autre qui est le niveau national,
donc des programmes comme Medea ou ceux de la commission européenne se
situent dans l'environnement européen, et au niveau national on a
d'autres types de montage.
L'axe vertical représenté ici est en fait l'axe de la masse
critique, c'est-à-dire du coût des projets individuels ;
cette échelle est en millions d'euros, on a positionné les
projets IST classiques tels qu'ils existaient par exemple dans le V
e
programme-cadre, les réseaux nationaux qui sont des projets entre 0 et
une vingtaine de millions d'euros. Pour les projets IST intégrés,
on attend des budgets nettement plus importants, dont les prochains mois nous
diront si on a raison de les attendre de cette manière-là.
Enfin, pour les projets de type Medea, le poids moyen se situe plutôt aux
alentours de 50 à 60 millions d'euros. Donc il y a un aspect très
important sur l'ambition et la focalisation et les moyens alloués
à chacun de ces types de programmes.
Il y a un autre axe qui est un peu plus technologique, aller du hardware vers
les services, permettant en particulier les expérimentations de nouveaux
services.
Enfin, il y a le troisième axe, que l'on oublie parfois un petit peu,
qui est celui de la simplicité du montage. Une action nationale, une
intervention directe de l'Etat auprès de l'université ou
auprès d'un acteur industriel, c'est relativement facile à
monter, c'est bilatéral. Un réseau national, c'est
déjà un petit peu plus compliqué à monter, on reste
quand même dans un environnement national, les gens se connaissent.
Un programme IST, c'est encore plus compliqué parce qu'il fait
intervenir plusieurs pays, mais il y a un budget commun, donc une fois que le
projet est accepté, il faut le faire tourner mais on a une
décision.
Un projet de type Eurêka, un projet Medea, c'est tout cela mis bout
à bout, c'est-à-dire que c'est à la fois des acteurs qui
ont des ambitions et des objectifs différents, et ce sont aussi des pays
qui ont des ambitions, des politiques et des budgets différents.
Donc, autant il est important de développer des projets de taille
très ambitieuse pour permettre à l'Europe de se situer en
position de leader, autant il est important de coordonner les actions des
différents pays qui doivent intervenir à ce moment-là pour
soutenir ces projets. J'y reviendrai dans la suite.
En essayant de balayer les différentes actions, les programmes nationaux
- je prends l'exemple des réseaux, le RMNT qui touche vraiment à
la microélectronique mais également le réseau dans les
technologies Télécom, les technologies logiciels et les RTP dont
on nous a parlé tout à l'heure -ont certainement permis
l'amélioration des relations entre les acteurs nationaux, qu'ils soient
en amont dans l'université, ou le CNRS, mais également les
industriels, ils ont partiellement, très partiellement compensé
la disparition du rôle du CNET ou l'affaiblissement du rôle du CNET
en tant que prescripteur technologique au niveau national, ils ont permis
l'engagement conjoint des ministères de l'industrie et de la recherche.
Je pense que M. Costes et que M. Caquot en parleront également
par la suite, c'est extrêmement important au niveau national, et ils ont
déjà conduit- les évaluations le montrent - à des
résultats tangibles.
Cela étant, il ne faut pas s'arrêter parce qu'on a obtenu certains
résultats, ils doivent être poursuivis et également se
prolonger probablement par des actions au niveau européen ;
lorsqu'on a atteint un certain statut au niveau national, il est indispensable
de passer à l'échelle suivante dans le contexte de mondialisation
qu'on nous a décrit tout à l'heure.
Si on regarde maintenant les actions nationales et régionales, là
je me jette à l'eau ; comme on est en pleine semaine
franco-allemande, j'ai pris deux exemples en Europe, l'Allemagne et la France.
En Allemagne les crédits du BMBF, dans le cadre du programme recherche
sur les technologies de l'information en 2006, affectent aux actions de
recherche industrielle - j'ai exclu des chiffres qui figurent sur le
réseau pour le BMBF les interventions auprès des grands
organismes comme la Fraunhofer, Gesellschaft ou les autres grands instituts -
donc les interventions directes du BMBF c'est à peu près
320 M€ par an, dont environ 130 pour les actions proches de la
microélectronique et les microsystèmes. Cela, c'est au niveau de
l'Etat fédéral allemand.
Au niveau régional, si on prend l'exemple du Land de Saxe, un
investissement important dans un pôle fondamental pour l'Europe qui est
Dresde, le site SC 300 Infineon représente environ 200 millions d'euros
d'intervention.
On peut considérer, par rapport à ce qui se passe aux Etats-Unis,
que ce sont des investissements tout à fait significatifs qui montrent
bien l'engagement des Etats et l'engagement des régions.
En France, on a une situation très proche, elle est un petit peu plus
compliquée par le fait qu'on arrive à 330 M€ ; en
mettant le ministère de l'Industrie, l'ANVAR et le ministère de
la recherche sur les technologies de l'information et sur la
microélectronique, on trouve environ 120 M€ par an, donc des
chiffres relativement comparables avec peut-être un peu plus de
procédures et des niveaux différents d'intervention.
Si on regarde au niveau d'une région, celle qui a été mise
en évidence dans le programme du colloque aujourd'hui, c'est la
région Isère-Rhône-Alpes ; on a un investissement pour
le pôle industriel Crolles 2 et un investissement pour le pôle
Minatec dont la somme est à peu près au niveau de ce qui a
été investi à Dresde.
Donc encore une fois on a deux pôles importants, France et Allemagne,
mais au-delà de cela on n'a effectivement pas grand-chose en termes de
pôles nationaux lourds en Europe, et on a des Etats qui interviennent
partiellement qui considèrent que la microélectronique est
importante, mais pas avec des budgets de cet ordre de grandeur.
Lorsqu'on fera la synthèse européenne en fin d'exposé, on
verra que finalement la France et l'Allemagne sont les poids lourds mais que
cela ne suit pas beaucoup derrière.
En ce qui concerne le programme-cadre européen : la constatation
des industriels à l'issue du V
e
programme a été
de dire que son efficacité, qui était totalement reconnue dans le
III
e
et au début du IV
e
, avait fortement
diminué du fait de la dispersion des thèmes couverts et de la
dilution des crédits dans un grand nombre de secteurs et pour couvrir un
grand nombre d'acteurs.
Au VI
e
PCRD, on a senti très nettement une inflexion
politique forte de la part du Commissaire BUSQUIN et de toutes les
équipes. On nous a promis beaucoup de choses, en particulier une
meilleure focalisation, en particulier des grands projets
intégrés et des réseaux d'excellence. Cela, je crois que
ce sont des novations qui sont effectivement dans les textes, et qu'on
espère voir se vérifier dans les semaines, dans les mois qui
viennent au niveau des budgets.
Je constate cependant qu'en microélectronique les budgets qui sont
mobilisés aujourd'hui dans le cadre du VI
e
programme-cadre
sont de l'ordre de 300 M€, c'est-à-dire en parfaite
continuité avec ce qui se fait depuis quinze ans. Donc il y a une
volonté politique, il n'y a malheureusement pas encore le sursaut dont
on parle depuis ce début de matinée pour faire face aux enjeux
posés par les grandes autres régions géographiques.
Il y a deux autres aspects que j'apporte au débat, la notion de noyau
critique. Il est clair que la microélectronique n'est pas un sujet pour
25 pays en Europe. Il y a peut-être 6 ou 7 pays qui sont
intéressés et il y en a 2 ou 3 qui sont très fortement
intéressés.
Est-ce qu'il n'y aurait pas une possibilité de focaliser sur justement
des groupes, des noyaux -les acteurs principaux sont dans ces pays -
de mobiliser des crédits pour faire en sorte que l'Europe au sens large
puisse jouer une carte raisonnable dans la compétition
internationale ?
Enfin, c'est également une grande déclaration, on attend de voir
des moyens concrets de construction de l'espace européen de la
recherche. Comment consolider et accompagner les actions nationales avec les
fonds européens et en particulier comment adosser des projets
intégrés aux projets Eurêka actuels ? C'est
effectivement le grand débat dans lequel nous-mêmes, au sein de
Medea+, nous sommes engagés avec les équipes de la commission
européenne ; on espère qu'il en sortira des choses
très intéressantes.
Je souhaite illustrer pour terminer quelques lignes directrices du programme
Medea, non pas pour le montrer comme un exemple à suivre dans tous les
cas de figure, mais pour montrer que ce qu'on a essayé de faire dans ce
programme c'est de couvrir l'ensemble de la chaîne de valeurs, depuis les
besoins de l'utilisateur final, c'est-à-dire en fait de couvrir des
applications comme les communications haut débit, les terminaux, les
cartes à puce pour l'accès sécurisé à
Internet, l'électronique automobile dont on a parlé tout à
l'heure, les méthodologies conceptions dont nous a également
parlé Philippe Magarshack, mais également de suivre au niveau
technologique, d'être en compétition permanente avec les
Etats-Unis et l'Asie sur les technologies de base, sur l'intégration de
ces technologies pour les applications, sur les équipements et
matériaux, en particulier la photolithographie où on a maintenant
un pôle de compétences et des industriels extrêmement
solides de premier niveau mondial. On doit absolument faire en sorte de
maintenir cet effort et de maintenir cette position de leader mondial.
Le rôle essentiel aussi de la chaîne de valeurs, finalement, c'est
d'associer les sociétés, petites et grandes, qui sont dans tous
les endroits de cette chaîne, équipements matériaux, les
instituts, les universités, les sociétés de
semi-conducteurs, les sociétés de systèmes. J'ai
indiqué ici en rouge les acteurs qui interviennent au niveau national.
Il y en a bien évidemment dans beaucoup d'autres pays puisqu'en fait 16
pays participent concrètement aux actions Medea+ aujourd'hui.
