DEUXIÈME PARTIE

LES DÉSÉQUILIBRES ET LES TENSIONS

Le premier problème auquel est confronté le cinéma français concerne l'avenir de son financement.

Il tient pour une large part à la hausse du coût des films à vocation commerciale.

Celle-ci n'est pas propre à la France. Elle résulte de ce que les économistes appellent « la survalorisation des enjeux de concurrence », c'est à dire, sur un marché fortement concurrentiel, de l'augmentation du prix à payer pour tout ce qui est censé assurer d'emblée à un film les plus grandes chances de succès : des vedettes connues dont les salaires augmentent à proportion de leur notoriété ; des effets spéciaux d'autant plus chers qu'ils sont spectaculaires... Elle s'accompagne inévitablement d'un surinvestissement dans les dépenses de marketing, pour assurer la rentabilisation des films ainsi produits. Loin des sommets atteints par le cinéma américain, elle ne s'inscrit pas moins dans une évolution comparable à celle qu'on a observée ces dernières années aux Etats Unis, et que personne ne semble maîtriser : ni les financiers, ni les producteurs, ni les agents des artistes 88 ( * ) . Tous mesurent les risques d'une telle inflation. Mais tous contribuent à l'entretenir et à l'amplifier : les financiers convaincus que les profits à attendre seront à la mesure des investissements engagés ; les producteurs qui se rémunèrent à proportion du coût du film ; les artistes dont la cote professionnelle finit par se mesurer à la hauteur du cachet qui leur est proposé..

Or, même si le nombre des entrées en salles augmente, même si les exploitations secondaires se diversifient et se multiplient, l'ensemble des recettes potentielles ne peut pas croître au même rythme. La rentabilité commerciale de chaque film pris isolément suppose qu'il gagne des « parts de marché » sur les autres productions. En d'autres termes, pour cette catégorie de productions, la proportion de films rentables tend inévitablement à diminuer. Le fait que la durée de vie commerciale d'un film s'allonge et que ses exploitations s'insèrent progressivement dans la gestion de catalogues, contribue à différer le terme de la sanction commerciale, et alimente la bulle spéculative. Mais, tôt ou tard, cette bulle spéculative finit par exploser, quand la confiance des financiers dans la valeur du catalogue commence à faiblir.

Cet enchaînement n'est pas nouveau, et il ponctue depuis longtemps l'histoire du cinéma. Ce qui est nouveau, c'est qu'il a changé d'échelle. La sanction est désormais moins la faillite de l'entreprise que sa fusion dans un ensemble plus vaste, dont l'activité cinématographique n'est plus que l'une des composantes, contribuant au développement d'activités de diversification. La production de films de plus en plus chers, « formatés » pour fédérer un large public, alimente ce processus de concentration et d'internationalisation des entreprises de distribution et d'exploitation des films. Celles-si l'alimentent à leur tour, la production de ce type de films correspondant très exactement aux besoins de réseaux mondialisés.

Pour la plupart des économistes, ce processus est commun à tous les secteurs dans lesquels la hausse des coûts de production ne peut pas être compensée par des gains de productivité, mais par un accroissement de la taille du marché. Ce qui, quand cet accroissement devient insuffisant, entraîne une concurrence de plus en plus tendue entre les entreprises en présence. C'est à se stade qu'interviennent la survalorisation des enjeux de concurrence et le surinvestissement dans le marketing. Les déséquilibres qui en résultent aboutissent à la disparition des entreprises les plus fragiles et, par fusion ou acquisition, à la concentration progressive du secteur autour d'un nombre de plus en plus réduit d'acteurs. Jusqu'au moment où l'émergence de nouveaux produits, de nouvelles technologies ou de nouveaux besoins, portés par de nouvelles entreprises, réinitialise le cycle.

