LES TRAVAUX DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE

Les étapes de la constitution de la commission d'enquête

- La présente commission d'enquête a été créée à la suite du dépôt, par notre collègue le président Henri de Raincourt, le 30 mai 2002, d'une proposition de résolution « tendant à la création d'une commission d'enquête sur la maltraitance envers les personnes handicapées accueillies en institution et les moyens de la prévenir » (proposition de résolution n° 315, 2001-2002).

- Au cours de sa réunion du 4 décembre 2002, la commission des lois, saisie en application de l'article 11 (premier alinéa) du Règlement du Sénat, a, sur le rapport de M. Laurent Béteille, constaté que la proposition de résolution n'était pas contraire aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 modifiée relative au fonctionnement des assemblées parlementaires (avis n° 81, 2002-2003).

- La commission des Affaires sociales a, le 10 décembre 2002, sur le rapport de M. Jean-Marc Juilhard, estimé opportune la création de cette commission d'enquête, après avoir remplacé la référence aux « institutions » par celle des « établissements et services sociaux et médico-sociaux » , pour tenir compte de la nouvelle terminologie issue de la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale. Au cours des débats, il a été précisé par le rapporteur que la commission d'enquête ne concernait pas le secteur hospitalier (rapport n° 88, 2002-2003).

- Le Sénat a, au cours de sa séance publique du 12 décembre 2002, adopté à l'unanimité la proposition de résolution et donc créé la commission d'enquête « sur la maltraitance envers les personnes handicapées accueillies en établissements et services sociaux et médico-sociaux et les moyens de la prévenir ».

- Le 22 janvier 2003, la commission d'enquête a procédé à l'élection de son bureau et a esquissé les premières orientations de ses travaux, qu'elle a définies plus précisément le 28 janvier 2003.

Les auditions de la commission d'enquête

Du 5 février au 9 avril 2003, la commission d'enquête a organisé douze séries d'auditions au Sénat 3 ( * ) et convoqué soixante-dix personnalités . Ont notamment été entendus : le garde des Sceaux, la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, la directrice générale de l'action sociale au ministère des affaires sociales, l'Assemblée des départements de France (ADF), une inspectrice générale des affaires sociales, le délégué interministériel aux personnes handicapées, plusieurs personnalités qualifiées, les représentants d'organismes gestionnaires, les organisations syndicales représentatives de personnels des établissements (sous la forme d'une table ronde), une inspectrice des affaires sanitaires et sociales, des associations de défense des personnes handicapées, des associations gestionnaires d'établissements, des associations tutélaires, des magistrats instructeurs, une juge des tutelles, la Caisse nationale d'assurance maladie, la Mutualité sociale agricole...

A de rares exceptions près, ces auditions ont été ouvertes à la presse écrite et audiovisuelle. La commission d'enquête tient à souligner le bon déroulement de celles-ci, les personnes convoquées pour déposer ayant toutes prêté serment comme le requiert l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 précitée, répondu généralement de manière sérieuse aux questions posées et produit les documents demandés par les commissaires. Que ces personnes soient remerciées.

La commission d'enquête n'a pas été en mesure d'auditionner toutes les personnalités et institutions qui en ont exprimé le souhait, compte tenu de la très grande diversité des intervenants dans ce domaine. Elle remercie tous ses interlocuteurs qui se sont spontanément manifestés et qui lui ont fait parvenir une contribution écrite, que ce soit par courrier postal ou par le canal de l'adresse électronique ouverte à cet effet.

Les déplacements de la commission d'enquête

Outre les auditions, la commission d'enquête a aussi effectué une série de déplacements entre le 18 mars et le 17 avril 2003 qui lui ont permis de visiter dix-sept sites comprenant chacun un ou plusieurs établissements situés dans sept départements différents .

La commission d'enquête n'a pas souhaité alerter la presse sur les établissements visités et n'en dressera pas la liste dans le présent rapport.

Il lui est en effet apparu préférable de conserver une certaine discrétion pour éviter toute mauvaise interprétation concernant les choix opérés et, en particulier, ne pas risquer d'éveiller des soupçons injustifiés sur tel ou tel d'entre eux.

La commission d'enquête a donc programmé des visites par des délégations dans cinq départements (Oise, Corrèze, Yvelines, Hérault et Rhône), pour lesquels le choix des établissements a été opéré en concertation avec le ou les commissaires élus dans le département et les services du conseil général ainsi que de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS).

Pour deux départements parmi les cinq, les établissements n'avaient en aucune façon été prévenus à l'avance, tandis que pour les trois autres les responsables avaient été préalablement informés.

En outre, et en dehors du cadre de ces déplacements programmés, le président et le rapporteur ont effectué des missions dans deux autres départements (Essonne et Seine-Saint-Denis) pour une visite inopinée de deux établissements, dans un cas en semaine et dans l'autre un dimanche. Les responsables des établissements et les autorités administratives, tant de l'Etat que du conseil général, n'avaient en aucune façon été avisés de cette initiative. Dans ces deux cas, le choix des établissements a été facilité par les messages reçus à l'adresse électronique de la commission d'enquête.

Au total, la moitié de ces sites ou établissements (huit sur dix-sept) auront été visités sans que les responsables en aient été prévenus, ne serait-ce que par une communication téléphonique quelques minutes auparavant.

La commission d'enquête a estimé que les deux méthodes (visites inopinées et visites annoncées) se justifiaient pleinement et permettaient d'apporter des informations complémentaires.