La France est quand même le leader largement en avance avec 35 % de
l'effort global en chercheurs/an qui est investi par les acteurs,
universités, petites entreprises, grandes entreprises. L'Allemagne est
proche, puis viennent les Pays-Bas, l'Italie, la Belgique.
Ceci montre à la fois la force de l'Europe dans sa diversité,
cela montre aussi qu'il y a un certain nombre de petits pays, en particulier le
pourtour, le Sud de l'Europe, qui veulent contribuer avec des
universités, avec quelques start-up, mais derrière cela, il y a
effectivement le problème des budgets, puisqu'encore une fois
Eurêka fonctionne sur la base de financements nationaux. Imaginez la
difficulté pour un projet qui associe 7 ou 8 de ces pays, de convaincre
chacune des instances gouvernementales que le projet d'un point de vue
technique est tout à fait intéressant pour ce pays, voire pour
cette région, et que techniquement il est utile, même
indispensable, de coopérer au niveau européen.
C'est un discours politique qui passe encore relativement mal, plus de quinze
ans après le démarrage des actions de coopération en
microélectronique au niveau européen. Et derrière, la
conviction politique, donc la diversité des politiques
européennes, crée une partie de cette complexité, il y a
des problèmes de budgets.
Je vais prendre deux exemples : l'Allemagne a largement rejoint maintenant
la volonté française de financer des projets de type Medea+ en
microélectronique, mais l'Italie fait faux bond, c'est-à-dire en
fait que l'Italie bloque les financements, et de fait les partenaires italiens
qui étaient impliqués dans les projets sont en train de sortir,
mettant en péril la vie même des projets.
Evidemment, quand on parle de coopération, c'est qu'il y a
différentes tâches, ces tâches sont complémentaires
et quand il y a un partenaire important qui sort c'est tout le projet qui
s'effondre, donc la coordination, la synchronisation de cette action sont
très difficiles à établir par la Commission
européenne dans le cadre des projets d'IST, mais comme elle
détient le budget, elle a seule le moyen de convaincre l'ensemble des
acteurs de travailler ensemble sur une base commune.
La difficulté d'aller plus loin, d'autant plus que ces projets sont de
taille importante, c'est d'avoir l'accord de tous les gouvernements en
même temps.
L'autre paramètre de la chaîne que je voulais illustrer au niveau
de la France en particulier, c'est que les acteurs qui interviennent ne sont
pas ceux d'un grand club d'industriels riches qui cherchent à prendre un
petit peu d'argent public pour être plus riches. Il y a en fait un grand
nombre de PME - 42 % des acteurs des 79 partenaires des projets sont
des PME -, à peu près 25 % sont du secteur de
l'université, des instituts de recherche, et le tiers sont de grandes
entreprises. Il y a donc cette diversité, cette richesse au niveau
national, mais on le voit également au niveau européen, qui fait
finalement l'intérêt des projets coopératifs.
Les retombées attendues, c'est ce que l'on a décrit toute la
journée : c'est à la fois maîtriser les technologies,
améliorer la compétitivité des entreprises
françaises et européennes dans des secteurs clefs, c'est
maintenir des emplois à haute valeur marchande et également
hautement qualifiés, c'est renforcer le tissu des PME et des grandes
entreprises, c'est développer encore plus la coopération avec les
laboratoires universitaires et c'est également imposer des standards au
niveau européen. On a parlé du GSM, on a parlé de l'UMTS,
on parle d'électronique automobile, il y a beaucoup de secteurs, en
dehors du monde du PC, pour lesquels l'Europe a certainement une carte à
jouer.
Il y a déjà eu des résultats tangibles, à la fois
dans le classement des grandes entreprises de semi-conducteurs, les trois
européens sont maintenant et de façon durable dans le classement
mondial parmi les 10 premiers, je crois que ce n'est pas le résultat des
programmes IST, JESSI, Medea, mais en tout cas ces programmes de recherche les
ont accompagnés. Il a été dit également tout
à l'heure qu'il fallait maîtriser en Europe la R&D, je crois
que c'est ce à quoi s'attachent tous ces programmes de support à
la recherche.
Il y a eu également constitution de tissus autour de ces entreprises,
tissus de PME, de compétences dans les universités, c'est quelque
chose qu'il faut absolument préserver.
Globalement, force est de constater que malgré tous les efforts qui ont
été déployés et les chiffres de Laurent
Gouzènes et ceux qui figurent dans votre rapport, Monsieur le
Sénateur, le montrent bien, la France et l'Europe sont largement
derrière.
Quand on regarde les actions en place, au niveau microélectronique, et
les actions nationales, y compris Eurêka, en faisant la somme de tout ce
que l'on peut trouver, on arrive à 400 millions d'euros par an. Si on
rajoute les interventions microélectroniques de la commission
européenne, on rajoute 100 millions d'euros. Donc on est à 500
millions d'euros au niveau des interventions étatiques et de la
commission européenne en Europe, auxquels il convient d'ajouter les
efforts régionaux et locaux des grands pôles de
coopération. On est très, très loin des 2 milliards
de dollars dont on parlait au niveau des Etats-Unis. L'Europe, qui a un
marché fabuleux, qui a une compétence fabuleuse, qui a un
système de formation fabuleux, est quand même à un facteur
4 sous l'effort global qui est fait dans la direction du développement
de sa compétitivité industrielle.
Les besoins vont croissant, cela a été bien expliqué aussi
ce matin dans les grands rêves, les grands défis, la technologie
est de plus en plus compliquée, il faut de plus en plus
développer les compétences, on a besoin d'un effort accru des
pouvoirs publics. Je crois qu'il faut le dire clairement. Monsieur le
Sénateur a dit en ouverture qu'il ne fallait pas jouer les langues de
bois. On a besoin, et votre rapport le montre, d'un effort accru pour que
l'Europe ne se trouve pas en situation de perte de compétences et de
marginalisation.
Il ne s'agit pas de tirer la sonnette d'alarme sans raison, je crois qu'il faut
être tout à fait mesuré, mais également trouver les
actions de focalisation et les mesures urgentes de redéploiement,
d'augmentation de crédits, de synergies internationales et
intranationales qui permettront de mieux focaliser les mesures incitatives, on
a parlé des taxes aussi - vous en parlez dans votre rapport - qui
permettront à l'Europe de relever tous ces défis.
Merci de votre attention.
(
Applaudissements
)
M. Claude Saunier, sénateur
- Merci Monsieur Matheron pour la
précision de vos informations et aussi pour la clarté de vos
conclusions.
A propos de conclusion, on n'arrive pas tout à fait à la fin,
mais tout de même on s'en approche. Une dernière table ronde
animée par M. Joël MONNIER, Vice-Président de
STMicroelectronics avec les intervenants que M. Monnier va lui-même
présenter.
Monsieur le Président, c'est à vous....
M. Joël Monnier
- Monsieur le Sénateur, nous avons trente
minutes, je crois, pour assurer cette table ronde. Nous sommes 8 intervenants,
cela veut dire que nous pourrons simplement donner des éclairages un peu
différents par personnalité, ou par groupe, qui
éclaireront tout ce qui a été dit tout au long de la
journée, et compléteront par témoignages ce magnifique
rapport.
Je vais me mettre en contrepoint de ce qu'a dit M. Matheron, je voudrais
dire quand même merci aux pouvoirs publics déjà pour
assurer cette journée. C'est une forte motivation. Je voudrais
l'illustrer avec un seul transparent en apportant quelques commentaires avant
de présenter mes collègues de la table ronde, que j'introduirai
au fur et à mesure de leur intervention pour gagner un petit peu de
temps.
La coopération, l'effort collectif, depuis vingt ans, ont d'abord
été français. Depuis dix ans, grâce à
l'avènement des programmes Eurêka, Medea, JESSI, l'effort a
été européen, grâce à l'émergence en
particulier de trois grands groupes européens, Philips, Infineon, ST,
parmi les 10 grands premiers mondiaux. Je crois que cette alliance montre
maintenant un aspect collectif au niveau Western, avec les Etats-Unis, avec
l'arrivée de Motorola.
Pourquoi cela ? C'est un témoignage, je ne veux pas le quantifier.
Taïwan, peut-être petit pays, de quelques vingtaines de millions
d'habitants, représente en capacité de production certainement
plus de 50 % des capacités de production mondiale des technologies
120 nanomètres.
Monsieur Dauvin dit que ST arrive maintenant à près de 50 %
de son chiffre d'affaires simplement en Asie Pacifique.
Le seul témoignage c'est que ce marché représente des flux
financiers, des forces importantes de délocalisation, qui à un
moment étaient au niveau des unités de production simples de
montage, qui arrivent progressivement au niveau des valeurs ajoutées
très fortes de technologie et de recherche.
Donc simplement cet effort collectif crée des contre-courants, des
contre-forces, un contrepoids pour assurer notre jeu d'usines aussi bien
européennes qu'américaines par rapport à cette
montée de l'Asie. Voilà comment je vois les choses, donc cet
aspect coopératif s'est déplacé de la vallée de
l'Isère, s'est étendu au niveau de la France, de l'Europe, Medea.
Conditions de réussite : comment ceci s'est-il
réalisé ? Au-delà de l'aspect purement financier qui
a été largement débattu, et je ne vais pas aller contre,
c'est absolument nécessaire, ceci fournit aussi d'autres environnements,
des environnements de dialogue, de connaissance, de confiance. C'est
certainement parce que nous avons coopéré dix ans avec Philips
que Motorola a pris conscience que l'on pouvait coopérer dans des
domaines de coopétition, et l'autre facteur de cette alliance
stratégique sans précédent de ces trois grands groupes,
c'est que la recherche vient des Etats-Unis en Europe, c'est 1 200
personnes que l'on monte instantanément avec une agilité, une
rapidité extrêmement forte, une motivation très forte. Ceci
représente un investissement cumulé - je n'ai pas
présenté tout l'aspect investissement de tout le projet mais le
1,4 milliard de dollars ou d'euros s'est cumulé sur quelques
années, ce sont des coûts de dépenses de fonctionnement de
quelques centaines de millions d'euros par an et que chacun de nos groupes ne
peut pas supporter seul.