Il existe un assez large consensus pour considérer que ce processus, inévitable, doit être encadré par une régulation appropriée, au nom de l'intérêt général. Toute la question est alors de savoir comment se détermine l'intérêt général. Pour les économistes libéraux la référence est celle du libre jeu du marché : il faut simplement éviter qu'un des acteurs dispose d'un pouvoir de marché excessif, et réduire tout ce qui s'apparente à un abus de position dominante. C'est la position de la Direction chargée de la concurrence, à Bruxelles.

Or, pour les Américains eux-même, il existe un certain nombre de secteurs dans lesquels le libre jeu de la concurrence ne va pas nécessairement dans le sens de l'intérêt général. C'est, par exemple, le cas du sport pour lequel les autorités américaines ont introduit un ensemble de règles qui visent à préserver la diversité (au nom de l'intérêt de la compétition), et qui sont très exactement le contraire du libéralisme. Les ligues professionnelles ont ainsi établi une règle (le salary cap ) qui limite la masse salariale dont une équipe peut disposer pour payer ses joueurs, de manière à éviter des surenchères qui compromettraient l'équilibre économique de l'ensemble des clubs. Elles ont de même introduit la règle du draft , qui permet aux équipes les plus faibles de choisir en priorité les nouveaux joueurs entrant dans le circuit professionnel. Enfin, le Sport Broadcasting Act de 1961 qui prévoit les conditions dans lesquelles les ligues professionnelles centralisent les droits de télévision au profit de la collectivité des clubs n'est pas très différent dans son principe, du système du fonds de soutien.

L'analyse des déséquilibres et des tensions qui caractérisent actuellement l'évolution du cinéma en France est à replacer dans ce contexte d'une inflation du coût des films et du double processus de concentration qui l'accompagne : concentration de la distribution et de l'exploitation autour des groupes de communication ; concentration autour des films les plus chers, d'une part croissante des ressources de production, des moyens de commercialisation, et finalement de la fréquentation.

.

William Baumol, l'un des spécialistes américains de l'économie de la culture, exposait dès 1964 que les produits et les services culturels, quand ils sont soumis aux mêmes tensions concurrentielles que celles qui existent sur les autres marchés, sont confrontés à ce qu'il appelle « la fatalité des coûts », c'est à dire une augmentation des coûts qui tend à devenir supérieure aux ressources globalement disponibles. Leur spécificité ne peut dès lors, selon lui, être préservée sans un mécanisme de subvention ou de redistribution 89 ( * ) .

Ce qu'il déclarait au début des années 80 à propos du théâtre, s'applique aujourd'hui parfaitement au cinéma : « Pour expliquer la hausse des coûts, point n'est besoin d'évoquer la prodigalité des magnats du cinéma, les largesses des responsables de la télévision, la cupidité des agents ou la démagogie des syndicats. On peut toujours trouver, ici ou là, quelques exemples de manque de scrupules, mais la réalité se suffit à elle-même. Le problème de fonds, en l'occurrence, n'est qu'une banale histoire d'économie et de technologie.

Des éléments dont nous disposons, il ressort que l'avenir [du théâtre] paraît clair. Absolument rien n'indique que sa survie soit menacée. Tout comme par le passé il a survécu aux guerres, aux persécutions et autres catastrophes, il résistera à l'inflation... Mais, il est confronté à une autre menace, peut-être l'une des manifestations les plus dangereuses de la « fatalité des coûts », qu'on pourrait appeler le  « risque du déficit artistique », dont l'un des effets consiste à étioler l'expérimentation artistique en régissant les choix de programmes surtout par des soucis de rentabilité ... » 90 ( * ) .

2001 : une année exceptionnelle

« Avec 185 millions d'entrées, soit une progression de 11,4 % par rapport à l'année précédente, la fréquentation des salles de cinéma a atteint un niveau que l'on n'avait pas connu depuis 1984. On peut estimer qu'il s'agit d'une confirmation très nette du regain d'intérêt du public pour le spectacle cinématographique en salles, en dépit de la diversification des modes de diffusion du film ces dernières années (télévision - notamment les chaînes thématiques- vidéo et plus récemment DVD). Ce chiffre place la France en tête de l'Europe pour la fréquentation des salles.

