M. Marc Tessier, président de France Télévisions

Quelle est la politique de contenus de la télévision publique ? Il est nécessaire, pour pouvoir répondre à cette question, de rappeler tout d'abord que la télévision publique est plurielle. Constituée par le législateur, elle est composée d'un certain nombre de chaînes qui ont chacune leur ligne éditoriale : France 2, France 3, France 5, Arte, RFO, TV5 et les chaînes parlementaires. La politique conduite par la télévision publique et son impact sur l'économie de l'audiovisuel doivent être appréciés d'un point de vue d'ensemble.

Il faut ensuite garder à l'esprit les logiques qui animent la télévision publique, c'est-à-dire les grands principes qui guident ceux qui la dirigent. J'en soulignerai trois.

- La télévision publique suit une logique d'engagement, alors que la télévision privée suit une logique d'optimisation commerciale et financière. Cette logique d'engagement ne se décline pas uniquement en cahier des charges. Elle se traduit aussi par une série d'objectifs de programmes, dont certains sont quantifiés, figurant dans un contrat signé avec l'État actionnaire, et à travers lesquels l'État comme le public jugent et apprécient au moins en partie les résultats de la télévision.

- France Télévisions a un objectif de large audience qui est atteint par la complémentarité des audiences des différentes chaînes. Ce principe de large audience, fondateur de la télévision publique, est calqué sur la redevance, sa principale source de financement. Ce financement spécifique a comme contrepartie que ceux qui payent doivent regarder la télévision publique : si tel n'était pas le cas, la redevance ne pourrait être maintenue. C'est donc la redevance qui entraîne cet objectif. Le fait que la large audience soit atteinte par la complémentarité des chaînes est corrélé avec la notion de diversité des publics que France Télévisions doit viser. La télévision publique n'est pas centrée sur la « cible publicitaire », elle doit atteindre tous les publics.

- À partir du moment où il a été décidé que le paysage audiovisuel intègrerait une télévision publique représentant 40 % d'audience, la responsabilité de celle-ci est évidemment déterminante sur le plan économique. La politique des programmes de la télévision publique ne peut être définie sans prendre en compte cet impact sur l'ensemble du secteur audiovisuel. Pour cette raison la télévision publique débat largement avec les professionnels sur les choix en matière de programmes, et l'État lui fixe des objectifs économiques plus contraignants que ceux qu'il propose à la télévision privée.

Il est important de rappeler ces principes, non pas pour alimenter un débat sur la différence entre les télévisions publiques et privées, mais pour remonter aux intentions de ceux qui animent la télévision publique. Ces principes ont des implications en termes de contenus et de résultats.

Je soulignerai ici quatre priorités qui marquent les spécificités de la télévision publique.

- La première de ces priorités est l'information qui représente 40 % des coûts de grille. De manière exemplaire, France Télévisions a représenté plus de 75 % du volume d'heures consacré aux dernières campagnes électorales. La télévision publique se doit de proposer tout au long de la journée des sessions d'information régulières, en complémentarité d'une chaîne à l'autre. Ce sont des objectifs d'antenne que France Télévisions assume là depuis de très nombreuses années. Depuis ma prise de fonction, j'ai considéré que l'information était la première des priorités, et que France Télévisions devait la décliner sous toutes ses formes : journaux d'information, magazines d'investigation et de débats. France Télévisions a enfin comme objectif de relancer le magazine de débats et d'information international, ce qui a déjà été entamé sur France 3 au niveau du débat européen.

- Concernant une question comme la crise irakienne, que représente l'apport spécifique de la télévision publique face, en l'occurrence, à TF1 et LCI ? Les moyens déployés sont à peu près comparables. Mais le temps investi sur les antennes de la télévision publique est considérable pour expliquer et analyser les raisons de ce conflit. France Télévisions a ainsi été le seul à organiser en prime time deux émissions d'analyse, qui ont connu un succès considérable.

- Une deuxième priorité est la création. La télévision publique y investit davantage, développe plus de cases en première partie de soirée, va ouvrir une nouvelle case de deuxième partie de soirée pour le cinéma, a lancé des tentatives sur le day-time et est la seule à mener une politique active de production et de diffusion de documentaires. France Télévisions a des accords avec l'État en ce qui concerne les fictions pour la jeunesse. Les efforts fournis dans ce domaine de la création sont sans commune mesure avec ce que peuvent faire les consoeurs privées.

- Concernant les domaines de la connaissance et de la culture, la télévision publique est la seule à donner une large place à la culture, au livre et au spectacle vivant, à travers des magazines, des programmes courts, des lieux de débats, etc.
- La régionalisation est la quatrième priorité que je voudrais souligner ici. La spécificité de France 3 est d'offrir aux publics des émissions régionales et locales, ce qui est fait avec succès. La télévision publique est, pour le moment, singulière en ce domaine, même si l'ouverture des télévisions privées se fait en ce sens. Il est certain qu'elle aura un véritable défi à relever, ce qu'elle fera en adaptant ses antennes et en offrant plus de plages horaires à ses programmes locaux et régionaux.

Enfin, France Télévisions a depuis deux ans développé une série d'instruments nouveaux pour les contacts avec les téléspectateurs. La télévision publique doit examiner ses « baromètres d'image », et non pas seulement ses baromètres d'audience, pour voir si elle arrive comme elle le doit à se distinguer de ses consoeurs privées. C'est ainsi que j'ai attaché un très grand prix dans les choix d'antennes à ce que certaines émissions de télé-réalité n'aient jamais leur place sur nos chaînes.

Les structures des programmes des télévisions publiques et privées sont donc très différentes. L'objectif fondamental de France Télévisions est de rechercher pour ses chaînes des identités fortes et distinctes aux yeux des téléspectateurs, et représentatives du mode de financement que ces mêmes téléspectateurs assurent.

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