C'est une condition économique d'être ensemble pour contrebalancer
- c'est une vue un petit peu de société - un « tout
vers l'Asie ».
Simplement, les facteurs :
? Alliance stratégique,
? Volonté de management,
? Volonté de vue stratégique,
? Soutien public déterminant avec une rapidité d'action
très forte, très, très forte - et on voudrait remercier
les pouvoirs publics d'avoir réagi avec une telle rapidité. Cela
a été pratiquement négocié, débloqué
en trois mois. Les premières intentions c'était fin
décembre, première visite janvier, et conclusions fin mars.
? Tailles critiques
? Accélération des programmes
? On a beaucoup mentionné des systèmes, des corporations,
n'oublions pas les hommes, et en plus des hommes bien sûr c'est le vivier
d'ingénieurs, le vivier de chercheurs, mais également la
volonté de quelques individus dans des positions clefs dans les
organisations.
C'est un ensemble de facteurs qui, de mon point de vue, crée cet effort
coopératif et qui nous permet d'aller de l'avant, sachant que pour
passer de cet état de crise de marché de semi-conducteurs
à une sortie de crise accompagnée d'un changement du taux de
l'euro par rapport au dollar entre 0,9 et 1,07, cela veut dire que les
coûts R&D de nos sociétés, qui varient entre 16 et
17 % subitement, en particulier pour les sociétés
européennes, sont passés de 16 % du chiffre d'affaires total
à 18 %, donc rognent pratiquement 20 ou 30, ou 40 % de la
marge bénéficiaire. Ce qui veut dire qu'il y a des changements
des conditions économiques qui dépassent cela. On vit dans un
monde d'instabilité.
Tout cet ancrage de haute technologie permet certainement de passer à
travers ou de surfer au-dessus des vagues, et donc c'est un ensemble qui fait
que cet aspect coopératif de confiance, de programme coopératif
entre compétiteurs, clients, fournisseurs au niveau de l'Europe, ensuite
au niveau américain, permet d'aller de l'avant. Voilà le
témoignage que je voulais vous apporter.
Pour étoffer la table ronde, j'ai adressé une question à
chacun des intervenants, donc je me permettrai d'introduire, pour gagner du
temps, cet échange par ces questions.
Mon collègue, René PENNING de VRIES, de Philips, est le
représentant de Théo Klassen, CTO et Strategic Manager de
Philips. M. René Penning de Vries s'occupe de la technologie de
Philips, en quelque sorte mon alter ego :
« Qu'est-ce qui conduit un groupe comme Philips à s'allier
avec des concurrents, en l'occurrence Motorola et STMicroelectronics pour
développer en commun des technologies ? Ensuite, peut-être
pourriez-vous nous faire part de votre vue sur les atouts de
l'Europe ? »
M. René Penning de Vries
- Tout d'abord, je voudrais dire que
c'est un grand plaisir pour moi d'intervenir dans ce colloque. Je vous prie
d'excuser mon français, je ne suis pas francophone, je suis Hollandais.
Pourquoi Philips s'est-il engagé dans une coopération avec des
concurrents ? Premièrement, je crois qu'il faut savoir que pour une
entreprise comme la nôtre, il est très important d'avoir une
maîtrise sur les technologies. Si on n'a pas cette maîtrise de la
technologie dans son domaine, on risque de perdre son avantage et on risque de
perdre ses compétences.
Pour les technologies nouvelles, il est essentiel de combiner l'aspect de
système, l'aspect des dessins et l'aspect des process. Si on
enlève un de ces aspects de la chaîne on perd, au lieu de gagner,
une opportunité. Il est clair qu'il faut être actif dans ce
domaine.
Une autre chose qui est importante pour une entreprise comme Philips c'est
d'avoir des options dans le process. Ce sont souvent les options qui apportent
de la valeur. Si on est face à Taïwan, le risque existe de perdre
cette option et d'être forcé de la partager avec des concurrents,
de vrais concurrents. Si on est dans son propre domaine, on risque moins.
Si la conclusion est qu'il faut être engagé dans le
développement, comment faut-il procéder ? On estime que le
développement du 90 nanomètres nous coûte à peu
près 500 M€, il est donc impossible d'être seul pour le
faire, à l'exception d'INTEL peut-être.
Deuxièmement, il y a l'expertise, les ressources, les ingénieurs
qu'il faut avoir pour faire ce travail. Une coopération entre les gens
de ST, de Motorola et de Philips donne une accélération au
process, ce qui est très important.
Troisièmement, pourquoi coopérer avec un concurrent ? Je
crois que la réponse est dans la question, c'est parce que c'est un
concurrent qu'il est important de coopérer. Nos concurrents, ST,
Motorola, ont exactement les mêmes marchés, les mêmes
demandes, les mêmes conditions que nous. Les coopérations de ce
fait deviennent automatiques, la coopération a eu lieu pendant plus de
dix ans, c'est un succès, c'est donc bien un témoignage de
l'intérêt de cette alliance. Donc ces dix ans de
coopération ont été une grande réussite. On pense
que pour le futur il faudra inclure les aspects de R&D, plus que nous ne
l'avons fait jusqu'à maintenant.
Merci.
(
Applaudissements
)
M. Monnier
- Merci René.
Je vais peut-être donner la parole à M. Alain JOLIVET,
Président Directeur Général d'une start-up significative,
STEPMIND.
La question est la suivante :
Comment les start-up ou les PME
peuvent-elles participer aux projets et coopérer dans ce
cadre ?
M. Alain Jolivet
- Merci Monsieur Monnier.
Je suis Alain Jolivet, j'ai créé STEPMIND il y a deux ans.
Créer une société dans la microélectronique
nécessite des investissements extrêmement lourds et peu
fréquents en France, mais vous voyez que cela existe et pas seulement
dans les pays comme Taïwan ou les pays d'Asie.
Les idées qui ont prévalu au moment de la création de
cette société, c'était de profiter des déchets de
ce que M. Griot appelait « la désagrégation de la
chaîne de valeurs » ce matin, puisqu'une partie de la
production est déjà passée dans les pays asiatiques ou les
pays de cette région du monde. Il nous semblait à peu près
évident et à peu près clair que la R&D allait suivre
et qu'il fallait aussi mutualiser les capacités de R&D pour
éviter qu'au sein des entreprises européennes, des entreprises du
monde occidental, la même chose soit développée par les
mêmes équipes d'ingénieurs en concurrence avec un certain
gaspillage.
Donc nous nous sommes créés sur cette idée, qu'il fallait
mutualiser la R&D et proposer aux différentes entreprises des
produits un peu standards émanant de nos équipes de R&D, et
nous nous sommes aussi créés sur l'idée que l'UMTS allait
être décalée et que la technologie gagnante serait
probablement une conjonction entre le « wide as line » et
« edge », donc à partir de ces différentes
idées nous avons créé une société qui
aujourd'hui compte 116 personnes, qui est implantée sur 3 sites.
Pourquoi 3 sites ? Pour bénéficier des différents
bassins d'emplois, des bassins de formation. Nous avons des compétences
en radiofréquence et la radiofréquence ne peut se faire en France
qu'en deux endroits, à Caen ou à Grenoble. Nous avons choisi Caen
puisqu'à Grenoble il y avait déjà beaucoup de monde, des
beaucoup plus grands que nous. A Caen aussi mais il y avait une place à
prendre.
Pour la partie microprocesseur, bande de bases, c'est la région
Sophia-Antipolis et c'est la raison pour laquelle nous nous sommes
implantés également dans le Sud de la France et en termes de
logiciels c'est la région parisienne, en tout cas quand il s'agit de
logiciels embarqués, qui recèle les plus grandes
compétences et donc nous avons une implantation également en
région parisienne.
Nous avons des produits qui arrivent sur le marché cette année,
en 2003, des produits qui ont été développés dans
la technologie 0,18 microns et la série qui est actuellement en
développement est en 0,13.
Nous sommes confrontés, puisqu'il s'agit de l'éclairage d'une
start-up ou d'une PME maintenant, aux problèmes qui sont les
problèmes qu'a à résoudre toute l'industrie de la
microélectronique, c'est que le passage en point 13 nécessite des
investissements R&D qui sont beaucoup plus importants puisqu'il faut
organiser, architecturer un nombre de transistors extrêmement important.
Par conséquent il faut mettre des ressources en nombre important et il
faut aussi disposer d'une CAO qui soit extrêmement performante.
Il n'est plus maintenant question de rater un développement et de faire
comme autrefois, de se lancer dans le silicium alors que la simulation n'est
pas parfaitement prouvée, donc il est très important pour nous de
disposer d'outils de CAO et de simulations qui soient des outils
extrêmement prouvés.
Je sais qu'en termes de radios ceci ne sera probablement jamais possible
puisqu'il y a toujours un petit feeling dans le développement et le
design des types radios, mais en termes de numérique pur, de C-MOS, il
faut je pense arriver à cette possibilité du 0 défaut en
simulation et en conception.
Nous sommes également confrontés à un autre
phénomène, c'est que le prix des masques double à peu
près chaque fois que nous changeons de génération. En
ordre de grandeur c'est 250 000 euros pour du 0,18, c'est
500 000 euros pour du 0,13, 1 million pour du 90 nanos, ce qui
veut dire que les coûts d'investissement, en dehors des coûts de
ressources, deviennent aussi de plus en plus colossaux.
Il nous semble qu'il va y avoir un certain nombre de conclusions très
rapides, c'est qu'il y aura de plus en plus de produits standards du
côté de l'offre, puisqu'on ne pourra plus se permettre d'adapter
à la demande des produits. Il y aura aussi certainement de moins en
moins d'équipes d'organisation de R&D capables de produire en
zéro défaut, et donc on arrive probablement à une
situation qui pour l'instant est encore instable mais qui va se cristalliser
avec de moins en moins d'acteurs dans le secteur, de moins en moins de
fonderie ; donc les investissements sont colossaux.