Mais le phénomène le plus remarquable de l'année cinématographique 2001 est sans doute que ce retour du public vers les salles a été très favorable aux films français, pour la première fois depuis plus d'une décennie durant laquelle le cinéma américain avait conservé une part de marché très majoritaire, et profitait seul de l'embellie de la fréquentation.

Il y a cinquante quatre ans que l'on n'avait pas observé la même année quatre films français dépassant cinq millions d'entrées 91 ( * ) : Le Fabuleux destin d'Amélie Poulain, La vérité si je mens 2, Le Placard, Le pacte des loups. En outre, 20 films français ont dépassé le million d'entrées, contre 7 l'année précédente. De plus en plus de films français, y compris des films réputés difficiles, ont rencontré leur public en salles : le nombre des films français ayant dépassé 50 000 entrées a doublé en cinq ans. Toute la production française a ainsi bénéficié de cet engouement du public. Au total, les films français auront attiré environ 25 millions de spectateurs de plus en 2001 que l'année précédente où le cinéma français totalisait 50 millions d'entrées.

La part de marché du cinéma français a atteint 41 % (contre 28,5 % en 2000), chiffre très nettement supérieur à celui observé au long de la dernière décennie (en moyenne 32%).

Toutes les enquêtes d'opinion menées au cours de l'année écoulée ont révélé une perception très positive de la production cinématographique française, en particulier auprès des jeunes, public qui, jusque-là, favorisait le cinéma hollywoodien.

Ce constat laisse espérer qu'il s'agit là d'une évolution qui pourrait être durable, et qui s'appuie sur un renouveau des forces créatives et des talents du cinéma français ayant pour effet un nouveau dynamisme de la production. Le nombre de films produits connaît ainsi une augmentation très sensible en 2001 avec 204 films agrées dans l'année, soit une trentaine de plus que l'année précédente et un record absolu dans l'histoire du cinéma français, depuis qu'existent des statistiques de la production. » 92 ( * )

Cette analyse du CNC donne la mesure de ce dont est capable le cinéma national quand il va bien. Mais il n'est pas inutile de pointer les déséquilibres et les tensions qui accompagnent les évolutions en cours et qui, mises en perspective avec les mouvements qui affectent l'économie du cinéma au niveau mondial, font apparaître la fragilité de ses acquis.

I. LES PHÉNOMÈNES DE CONCENTRATION DANS L'EXPLOITATION ET LA DISTRIBUTION DES FILMS EN SALLES

La fréquentation a augmenté de 65% entre 1992 et 2001. Au cours de la même période, le nombre de films proposés au public s'est accru de 30%

Avec 33,5% de parts de marché en moyenne sur l'ensemble de la période, le cinéma français a maintenu sa position face au cinéma américain 93 ( * ) .

De tels résultats sont suffisamment remarquables, compte tenu des évolutions constatées un peu partout en Europe, pour devoir être soulignés avant toute analyse susceptible d'en relativiser la portée .

Nombre d'entrées et parts de marché

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Entrées (millions)

113

132,7

124,41

130,24

136,74

149,02

170,57

153,57

165,54

185,82

Films français

40,54

46,60

35,25

45,86

51,26

51,42

47,10

49,82

47,22

77,14

Films américains

67,46

75,83

75,81

70,25

74,29

77,77

107,82

82,77

103,02

86,27

Autres films

7,99

10,28

13,35

14,13

11,19

19,82

15,65

20,98

15,30

22,41

Parts de marché (%)

