B. UNE SOLUTION ORIGINALE EN RÉPONSE À LA CONSTITUTION D'UNE DETTE SOCIALE

1. Une partie intégrante du plan Juppé pour la sauvegarde de la sécurité sociale

Quarante ans après sa création, les acquis de la sécurité sociale se trouvaient désormais menacés par la gravité extrême de sa situation financière.

Aussi, à l'automne 1995, le gouvernement d'Alain Juppé annonçait la mise en place d'un plan de sauvegarde ambitieux devant être mis en oeuvre au moyen de cinq ordonnances.

Cette réforme s'est en outre traduite par la mise en place d'un outil nouveau : la révision constitutionnelle du 22 janvier 1996 a en effet introduit le principe d'un débat et d'un vote du Parlement sur le financement de la sécurité sociale.

Les deux premières de ces ordonnances avaient trait au refinancement de la sécurité sociale : la première était consacrée au traitement de la dette, par la création de la CADES, la seconde aux mesures de rééquilibrage financier entrant en vigueur dès le 1 er janvier 1996.

Au printemps 1996, trois nouvelles ordonnances viendront réformer :

- l'organisation du fonctionnement des institutions, régimes et branches ;

- l'hôpital afin de redéfinir l'organisation, les modalités de financement, d'évaluation et de contrôle des établissements de santé ;

- la maîtrise des dépenses de médecine de ville, par la mise en oeuvre de mécanismes de responsabilisation de l'ensemble des acteurs du système de soins.

Au total, ni la création de la CADES, ni l'apport de ressources nouvelles à la sécurité sociale, n'ont été conçus comme des efforts sans contrepartie. Ils n'étaient, dès l'origine, que la partie d'un plan global tendant à refonder la sécurité sociale à la fois en la dotant de recettes cohérentes et en en assurant la maîtrise de ses charges.


Les mesures financières de sauvegarde du plan Juppé

Elles visaient, d'une part, à apurer la dette cumulée du régime général, d'autre part, à engager un rééquilibrage des trois branches déficitaires :

la reprise de la dette accumulée par le régime général a été assurée par un établissement public créé à cet effet, la caisse d'amortissement de la dette sociale financée par l'instauration d'une contribution pour le remboursement de la dette sociale au taux de 0,5 %, permettant dans le même temps de libérer le fonds de solidarité vieillesse des charges liées à la prise en charge de la dette de 110 milliards accumulée à fin 1993 ;

le rééquilibrage de la branche retraite a été entrepris au moyen de la prise en charge par le fonds de solidarité vieillesse de dépenses de solidarité incombant au régime général, à hauteur de 11 milliards de francs, à quoi s'ajoutaient la limitation à 2 % de la revalorisation des pensions au 1 er janvier 1996 (0,5 milliard) et l'harmonisation des prises en compte de durée d'activité des polypensionnés (0,2 milliard) ;

le rééquilibrage de la branche famille comportait l'extension de l'assiette de la CSG en 1997, la non-revalorisation des prestations familiales en 1996 (2,6 milliards de francs), l'harmonisation des conditions d'attribution de certaines prestations familiales et des aides au logement (2,4 milliards au total), le transfert à la CNAF de la gestion des prestations servies à leurs agents par l'Etat et les entreprises publiques (0,7 milliard) et l'imposition des prestations des allocations familiales à compter de 1997, ensuite abandonnée ;

le rééquilibrage de la branche maladie incluait la limitation de l'évolution des dépenses d'hospitalisation et de médecine de ville à celle des prix en 1996 et en 1997 (3,3 milliards), une contribution exceptionnelle des laboratoires pharmaceutiques (2,5 milliards) et d'autre part des médecins (suspension partielle en 1996 de la prise en charge des cotisations familiales des médecins du secteur I (0,4 milliard), affiliation des médecins du secteur II au régime général pour leur assurance maladie (1,4 milliard), et l'harmonisation progressive des cotisations maladie sur les revenus de remplacement avec les cotisations des actifs par une hausse de 1,2 point du taux en 1996 puis en 1997 (7,1 milliards en 1996) ;

en outre, une réduction des dépenses de gestion était demandée aux caisses de sécurité sociale (1,5 milliard en 1996).

2. La création de la CADES : une expression de l'autonomisation de la sécurité sociale

Créée par l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996, la CADES n'a pu être effectivement mise en place qu'au mois d'avril de la même année.

Au terme du plan initial, la caisse disposait d'une durée de 13 ans et un mois pour apurer un certain nombre de dettes de la sécurité sociale au moyen de recettes nouvelles.

Au titre de son passif , il lui était confié une triple mission de refinancement :

- apurer, d'une part, la dette de 137 milliards de francs du régime général, comprenant 120 milliards de francs dus au titre du financement des déficits des exercices 1994 et 1995, auxquels ont été ajoutés 17 milliards de francs au titre du déficit prévisionnel de 1996, afin que le régime général puisse entamer l'année avec un certain volume de liquidités ;

Les bénéficiaires 4 ( * ) de la reprise de dette par la CADES

Source : arrêté du 26 décembre 1996

- verser une soulte de 12,5 milliards de francs par an à l'État, pendant 12 ans, au titre du remboursement de la dette de 110 milliards ancienne de l'ACOSS déjà mentionnée, reprise par l'État, puis confiée pour amortissement au fond de solidarité vieillesse ;

- verser un montant unique de 3 milliards de francs à la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs non-salariés des professions non agricoles, la CANAM, pour couvrir ses déficits 1995 et 1996.