Ce qui est très important pour nous c'est de disposer des
capacités dans ces deux domaines, puisque nous sommes en R&D,
domaine de la formation, ingénieurs compétents, et domaine de la
CAO. Ces deux domaines se croisent en ce sens que dès que nous
embauchons, puisque nous embauchons à peu près 25 % de
jeunes ingénieurs, un ingénieur qui sort du système
éducatif, il faut absolument qu'il ait appris à travailler sur
des systèmes de CAO performants.
Donc si j'ai une seule suggestion à faire face à un tel
auditoire, c'est d'essayer de faire en sorte qu'en France il puisse exister une
sorte de centre commun de simulation de CAO qui soit mis à disposition
des différentes écoles d'ingénieurs pour que des
unités de valeurs puissent être validées sur ce centre et
que l'industrie, ou au moins les PME que nous sommes, puissent disposer
très vite de personnel complètement formé dans ces
systèmes qui maintenant sont cruciaux pour développer en
zéro défaut.
Merci Monsieur le Président.
M. Monnier
- Merci Monsieur Jolivet.
Pour donner une vue d'une société encore plus applicative, voici
celle de M. Jean-Pierre TUAL, Vice-président de Schlumberger. La
question est la suivante :
« quelle est votre opinion sur la
situation des coopérations dans le domaine applicatif et ce qui concerne
le quid des cartes à puces ? »
M. Jean-Pierre Tual
- Ce que je voudrais dire d'abord, c'est pourquoi
sommes-nous amenés à collaborer ? La première
réponse c'est évidemment pour augmenter la taille des
marchés qui nous sont accessibles, et une première condition
c'est l'existence de standards mondiaux. Et je crois que dans le passé,
l'expérience a montré que chaque fois que les industriels
européens ont pu être proactifs dans la définition de
standards, ils ont retrouvé extrêmement rapidement le retour sur
investissement et
a contrario
pour donner le mauvais exemple de
l'informatique, là où les exemples de coopération et de
définition de standards de programmation communs n'ont pas
marché, on a assez rapidement perdu pied.
Donc l'existence, le développement de standards, c'est une
première condition fondamentale et à mon avis c'est le premier
niveau de coopération entre industriels.
Dans le domaine de la carte à puce, nous avons nous-mêmes
travaillé sur des définitions de standards, en particulier autour
du standard Java qui est aujourd'hui un exemple assez représentatif du
volontarisme dont nous avons fait preuve dans cette industrie.
Le deuxième aspect que je voudrais souligner c'est qu'on a vu ce matin
les progrès auxquels nous sommes confrontés de manière
continue dans le domaine des technologies. Je suis un petit peu obligé
de regarder passer le train puisque, dans le domaine du logiciel,
malheureusement nous en sommes encore à la préhistoire en
matière d'amélioration de la productivité. Donc un des
points que je voudrais souligner ici, c'est que l'amélioration continue
des progrès technologiques pose en permanence des challenges
extrêmement importants à l'industrie du logiciel et des
applications.
Ce que je peux vous dire c'est qu'aujourd'hui, pour les principaux produits que
nous développons dans nos applications, on est en situation
d'augmentation du coût quasiment exponentielle du développement
logiciel. Pour vous donner un exemple, le développement d'une carte
bancaire nous coûte pratiquement dix fois plus cher aujourd'hui qu'il y a
cinq ans, en raison de tous les éléments sécuritaires que
nous sommes amenés à intégrer dans ces cartes et d'autre
part, ce qui est très important pour nous, c'est que dans les conditions
économiques actuelles on ne peut plus, au-delà d'un certain
niveau, supporter des coûts de logiciel trop importants.
Donc il y a aussi dans ce domaine-là une nécessité absolue
de mutualiser et la mutualisation, la meilleure façon de l'opérer
c'est sur le concept de plate-forme, donc un ensemble de composants
matériels, logiciels communs qui permettent ensuite à l'ensemble
de l'industrie de différencier, de se spécialiser et de focaliser
ses ressources là où elle en a effectivement le plus besoin.
Ce que je voudrais dire également, c'est que derrière ce concept
de plate-forme se trouve le concept de service, immédiatement
après, et donc une fois que les plates-formes sont disponibles, cela
permet une stimulation du marché par une très grande
facilité pour la localisation des produits, le développement
d'une industrie du logiciel parallèle qui permet d'amener très
rapidement de nouveaux services à valeur ajoutée vers les
utilisateurs.
Donc l'essence des programmes de coopération que nous menons
aujourd'hui, et nous avons entamé cette discipline également dans
le domaine de la carte à puce, cela a été pendant
très longtemps un énorme barrage en raison d'un problème
très basique, qui est qu'avec la carte à puce nous traitons de
problèmes de sécurité, et la sécurité par
définition c'est un différenciateur fort, donc pourquoi aller
échanger avec nos principaux concurrents des informations dans ce
domaine-là, sachant que nous avons encore la chance d'être dans un
marché où il y a peu d'acteurs et dans lequel nous avons la
chance d'avoir encore une croissance extrêmement rapide ?
Ce que je voudrais indiquer en matière de coopération, c'est
qu'un certain nombre de principes de base me paraissent devoir
s'appliquer :
? organiser cette coopération de manière systématique y
compris en n'oubliant pas d'indiquer, de manière très forte, les
grands opérateurs. Aujourd'hui, par exemple, je suis un petit peu
déçu de voir que nous avons été capables d'amener
l'euro au 1
er
janvier 2002, et que nous avons encore
7 systèmes de porte-monnaie électronique en Europe,
strictement non interopérables. C'est probablement là le manque
de coopération entre les opérateurs, c'est probablement un
élément de la chaîne qui nous a manqué.
?
a contrario
, cela s'est extrêmement bien passé dans le
GSM, et c'est l'industrie qui a été extrêmement proactive
et puisqu'on parle de volontarisme, elle a su résister extrêmement
fortement et de manière dynamique à l'offensive de Microsoft dans
le domaine de la carte à puce en 1998. Il faut bien voir que le
modèle alternatif qui nous était proposé c'était un
modèle traditionnel de Microsoft. En gros, je vous amène tout ce
qu'il faut pour faire le logiciel, concentrez-vous sur la valeur ajoutée
industrielle.
Donc en matière de coopération, même l'industrie de la
carte à puce, avec sa caractéristique extrêmement sensible
liée à la sécurité, est aujourd'hui capable d'avoir
une dynamique très proactive dans le développement de
technologies et dans le développement des marchés.
M. Monnier
- Merci, Monsieur Tual, de nous avoir donné cet
éclairage du côté des applicatifs, cela a une valeur
extrêmement importante puisqu'à la fin on touche le client final
qui achète et qui développe le marché.
Pour ce qui est de la recherche nous avons M. Jean Therme, Directeur du CEA
Grenoble et du CEA-LETI. La question est : « C
omment les
instituts de R&D tels que le LETI, peuvent partager leur
propriété intellectuelle dans un système
coopératif ? Et comment gérer la confidentialité
entre ces différents clients ou partenaires de recherche ?
«
M. Jean Therme
- Merci.
Tout d'abord, je vais parler un peu du LETI que je connais bien,
peut-être moins d'autres organismes qui ont des modèles de
développement un peu différents.
Il faut se rappeler que le LETI joue un rôle un peu équivalent
à l'ITRI même s'il est six fois plus petit au niveau
national....C'est quand même un laboratoire public national, qui a comme
vocation de développer des technologies et de les transférer, ou
de les valoriser, sur le sol national en premier lieu.
Je crois que quand on doit parler de propriété industrielle et de
confidentialité, finalement cela ne peut être traité que
très en amont dans la stratégie de partenariat. Je crois qu'on a
développé au LETI, on y tient beaucoup, une stratégie de
partenariat qui est basée sur des alliances stratégiques avec des
partenaires qu'on a peut-être choisis, qui nous ont peut-être
choisis, mais avec lesquels on a travaillé en final sans savoir qui a
vraiment choisi l'autre. Nous avons établi des partenariats sur le long
terme, basés sur un respect du client, sur une certaine
fidélité et sur une certaine constance dans nos approches.
Ceci nous amène à un certain nombre de règles. Je peux
l'expliquer par des exemples. Tout le monde sait qu'on a un partenariat
très étroit depuis de nombreuses années avec
STMicroelectronics et nous avons ouvert un peu à l'international mais de
manière sage et constructive.
Je prendrai trois exemples :
? le premier, nous avons établi une collaboration avec Texas Instruments
dans laquelle nous n'avons pas pu travailler à 3 avec ST pour des
raisons qui nous échappaient, mais nous avons perdu de l'argent avec
Texas Instruments pour avoir la capacité de garder la
propriété industrielle acquise lors de cette collaboration et
qu'elle puisse bénéficier à nos industriels nationaux.
Nous avons donc perdu de l'argent pour protéger une
propriété industrielle au niveau national.
? deuxième exemple, nous avons été contactés
à deux reprises par des Coréens qui nous ont proposé des
bons paquets de dizaines de millions de dollars. Nous avons refusé de
collaborer avec les Coréens parce que nous avons considéré
que ce n'était pas dans notre objectif de le faire et que cela pouvait
percuter notre relation avec ST.
? troisième exemple, nous avons longuement discuté avec Motorola
et nous avons conclu ensemble que le LETI ne pouvait pas apporter seul les
technologies à Motorola et que faire un accord parallèle à
celui d'ST avec Motorola n'était pas jouable en termes de
propriété industrielle et de confidentialité ; nous
avons donc eu une approche dans laquelle nous avons
préféré que Motorola travaille avec ST pour travailler
avec l'alliance.