Films français

35,0

35,1

28,3

35,2

37,5

34,5

27,6

32,4

28,5

41,5

Films américains

58,2

57,1

60,9

53,9

54,3

52,2

63,2

53,9

62,2

46,4

Autres films

6,8

7,8

10,8

10,9

8,2

13,3

9,2

13,7

9,3

12,1

Total

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

Nombre de nouveaux films

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

total

392

394

408

405

410

417

470

531

570

509

français

167

155

146

149

161

170

176

204

227

209

américains

121

136

146

138

141

144

173

183

193

160

autres

104

103

116

118

115

103

121

144

150

140

Source : CNC / octobre 2002

Cette évolution, globalement positive, s'est toutefois accompagnée d'un double mouvement de concentration, de la fréquentation autour d'un nombre limité de films, de l'exploitation, de la programmation, et de la distribution autour d'un nombre de plus en plus réduit d'acteurs.

1. La concentration dans l'exploitation

La progression du nombre des entrées est largement due au développement des multiplexes.

Les multiplexes représentaient en 2001 : 4,4% des établissements ; 22% des écrans ; 40% des entrées

Poids des multiplexes dans l'exploitation française 94 ( * )

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Nombre de multiplexes

22

34

45

65

80 95 ( * )

97

% du total France

% Etablissements

1,0

1,6

2,1

3,0

3,8

4,4

% Ecrans

6,3

9,5

12,0

16,5

19,7

22,2

% Entrées

10,8

17,3

22,7

28,3

34,5

39,4

Source : CNC

2. La concentration dans la programmation

Le développement des multiplexes a accru le rôle des groupements nationaux de programmation 96 ( * )

Poids des groupements nationaux de programmation en % du nombre des écrans

1997

1998

1999

2000

2001

Gaumont

Europalaces

6,8

7,1

7,4

7,8

14,5

Pathé

6,8

6,5

6,8

6,7

UGC

8,3

8,7

8,6

8,7

8,6

Autres groupements nationaux (Glozel, GPCI, SAGEC, Soredic)

11,8

13,2

13,0

12,8

13,2

Bien qu'ils n'en soient pas les seuls acteurs, les groupements nationaux de programmation sont les principaux promoteurs de multiplexes en France. Le nombre de salles dont ils sont propriétaires s'accroît sensiblement chaque année. Au total, l'ensemble des groupements nationaux programme plus de 36% des écrans actifs.

En 2001, le regroupement des activités d'exploitation de salles de Gaumont et de Pathé sous l'enseigne EuroPalaces. a modifié profondément les rapports de force entre les groupements nationaux de programmation. Le nouvel ensemble réunit désormais 14,5 % des écrans français.

Deux réseaux, Europalaces et UGC, déterminent ainsi à eux seuls la programmation de 23% des écrans, représentant plus de 40% des entrées en 2001.

3. La concentration dans la distribution

7 sociétés contrôlent plus de 80% du marché des films.

Cette caractéristique n'est pas récente. L'élément nouveau est que les sociétés qui contrôlent l'essentiel de la distribution des films sont désormais des filiales de majors américaines ou de groupes intégrés, voire des deux comme les associations UGC / Fox, ou Gaumont / Disney. UIP et Bac Film sont des filiales de Vivendi-Universal (ainsi que Mars Film qui n'apparaît pas dans cette liste)

Les principaux distributeurs et leurs parts de marché en 1991 et en 2001

1991

2001

Distributeur

Pdm (%)

Distributeur

Pdm (%)

AMLF

21,3

UFD (UGC / Fox)

15,5

Columbia Tristar

15,6

GBVI(Gaumont/ Disney)

14,0

Warner Bros

12,2

UIP (VivendiUniversal)

13,7

UIP

10,0

Warner Bros

12,6

Fox

8,0

Bac (Vivendi Universal)

10,3

Gaumont

6,2

Metropolitan

6,9

UGC

4,6

Pathé (ex AMLF)

4,8

Bac Films

1,6

Columbia Tristar

3,9

Autres

20,5

Autres

18,3

Les parts de marchés (Pdm) sont exprimés en pourcentage du total des encaissements des distributeurs.

