Rapport d'information n° 359 (2002-2003) de M. Philippe MARINI , fait au nom de la commission des finances, déposé le 18 juin 2003

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N° 359

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003

Annexe au procès-verbal de la séance du 18 juin 2003

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le débat d'orientation budgétaire ,

Par M. Philippe MARINI,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis, président ; MM. Jacques Oudin, Gérard Miquel, Claude Belot, Roland du Luart, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Aymeri de Montesquiou, vice-présidents ; MM. Yann Gaillard, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM. Philippe Adnot, Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Jacques Baudot, Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Eric Doligé, Thierry Foucaud, Yves Fréville, Paul Girod, Adrien Gouteyron, Hubert Haenel, Claude Haut, Roger Karoutchi, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, François Marc, Michel Mercier, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, René Trégouët.

Politique économique

INTRODUCTION

Avec la tenue du débat d'orientation budgétaire pour 2004, « une boucle est bouclée ». Le chaînage de l'année budgétaire imaginé par les auteurs de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances est désormais pleinement à l'oeuvre.

A l'automne 2002, l'année budgétaire a débuté avec l'examen du projet de loi de règlement pour 2001. Elle s'est poursuivie avec la tenue du premier débat consolidé sur les prélèvements obligatoires. Ensuite ont été examinés le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, le projet de loi de finances pour 2003 et le second projet de loi de finances rectificative pour 2002.

Pour la première fois, le Parlement a examiné le projet de loi de finances à la lumière des orientations budgétaires de moyen terme du gouvernement, définies dans la « programmation pluriannuelle des finances publiques » désormais intégrée au rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances, et qui préfigure le programme de stabilité transmis en fin d'année à la Commission européenne.

A la fin de l'année 2002, le programme de stabilité a été transmis à la Commission européenne, et a été examiné au premier trimestre par les autorités communautaires.

Au mois de juin 2003, en application de l'article 48 de la loi organique du 1 er août 2001, le gouvernement a présenté un rapport « en vue de l'examen et du vote du projet de loi de finances de l'année suivante par le Parlement ».

Parallèlement, la Cour des comptes a, au mois de mai 2003, conformément à l'article 58 de la loi organique, déposé un « rapport préliminaire conjoint » au rapport du gouvernement, « relatif aux résultats de l'exécution de l'exercice antérieur ». Ce document comporte, outre des informations sur l'exécution de l'exercice 2002, une analyse des premiers mois de l'exécution 2003.

L'article 48 de la loi organique précité dispose que le rapport présenté par le gouvernement peut donner lieu à un débat à l'Assemblée nationale et au Sénat. Les deux assemblées ont choisi d'utiliser cette faculté.

*
* *

Les orientations du gouvernement en matière budgétaire sont claires. Pour créer les conditions d'une croissance forte, durable et riche en emplois, il fait le choix de la baisse des prélèvements obligatoires . C'est à cette condition que l'initiative et l'investissement seront dynamisés et, pour tout dire, que l'attractivité de notre pays sera préservée. Il est temps de mettre fin à l'exception française en matière fiscale , la baisse des prélèvements obligatoire devant s'accompagner d'une réforme de la structure de notre système de prélèvements, pour encourager les revenus du travail et la prise de risque. Il faut toutefois inscrire ce mouvement dans la durée, et le proportionner à la croissance de l'économie.

En effet, on ne saurait négliger aujourd'hui que se creuse le déficit des administrations publiques, de l'Etat mais aussi de la sécurité sociale, que les dépenses sociales dérapent et que les dépenses de l'Etat sont de plus en plus rigides.

Il serait assurément dangereux d'engager dans l'immédiat une baisse massive des prélèvements obligatoires. Cela serait contraire à nos engagements européens. Cela aggraverait le poids de la dette, qu'il faut au contraire alléger pour être en mesure de faire face aux engagements futurs, et en particulier aux conséquences du vieillissement de la population.

Annoncer la baisse des prélèvements obligatoires est nécessaire. Créer les conditions de cette baisse des prélèvements obligatoire demande assurément du courage.

Pour réduire le poids des prélèvements sans aggraver celui de la dette, donc sans recourir au déficit, il n'y a pas d'autre solution que d'agir sur les dépenses publiques.

L'action sur les dépenses doit être graduée, surtout en période de basse conjoncture.