Voici comment on a ouvert à l'international les collaborations du LETI
tout en préservant notre partenariat stratégique avec ST. Ceci
nous permet de manière naturelle ensuite de traiter le volet
propriété industrielle et de traiter également le volet
confidentialité.
Un autre point qui concerne un autre volet de notre activité, qui sont
les start-up, sur lequel la propriété industrielle est
essentielle. Là, c'est beaucoup plus compliqué parce qu'en fait
on est soumis à deux pressions, la première celle de nos tutelles
qui nous disent « vous ne rentrez pas assez d'argent pour financer
vraiment le travail de fond, en vous payant sur les royalties obtenues sur les
licences données aux start-up » et puis nous avons les
start-up à venture capital qui nous disent « vous nous tondez
la laine sur le dos d'une manière trop violente », donc
là le chemin est plus délicat à trouver, au niveau de la
façon de valoriser notre propriété industrielle, et il est
aussi plus compliqué parce que nous ne savons absolument pas quelles
sont les start-up qui seront gagnantes, donc c'est un peu la roulette russe,
quelquefois on gagne, quelquefois on perd. Pour l'instant, on a quand
même pas mal gagné, donc on ne s'est pas trop mal
débrouillé.
M. Monnier
- Merci Jean.
Maintenant je voudrais, pour gagner un petit peu de temps, poser une question
commune. Nous avons l'honneur et le plaisir d'avoir M. Emmanuel CAQUOT, Chef du
service des technologies de la société de l'information au sein
de la Direction Générale de l'Industrie, et M. Alain COSTES,
Directeur de la technologie au sein du Ministère de la recherche et des
nouvelles technologies. Cela veut dire qu'on a les représentants des
deux ministères, de l'industrie et de la recherche, par rapport à
cette question fondamentale de programme coopératif.
Pour centrer la question, par rapport à ces programmes d'incitation des
différents ministères,
« comment pouvez-vous
considérer le retour pour l'Etat France ? »
M. Emmanuel Caquot
- Très rapidement, je dis quelques mots, mais
je pense qu'on est en telle symbiose avec le ministère de la recherche
sur ce sujet-là, qu'on se complétera.
Il est clair que l'appareil français s'inscrit complètement dans
la logique du 3 % du PIB dédié à la recherche et
développement, valeur qui doit être approchée dans les
années 2010. C'est une des conditions fondamentales de la survie d'une
économie prospère en Europe face aux enjeux des coûts de
main d'oeuvre, etc.
La question est maintenant : comment y arriver ? Je crois que
très schématiquement, il y a deux grandes approches, une approche
dite de politique horizontale, et je crois que c'est quelque chose qui a
été évoqué dans les présentations
transparentes précédentes et une approche dite de politique
sectorielle. La politique sectorielle, ces dernières années,
n'avait pas une odeur de sainteté très grande, pour
différentes raisons. Je crois que c'est quelque chose sur laquelle il
faut qu'on réfléchisse bien collectivement.
En matière de politique horizontale, je voulais simplement vous signaler
et c'est très important, la communication conjointe de Mmes Nicole
Fontaine et Claudie Haigneré sur les dispositifs d'aide à
l'innovation, un dispositif qui est mis actuellement en consultation et sur
lequel je vous assure que l'avis des acteurs économiques est
prépondérant pour la concrétisation en mesures
importantes.
A cette occasion, dans le projet de loi de finances, on a réussi
à faire passer des problèmes de taxe professionnelle sur les
investissements liés à la recherche et développement,
taxes qui sont très directement liées, à mon avis,
à votre industrie, et c'était suite à des travaux communs
que nous avions conduits. Dans ces mesures à destination de
l'innovation, il y a aussi une indication sur les problèmes de
crédits d'impôt-recherche, et je crois que là aussi toutes
les données sont importantes.
Cela c'est, je dirai, le cadre général des mesures horizontales
sur lesquelles il est très important de se pencher et de trouver des
méthodes qui incitent les gens. Le retour sur ces politiques
horizontales, c'est quelque chose qui est toujours un petit peu complexe parce
que par définition elles s'adressent à l'ensemble des secteurs et
le retour global est, vu du budget, une diminution des ressources
associées pour le budget et de l'autre côté quelque chose
d'un peu plus diffus, qui est l'animation du tissu économique, la
création d'emplois, etc.
C'est pour cela qu'il me paraît important que parallèlement
à ces mesures horizontales, il y ait identification de quelques secteurs
stratégiques, sujet extrêmement difficile, parce que tout le monde
souhaite être stratégique.
Le message que je voulais vous donner c'est que, vu du ministère de
l'industrie, le secteur de la microélectronique est, avec celui du
logiciel, des télécommunications et aussi des usages, un des
secteurs qui est le plus diffusant dans le domaine de l'innovation et de la
création d'emplois.
Je crois que Gérard Matheron a donné une idée des
dispositifs qui existent en France dans ce secteur-là. Vous avez vu au
niveau européen l'implication de la France. Je crois que ce qui est
important c'est de s'inscrire dans des logiques pluriannuelles et l'exemple de
contrats conclus avec nos entreprises et dans le cadre de retombées
macro-économiques ou micro-économiques, est une des meilleures
façons d'assurer qu'il s'agit d'un contrat commun.
Le caractère pluriannuel lié à l'annualité du
budget pose quelques difficultés, et vous savez, bien sûr, que le
Parlement est toujours souverain là-dessus mais je crois que toutes les
entreprises sont soumises à ce même problème
d'annualité de budget face à des objectifs pluriannuels.
L'autre point, qui est très important dans nos méthodes
d'évaluation, c'est aussi le caractère collectif et diffusif de
nos actions, c'est-à-dire le nombre de PME/PMI qui y sont
associées, la façon dont le tissu de recherche est associé
à ces programmes industriels et enfin, bien entendu, les
retombées qu'il peut y avoir sur les dispositifs de formation, et je
pense en particulier aux dispositifs de formation du ministère de
l'industrie avec la création récente de l'Ecole des Mines de
Gardanne dédiée à la microélectronique, mais aussi
dans le cadre des subventions d'équilibre qui sont accordées au
CEA ; combien émargent dans ces technologies tout à fait
importantes et diffusantes pour le futur ?
Je pourrais en parler pendant très longtemps mais bien sûr je
laisse la parole à M. Costes pour compléter.
M. Alain Costes
- Merci.
Bien évidemment, je ne reprendrai pas tous les propos que M. Caquot
a tenus avec juste raison, vu la symbiose qui existe entre les deux
ministères sur un certain nombre d'actions. Permettez-moi simplement
d'en compléter quelques-uns.
De ce que j'ai entendu depuis le début de cette table ronde, on a
parlé beaucoup d'économie et de financement, mais si on a besoin
de financement, c'est que l'on souhaite financer des projets ou des actions.
Or, des projets ou des actions, ce sont des hommes qui les font, ce qui veut
dire que dans tout ce que nous avons dit, il ne faut jamais oublier que la
recherche et la formation sont les socles de ce que nous disons qui fait qu'un
jour on a besoin de financements.
Cela, c'est un point que je voulais souligner, n'oublions jamais dans nos
propos les activités de recherche et de formation qui sont quand
même au coeur du processus, puisque ce sont les hommes qui permettent de
réussir ou qui conduisent à l'échec.
Le deuxième point, si vous le permettez, c'est de revenir sur ce que Mme
la ministre a annoncé ce matin, mais en faisant bien évidemment
un effet de focalisation. Vous avez utilisé durant toute cette table
ronde des mots qui sont revenus en permanence, les aspects de
coopération, les aspects de compétitivité, les aspects de
confiance, les aspects d'attractivité du territoire.
Quand je prends ces attributs que vous avez considérés comme
étant importants et fondamentaux, j'ai l'impression, pour ne pas dire
que j'ai l'assurance, que la politique que nous avons menée, en prenant
une décision qui a été une décision volontariste,
qui n'a pas été facile à prendre, de dire que pour que
notre pays soit compétitif, il était important de créer un
réseau de 4 centrales de micro et de nanotechnologie, était la
bonne, je dis bien « 4 », vous savez très bien que
cela n'a pas été facile. Tout le monde en voulait une.
Ceci veut dire qu'on a dit que si on souhaite rester compétitif au
niveau international, la France ne peut pas se payer 10 centrales, ne peut pas
se payer 15 centrales et qu'il y avait un choix à faire. Ce choix, bien
évidemment, on ne pouvait pas le faire dans le vide et on ne souhaitait
pas le faire dans le vide. C'est ce qui nous a amenés à les
construire, autour de ce qui était les grands centres de recherche du
domaine correspondant puisque, comme vous le savez, l'une est à
Grenoble, autour du CEA-LETI, l'autre est à Toulouse autour du
LAAS-CNRS, la troisième à Lille autour de l'IEMN, et la
quatrième sur deux sites, à l'IEF et au LPN.
Je tenais simplement à dire, et je conclurai là-dessus, que si
nous avons le résultat que nous avons sur ces centrales, c'est
grâce à la volonté de deux organismes, le CEA et le CNRS,
et à la volonté des directeurs correspondants de travailler
ensemble, collectivement, de telle manière qu'en fin de parcours, dans
dix ans, ces 4 centrales auront marqué le territoire de la micro et
nanotechnologie en France.
Merci.
(
Applaudissements
)
M. Monnier
- Merci.
Pour compléter cette table ronde, nous avons ici présent
M. Ezio ANDRETA, Directeur à la DG XII, dite de la Recherche,
au sein de la commission européenne.
La question, si je puis me permettre, c'est :
« comment
peut-on voir au niveau de la Commission européenne, l'évolution
de la microélectronique en Europe, et à titre d'exemple comment
les projets intégrés et les réseaux d'excellence qui sont
mis en place et supportés par la commission européenne,
peuvent-ils aider au développement des nouvelles
technologies ? »
M. Ezio Andreta
- Merci. C'est un grand défi en cinq
minutes !