4. La concentration dans la fréquentation

30 films assurent plus de 50% des entrées.

Ce chiffre est stable depuis 10 ans, malgré l'accroissement de la fréquentation et l'augmentation, notamment depuis 1997, du nombre des films sortis en première exclusivité.

On constate dans le même temps une concentration des entrées sur les films les plus récents.

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Nombre de films sortis dans l'année

405

410

417

470

531

570

509

% des entrées réalisées par les 30 premiers films

52,8

54,6

53,2

60,1

50,6

53,5

52,2

Nb moyen d'entrées des 30 premiers films (millions)

2,3

2,3

2,6

3,4

2,6

2,9

3,2

% des entrées des films sortis dans l'année

77,1

81,3

85,6

90,0

85,9

83,2

89,7

% des entrées des films sortis l'année précédente

15,9

15,5

8,3

7,1

11,6

14,0

6,5

% des entrées des autres films

7,0

3,2

6,1

2,9

2,5

2,8

3,8

Total

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

5. Un déséquilibre croissant dans l'exposition des films

a) La conjonction du développement des multiplexes et d'une augmentation du nombre de films entraîne une rotation de plus en plus rapide des films

Le nombre de salles nécessaires en première semaine pour assurer la sortie des films qui visent une large diffusion, et donc les coûts de sortie, sont de plus en plus élevés. On constate, dans cette évolution, un déséquilibre croissant au profit des films américains, d'une part, au profit des films distribués par les filiales des grands groupes, d'autre part - au détriment des autres films.

L'augmentation de l'exposition moyenne des films mesurée en nombre de salles pour la première semaine d'exclusivité, ainsi que celle du nombre des films sortis dans plus de 500 salles sont de ce point de vue, significatifs

Nombre moyens de salles en première semaine d'exclusivité 97 ( * )

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Ensemble des films

96

106

112

108

114

Films français

81

79

86

96

83

Films américains

150

168

191

170

190

Nombre de films sortis dans plus de 500 salles

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Ensemble des films

20

26

Films français

1

1

2

3

5

Films américains

4

10

15

12

20

De même, alors que l'exposition moyenne des films sortis en 2000 était de 114 écrans, les films des sept principaux distributeurs liés à des groupes de communication ou à des majors américaines, disposaient d'une exposition moyenne de 250 écrans.

Exposition des films sortis par les filiales des grands groupes, en 2000

Distributeur

Pdm

( en % du total des encaissements des distributeurs )

Exposition moyenne par film distribué

(en nombre d'écrans)

GBVI

20,3

330

UIP

13,1

181

Bac Films

10,2

184

UFD

9,6

196

Pathé (ex AMLF)

8,9

243

Columbia Tristar

7,6

219

Warner Bros

7,1

354

Metropolitan

2,7

161

Ensemble

79 ,5

250

b) L'inflation des coûts de sortie

Elle rend, par contre-coup, plus problématique la sortie des films considérés, à tort ou à raison, par les distributeurs, comme présentant des perspectives commerciales limitées : sortis de manière plus confidentielle, disposant de budgets de promotion limités et d'une exposition réduite, ceux ci n'ont généralement ni le temps, ni les moyens de s'installer pour bénéficier, le cas échéant, du « bouche à oreille » qui leur permettrait de rencontrer leur public

Dès lors, malgré l'accroissement de la fréquentation, le nombre des entrées de la majorité des films ne progresse pas . En 2001, année pourtant exceptionnelle, plus de 45% des films sortis ont obtenus moins de 25000 entrées. Parmi ces films une proportion importante n'a connu que la « sortie technique » nécessaire à leur qualification d'oeuvre cinématographique.