L'action sur les dépenses doit cependant être immédiate. D'abord parce que l'augmentation des prélèvements obligatoires doit être écartée absolument, même si la conjoncture se dégradait plus encore. Ensuite parce qu'il faut, tout de suite, affirmer une volonté et une détermination en procédant à des baisses de prélèvements, ciblées, au coût modeste, mais de nature à envoyer des signaux clairs pour donner confiance aux agents économiques.

L'action sur les dépenses ne doit pas être aveugle et les solutions de facilité doivent être écartées . La maîtrise des dépenses par le rationnement des crédits d'intervention, qui laisse intactes les structures administratives sans leur donner les moyens de fonctionner, ou par la réduction des dépenses d'investissement, qui hypothèque la croissance à long terme de l'économie, présentent, à l'évidence, beaucoup plus d'inconvénients que d'avantages.

La maîtrise des dépenses, condition nécessaire de la baisse progressive des prélèvements obligatoires et condition immédiate du respect de nos engagements européens, doit en réalité consister en un « redimensionnement » de la dépense publique . La baisse des prélèvements obligatoires ne peut pas être « gagée » par des économies au coup par coup, non pérennes. Notre économie ne pourra pas, dans un contexte où l'évolution des recettes est de plus en plus sensible à la conjoncture, faire face aux chocs conjoncturels si le déficit structurel n'est pas réduit.

Le « redimensionnement » de la dépense publique doit être celui de la sphère publique. L'examen des grandes masses du budget de l'Etat ne laisse pas perplexe longtemps. Pour que, dans un contexte de réduction des dépenses publiques, l'administration puisse fonctionner normalement, pour que l'Etat prépare l'avenir en investissant, il faut réduire le poids de la fonction publique en profitant de l'occasion unique que nous fournit la pyramide des âges . Il s'agit du moyen le plus puissant d'alléger le poids et la rigidité du budget de l'Etat. L'expérience de plusieurs de nos partenaires européens montre qu'il n'en résulterait pas une remise en cause de notre modèle social.

L'effort à réaliser sur les dépenses de l'Etat est d'autant plus important que les moyens de contenir la dynamique des dépenses des administrations sociales n'ont pas encore été, sinon inventés, du moins mis en oeuvre. De nouvelles augmentations des prélèvements sociaux étant d'emblée à écarter, la réforme de notre système d'assurance maladie est inévitable, et ne peut pas attendre.

Le gouvernement précédent a tenté de contenir les dépenses de l'Etat en multipliant les transferts de charges non compensés aux collectivités territoriales. Cette politique revenait pour l'Etat à « scier la branche » sur laquelle il était assis. Depuis la fin des années quatre-vingt-dix, les collectivités territoriales, après avoir « qualifié » la France pour l'euro, apportent une contribution positive au solde des administrations publiques, malgré les transferts non compensés, et parfois au prix de hausses d'impôts impopulaires.

La décentralisation, en réduisant les circuits administratifs et en rapprochant la décision politique du citoyen bénéficiaire de la dépense publique, constitue un facteur d'amélioration du rapport qualité-prix de la sphère publique. L'Etat ne doit pas croire qu'une compensation à due concurrence des charges transférées serait un obstacle au redressement des comptes publics. Au contraire. Mais l'autonomie de gestion des collectivités territoriales, en recettes comme en dépenses, doit être renforcée. Plus de responsabilité politique ne pourra qu'engendrer plus de rigueur de gestion, et pousser à la diminution de la pression fiscale.

Pour l'Etat, la décentralisation est une remise en cause. Responsable des finances publiques devant nos partenaires européens, il n'en maîtrise qu'une fraction de plus en plus réduite. N'est-ce pas pourtant la situation que connaissent déjà, par exemple, nos partenaires allemand et espagnol ? Au Sénat, en tout cas, personne ne regrettera la confiance portée aux élus locaux.

Le gouvernement a fixé un cap. La voie est étroite. Les choix ne sont pas faciles. Ils pourraient parfois se révéler douloureux. Le souci de votre commission des finances est de les expliciter, sans complaisance. Car l'information du Parlement et de l'opinion publique est une condition indispensable de la politique de réforme. Votre rapporteur général s'efforcera donc, ici, d'exposer patiemment les conditions de cohérence qui lui semblent essentielles pour le succès de l'action engagée par le gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin.

CHAPITRE PREMIER :

COMMENT SORTIR DE LA STAGNATION ET ÉVITER LA DÉFLATION ?

