M. Jean-Claude Larrivoire, journaliste

Merci Monsieur Baudis.

Nous conclurons ainsi cette table ronde, pour entendre le ministre de la Culture et de la Communication, Monsieur Jean-Jacques Aillagon.

Allocution de clôture par M. Jean-Jacques AILLAGON,

ministre de la Culture et de la Communication

Je n'aurai bien entendu pas la prétention de conclure des débats aussi denses traitant d'un sujet aussi vaste qui intéresse évidemment tout particulièrement le ministre de la Culture et de la Communication, puisqu'il s'agit du champ de la diffusion culturelle dans notre pays.

À la question posée, « La télévision, pour quoi faire ? », j'en ajouterai une autre qui me tient à coeur : « La télévision publique , pour quoi faire ? », ce qui nous amène à demander ce que doit faire l'État pour la télévision.

Ces questions nous renvoient à une réflexion historique, puisque dès son apparition dans le paysage culturel français, la télévision s'est elle-même investie d'un certain nombre de missions. Ses champs d'engagements ont naturellement été ceux qui étaient couverts déjà par la radio : l'information, la distraction et l'« éducation » au sens très large du terme.

Au fil du temps, les chaînes se sont multipliées, le secteur privé s'y est intégré, elle est devenue un champ d'investissement économique. La démultiplication des vecteurs de diffusion a permis ensuite d'offrir à nos concitoyens un paysage audiovisuel d'une grande diversité et d'une grande richesse, tout comme le fera encore la télévision numérique terrestre.

Le paysage télévisuel est et sera très différent de ce qu'il fut dans les années 70 et 80, bien entendu, mais ce que nous en attendons suit toujours les trois grands axes que je citais : divertissement et distraction, information et connaissance.

Ce vaste paysage pourrait amener à penser, concernant la télévision publique, qu'il n'est plus nécessaire de maintenir une telle télévision spécifique, soutenue par les citoyens et l'engagement de la puissance publique. Ma conviction, comme vous le savez, est qu'il n'en est rien, d'autant que nous constatons que nos télévisions publiques constituent un bloc massif de la consommation quotidienne.

On doit tout de même se demander quelles sont les limites de l'expression de cette télévision publique, et quelle est sa singularité.

Tout d'abord, je ne crois pas qu'il faille multiplier les chaînes publiques au risque d'appauvrir le caractère de leurs programmes.

Le secteur public doit par contre offrir un accès de qualité à l'ensemble de nos concitoyens : cette ambition est l'une de ses caractéristiques très forte.

Sans jeter la moindre suspicion sur les opérateurs privés, dont nous savons à quel point ils sont soucieux de qualité, la prétention du service public est aussi d'offrir cette qualité. Si nous estimons que la télévision est un média qui permet au plus grand nombre d'accéder à la culture, cette ambition doit être prise en compte.

La même exigence doit se manifester pour l'information. Nous savons l'érosion de la lecture de la presse, de la presse quotidienne notamment. Dans beaucoup de foyers, la télévision finit par être le seul contact avec l'information : ceci implique que le service public soit attentif à la qualité et à la diversité de ce qu'il propose en la matière.

L'engagement doit également être bien marqué dans le domaine de la production cinématographique et audiovisuelle, ceci même au-delà des règles et des contraintes existantes. Je suis en ce qui me concerne particulièrement sensible à la situation de secteurs réputés marginaux de cette production, comme le documentaire, pour lequel notre pays semble avoir un peu perdu pied...

La règle de diversité qui s'impose à l'ensemble des opérateurs doit s'imposer plus fortement encore aux opérateurs publics : diversité des opinions et des informations, parfois déjà codifiée, mais aussi diversité artistique, musicale notamment, en étant promoteur d'artistes et de créateurs moins connus.

La télévision publique ne doit pas être assujettie aux seules considérations d'équilibre économique, même si elle a bien entendu le devoir d'équilibrer ses comptes. Je suis en ce sens profondément attaché à la pérennité du mode de financement spécifique de l'audiovisuel public, cela lui assurant stabilité et indépendance.

Le service public doit respecter les attentes de l'ensemble de ses téléspectateurs ; je pense notamment à satisfaire les personnes les plus handicapées, comme les sourds et malentendants, qui représentent environ 10 % de la population française. À l'occasion de la révision du contrat d'objectifs et de moyens, je compte bien amener la télévision publique à prendre des engagements sur l'amélioration du sous-titrage ou du doublage en langage des signes.

Les autres obligations, comme celles qui visent au respect de la personne humaine ou au respect des mineurs s'imposent évidemment à l'ensemble des opérateurs.

La télévision publique doit donc être exemplaire et innovante. En disant cela, je ne suggère évidemment en rien que la télévision privée ne soit pas capable de qualité, d'excellence, d'innovation ou d'attention à l'égard de nos concitoyens.

Dans ce contexte, l'État doit être exigeant, et marquer sa volonté par tous les moyens dont il dispose : la loi, la réglementation, les contrats, etc.

Mais à côté de son engagement en faveur du service public, il doit évidemment prendre en compte les intérêts du paysage audiovisuel dans son ensemble, et être le garant du cadre législatif qui fixe ce que l'on peut appeler le « règlement général » de l'audiovisuel. Les débats d'aujourd'hui ont montré que de grands chantiers sont ouverts et sont à ouvrir dans le sens du renforcement de ce règlement général. Il ne s'agit pas d'accumuler normes sur normes, de manière bureaucratique : nous avons tous intérêt à ce que ce règlement soit suffisamment clair pour atteindre les objectifs fixés, notamment celui d'un développement économique harmonieux de l'ensemble du paysage audiovisuel. Force est de constater qu'aujourd'hui, en fonction des textes en vigueur, le développement de certains secteurs est tout simplement impossible. Il est par exemple beaucoup question de télévisions locales : aucune économie n'est aménagée convenablement pour permettre leur développement réel. Je me suis prononcé favorablement pour que les opérateurs nationaux puissent investir dans ce domaine.

Je suis aussi partisan du progrès de la régulation, de même que de l'amoindrissement de la réglementation. Nous sommes traditionnellement plus réglementaires que régulateurs, mais la régulation que nous avons instaurée par la création de l'actuel CSA me semble être la bonne issue.

Nous tenterons donc au cours des prochains mois de renforcer le règlement général, tout en le simplifiant et en prenant en compte la vérité économique et les évolutions quotidiennes du paysage international et technologique.

Nous ne devons pas tout attendre de la télévision, comme nous avons aussi tendance à le faire de l'école... Ce sont sans doute les deux derniers cadres universels partagés par l'ensemble de nos concitoyens, ce qui nous amène à leur adresser systématiquement tous les reproches possibles et imaginables !

Cependant, si l'on ne peut pas tout imposer à la télévision, on ne doit pas non plus ne rien en attendre. C'est le plus efficace, le plus universel et le plus populaire des médias. Elle doit donc être mobilisée dans son expression, publique comme privée, pour tenter d'élever nos concitoyens dans les niveaux du débat politique et civique, de la pensée et de la culture.

Tout cela appelle de notre part vigilance et exigence, mais surtout de la confiance.

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