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Nb de films ayant réalisé moins de

25000 entrées

207

201

202

247

279

311

228

% des entrées réalisées

1,1%

0,9%

0,9%

1,0%

1,2%

1,2%

1,0%

Entrées moyennes par film

6920

6120

6640

6900

6600

6380

8150

Répartition de l'ensemble des films sortis dans l'année en fonction du nombre des entrées

Nombre de films

Films ayant réalisé

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Plus de 2 millions d'entrées

10

13

17

17

12

15

26

Entre 1 et 2 millions d'entrées

21

15

19

20

21

18

19

Entre 500 000 et 1 million

21

30

23

21

34

33

31

Entre 100 000 et 500 000

72

88

80

84

86

89

104

Entre 50 000 et 100 000 entrées

34

35

34

47

46

51

59

Entre 25 000 et 50 000 entrées

40

28

42

34

53

53

42

Moins de 25 000 entrées

207

201

202

247

279

311

228

Total

405

410

417

470

531

570

509

Proportion des entrées réalisées

Films ayant réalisé

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Plus de 2 millions d'entrées

31,5%

39,3%

45,7%

55,4%

39,1%

40,9%

53,4%

Entre 1 et 2 millions d'entrées

30,2%

20,0%

21,2%

16,5%

21,0%

20,1%

16,2%

Entre 500 000 et 1 million d'entrées

14,6%

18,5%

13,2%

9,7%

19,5%

16,7%

11,9%

Entre 100 000 et 500 000 entrées

18,7%

18,0%

15,8%

14,3%

15,3%

16,9%

14,2%

Entre 50 000 et 100 000 entrées

2,4%

2,3%

1,9%

2,3%

2,4%

2,7%

2,5%

Entre 25000 et 50 000 entrées

1,5%

0,9%

1,2%

0,8%

1,4%

1,4%

0,8%

Moins de 25 000 entrées

1,1%

0,9%

0,9%

1,0%

1,2%

1,2%

1,0%

Total (%)

100%

100%

100%

100%

100%

100%

100%

Total ( en millions d'entrées)

130,24

136,74

149,02

170,57

153,57

165,54

185,82

Source : CNC

Sur les 1296 films français sortis depuis 1995, 701, c'est à dire plus de la moitié, ont réalisé moins de 25000 entrées.

La spectaculaire progression observée en 2001 dans la fréquentation des films français (+ 30 millions d'entrées) est pour les trois-quarts, imputable aux films qui ont fait plus de 2 millions d'entrées.

Il est important de noter à ce stade que, contrairement à ce que l'on pourrait croire, une part importante des films américains distribués en France affiche des performances plutôt médiocres alors que les distributeurs ne proposent déjà qu'une partie de la production d'outre atlantique. En 2000, par exemple, 193 films sur 461 produits sont sortis en France ; plus du tiers ont réalisé moins de 25000 entrées. En 2001, les distributeurs n'ont sortis que 160 films sur les 462 produits ; 45 d'entre eux ont réalisé moins de 25000 entrées.

Répartition des films français sortis dans l'année en fonction du nombre des entrées

Nombre de films

films ayant réalisé

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Plus de 2 millions d'entrées

5

4

4

3

3

3

10

Entre 1 et 2 millions d'entrées

4

7

6

2

6

4

10

Entre 500 000 et 1 million d'entrées

6

11

7

7

14

8

13

Entre 100 000 et 500 000 entrées

21

27

34

32

38

30

43

Entre 50 000 et 100 000 entrées

13

13

12

15

21

22

27

Entre 25000 et 50 000 entrées

19

8

14

12

19

25

13

Moins de 25 000 entrées

81

91

93

105

103

135

93

Total

149

161

170

176

204

227

209

Proportion des entrées réalisées

films ayant réalisé

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Plus de 2 millions d'entrées