Les prévisions de croissance du PIB pour les années 2003 et 2004 présentées par le gouvernement dans son rapport en vue du débat d'orientation budgétaire (respectivement 1,3 % et 2,5 % ) 1 ( * ) sont nettement supérieures à celles du consensus des économistes (respectivement 1 % et 2 % ).

Certains aléas, comme le risque de déflation dans certains Etats de la zone euro, doivent également être pris en considération.

Cependant, le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire a pris certaines distances par rapport aux estimations déjà présentées. En effet, il a indiqué le 6 juin 2003 que la croissance pourrait être comprise en 2004 entre 2 % et 2,5 % 2 ( * ) . Il a en outre précisé qu'il souhaitait « que le taux de croissance retenu, cet été, pour préparer le projet de loi de finances pour 2004, soit le plus réaliste possible », et que « le consensus sera donc observé avec attention lors du prochain exercice de prévision à l'été » 3 ( * ) .

I. DES PRÉVISIONS DE CROISSANCE VOLONTARISTES ?

Selon le rapport du gouvernement en vue du débat d'orientation budgétaire, la croissance du PIB serait de 1,3 % du PIB en 2003 et 2,5 % du PIB en 2004, comme l'indique le graphique ci-après. Cela correspondrait en 2003 à une quasi-stabilité par rapport au taux observé en 2002, et en 2004 à un retour de la croissance à son taux potentiel.

Croissance du PIB

(croissance en moyenne annuelle, en %)

Source : Insee ; prévisions du gouvernement pour 2003 et 2004

Comme l'indique le graphique ci-après, le ralentissement observé à partir de 2001 provient de l'affaiblissement successif des différents « moteurs » de la croissance :

- la contribution du commerce extérieur à la croissance est nulle ou négative depuis 1998 ;

- la contribution des investissements est faible depuis 2001 (de 1,2 point de PIB de 1998 à 2000, elle a été presque nulle en 2002) ;

- en conséquence, en 2002 la contribution à la croissance de la consommation des ménages a diminué à son tour.

Ces « moteurs » devraient rester faibles en 2003 et 2004. Par ailleurs, la contribution à la croissance des dépenses des administrations publiques, de l'ordre de 1 point de PIB de 2000 à 2002, devrait être réduite de moitié en 2003 et 2004.

Contributions à la croissance du PIB

(croissance en moyenne annuelle, en %)

Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, Perspectives économiques 2003-2004, mars 2003

A. DES PRÉVISIONS DE CROISSANCE POUR 2003 SUPÉRIEURES AU CONSENSUS

1. Des prévisions de croissance revues à la baisse

Les prévisions de croissance du PIB pour 2003 ont été revues à la baisse, comme l'indique le graphique ci-après.

Ainsi, la prévision de croissance initiale pour 2003, de 2,5 % dans le projet de loi de finances initiale pour 2003, a été révisée en mars dernier à 1,3 %, conformément à ce qui était alors le consensus des conjoncturistes.

Prévisions de croissance du PIB pour 2003

(croissance en moyenne annuelle, en %)

Sources : projet de loi de finances pour 2003 ; ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, Perspectives économiques 2003-2004, mars 2003 ; Consensus Forecasts, octobre 2002 et mai 2003

2. Une estimation encore volontariste ?

La prévision de croissance du gouvernement pour 2003, de 1,3 %, est légèrement supérieure au consensus des conjoncturistes, de 1 %, et à la récente prévision de l'Insee 4 ( * ) , de 0,8%.

Cet écart s'explique notamment par le fait que le gouvernement prévoit une quasi-stabilité des investissements des entreprises en 2003, alors que la plupart des conjoncturistes, en particulier ceux du panel de la revue Consensus Forecasts 5 ( * ) , anticipent un net recul, comme l'indique le graphique ci-après.

En effet, les conjoncturistes considèrent que les entreprises vont chercher à se désendetter, en différant leurs investissements. Par ailleurs, la faible croissance de la consommation des ménages, consécutive en particulier à l'augmentation du taux de chômage, n'inciterait pas les entreprises à investir.

Principales prévisions économiques pour 2003

(croissance par rapport à 2002, en %)

(1) Investissement total dans le cas de la Commission européenne

B. DES PRÉVISIONS OPTIMISTES POUR 2004 ?

1. Une prévision de croissance supérieure au consensus

La prévision de croissance du gouvernement pour 2004, de 2,5 %, est également légèrement supérieure au consensus des conjoncturistes, de 2 %.

