B. LES RÉFORMES EN FRANCE

En France , l'imposition des revenus des ménages présente la forte particularité de combiner un impôt fortement progressif, l' IRPP (impôt sur le revenu des personnes physiques) avec , depuis les années 1990, une imposition proportionnelle qui est assise sur l'ensemble des revenus mais qui, compte tenu de la corrélation existant entre le niveau du revenu des ménages et sa diversification, touche davantage les revenus relativement les plus élevés.

L'élargissement de l'assiette d'imposition a permis une réduction, quelque peu chaotique, des taux nominaux de l'IRPP.

L'impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP), progressif, a été complété par la création de la contribution sociale généralisée (CSG) en 1991 et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) en 1996 , impôts proportionnels, affectés respectivement à la Sécurité sociale et au remboursement de la dette de celle-ci. La CSG avait pour objectif d'élargir la base de financement de la Sécurité sociale et s'est traduite par un alourdissement sensible de la taxation de l'épargne . La CSG et la CRDS étant considérées comme des impôts sur le revenu (IR), la part de l'imposition des revenus des ménages dans le PIB a très fortement augmenté au cours des années 90, passant de 4,6 % du PIB en 1990 à 8,5 % en 2001. L'IRPP stricto sensu n'a pas augmenté : il représentait 3,8 % du PIB en 1990 et 3,7 % en 2001 .

L'adjonction à l'IRPP de la CSG et de la CRDS peut être assimilée à un processus d'élargissement de la base taxable qui a permis de contenir l'augmentation des taux marginaux d'imposition sur le revenu sans toutefois prévenir une très forte augmentation du taux apparent d'imposition des revenus .

Évolution du taux apparent d'impôt sur le revenu

 

1980

1985

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

Impôt sur le revenu

7,3

7,8

7,6

8,0

8,3

8,3

8,4

8,2

8,6

9,2

12,7

13,1

13,2

Note : il s'agit de l'impôt sur le revenu au sens de la Comptabilité nationale (y compris CSG-CRDS) en pourcentage du revenu disponible brut.

Source : Comptes nationaux.

Celui-ci est passé de 7,6 à 13,2 % du revenu disponible des ménages en 10 ans.


LES PRINCIPALES MODIFICATIONS APPORTÉES À L'IRPP EN FRANCE

Les principales modifications de la taxation des revenus des ménages depuis le début des années 1990 ont été les suivantes :

- Une importante réforme en 1994 a simplifié un impôt très complexe et réduit de moitié le nombre de tranches passées de 12 à 6.

- Les baisses de taux à la fin de la décennie.

- Une forte diminution des avantages familiaux pour les foyers aisés en 1999.

- Une grande instabilité des nombreux mécanismes d'allégement d'IRPP (dont le nombre a augmenté pendant la première moitié de la décennie et s'est légèrement réduit depuis 1995).

- Une réduction des avantages dont bénéficie l'assurance-vie, des mesures en faveur de l'épargne longue et/ou risquée, mais une diminution des seuils en deçà desquels les revenus d'épargne sont exonérés (voir le chapitre sur l'imposition de l'épargne).

- La création de la PPE en 2001, impôt négatif conditionnel à l'exercice d'une activité professionnelle et très fortement individualisé (voir le chapitre V).

La réforme de 1994 a réduit le produit de l'IRPP de 19 milliards de francs (2,9 milliards d'euros) selon les estimations du moment, soit un peu plus de 6 % du rendement de l'IRPP. En 1997 , le gouvernement Juppé a mis en oeuvre un plan de réduction de l'ensemble des taux de l'IRPP, qui devait aboutir au bout de 5 ans à une baisse d'un quart de l'IRPP. Seule la première phase de ce plan a été effectuée, car la nouvelle majorité parlementaire a suspendu le plan. Toutefois, après une stabilisation des taux pendant trois ans, qui a abouti en 1999 à des recettes record compte tenu du dynamisme des revenus en 1998, le gouvernement Jospin a engagé à partir de 2000 un plan de baisse de l'ensemble du barème sur quatre ans.

Ce plan a, à son tour, été révisé lors de la dernière alternance.

Même si ses modalités ont été modifiées au gré des alternances politiques, une baisse des taux marginaux d'imposition a donc été mise en oeuvre.

Les taux d'IRPP

Années 1

1974 à 1981

1982 à 1985

1986

1987 à 1992

1993 à 1995

1996 à 1998

1999

2000

2001 2

2002

« 2000
Juppé

« 2002
Fabius 3 »

1 ère tranche

5

5

5

5

12

10,5

9,5

8,25

7,5

7,05

7

7

2 e tranche

10

10

10

9,6

25

24

23

21,75

21

19,74

20

20,5

3 e tranche

15

15

15

14,4

35

33

33

31,75

31

29,14

28

30,5

4 e tranche

20

20

20

19,2

45

43

43

41,75

41

38,54

35

40,5

5 e tranche

25

25

25

24

50

48

48

47,25

46,75

43,94

41

46,5

6 e tranche

30

30

30

28,8

56,8

54

54

53,25

52,75

49,58

47

52,5

7 e tranche

35

35

35

33,6

 
 
 
 
 
 
 
 

8 e tranche

40

40

40

38,4

 
 
 
 
 
 
 
 

9 e tranche

45

45

45

43,2

 
 
 
 
 
 
 
 

10 e tranche

50

50

50

49

 
 
 
 
 
 
 
 

11 e tranche

55

55

55

53,9

 
 
 
 
 
 
 
 

12 e tranche

60

60

58

56,8

 
 
 
 
 
 
 
 

13 e tranche

 

65

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

1 Il s'agit de l'année du revenu, l'impôt est payé l'année suivante.

2 Ces taux ne prennent pas en compte la réduction de 5 % de l'impôt sur le revenu soumis au barème, mise en oeuvre à l'automne 2002 par la nouvelle majorité.

3 « 2000 Juppé » correspond aux taux prévus pour 2000 dans le plan pluriannuel de réduction des taux de l'IRPP dont la première étape a été mise en place en 1996 et qui a été interrompu en 1997 par la nouvelle majorité. « 2002 Fabius » est le barème applicable aux revenus de 2002 annoncé en 2000 par le ministre des finances de l'époque, modifié par la nouvelle majorité.

Source : Piketty (1999), projets de lois de finances.

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