Les visites inopinées, qui, une fois encore, ne répondaient pas à un quelconque soupçon de la part de la commission d'enquête, ont permis, passé un premier instant de surprise compréhensible de la part du personnel sur place, de recevoir des témoignages « à chaud », sans que les observations recueillies par les commissaires aient pu être quelque peu faussées par une quelconque préparation. Cette méthode privilégie les constatations sur place, puisque aucune réunion et aucun « discours » n'ont pu, par hypothèse, être planifiés par nos interlocuteurs. Dans un seul cas (la visite du dimanche), les responsables de l'établissement n'ont pas été rencontrés sur place. Ils ont cependant été contactés dès le lendemain et invités à présenter les informations qu'ils souhaitaient.

Les responsables d'établissements prévenus du déplacement de la commission d'enquête ont pu présenter des informations plus structurées et produire plus aisément des documents relatifs au fonctionnement et à la vie de l'institution. La commission d'enquête n'a pas eu le sentiment que cette méthode ait été à l'origine d'une occultation d'éléments significatifs.

En définitive, l'équilibre entre les visites annoncées et les visites inopinées aura probablement contribué à l'enrichissement de l'information collectée par la commission d'enquête.

Les principales catégories d'établissements sociaux et médico-sociaux pour personnes handicapées ont été visitées par la commission d'enquête, qu'il s'agisse des établissements d'éducation spéciale pour les enfants (instituts médico-pédagogiques), des centres d'aide par le travail (CAT), des centres de réadaptation fonctionnelle, des foyers d'hébergement, des foyers de vie, des foyers d'accueil médicalisé (anciennement dénommés foyers à double tarification), des maisons d'accueil spécialisé ou des foyers pour personnes handicapées vieillissantes.

Ont donc été concernés par les missions de la commission d'enquête des établissements dont l'autorisation de création ou d'extension, la tarification et le contrôle relèvent, selon les cas, de la compétence de l'Etat, de celle du département ou conjointement de l'un et de l'autre.

Les établissements visités sont localisés, pour les uns en zone rurale et parfois en dehors de toute agglomération, pour les autres en ville. Dans certains cas, il s'agissait de sites comportant plusieurs établissements.

La commission d'enquête, sans organiser de déplacements lointains, ne s'est pas pour autant désintéressée de la situation dans les collectivités d'outre-mer, grâce au concours de deux de ses membres : Mme Anne-Marie Payet, vice-présidente, a effectué par elle-même des visites d'établissements à La Réunion et M. Dominique Larifla, secrétaire, a rencontré les principaux responsables concernés en Guadeloupe. Ils en ont conclu, l'un et l'autre, que, pour l'essentiel, les constatations faites et les enseignements tirés pour la métropole s'appliquaient tout aussi bien aux départements d'outre-mer dont ils sont les élus.

Les visites d'établissements, dans cinq départements, ont été précédées d'une réunion de travail fertile avec les représentants du conseil général et de l'Etat (DDASS, principalement).

Le schéma des missions dans les établissements était toujours le même : visite des différents locaux avec, sauf une exception, les responsables, et tenue d'une réunion. Au cours de la visite des locaux, les commissaires ont pu tout aussi bien dialoguer avec les cadres, les éducateurs et les personnes handicapées. Ils ont aussi assisté, dans un établissement, à une réunion pédagogique très sérieuse et destinée à mettre au point des documents relatifs à sa vie interne et pour mettre en oeuvre la loi du 2 janvier 2002 précitée. Dans un autre site, une table ronde avec les représentants du personnel a été organisée.

Au cours de ses déplacements, comme lors de ses auditions, la commission d'enquête a pu obtenir, sans difficulté majeure, les informations et documents qu'elle a sollicités.

En définitive, la commission d'enquête n'aura pas vu deux établissements identiques, la variété des situations illustrant la variété des solutions à dégager avec pragmatisme et volonté tout à la fois.

Elle tient à remercier les personnels dirigeants d'établissements et responsables associatifs pour la qualité de leur accueil et des informations fournies.

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Dans les développements ci-après, la commission d'enquête présentera tout d'abord les formes diverses et multiples que peut revêtir la maltraitance envers les personnes handicapées accueillies en établissements, phénomène difficile à définir et à mesurer. Elle tentera d'en dégager les causes principales ( chapitre premier ).

Elle exposera ensuite les forces et les faiblesses du dispositif de lutte contre la maltraitance qui demeure encore trop souvent contraint par une pesante loi du silence, par une législation pas toujours cohérente sur le secret professionnel, par une répartition des compétences de contrôle insuffisamment précise et par une justice pas toujours suffisamment à l'écoute des personnes handicapées ( chapitre II ).

Enfin, pour répondre à la raison principale de sa création, la commission d'enquête proposera plusieurs orientations pour une politique de prévention, portant sur une meilleure connaissance du handicap et des personnes handicapées et sur une prise en charge mieux adaptée de ces derniers dans les établissements, au sein desquels une dynamique de bientraitance pourra se dégager grâce en particulier à leur ouverture optimale sur l'extérieur et à un approfondissement de la formation de toutes les parties prenantes, spécialement personnel et intervenants extérieurs ( chapitre III ).

* 3 Elle a consacré 37 heures à ces auditions, dont le compte rendu intégral fait l'objet du tome II du présent rapport.

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