Cet écart correspond à des prévisions légèrement plus volontaristes en matière de consommation des ménages et d'investissement des entreprises, comme l'indique le graphique ci-après.

Principales prévisions économiques pour 2004

(croissance par rapport à 2003, en %)

2. Un consensus optimiste ?

Par ailleurs, certains conjoncturistes font une prévision moins favorable que celle du consensus. Ainsi, selon l'observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), le taux de croissance de l'économie française serait de seulement 0,8 % en 2003, en raison de prévisions plus défavorables en matière de taux de chômage, et donc de consommation des ménages. En effet, en raison de prévisions de croissance du PIB optimistes, les entreprises auraient retardé en 2002 l'ajustement de leurs effectifs, qui resterait par conséquent à venir.

Par ailleurs, alors que le consensus des économistes prévoit une croissance du PIB de la zone euro de 1 % en 2003 et 2 % en 2004, la Banque centrale européenne anticipe une croissance comprise entre 0,4 % et 1 % en 2003, et entre 1,1 % et 2,1 % en 2004 6 ( * ) .

II. D'IMPORTANTS ALÉAS

A. UN RISQUE D'APPRÉCIATION DE L'EURO ET D'AUGMENTATION DES TAUX D'INTÉRÊT ?

Le principal risque pesant sur l'économie de la zone euro est peut-être celui d'une appréciation de l'euro. Certaines analyses y ajoutent celui d'une augmentation des taux d'intérêt à long terme.

1. Un risque de poursuite de l'appréciation de l'euro ?

L'euro s'apprécie face au dollar depuis le début de l'année 2002, comme l'indique le graphique ci-après. Ainsi, alors qu'1 euro valait 1 dollar à la fin de l'année 2002, il en vaut désormais 1,2, ce qui correspond au taux de change lors de l'introduction de l'euro.

Taux de change euro/dollar

(valeur d'1 euro en dollar, en fin de mois)

Source : Banque centrale européenne

Les Etats-Unis et le Japon pourraient mener des politiques monétaires très expansionnistes. Dans ces conditions, l'euro pourrait continuer à s'apprécier par rapport au dollar et au yen.

Le gouvernement retenant, par convention, l'hypothèse d'un taux de change de 1 euro pour 1,10 dollar, ce phénomène amènerait à revoir à la baisse les prévisions de croissance du PIB.

Selon le gouvernement, une dépréciation du dollar de 10 % aurait un faible impact sur le PIB français et européen (de l'ordre de 0,2 point de PIB au total) 7 ( * ) . L'OFCE propose un chiffre nettement plus élevé (entre 0,5 et 0,8 point de PIB pour la zone euro), comme l'indique le tableau ci-après.

L'impact d'une dépréciation du dollar de 10 %

(en % du PIB)

Gouvernement (1)

OFCE (2)

France

Zone euro

1 an

2 ans

1 an

2 ans

n. c.

Impact sans réaction de politique monétaire

- 0,3

- 0,5

- 0,5

- 0,6

-

Impact avec réaction de politique monétaire

- 0,1 (3)

- 0,2 (3)

- 0,2 (3)

- 0,2 (3)

- 0,5 à - 0,8

(1) Rapport économique, social et financier pour 2003.

(2) Lettre de l'OFCE n° 223, 5 juillet 2002.

(3) Baisse de 70 points de base des taux d'intérêt dans la zone euro dès la première année.

2. Un risque d'augmentation des taux d'intérêt à long terme ?

Par ailleurs, le niveau élevé des déficits publics dans la zone euro pourrait susciter une augmentation des taux d'intérêt à long terme lorsque les entreprises cesseront de se désendetter et recommenceront à investir.

Ce risque - mis en avant, notamment, par M. Patrick Artus - ne s'est cependant pas encore concrétisé, comme l'indique le graphique ci-après :

Taux d'intérêt à long terme
(OAT, 10 ans)

(en %)

Source : Banque de France

B. UN RISQUE DE DÉFLATION POUR LA ZONE EURO ?

Un autre aléa concerne le risque de déflation en Europe, qui a été récemment souligné par plusieurs économistes - en particulier MM. Jean-Paul Betbéze, Michel Aglietta et Patrick Artus 8 ( * ) .