47,8%

32,2%

44,5%

57,4%

31,2%

43,6%

54,6%

Entre 1 et 2 millions d'entrées

18,3%

26,9%

20,3%

5,9%

19,8%

15,4%

18,2%

Entre 500 000 et 1 million d'entrées

14,4%

20,3%

11,9%

11,8%

22,9%

13,4%

11,0%

Entre 100 000 et 500 000 entrées

13,8%

16,2%

19,1%

19,5%

20,4%

19,6%

12,2%

Entre 50 000 et 100 000 entrées

2,5%

2,4%

1,8%

2,8%

3,1%

4,0%

2,6%

Entre 25000 et 50 000 entrées

2,0%

0,8%

1,1%

1,1%

1,5%

2,2%

0,6%

Moins de 25 000 entrées

1,2%

1,3%

1,3%

1,6%

1,2%

1,9%

0,8%

Total (%)

100%

100%

100%

100%

100%

100%

100%

Total ( en millions d'entrées)

45,86

51,26

51,42

47,10

49,82

47,22

77,14

Répartition des films américains sortis en France en fonction du nombre des entrées

Nombre de films

Films ayant réalisé

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Plus de 2 millions d'entrées

5

9

9

13

7

11

14

Entre 1 et 2 millions d'entrées

14

7

12

17

13

12

7

Entre 500 000 et 1 million d'entrées

14

16

14

13

17

22

17

Entre 100 000 et 500 000 entrées

40

48

31

41

40

44

43

Entre 50 000 et 100 000 entrées

14

19

19

21

18

21

18

Entre 25000 et 50 000 entrées

15

13

14

9

20

17

16

Moins de 25 000 entrées

36

29

45

59

68

66

45

Total

138

141

144

173

183

193

160

Pour information : nombre de films sortis aux Etats-Unis

370

420

461

490

442

461

462

Proportion des entrées réalisées

Films ayant réalisé

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Plus de 2 millions d'entrées

26,4%

47,5%

43,5%

56,4%

42,5%

42,5%

54,4%

Entre 1 et 2 millions d'entrées

34,9%

16,0%

25,4%

20,8%

21,9%

22,2%

14,5%

Entre 500 000 et 1 million d'entrées

15,9%

15,7%

15,2%

9,3%

18,9%

18,5%

14,1%

Entre 100 000 et 500 000 entrées

19,6%

17,5%

12,6%

11,4%

13,2%

13,8%

14,2%

Entre 50 000 et 100 000 entrées

1,8%

2,2%

2,1%

1,5%

1,8%

1,8%

1,6%

Entre 25000 et 50 000 entrées

1,0%

0,7%

0,8%

0,3%

1,0%

0,7%

0,7%

Moins de 25 000 entrées

0,5%

0,4%

0,4%

0,4%

0,6%

0,4%

0,5%

Total (%)

100%

100%

100%

100%

100%

100%

100%

Total ( en millions d'entrées)

70,3

74,3

77,8

107,8

82,8

103,0

86,3

6. Des difficultés persistantes dans le secteur de l'exploitation

Malgré la progression importante des recettes (+69% entre 1992 et 2001), le secteur de l'exploitation présente un bilan financier mitigé

Total des recettes (M€)

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

600,8

688,9

653,5

690,1

726,0

788,9

916,8

823,2

891,4

1 014

En 2000, sur un échantillon de 40 entreprises représentant un chiffre d'affaires de 591 millions d'euros, (soit 62% du chiffre d'affaires de l'ensemble du secteur de l'exploitation), l'INSEE constate un résultat d'exploitation négatif de 88 millions d'euros. 98 ( * )

Cette tendance, qui est à mettre en perspective avec le développement des multiplexes, n'est pas propre à la France : L'observatoire européen de l'audiovisuel, analysant les résultats financiers de plus de 700 entreprises d'exploitation, montre une détérioration de leur situation financière  malgré la progression générale de la fréquentation des salles de cinéma dans l'Union européenne (+20% entre 1996 et 2000). La marge bénéficiaire de l'ensemble de ces entreprises, qui était de +7,5% en 1998, est tombée à 1,7% en 1999, et à -6,2% en 2000 99 ( * ) .