Tout d'abord, je vais utiliser au moins 35 secondes pour remercier M. le
Sénateur Saunier, pas simplement pour avoir invité la commission
à ce débat, mais en particulier pour son ouvrage. Le rapport est
excellent et j'espère qu'il sera lu par plusieurs autorités
régionales, nationales, supranationales parce qu'en
réalité il y a beaucoup d'éléments sur lesquels
réfléchir. Donc merci pour cela.
Deuxièmement, je crois que pour pouvoir effectivement parler de la
recherche européenne ou de ce que l'Europe envisage de faire, il
faudrait emprunter un slogan très français qui est : nous
n'avons pas de ressources financières mais nous avons beaucoup
d'idées !
Je dis cela parce qu'en réalité la recherche européenne,
en termes budgétaires, représente grosso modo 5 % des
dépenses que l'ensemble des pays membres utilisent normalement,
l'ensemble des pays membres n'arrivent pas, public et privé, à un
pourcentage formidable, parce qu'aujourd'hui nous n'arrivons pas à
2 % du PIB quand les autres antagonistes sont déjà à
2,7, 2,8 et sont en train d'accroître ce pourcentage.
Cela, c'est le scénario. Mais pour pouvoir vous répondre sur la
façon dont la Commission voit l'évolution de l'industrie
microélectronique, je crois que la journée d'aujourd'hui
était très intéressante mais nous voyons exactement que
nous sommes sur la même ligne en termes d'interprétation.
Il est évident qu'il y a trois moments de rupture fondamentaux qui sont
en train de se présenter dans ce secteur et qui sont très
importants, parce qu'il faut savoir quand ils auront lieu et comment assurer la
transition qui aura lieu d'une manière fatale.
? première rupture, au niveau technologique, il est certain que la
véritable rupture se produira d'ici 7, 8, 10 ans quand la lithographie
aura terminé son parcours, donc il faudra entrer avec un
« bottom up », avec une approche moléculaire
totalement différente .
? deuxième rupture, c'est celle du marché au niveau de la
consommation, au niveau de la demande. Les secteurs privilégiés
sont en train de se réduire et il y a un secteur qui est en explosion et
qui sera le secteur porteur du futur, qui est la consommation des produits de
tous les jours, donc je dirai l'intelligence dans les produits.
? troisième rupture, c'est la rupture, plus importante, au niveau de la
production, au niveau industriel. Il est certain et toute la journée
tout le monde l'a dit, il n'y a pas de masse critique ni au niveau d'une seule
industrie, ni au niveau d'un seul pays. Personne n'a plus la masse critique.
Donc l'effort que tout le monde fait, c'est de trouver la concentration
idéale, et il y a une concentration qui amène fatalement à
réduire le nombre des entreprises, donc celui des acteurs.
Il y a une deuxième concentration, c'est celle qui consiste à
aller sur les segments où il y a de la valeur ajoutée et de ne
plus faire ce qui ouvre les marchés nouveaux à d'autres acteurs.
Troisième concentration, c'est celle sur la recherche qui devient
véritablement l'élément clef.
Je dirai que la grande révolution de l'économie basée sur
la connaissance, c'est au niveau véritablement de facteurs de production
qui deviennent de capital et de connaissance. Cela, c'est très important
parce qu'il y a, derrière, toute la révolution
véritablement que nous devons d'une manière ou d'une autre
être capables de comprendre et de guider.
Quelqu'un a parlé de paradis fiscaux, je pense qu'il faut
déjà parler de paradis technologiques, parce que c'est
certainement là où le capital et la connaissance peuvent se
rencontrer pour créer véritablement les produits du futur ;
il y a donc là tout un aspect très important.
En tenant compte de ces trois ruptures extrêmement importantes, il est
clair qu'il faut faire une stratégie, et la stratégie d'Europe se
base pour le moment sur 4 différentes décisions :
? la première, c'est une décision de cadre : je crois
qu'à Lisbonne, quand les chefs d'Etat et Premiers ministres ont fait la
déclaration extrêmement importante, révolutionnaire, de
dire : « nous voulons devenir une économie basée
sur la connaissance, parce que ce n'est pas tellement d'être la plus
dynamique et la plus compétitive qui est important, c'est le passage
d'une économie basée sur les ressources naturelles à une
économie basée sur la connaissance qui est
révolutionnaire » et immédiatement il faut poser le
cadre de la connaissance et de la nécessité d'être capable
de gérer la connaissance. Aujourd'hui, la gestion de la connaissance
devient extrêmement importante au niveau public comme au niveau
privé et toute la journée vous avez parlé de deux
thèmes, tant au niveau gouvernemental, public, qu'au niveau des
industries. Il faut gérer la connaissance.
Mais la gestion de la connaissance implique de l'éducation à la
compréhension des citoyens, via la formation, la recherche, la
production industrielle, l'innovation, tout ce que vous voulez, mais le
problème c'est que dans une vision d'ensemble, sans la capacité
de gérer la complexité et sans une coordination très
stricte, cela peut être fatal, parce qu'en faisant une erreur au niveau
de l'éducation vous pourrez annuler toutes les autres décisions
que vous avez prises et vice-versa.
Il y a donc un effort marqué à faire à ce niveau. Cela a
donc été la première décision prise et cette
décision n'a pas encore produit le fruit culturel que nous attendons,
parce que cela demanderait une cohérence dans l'utilisation de tous les
instruments nécessaires pour gérer la connaissance au niveau
régional, national, et communautaire. Rien qu'au niveau communautaire il
faudrait être capable d'utiliser la concurrence dans cet esprit, les
fonds structurels dans cet esprit, dans cet esprit encore tous les autres
instruments que nous avons. La même chose doit être faite
véritablement au niveau national ; donc cohérence, ceci
implique beaucoup de nouvelles décisions, et tout d'abord dans l'espace
européen de la recherche.
Ce n'est rien d'autre qu'une utilisation rationnelle des ressources que nous
avons aujourd'hui. Quand il y a 15 différents pays, 15 différents
systèmes, on ne peut pas en retirer de bénéfice. Si nous
sommes capables de considérer que nous avons un seul et unique
système, nous pouvons mettre ensemble les excellences.
Quant à l'objectif de 3 % du PIB dédié à la
recherche, je disais tout à l'heure au Sénateur
« rêve ou réalité, on verra, on verra si on est
plutôt du côté du rêve que de la
réalité.... »
M. Monnier
- Nous, nous sommes des industriels, donc nous aimons bien la
réalité !
M. Andreta
- Oui, mais vous savez que la commission dit que l'effort
doit être de 2 % pour l'industrie et 1 % pour le
gouvernement !
En ce qui concerne le programme-cadre, les éléments
véritablement importants sont les suivants :
? une très forte concentration sur des priorités
? une très forte intégration mais qui n'est pas simplement
l'intégration disciplinaire, mais de tous les acteurs, toute la
chaîne dont nous parlons, une intégration de toutes les
technologies, une intégration de toutes les actions, les actions de
recherche, y compris les actions qui complémentent la recherche, qui
font de la recherche un mini-programme qui peut arriver au marché.
Complémenter la recherche avec la diffusion de connaissances, avec les
standards, les normes, avec les spin off et tout le reste, y compris
probablement le capital risque, c'est très important et derrière
l'intégration, c'est l'intégration de tous les instruments
financiers qui existent au niveau européen. C'est très ambitieux.
C'est cela le concept de projet intégré, mettre ensemble et
intégrer tous les éléments que nous avons.
Au niveau des priorités, pour les industries de la
microélectronique, compte tenu de la rupture, il faut se rendre compte
qu'il y a une priorité traditionnelle qui vous assiste jusqu'au moment
de rupture. A partir de la rupture, il y en a une autre, qui est la
priorité n° 3 qui parle de nanosciences et de nanotechnologie
et de matériaux du futur, ce qui devrait nous permettre
déjà dès maintenant, avec un petit effort, d'utiliser pas
mal d'activités sur le front des nanosciences, parce que c'est là
que se trouve la véritable rupture.
Ce qui est très important dans ce programme, c'est que pour la
première fois ce sont des priorités du même programme, ce
qui signifie que les projets doivent être abordés avec une
approche totalement nouvelle, qui intègre tout, y compris les
différentes priorités, c'est-à-dire que ce serait une
erreur de faire un projet qui réponde strictement aux priorités
mais qui ne réponde pas à vos besoins.
Je crois qu'il faut mettre ensemble la masse critique, mettre ensemble tous les
problèmes, sans se demander si cela déborde d'une priorité
à une autre, ce qui est important c'est d'avoir les idées claires
sur ce qu'est le centre de gravité. C'est un procédé,
c'est un produit, c'est quelque chose auquel je dois répondre.
Je dirai que l'outil que nous avons mis à disposition est
extrêmement important. C'est vrai que les ressources ne sont pas
tellement importantes, mais peuvent permettre de résoudre un certain
nombre des problèmes qui ont été soulevés toute la
journée, masse critique, excellence, et intégration.
(
Applaudissements
)
M. Monnier
- Merci Monsieur Andreta.
Simplement, c'est très difficile d'apporter des éléments
complémentaires à cette table ronde, Monsieur le Sénateur,
donc je voudrais la clore. Je crois qu'il y a un certain nombre
d'éclairages qui ont été abordés et qui doivent
permettre d'enrichir en particulier votre rapport, qui est absolument
magnifique.
CONCLUSION DU COLLOQUE
M. Claude Saunier, sénateur
- Merci Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs, merci d'être patients, merci d'être si
nombreux après une journée qui a été tout de
même longue, riche, laborieuse.
J'en retiens deux ou trois idées simplement avant de passer à
quelques axes de propositions.