La déflation se définit, au sens large , comme une inflation négative. Une inflation négative ne s'accompagne pas nécessairement d'une contraction du PIB. Ainsi, comme le rappelle M. Michel Aglietta, « le dernier tiers du XIX ème siècle a connu une longue déflation. La tendance des prix à la consommation a été continuellement orientée à la baisse : pendant 23 ans au Royaume-Uni (1873-1896), 31 ans en France (1875-1906), 41 ans aux Etats-Unis (1865-1906) ». Dans une récente étude 9 ( * ) , le FMI définit la déflation comme « un déclin soutenu d'une mesure agrégée des prix, comme l'indice des prix à la consommation et le déflateur de PIB ».

La crise des années 30 a suscité une baisse des prix accompagnée d'une contraction du PIB. Il en découle une seconde définition de la déflation, plus stricte : celle d'un cercle vicieux entre baisse des prix et contraction du PIB.

Trois phénomènes interdépendants peuvent permettre à ce phénomène de s'enclencher (une baisse des prix étant normalement un facteur d'augmentation de la demande) :

- des difficultés du système bancaire 10 ( * ) ;

- une politique monétaire inadaptée 11 ( * ) ;

- une augmentation des taux d'intérêt et du taux d'endettement réels, consécutive à la diminution des prix (cercle vicieux décrit par Irving Fisher dans sa théorie de la debt deflation ).

1. Un phénomène qui concerne déjà certains pays

Le graphique ci-après indique la situation de certains pays en matière d'inflation, de croissance du PIB et de risque de déflation soutenue (tel qu'évalué par l' « indice de risque de déflation » du FMI, présenté dans l'étude précitée).

Inflation, croissance du PIB et risque de déflation


(en %)

Croissance du PIB
(2002)

Croissance des prix à la consommation
(2002)

* Inflation négative sans contraction du PIB
** Inflation négative avec contraction du PIB
*** Cet indice évalue le risque de déflation soutenue (définie au sens large, c'est-à-dire sans qu'il y ait nécessairement de contraction du PIB)

Sources : sources nationales ; Fonds monétaire international, « Deflation : Determinants, Risks, and Policy Options - Findings of an Interdepartmental Task Force », 30 avril 2003

Selon ses propres termes, le FMI « n'a pas trouvé d'éléments justifiant une forte inquiétude de déflation globale et généralisée ». En effet, le risque de déflation ne serait élevé que dans quatre pays - le Japon, Taïwan, Hong Kong et l'Allemagne -, comme l'indique l'encadré ci-après. En particulier, ce risque serait faible en France et aux Etats-Unis.

L'indice de risque de déflation du FMI

Le FMI a élaboré pour 35 pays un « indice de risque de déflation », établi à partir de quatre séries d'indicateurs :

- les prix agrégés ;

- l'écart de production ;

- les marchés financiers ;

- le crédit et les indicateurs monétaires.

Cet indice évalue le risque de déflation soutenue (sans qu'il y ait, forcément, de contraction du PIB).

Le tableau ci-après indique son niveau pour les pays étudiés :

Indice de risque de déflation

Minimal

Faible

Modéré

Elevé

Australie

Chili

Danemark

Malaisie

Nouvelle Zélande

Russie

Afrique du Sud

Espagne

Autriche

Brésil

Canada

Chine

France

Grèce

Inde

Irlande

Italie

Corée du Sud

Mexique

Pays-Bas

Pologne

Thaïlande

Royaume-Uni

Etats-Unis

Belgique

Finlande

Norvège

Portugal

Singapour

Suède

Suisse

Japon

Hong Kong

Taïwan

Allemagne

Source : Fonds monétaire international, « Deflation : Determinants, Risks, and Policy Options - Findings of an Interdepartmental Task Force », 30 avril 2003

a) Au sens le plus strict (recul des prix et du PIB), la déflation a touché l'Argentine de 1999 à 2001

Au sens le plus strict (contraction du PIB et diminution des prix), le seul pays ayant été ces dernières années en déflation est l'Argentine.

L'Argentine a en effet connu trois années d'inflation et de croissance négatives de 1999 à 2001 (avec en 2001 des taux de respectivement -1,1 % et - 4,4 %).

