IV. L'AVENIR DE LA CADES : LA TENTATION D'UNE FUITE EN AVANT

A. LA RÉOUVERTURE DE 1998 : LA PREMIÈRE ENTORSE

1. Une situation non rétablie

A la fin de l'année 1997, malgré les mesures prises l'année précédente par le gouvernement Juppé, la situation financière de la sécurité sociale n'est toujours pas rétablie.

Résultats du régime général 12 ( * )

1995

1996

1997

1998

En milliards de francs

- 64

-50

-30

- 16

En milliards d'euros

- 9,76

- 7,62

- 4,57

- 2,44

Faisant jouer la clause d'inventaire, et désireux de partir sur des bases apurées, le nouveau gouvernement élu au printemps 1997 a décidé de rouvrir la CADES afin de mettre à sa charge pour 87 milliards de francs de dettes supplémentaires correspondant, pour 60 milliards de francs, aux dettes des exercices 1996 et 1997, et pour 12 milliards de francs de déficits prévisionnels au titre de l'exercice 1998.

Réouverture de la CADES : reprise de 87 milliards de dettes

Source : arrêté du 28 décembre 1998

En contrepartie, la durée de vie de la CADES, et de perception de la CRDS, est prolongée de 5 ans, jusqu'en 2014.

2. Une entorse aux principes

Cette mesure a constitué une double entorse aux principes légitimant la CADES :

- elle fragilisait profondément la Caisse en tant que « entité fermée ». S'il était possible, pour une raison légitime, de toucher aux recettes et aux dépenses de cette Caisse, alors nécessairement d'autres ajustements pourraient être envisagés les années suivantes. Ainsi qu'il a été exposé ci-dessus, cette réouverture a conduit, indirectement, au dévoiement de la caisse car comme le dit l'adage : «  il n'y a que le premier pas qui compte » ;

- elle ne respectait pas les principes initiaux en ce qu'elle ne proposait aucune mesure d'ordre structurel permettant de juguler les déficits sociaux, hormis l'inacceptable mise sous condition de ressources des allocations familiales. En ne l'accompagnant d'aucun plan cohérent et efficace visant à encadrer les dépenses de l'assurance maladie, la reprise de la dette des exercices 1996,1997 et pour partie 1998, était vouée à l'échec et ne pouvait prétendre qu'à un gain provisoire d'affichage politique.

Cette absence de plan de maîtrise structurelle des dépenses explique très largement que la situation actuelle du régime général, et notamment de l'assurance maladie, soit d'un point de vue financier sensiblement comparable à la situation d'alors.

B. L'ÉTAT DES COMPTES SOCIAUX : L'HYPOTHÈQUE D'UN NOUVEAU DÉFICIT

1. Des comptes jamais véritablement rétablis

L'évolution des soldes du régime général fait apparaître qu'il n'y a jamais eu, sur longue période, de rétablissement des comptes sociaux. Si une croissance élevée du PIB peut bonifier ces soldes - avec un an de décalage - dans des proportions significatives, ils ne permettent :

- ni d'assurer l'équilibre de l'assurance maladie ;

- ni de constituer, en apparence, des excédents suffisants pour affronter les périodes de ralentissement économique.

1997

1998

1999

2000

2001

2002*

2003*

Solde RG (en milliards d'euros)

- 4,57

- 2,44

0,5

0,7

1,1

- 4

- 6,2 13 ( * )

Taux de croissance du PIB

1,9

3,4

3,2

3,8

1,8

1

1,3

*Estimations

En apparence donc, l'équation posée aujourd'hui au Gouvernement semble sensiblement identique à celles rencontrées en leur temps par les gouvernements Balladur, Juppé et Jospin.

1990-2004 : vers 65 milliards d'euros de dettes cumulées ?

En une quinzaine d'années, la sécurité sociale aurait réalisé, si les prévisions annoncées se confirmaient, plus de 65 milliards d'euros de déficits, (430 milliards de francs). Le régime général a réalisé un déficit annuel moyen, sur cette période, de 4,6 milliards d'euros (30 milliards de francs).

2. Des caractéristiques particulières

En réalité, la dette à laquelle est aujourd'hui confrontée la sécurité sociale présente deux caractéristiques particulières qui intéressent la CADES dès lors qu'une reprise de dette pourrait être évoquée :

- la structure de la dette creusée entre 1998 et 2003 est dissemblable des dettes précédentes, en ce qu'elle ne concerne que l'assurance maladie . Les dettes prises en charge par la CADES au cours des exercices précédents l'avaient été au bénéfice des trois branches de la sécurité sociale ;

- cette dette est imputable en partie à l'effet FOREC , c'est-à-dire au non-respect par l'État des dispositions garantissant à la sécurité sociale que celui-ci compense l'intégralité des exonérations de charges qu'il décide.

* 12 Les comptes 1996 et 1998 ne tiennent pas compte des reprises des déficits prévisionnels de ces deux exercices lors des transferts de dettes à la CADES.

* 13 Cette estimation a été avancée par M. Jean-François Mattei dernièrement. Elle est fondée sur l'hypothèse d'un déficit de recettes (- 2,3 milliards d'euros) et ne retient pas en l'état celle d'un dérapage des dépenses.

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