N° 250

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003

Annexe au procès-verbal de la séance du 9 avril 2003

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur les Actes du Colloque « Tourisme et métiers d'art »,

Par M. Bernard JOLY,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Gérard Larcher, président ; MM. Jean-Paul Emorine, Marcel Deneux, Gérard César, Pierre Hérisson, Bernard Piras, Mme Odette Terrade, vice-présidents ; MM. Bernard Joly, Jean-Paul Émin, Patrick Lassourd, Jean-Marc Pastor, secrétaires ; MM. Jean-Paul Alduy, Pierre André, Philippe Arnaud, Gérard Bailly, Bernard Barraux, Mme Marie-France Beaufils, MM. Michel Bécot, Jean-Pierre Bel, Jacques Bellanger, Jean Besson, Claude Biwer, Jean Bizet, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Dominique Braye, Marcel-Pierre Cleach, Yves Coquelle, Gérard Cornu, Roland Courtaud, Philippe Darniche, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, Yves Detraigne, Mme Evelyne Didier, MM. Michel Doublet, Bernard Dussaut, Hilaire Flandre, François Fortassin, Alain Fouché, Christian Gaudin, Mme Gisèle Gautier, MM. Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Charles Guené, Mme Odette Herviaux, MM. Alain Journet, Joseph Kergueris, Gérard Le Cam, Jean-François Le Grand, André Lejeune, Philippe Leroy, Jean-Yves Mano, Max Marest, Jean Louis Masson, Serge Mathieu, René Monory, Paul Natali, Jean Pépin, Daniel Percheron, Ladislas Poniatowski, Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Charles Revet, Henri Revol, Roger Rinchet, Claude Saunier, Bruno Sido, Daniel Soulage, Michel Teston, Pierre-Yvon Trémel, André Trillard, Jean-Pierre Vial.

Tourisme et loisirs.

INTERVENTION DE M. GÉRARD LARCHER,
PRÉSIDENT DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

Monsieur le Ministre,

Chers Collègues,

Monsieur le Président,

Mesdames, Messieurs,

A l'initiative de mon collègue et ami Bernard Joly, sénateur de la Haute-Saône et représentant du Sénat au Conseil national du tourisme, vous êtes réunis aujourd'hui pour débattre des relations entre le tourisme et les métiers d'art. Avant toute chose, je souhaite vous souhaiter la bienvenue, et vous dire le plaisir que Bernard Joly et moi-même avons de vous accueillir au Palais du Luxembourg. Puis-je rappeler, à cet égard, ce que la beauté et la richesse patrimoniale de ce palais national et du mobilier qu'il abrite doivent à tous les artisans qui les entretiennent et les restaurent ?

Car, au-delà de cette salle ultramoderne qui doit peu, je le concède, aux métiers d'art, il y a au Sénat, vous le savez, des plafonds peints, des boiseries - en particulier dans la salle des séances - des tapisseries, des meubles, des tapis, des tableaux, etc., qui datent de plusieurs siècles et qui conservent leur beauté, et leur fraîcheur, grâce au savoir-faire, au talent, à l'amour du métier de centaines d'artisans et d'artistes de tous les secteurs. Qu'ils en soient ici publiquement remerciés.

Si le lieu de cette rencontre est ainsi parfaitement adapté à son sujet, son moment ne l'est pas moins. En effet, depuis quelques jours, le Jardin du Luxembourg, que visitent chaque année des milliers de touristes français et étrangers, accueille les sculptures monumentales réalisées par cet artiste du métal qu'est devenu Jean-Pierre Rives, après avoir longtemps été celui du ballon ovale. Dans l'une et l'autre de ces spécialités, il a su déployer ses talents pour notre plus grand bonheur. Cette exposition s'est ouverte à la veille de vos travaux, puisque son vernissage a eu lieu, sous la Haute autorité du Président Poncelet, il y a deux jours.