Ce phénomène provient de la dévaluation du real brésilien en 1998, alors que l'Argentine était en régime de taux de change fixe avec le dollar ( currency board ) et de la faiblesse du système bancaire.

Elle a cependant renoué en 2002 avec une croissance légèrement positive et une inflation élevée (de l'ordre de 25 %), ce qui provient de la dépréciation du peso argentin en 2002 (son taux de change étant passé de 1 dollar en décembre 2001 à environ 0,3 dollar depuis juin 2002).

b) Dans un sens plus large (recul des prix et faible croissance du PIB), le Japon, Hong Kong et Taïwan sont actuellement en déflation

Dans un sens plus large (diminution des prix et faible croissance du PIB), le Japon, Hong Kong et Taïwan sont également en déflation. Le FMI estime que ces premiers pays font partie des quatre dont l' « indice de risque de déflation » (c'est-à-dire de risque de déflation soutenue, sans qu'il y ait forcément contraction du PIB) est le plus élevé.

Au Japon, le PIB est en quasi-stagnation depuis 1994, et les prix diminuent chaque année depuis 1999 (ils ont diminué de près de 1 point en 2002).

Ce phénomène s'explique par une série de causes :

- effondrement des marchés boursier, puis immobilier, au début des années 1990 ;

- surévaluation du yen (de 1990 à 2002, le yen s'est apprécié en termes réels de plus de 30% par rapport aux autres monnaies d'Asie );

- réaction trop lente de la Banque du Japon ;

- difficultés du système bancaire.

Contrairement à l'Argentine de 1999 à 2001, ce pays ne connaît pas de déflation au sens strict, dans la mesure où la croissance du PIB, bien que faible, demeure positive.

La situation de Hong Kong se rapproche de celle du Japon. Du fait notamment d'un système de taux de change fixe avec le dollar ( currency board ) et d'une concurrence avec la Chine de plus en plus forte, ce pays a connu de 1999 à 2002 une croissance du PIB peu élevée compte tenu de son taux potentiel (à peine plus de 2 % en 2002), accompagnée d'une inflation négative (- 3,1 % en 2002). Taïwan se trouve dans une situation comparable.

La Chine a également connu une inflation négative en 2002. Néanmoins, la forte croissance économique de ce pays, ainsi que les mesures de relance décidées par le gouvernement, rendent le risque d'une déflation soutenue peu élevé, selon le FMI.

2. Un risque de déflation en Allemagne ?

Au sein de la zone euro, l'Allemagne se rapproche de la situation japonaise par une quasi-stagnation du PIB.

L'inflation y demeure cependant positive (1,4 % en 2002), à un taux proche de ceux observés aux Etats-Unis (1,6 %) et en France (1,9 %).

Le FMI estime que l'Allemagne fait partie des quatre pays dont l' « indice de risque de déflation » est le plus élevé. Il écrit que dans ce pays « la probabilité qu'une déflation modérée se produise l'année prochaine est considérable ».

La faible croissance observée dans ce pays provient en effet des facteurs qui sont habituellement en oeuvre lors d'une déflation :

- le taux de conversion du mark en euros a été surévalué de 10 % à 20 % (ce qui provient notamment de la politique monétaire menée à la suite de la réunification de l'Allemagne) ;

- la Banque centrale européenne mène une politique adaptée non à la situation de l'Allemagne, mais à celle de l'ensemble de la zone euro ;

- le système bancaire est fragile (faible rentabilité et faible valorisation).

3. Un risque de déflation pour plusieurs Etats de la zone euro ?

Il n'est pas impossible que la désinflation touche plusieurs Etats de la zone euro.

Certes, selon les termes du FMI, « une propagation internationale généralisée de la déflation semble improbable », du fait de la flexibilité des taux de change et de la possibilité des Etats d'adapter leur politique économique à un risque de déflation.

Cependant, ces facteurs stabilisateurs ne jouent pas dans le cas de la zone euro. En effet, « là où les taux de change sont fixes, notamment dans le cas d'une union monétaire, l'ajustement aux chocs de demande négatifs serait considérablement plus prolongé, parce qu'il s'effectuerait à travers les prix nationaux plutôt que par le taux de change. Cela rend plus probable que se développent des anticipations de déflation, avec des conséquences délétères supplémentaires sur la demande ».

Ainsi, selon le FMI, « si la déflation apparaissait en Allemagne et se révélait durable, des pressions pourraient se transmettre assez rapidement à d'autres pays de la zone euro, en particulier à travers le système financier ».