D'abord, au cours de cet échange, au cours de ces témoignages,
des échanges multiples qui ont pu intervenir au cours de la
journée, je n'ai pas entendu de remise en cause radicale des conclusions
du rapport que j'assume bien entendu, mais qui est un rapport collectif puisque
plus d'une centaine d'entre vous avez accepté de porter
témoignage, de donner des informations qui m'ont permis de
dégager quelques pistes. Donc je retiens pour l'essentiel effectivement
la confirmation d'un certain nombre de constats, la confirmation d'un certain
nombre d'hypothèses.
Je constate aussi qu'au cours de cette journée, s'il n'y a pas eu remise
en cause, il y a eu, comme vous le dites à l'instant, enrichissement
réel de notre approche, il y a eu confirmation de chiffres, il y a eu
apports nouveaux, il y a eu véritablement approfondissement des
thèses de ce rapport. Cela a tourné autour, me semble-t-il, de
deux ou trois idées. Je pense que vous y avez été
sensibles comme moi.
Au cours de toute cette journée, sans arrêt, nous avons fait
référence à la mondialisation. On parle beaucoup de
mondialisation, parfois à tort et à travers, mais très
concrètement au travers de votre expérience de chercheurs, au
travers de votre expérience d'industriels, dans le secteur qui est le
vôtre, celui de la haute technologie, de la très haute
technologie, vous nous avez apporté la confirmation que la
mondialisation n'était pas seulement un thème de débats
d'intellectuels ou d'hommes politiques à la recherche de quelque chose
qui peut intéresser l'opinion publique, c'est effectivement la dimension
de l'action, de votre action concrète.
Deuxième élément que j'ai retiré, que j'avais bien
senti au cours des contacts que nous avions eus les uns et les autres :
c'est la fabuleuse accélération de l'histoire. Bien entendu, on a
évoqué la loi de Moore, mais même la loi de Moore, qui est
quelque chose de relativement terrifiant pour des industriels comme vous
puisqu'ils ont à concevoir de nouveaux produits, concevoir de nouveaux
concepts de production tous les dix huit mois, même cette loi de Moore,
vous l'avez dit à plusieurs reprises, s'accélère. Les
choses vont encore plus vite.
Il y a une sorte d'emballement et ce que je retiendrai moi aussi dans cette
accélération de l'histoire, c'est la difficulté la plus
grande que nous avons, les uns et les autres, à la fois en tant que
producteurs, en tant que concepteurs, mais aussi en tant qu'utilisateurs de
suivre cet emballement des nouvelles technologies, des nouveaux produits, des
nouveaux concepts qui sont derrière cet emballement de la
microélectronique.
Avec parfois effectivement des risques de décrochage, et ce que nous
vivons, ce que vous vivez aujourd'hui, depuis quelques mois, au travers de
votre secteur, est caractérisé, nous le savons bien, depuis
plusieurs années, depuis trente ans, à la fois par une croissance
générale mais aussi par des cycles qui, les uns et les autres
s'expliquaient, sauf qu'aujourd'hui le cycle est beaucoup plus profond et qu'il
est beaucoup plus long et généré par quelque chose que
nous n'avions pas anticipé, c'est-à-dire la rupture dans l'usage
de l'UMTS, il y avait un rendez-vous, il n'est pas là, les usages ne
sont pas là, le marché est en décrochage et cela a des
conséquences effectivement sur l'ensemble de la filière.
Derrière, les choses sont claires jusqu'à présent, puisque
nous vivons, vous vivez les uns et les autres, sur un schéma qui est
l'exploitation de la filière silicium. Très bien.
On sait, maintenant, avec certitude, que cette filière va avoir encore
de très beaux développements et qu'elle va apporter de nouveaux
services, qu'elle va déboucher sur de nouveaux usages simplement par
l'approfondissement des technologies qui sont maîtrisées mais dans
trois, dans quatre, dans cinq ou six ans, ou dans dix ans peut-être - je
vais être un peu plus optimiste que M. Andreta - peut-être quinze
ans, il y aura effectivement une rupture.
Je ne veux pas du tout faire un discours catastrophiste, je pense qu'il y aura
rupture technologique - mais cette rupture est déjà en germe - et
qu'il y aura lissage des technologies, interpénétration de ces
technologies, les unes dans les autres. Néanmoins, à un moment ou
un autre, ce qui a fonctionné depuis trente ans devra être
radicalement revu, ce sera dans une dizaine d'années.
Raison de plus pour se préparer à cette rupture-là, le
plus tôt possible, ce sera indispensable. Comment s'y
préparer ?
Eh bien, il n'y a pas d'autre solution que ce que vous avez dit, les uns et les
autres, au cours de la dernière table ronde et au cours de toute la
journée, il n'y a pas d'autre solution que la nécessité
d'une action collective qui réunisse les pouvoirs publics et qui
réunisse les acteurs de terrain, bien entendu les chercheurs, mais aussi
les industriels, capables de définir des objectifs communs et capables
de s'engager dans des actions communes.
Cette perspective-là m'a conduit à retenir un certain nombre de
propositions qui ont fait l'objet avant-hier soir d'une validation par l'Office
parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. Je
présente neuf propositions. Elles ne balayent pas tout ce que vous
espérez, elles ne balayent pas tout ce que nous pouvons imaginer comme
réponses à des questions qui sont d'une infinie
complexité, mais elles commencent à poser un certain nombre de
jalons, autour de la nécessité d'améliorer
l'efficacité collective de notre dispositif, autour de la
nécessité de nous pencher sur une nouvelle approche plus
pragmatique, plus souple de la formation, autour de la nécessité,
dans les dispositifs fiscaux, de tenir compte de cette réalité
dont nous avons tellement parlé au cours de toute la journée,
à savoir que nous sommes, vous êtes, Mesdames, Messieurs, en
concurrence avec d'autres secteurs du monde, avec d'autres Etats qui
obéissent à d'autres règles et qu'en réalité
il n'y a à l'échelle du monde, si j'ai bien compris, aucune
règle véritable et que chacun tire au mieux, développe au
mieux des intérêts de son propre territoire.
On s'appuie sur l'exemple de Taïwan et on s'appuie sur l'exemple
américain qui, dans d'autres secteurs, montre quand même que sa
priorité principale c'est la défense des intérêts
américains d'abord, avant d'autres considérations.
C'est ce qui m'a conduit donc à ces propositions que j'énonce
très rapidement, vous me pardonnerez, je vois l'heure, je ne vais pas
vous infliger un exposé trop long.
?
La première nécessité
, me semble-t-il - vous
l'avez dit les uns et les autres -
est de fixer des objectifs
et il y a
un dispositif dans nos habitudes administratives en France. Pourquoi fixer des
objectifs ? Fixer des objectifs non pas à long terme mais au moins
à moyen terme c'est-à-dire sur trois, quatre, mettons cinq ans,
et la réponse à la nécessité de fixer des objectifs
communs et de définir un horizon sur 4 ou 5 ans c'est la proposition de
l'élaboration d'une loi programme faisant l'objet d'un grand
débat avec des professionnels, avec des partenaires etc., mais au moins
le chemin est tracé.
Et puis après, la loi programme donne la stratégie et ensuite on
ajuste.
?
Deuxième proposition, la coordination des acteurs.
Très
concrètement, je pense que même si on l'a souligné à
plusieurs reprises, globalement, ce secteur industriel fonctionne assez bien,
globalement il y a du partenariat entre les industriels, et il y a
également du partenariat entre les industriels et les services de l'Etat
et aussi entre les industriels, les chercheurs et l'université. Mais il
faut aller plus loin, il faut institutionnaliser, il faut organiser ce
partenariat.
Je propose la création d'un Conseil supérieur de la politique
scientifique et technologique qui permettra effectivement, de façon
régulière, d'organiser des rendez-vous.
En ce qui concerne la filière elle-même, je crois que tous les ans
ou tous les deux ans, parce que les choses bougent, un rendez-vous s'impose,
non pas de ce type-là, mais un rendez-vous qui permettra à tous
ceux et à toutes celles qui sont sur le terrain de se retrouver pour
ajuster le tir et pour rectifier éventuellement les objectifs si besoin
était.
?
Troisième proposition
, et là cela a été
dit et redit à plusieurs reprises, les chiffres sont maintenant au terme
de cette journée parfaitement établis.
L'ordre de grandeur, on l'a, il est de 40-50 millions d'euros pour la France,
de l'ordre de 150 millions d'euros pour l'Allemagne, de 450 millions d'euros
pour le Japon et de 2 milliards de dollars pour les Etats-Unis,
comme
soutien à la microélectronique et aux nanotechnoloiges
. Je
crois, comme cela a été dit par M. Andreta il y a quelques
instants, que ni la France, ni l'Europe, n'échapperont à la
nécessité d'un engagement de moyens à la hauteur des
enjeux.
J'ai une proposition concrète, car quand on pose cette question au
niveau européen on se heurte, comme en France on se heurte aux
règles de Bercy, au Pacte de stabilité. Or, nous ne sommes pas
dans le même horizon. Quand on parle de recherche on est dans un horizon
qui s'inscrit sur dix ou quinze ans et je crois qu'il n'est pas raisonnable de
mélanger des engagements financiers qui ont comme horizon dix ou quinze
ans et des engagements à court terme et des obligations à court
terme qui sont liés aux marchés monétaires internationaux.
C'est la raison pour laquelle je pense qu'il serait utile de
réfléchir au fait qu'on devrait permettre aux Etats de retirer
des déficits publics ce qui est affecté à la recherche,
pour le calcul du pacte de stabilité.
Voilà une proposition très concrète qui donnerait aux uns
et aux autres un peu de mou, un peu de souplesse.
Au niveau français comme au niveau européen, il y a quelques mois
on a évoqué la perspective de la nécessité d'un
engagement à hauteur de 3 % du PIB consacrés à la
recherche, on sait que nous sommes dans une période où
effectivement les choses évoluent, on sait que l'avenir de ce pays,
l'avenir de ce continent passent par la maîtrise de l'intelligence et la
capacité d'inventer, nous n'échapperons pas, sauf à
prendre le risque d'un déclin qui sera en effet durable et
irrémédiable, à la réalisation dans des
délais raisonnables, on a donné l'horizon de 2010 - si c'est
avant, c'est tant mieux -, mais nous n'échapperons pas en tant que
Français et en tant qu'Européens à la
nécessité d'engager effectivement au moins 3 % de notre PIB
sur la recherche.