Mais la présente journée de réflexion et d'échanges inaugure elle-même, d'une certaine façon, les Journées des Métiers d'Art qui, dans vingt-deux régions françaises, vont avoir lieu demain et le week-end prochain. Pendant trois jours, nos compatriotes et les touristes étrangers qui visitent notre pays seront invités à la rencontre de plus de trois mille artisans d'art, qui ouvriront leurs ateliers sur tout le territoire pour présenter leur savoir-faire, expliquer leurs techniques et faire découvrir la richesse de leurs réalisations. Je salue cette initiative bienvenue, à laquelle je souhaite un succès populaire aussi manifeste et durable que celui des Journées du Patrimoine.

Vos travaux vont donc s'inscrire dans des conditions d'espace et de temps dignes des meilleures pièces du théâtre classique. Quant à leur argument, il me semble tout aussi judicieusement choisi. En tant que président de la commission des affaires économiques du Sénat, à laquelle est en outre rattachée la délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire, je voudrais en effet souligner combien la logique d'apports réciproques entre le tourisme et les métiers d'art est riche de perspectives pour notre pays.

Il faut ainsi rappeler que le nombre des visiteurs étrangers en France est de l'ordre de 77 millions, ce qui fait de notre pays la première destination mondiale. Ainsi, le solde du tourisme dans la balance des paiements a été supérieur à 15 milliards d'euros en 2001, ce secteur étant devenu depuis quelques années le premier poste de cette balance, et contribuant à près de 88 % de la capacité de financement de la Nation. C'est dire si le tourisme est important pour notre économie, et en particulier pour l'emploi, puisque l'on sait qu'une partie significative des activités qui en relèvent ont grand besoin de main d'oeuvre, notamment pour assurer la qualité du service : je pense bien entendu à l'hôtellerie-restauration, mais aussi à l'animation, aux voyagistes, etc.

Pourtant, derrière ces statistiques globalement satisfaisantes, se dissimulent deux réalités qui doivent susciter notre réflexion.

En premier lieu, la France ne parvient pas à tirer tout le parti économique qu'on serait en droit d'attendre de son leadership. Ainsi, par rapport à 2000, les recettes tirées du tourisme en 2001 ont diminué de 2,4 % alors que la fréquentation touristique augmentait de 1,2 %. Au contraire, la croissance de celle-ci en Espagne, + 2,7 %, s'est accompagnée d'une augmentation plus importante encore des recettes, de l'ordre de 6 %. En outre, on ne peut manquer d'observer que le rapport entre les recettes touristiques françaises et celles de partenaires comme l'Allemagne et l'Angleterre n'est que de 2 pour 1 environ, alors qu'en termes de fréquentation, il est respectivement de l'ordre de 4,3 et 3,3 pour 1. Cette impossibilité persistante de notre pays à rentabiliser aussi bien que nos voisins la présence des touristes sur son sol ne laisse pas d'inquiéter, et il est nécessaire de réagir.

En second lieu, il existe entre les régions des différences, parfois sensibles, en matière de résultats touristiques. Certaines bénéficient naturellement d'atouts géographiques ou structurels qui leur donneront toujours un avantage comparatif qu'aucun dynamisme, engagement et imagination des acteurs locaux des autres régions, qu'ils soient élus ou professionnels, ne parviendra jamais à totalement combler. Mais il ne faut toutefois pas s'arrêter à cette réalité objective, sauf à risquer d'élargir une fracture territoriale au plan du tourisme qui serait particulièrement grave. Elle serait grave car tout démontre que, dans notre société, l'activité touristique est appelée à prendre davantage d'ampleur qu'aujourd'hui, et à devenir un élément réellement structurant de nos politiques territoriales de développement.

Pour répondre au premier comme au second de ces problèmes, il paraît ainsi indispensable de mieux définir le contenu de notre offre touristique et de favoriser une politique attractive de produits qui, à la fois, réponde à la demande des touristes, mais aussi la suscite, dans une perspective de valorisation de nos atouts. A cet égard, je veux ici saluer les travaux en la matière de l'Agence française de l'ingénierie touristique, dont notre collègue et ami Michel Bécot vient d'être nommé président.