Aux Etats Unis, le niveau historique atteint en 2001, « la meilleure année de l'histoire du cinéma en termes de recettes salles » selon Jack Valenti, n'a pas empêché la faillite de nombreux circuits de salles, et pour la première fois depuis longtemps, une diminution du nombre des écrans.

Une telle situation, qui met en péril les entreprises les plus fragiles, ne peut que se traduire par une concentration accrue.

* 88 Un léger recul du coût moyen des films produit par les majors est intervenu en 2001, passant de 53 millions de dollars à 47,7 millions de dollars, mais les investissements dans le marketing ont continué à augmenter, passant de 27,3 millions de dollars en moyenne par film, à 31 millions de dollars.

* 89 Cette prise de position est d'autant plus intéressante, que W. Baumol est par ailleurs l'un des théoriciens qui ont participé, dans les années 80 et au début des années 90, à une redéfinition libérale des modes de régulation économique en matière de concurrence, à partir de la notion de « marchés contestables », à laquelle se réfèrent la plupart des procès antitrust américains depuis 1985.

Dans cette approche, la régulation repose non sur une référence formelle à une situation de concurrence parfaite, mais sur l'évaluation en fonction de l'intérêt général, de l'écart qui pourrait exister entre les performances observées et celles qui résulteraient d'une meilleure organisation. La définition de cet optimum, correspondant à une plus grande efficacité en termes de production (quantité, qualité, prix), de progrès technique, d'allocations des ressources et d'emploi, constitue la matière d'une abondante littérature dont émergent un certain nombre de notions nouvelles et de nouveaux critères d'évaluation, parmi lesquels celui de marché contestable, défini par Baumol comme « one into which entry is absolutely free, and exit is absollutely costless ».

* 90 Actes du colloque international sur « l'économie du spectacle vivant et de l'audiovisuel » / Nice -octobre 1984 ( La Documentation française)

* 91 En 1947, année où le cinéma avait enregistré 423 millions d'entrées, quatre films français avaient dépassé les 5 millions de spectateurs : Le bataillon du ciel , Monsieur Vincent , Pas si bête et Quai des orfèvres

* 92 CNC / Réponses aux questions du Sénat

* 93 Avec 41,5% de part de marché pour le cinéma français, les résultats de 2001 ont un caractère exceptionnel : sur les neuf premiers mois 2002, la part de marché des films français est estimée à 37,4 % contre 43,6 % sur les neuf premiers mois 2001 ; celle des films américains est estimée à 51,4 % contre 47,5 % en 2001.

* 94 Fin 2001, 56 départements possédaient au moins un multiplexe, contre 47 en 2000, 38 en 1999, 26 en 1998, 23 en 1997 et 8 en 1996. 21 des 22 régions françaises (toutes exceptée la Corse) étaient ainsi dotées d'au moins un multiplexe à la fin de l'année 2001. C'est surtout dans les régions les plus peuplées que ces établissements ont été implantés jusqu'à présent : Ile-de-France, Nord-Pas-de-Calais, Provence-Alpes-Côte-d'Azur, Rhône-Alpes et Pays de la Loire rassemblaient, à la fin de l'année 2001, près de 52 % des écrans et des fauteuils construits jusqu'à cette date au sein de multiplexes

* 95 16 multiplexes ont été ouverts en 2000, mais un multiplexe a fermé ses portes à Marseille. Le solde effectif entre 1999 et 2000 est donc de 15 établissements supplémentaires.

* 96 Groupement ou entente assurant la programmation des salles, lorsque celle-ci n'est pas assurée directement par les entreprises propriétaires du fonds de commerce

* 97 A l'exclusion des films en  « sortie technique », ou diffusés dans un seul établissement

* 98 Annexe

* 99 focus 2002 / Observatoire européen de l'audiovisuel.

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