Selon le FMI, les Etats de la zone euro les plus menacés par un risque de déflation seraient, outre l'Allemagne, la Belgique, la Finlande et le Portugal.

Par ailleurs, la concurrence des pays émergents constitue un facteur de déflation pour l'ensemble des pays développés.

Un facteur de risque pour l'ensemble des pays développés : la concurrence des pays émergents

De 1995 à 2001, la proportion des importations de la zone euro en provenance d'Asie est passée de 17 % à 20 %, du fait notamment de l'augmentation des importations de produits chinois (passée de 4 % à 8 % du total).

Les coûts de production étant bas dans ces pays, il en résulte une pression à la baisse sur les prix des produits industriels, par rapport aux services (baisse du prix relatif de l'ordre de 20 % aux Etats-Unis, dans la zone euro et au Japon depuis 1990), et même de manière absolue, aux Etats-Unis (depuis 2001) et au Japon (depuis 1993).

C. APPLIQUER UN « PRINCIPE DE PRÉCAUTION » ?

Dans ces conditions, il pourrait sembler opportun d'appliquer, en matière de politiques macroéconomiques, un « principe de précaution ».

1. Rendre la politique monétaire plus accommodante ?

On peut en particulier se demander si la politique menée par la Banque centrale européenne (BCE) est appropriée.

Certes, les taux d'intérêt de la zone euro sont historiquement bas, en particulier quand on les compare à l'inflation (de 1,9 % en mai 2003 en glissement annuel), comme l'indique le graphique ci-après.

Les taux d'intérêt à court terme et l'inflation dans la zone euro

(en %)

Sources : Bundesbank, Banque de France, Banque centrale européenne

Deux éléments doivent cependant être pris en considération.

Tout d'abord, la BCE détermine le niveau des taux d'intérêt en fonction des conditions économiques de la zone euro dans son ensemble, et non de celles d'un pays particulier. Il en découle qu'en cas de choc asymétrique, l'adaptation de l'économie d'un pays doit se faire par les prix, ce qui constitue un facteur déflationniste. Ainsi, selon de nombreux observateurs, la situation économique de l'Allemagne exigerait des taux d'intérêt plus bas.

Ensuite, si l'on considère la zone euro dans son ensemble, il faut également garder à l'esprit que le risque de déflation tend à être sous-estimé. Ainsi, selon une étude citée par le FMI 12 ( * ) , la politique monétaire menée par le Japon avant la déflation aurait été appropriée, voire expansionniste d'après une règle de Taylor, compte tenu de ce qu'étaient alors les anticipations d'inflation. Ce n'est qu' a posteriori que cette politique s'est révélée inadaptée. Ainsi, le FMI estime que « sous des régimes à cible d'inflation » (ce qui est le cas de la zone euro), « les décideurs publics ne devraient pas définir une cible d'inflation trop basse, mais plutôt indiquer une « zone tampon » ».

Comme l'indique le tableau de la page suivante, la banque centrale européenne (BCE) a récemment fait un pas en ce sens, indiquant, le 8 mai 2003, que les taux d'inflation devaient être « proches de 2 % à moyen terme », ce qui répondait au souci d' « aménager une marge de sécurité suffisante pour se prémunir contre les risques de déflation » 13 ( * ) .

La BCE devrait peut-être aller encore plus loin. Ainsi, dans son étude précitée, M. Jean-Paul Betbéze suggère qu'elle retienne comme cible d'inflation une zone comprise entre 1 % et 3 %.

2. Eviter une politique budgétaire trop restrictive ?

Le FMI estime en outre que la politique budgétaire peut jouer un rôle important en matière de prévention de la déflation. Il écrit en particulier que « dans un environnement où s'instaurent des anticipations déflationnistes, et avec l'économie dans une trappe à liquidité 14 ( * ) , une politique expansionniste - au-delà des stabilisateurs automatiques - peut être nécessaire ».

Le respect du pacte de stabilité et de croissance (PSC) en 2004 obligerait néanmoins la France à mener en 2004 une politique budgétaire restrictive.

3. Moduler les ratios prudentiels en fonction de la conjoncture ?

Une autre mesure envisageable afin de réduire le risque de déflation, proposée par M. Jean-Paul Betbéze dans l'étude précitée, consisterait à moduler les ratios prudentiels (ratio dit Cooke, et bientôt Mac Donough) en fonction de la conjoncture, de manière à ce qu'ils ne soient pas procycliques en réduisant la capacité des banques à faire crédit lors du ralentissement conjoncturel.