Et pour réaliser ces objectifs, je suis convaincu que les métiers d'art constituent une opportunité de première importance dont nous devons nous saisir, au plan local comme à l'échelon national. Trois éléments me semblent déterminants.

D'une part, les 20.000 entreprises artisanales concernées par les métiers d'art, les artistes, les artisans, sont présents dans tout le pays, en milieu rural comme en milieu urbain, y compris dans des zones où le tourisme ne représente pas jusqu'à présent une activité traditionnelle : s'appuyer sur ces milliers de professionnels peut permettre de créer un réseau équilibré dans le cadre d'une politique volontariste d'aménagement du territoire.

D'autre part, ces métiers sont représentatifs de notre culture séculaire, de notre savoir-faire traditionnel, mais aussi de son adaptation continue à la modernité. En outre, ils valorisent par nature la beauté et l'originalité au travers des objets et des oeuvres qu'ils créent, du patrimoine mobilier et architectural qu'ils contribuent à entretenir et à préserver. Or, à une époque où la standardisation se développe, où les repères culturels s'estompent, où le temps s'accélère, on constate un regain d'intérêt très net et très profond des individus pour leurs racines, pour la compréhension de leur environnement, et pour la singularité. Toutes ces valeurs culturelles se concentrent précisément dans les métiers d'arts, qui savent si subtilement associer les traditions héritées du passé et les techniques du présent au service de la création et de la restauration. Ainsi, ces métiers, qui répondent parfaitement aux attentes et recherches de nos contemporains, constituent un gisement certain de valorisation du tourisme, pour peu que l'on favorise et organise leur présence dans le domaine touristique. Beaucoup de collectivités locales, je le sais, l'on bien compris, et ont d'ores et déjà mis en place des projets en partenariat avec les professionnels concernés. Mon ami Bernard Joly, qui a été président de la Fédération nationale des comités départementaux du tourisme, ne me démentira point quand j'affirme que cette structuration de l'offre touristique a donné des résultats très satisfaisants, qui justifient de multiplier les initiatives.

Dernier élément, enfin, à propos du contenu économique. Les métiers d'art sont des activités à très forte valeur ajoutée. Développer ce secteur, notamment grâce à son intégration dans des réseaux d'offre touristique, présente donc un intérêt économique certain, qui bénéficie à toute la collectivité. Un artisan qui voit ses commandes s'accroître est un professionnel qui va peut-être recruter. Quand des emplois se créent, des hommes et des femmes s'installent avec leurs familles, consomment, animent la vie locale. Quand des communes et des départements se repeuplent, un cycle vertueux s'engage et des moyens nouveaux peuvent être mis à disposition pour l'entretenir. Quand les territoires sont dynamiques, c'est le pays tout entier qui s'enrichit. Ainsi, une des réponses à trouver pour accroître la valeur ajoutée de l'industrie touristique est certainement l'affermissement et l'encouragement des métiers d'art.

Monsieur le Président de la SEMA, je sais combien votre action est à cet égard déterminante, et je vous en remercie.

Vous l'aurez compris, je suis intimement convaincu que tourisme et métiers d'art ont besoin l'un de l'autre pour se développer. Ce sont des partenaires naturels pour élaborer une politique ambitieuse de l'offre répondant parfaitement aux demandes nouvelles des touristes d'aujourd'hui. Ils sont ainsi un atout précieux pour l'économie de notre pays, ce qui explique que la commission des affaires économiques du Sénat s'associe pleinement aux ambitions du secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation, dont je salue le représentant, et du ministre délégué au commerce extérieur, que je remercie chaleureusement pour sa présence à nos côtés.

Je ne doute pas que sous leur égide, les travaux que vous mènerez tout au long de cette journée contribueront à renforcer, conformément à mes voeux, le soutien mutuel que peuvent, que doivent s'apporter tourisme et métiers d'art. Je vous souhaite ainsi un colloque passionnant, inventif et fructueux, en remerciant à nouveau chacune et chacun d'entre vous pour sa participation.

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