Au titre de l'actif , la caisse pouvait compter sur plusieurs recettes, la plus notable étant la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) créée à cet effet, mais également des recettes de nature immobilière et du reversement conditionnel par l'assurance maladie des remboursements de ses créances sur les organismes étrangers de sécurité sociale.


Les recettes de la CADES hors CRDS et emprunt

- Les recettes immobilières (428 millions d'euros)

L'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 instituant la CADES lui a affecté, en plus de la CRDS, le produit de « la vente du patrimoine privé à usage locatif des caisses nationales du régime général de la sécurité sociale et de l'ACOSS, à l'exclusion des locaux affectés à un usage administratif. La partie de ce patrimoine qui ne sera pas vendue à la date du 31 décembre 1999 sera transférée à la CADES ainsi que les droits et obligations qui y sont rattachés... Pour la gestion ou la vente de ce patrimoine, la CADES peut faire appel à tous les services ou organismes habilités à cet effet. La cession intégrale de ce patrimoine devra intervenir au plus tard au 31 décembre 2008 ».

- Créances étrangères de la CNAM (0 euro tant que la CNAM sera en déficit)

Il est prévu par l'article 6 II. De l'ordonnance n° 96-50 créant la CADES que la CNAMTS lui reverse « les sommes correspondant aux remboursements se rapportant aux créances afférentes à des prestations liquidées avant le 31 décembre 1995, effectués en application des règlements communautaires n° 1408-71 et n°574-72 de coordination des régimes nationaux de sécurité sociale et des accords bilatéraux de sécurité sociale et centralisés par le Centre de sécurité sociale des travailleurs migrants pour le compte de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés. Ce décret pourra prévoir que ne donnent pas lieu à reversement les remboursements intervenus avant une date qu'il fixera et qui ne pourra être postérieure au 31 décembre 1997. »

L'article 14 du décret du 26 avril 1996 a fixé cette date au 31 décembre 1997. Le même article précise dans un deuxième alinéa : « les reversements prévus à l'alinéa précédent ne sauraient avoir pour effet d'entraîner un déficit ou d'aggraver un déficit de la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés. »

Le président de la CADES demande chaque année au directeur de la CNAMTS le montant des sommes qui devraient être versées à sa caisse au titre des articles ci-dessus.

La CNAMTS a indiqué avoir perçu, au titre de 1998 et 1999, 170,5 millions d'euros et au titre de 2000 et 2001, 45,6 millions d'euros. Compte tenu des déficits de la CNAMTS en 1998, 1999, 2000 et 2001, ces montants ne sont pas reversés à la CADES.

Plusieurs raisons fortes légitimaient le choix de créer cet établissement public :

- le poids désormais insupportable des déficits sociaux pour le budget de l'État. Rédigé à la demande du Premier ministre en 1994, le rapport du Commissariat au plan sur le financement de la protection sociale précisait qu'en raison de la progression très rapide depuis le début des années 90 du niveau d'endettement de l'État, « la situation des comptes de celui-ci ne permettait plus aucun transfert » . Une solution devait donc être trouvée au sein de la sécurité sociale ;

- cette solution avait en outre une vertu pédagogique que n'aurait sans doute pas eue la consolidation de la dette sociale avec la dette de l'État. Elle permettait ainsi à chaque contribuable d'identifier clairement que le paiement de la CRDS était la contrepartie d'une réalité, « le trou de la sécurité sociale » ;

- elle s'inscrivait naturellement dans le cadre du plan Juppé consacrant l'autonomie du champ des finances sociales par rapport à la tutelle du budget de l'État. Dans ce cadre, il appartenait donc à la sécurité sociale de faire face, par une recette sociale, à ses propres déficits ; ainsi, chaque année, figurerait en annexe du projet de loi de financement de la sécurité sociale, l'évolution de l'amortissement de la dette afin que l'équilibre voté dans ces lois ne soit pas construit dans l'oubli des dettes passées ;

- elle préservait enfin un affichage vertueux , que la création d'un service d'amortissement au sein même de l'ACOSS aurait nécessairement contredit, stigmatisant l'entrée de la sécurité sociale, à l'instar de l'État, dans une ère de déficit permanent ; le choix d'une structure ad hoc et transitoire avait donc aussi pour fonction d'afficher un refus définitif de la dérive jusqu'alors constatée des comptes sociaux .

* 4 Le I de l'article 10 de l'ordonnance avait prévu que les sommes correspondant au remboursement par la CADES du prêt consenti à l'ACOSS par la CDC seraient réparties « entre les fonds nationaux (...) dotés d'un compte de report à nouveau négatif aux bilans arrêtés au 31/12/1975 », au prorata de ces montants.

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