C'est une question de survie pour nous.
?
Quatrième proposition, soutenir l'ensemble de la
filière
. Les uns et les autres, à plusieurs reprises vous
avez insisté sur le fait qu'il s'agit bien d'une filière, qu'il y
a un chaînage étroit entre la recherche fondamentale, la recherche
appliquée, la découverte de nouveaux process de fabrication,
qu'il y a une véritable intégration, eh bien nous devons tenir
compte de cette réalité, tenir compte de cette
spécificité et engager tous les échelons de la
filière, je le dis clairement, y compris les échelons
s'appliquant à la recherche fondamentale.
Lorsqu'on voit tel ou tel laboratoire qui travaille sur la physique quantique
et qui travaille sur un des secteurs qui sera peut-être porteur dans
quinze ans ou vingt ans, ou peut-être pas du tout, si nous ne mettons pas
maintenant les quelques millions d'euros dont ces équipes très
restreintes ont besoin pour s'inscrire dans la compétition
internationale, nous condamnons notre pays, nous condamnons l'Europe, dans dix
ou dans quinze ans, parce qu'ils seront hors circuit. Il faut avoir le courage
de mettre de l'argent, y compris dans des recherches aujourd'hui perçues
comme aléatoires mais qui conditionnent effectivement notre avenir.
Ce matin, j'ai dit à M. Schmidt que parmi ces efforts à
faire, il fallait définir une politique spécifique
vis-à-vis des équipementiers. On le voit bien, c'est aussi une
des conditions d'une certaine indépendance, en tout cas d'une
capacité d'autonomie de la France ou de l'Europe par rapport à
des intérêts qui ne sont pas forcément convergents avec nos
propres intérêts locaux.
?
Cinquième proposition
, et je m'adresse en particulier à
des intervenants qui ont une très bonne connaissance de la dimension
européenne, je crois qu'il faudra que nous sachions
adapter la
réglementation européenne
.
Lui donner un peu plus de souplesse, gérer mieux les délais dans
un secteur comme le vôtre qui est caractérisé par la
capacité de réagir immédiatement, j'allais dire en
quelques semaines, on ne peut pas accepter que les procédures
administratives se comptent en mois, quand je dis en mois c'est plutôt en
semestres, quand ce n'est pas en années.
Donc, raccourcir les délais me semble indispensable. De même qu'il
faudra qu'il y ait un accord politique au niveau de la Commission
européenne pour que le volontarisme exprimé par votre Direction,
Monsieur, ne se heurte pas à des règles définissant les
conditions de la concurrence intracommunautaire et qu'on n'oppose pas des
interdictions à telle Direction d'apporter un concours financier, sous
prétexte que ce concours financier créerait des distorsions de
concurrence à l'intérieur même de l'espace européen.
Les Taïwanais ne nous attendent pas, et les Américains encore
moins, il va falloir prendre conscience de ces données-là.
?
Sixième proposition
, je ne l'évoque que pour
mémoire, mais elle me semble indispensable, elle s'adresse en
particulier aux universitaires. Je crois qu'il faudra que nous
intégrions l'idée que la filière industrielle que vous
représentez soit caractérisée par la
pluridisciplinarité
, par la
convergence des disciplines
et
il faudra donc que nous sachions réfléchir effectivement au
niveau de la formation
à donner à ces jeunes qui
rentreront dans les laboratoires, dans les centres de recherche, cette
capacité de s'adapter et cette capacité de s'ouvrir, cette
capacité à intégrer les apports de la biologie, voire des
sciences humaines.
Une intervention de ce matin nous a montré que nous aurions le plus
grand intérêt à être attentifs, y compris à ce
que peuvent nous apporter les sciences humaines, la sociologie et la
psychologie. Décloisonner donc les disciplines.
?
Septième proposition
, je l'ai évoquée
déjà, j'y reviens très rapidement : il me semble
indispensable, compte tenu du caractère spécifique de votre
secteur, de
revoir le cadre fiscal
.
Pour tout vous dire, je ne suis pas véritablement un fanatique de la
réduction d'impôts. J'ai vu à cet instant, aujourd'hui
même, dans un journal du soir qui généralement fait
autorité, que l'un des personnages qui a le plus façonné
probablement le paysage économique, mondial de ces dernières
décennies, je veux parler de M. Milton Friedman, évoque le
fait que, pour les Etats, moins d'impôts c'est moins de projets et moins
de volonté d'agir.
Néanmoins, à partir du moment où effectivement nous
sommes, comme nous le savons, dans un champ délibérément
international, mondial, nous ne pouvons pas ne pas tenir compte des conditions
objectives réelles de la concurrence.
Effectivement, nous devrons, compte tenu de la spécificité de
votre industrie, imaginer d'autres formes de fiscalité
spécialement adaptée, pas seulement pour faire plaisir, Monsieur
le Président Faure, aux industriels que vous représentez - ce ne
serait pas ma volonté première - mais parce que derrière
c'est l'ensemble de l'économie et ce sont des dizaines et des centaines
de milliers d'emplois qui en dépendent.
Il faut donc que nous donnions à ces outils industriels les moyens de
jouer leur rôle, de prendre leur place et donc il faut que nous revoyions
les règles de la taxe professionnelle, de même qu'il faut que nous
revoyions, à la marge ou de façon radicale, un certain nombre de
dispositions de caractère fiscal ou parafiscal sur le financement de la
recherche, à l'évidence, et sur les crédits, et les
crédits formation. On a eu suffisamment d'exemples, qui montrent cette
nécessité, qui nous viennent d'ailleurs.
? J'évoquais la
connaissance
, c'est
l'avant-dernière de
mes propositions
, la proposition n° 8. Je crois qu'il est
indispensable, j'irai très vite parce que c'est tellement
prégnant et au coeur de vos préoccupations, de
moderniser la
gestion de la connaissance
.
Je n'en dis pas beaucoup plus, je l'ai déjà évoqué,
décloisonner, donner un coup d'accélérateur aux vocations
scientifiques. Cela ne se décrète pas mais cela se construit. Je
voudrais dire quand même que c'est un de nos grands atouts à
l'extérieur, vous le savez, on reconnaît à l'Europe, on
reconnaît en particulier à la France, ce grand, cet immense atout
d'avoir effectivement un vivier de jeunes, un vivier de jeunes
étudiants, un vivier de chercheurs de très grande qualité.
Il faut savoir préserver cet atout et le valoriser, y compris par un
certain nombre d'autres dispositions concrètes dont j'ai parlé.
?
la dernière proposition
, je l'ai gardée pour la fin mais
c'est vraiment le hasard, je me demande s'il ne serait pas temps de
réfléchir à un
nouveau type de financement de certains
aspects de la recherche.
J'observe que dans d'autres pays du Monde, je pense en particulier aux pays
anglo-saxons, on a trouvé en revoyant le paysage de la fiscalité,
en particulier l'impôt sur l'héritage, l'impôt sur les
fortunes, des moyens d'orienter une partie des ressources vers des sources de
financement qui peuvent déboucher sur des leviers nouveaux en
matière de formation et en matière de découverte.
Je pense aux fondations. Je crois qu'il faudrait que nous ayons le courage
d'ouvrir ce dossier-là, sans a priori, mais en se disant
qu'effectivement si des gens que la vie et les circonstances ont dotés
de grandes fortunes ont la passion de certains métiers ou de certaines
disciplines, ou la passion de soutenir l'avenir du pays qui les a vu
naître, se développer, et vivre, eh bien il faut leur permettre
aussi de mettre l'argent qu'ils ont gagné au service de cette passion et
au service de ce pays.
Voilà les quelques propositions que je compte transmettre aux
autorités ministérielles et je vous remercie de votre attention.
(
Applaudissements
)
Le programme prévoyait, prévoit un échange, y compris sur
certaines de ces propositions....
M. Monnier
- C'est une petite réflexion que nous avions autour de
la table ronde, votre résumé est tellement clair, tellement
synergique avec ce que nous pensons, qu'il est certainement très
difficile d'avoir des questions. De mon côté, ce sera difficile de
vous interroger.
M. Claude Saunier, sénateur
- Monsieur Monnier, ce n'était
pas délibéré !
En tout cas, je vous remercie de vos propos. Je vous remercie de votre
attention. Je vous remercie de ce qu'un grand nombre d'entre vous avez
apporté.
Le rapport que j'ai l'honneur de signer, c'est votre rapport, c'est votre outil
et je voudrais vous en remercier.
(
Applaudissements
)
(
La séance est levée à 18 heures
).
Depuis plus de trente ans, la microélectronique a porté une
grande part de la croissance de l'économie mondiale ; elle a
irrigué notre quotidien d'objets nouveaux : ordinateurs,
téléphones portables, lecteurs de DVD, etc., qui ont
profondément modifié nos usages sociaux.
Les microsystèmes qui y sont, dès à présent,
associés et les futurs nanosystèmes vont encore accroître
le rôle de ce secteur.
Il s'agit donc d'une chance à saisir.
Dans la compétition mondiale qui s'annonce sur ces marchés
essentiels, les principaux concurrents de la France et de l'Europe font preuve
d'un volontarisme d'État qui contraste avec la timidité de nos
propres réponses.
C'est pourquoi Claude Saunier, tirant les leçons du constat
effectué dans cette étude, avance des propositions permettant de
soutenir nos filières de haute technologie, dont dépend, en
définitive, notre avenir économique.
Ces propositions ont été débattues à l'occasion
d'un colloque, tenu le 23 janvier 2003 au Sénat, dont les
actes sont publiés dans ce volume.