La stratégie de la Banque centrale européenne

Stratégie définie le 13 octobre 1998

Adaptations apportées le 8 mai 2003

Objectif de stabilité des prix

« La stabilité des prix est définie comme une progression sur un an de l'indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) inférieure à 2 % dans la zone euro. La stabilité des prix doit être maintenue à moyen terme ».

« Le Conseil des gouverneurs (...) visera à maintenir les taux d'inflation à des niveaux proches de 2 % à moyen terme . Cette clarification souligne l'engagement de la BCE à aménager une marge de sécurité suffisante pour se prémunir contre les risques de déflation » .

Premier pilier

« Un rôle de premier plan assigné à la monnaie dans le cadre de l'évaluation des risques pesant sur la stabilité des prix. »

Cette analyse prend en compte « l'évolution d'une large gamme d'indicateurs monétaires, comprenant notamment M3 , ses composantes et ses contreparties, en particulier le crédit, ainsi que diverses mesures de l'excédent de liquidité ».

Une « valeur de référence » d'évolution de M3 (actuellement fixé à 4,5 % sur un an).

Le Conseil des gouverneurs a décidé de « ne plus procéder à un réexamen annuel de la valeur de référence. »

Il est précisé que « l'analyse monétaire apporte principalement un élément de recoupement, dans une perspective à moyen et à long terme , des indications à court et à moyen terme ressortant de l'analyse économique ».

Second pilier

« une évaluation des perspectives d'évolution des prix reposant sur une large gamme d'indicateurs.»

Source : Banque centrale européenne, « la stratégie de politique monétaire de la BCE », communiqué de presse du 8 mai 2003

CHAPITRE II :

LA POLITIQUE BUDGÉTAIRE ET LES RÈGLES COMMUNAUTAIRES

I. LES ORIENTATIONS BUDGÉTAIRES DU GOUVERNEMENT DÉJÀ DÉFINIES AU NIVEAU EUROPÉEN

Comme le rappelle le rapport du gouvernement en vue du présent débat d'orientation budgétaire, « la politique des finances publiques de la France s'inscrit dans le cadre défini en commun au sein des institutions européennes ».

Les règles communautaires en matière de finances publiques

Le pacte de stabilité et de croissance (PSC) consiste, formellement, en une résolution (dépourvue de force juridique) adoptée par le Conseil européen le 17 juin 1997 à Amsterdam, et en deux règlements :

- l'un, relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi qu'à la surveillance et à la coordination des politiques économiques (1466/97), prévoit que chaque Etat membre doit rendre public chaque année un « programme de stabilité » à moyen terme, le Conseil pouvant adresser des recommandations aux pays s'écartant de ce programme ;

- l'autre (1467/97) définit les programmes de stabilité ou de convergence et précise la procédure concernant les déficits excessifs.

La résolution fixe l'objectif d'un retour à une situation proche de l'équilibre à moyen terme, sans mentionner d'échéance particulière 15 ( * ) .

1. L'interdiction d'un déficit public supérieur à 3 % du PIB et d'une dette publique supérieure à 60 % du PIB

L'interdiction d'avoir un déficit public supérieur à 3 % du PIB a pour base juridique l'article 104 (ex-104 C) du traité instituant la communauté européenne.

Un protocole annexé au traité de Maastricht, instaurant la procédure concernant les déficits excessifs, fixe la règle selon laquelle le déficit public ou la dette publique ne peut être supérieur à respectivement 3 % et 60 % du PIB. La discipline budgétaire est censée avoir été respectée si le déficit public ne dépasse pas 3 % du PIB 16 ( * ) .

Les modalités de mise en oeuvre de cette procédure sont définies par le règlement précité n° 1467/97 du Conseil du 7 juillet 1997, qui prévoit que le déficit n'est pas excessif lorsque le PIB réel de l'Etat membre « enregistre une baisse annuelle d'au moins 2 % ». Par ailleurs, dans la résolution citée ci-avant, les Etats se sont engagés à ne pas invoquer le bénéfice de cette dernière disposition lorsque la baisse annuelle du PIB réel serait inférieure à 0,75 %.

Lorsque des sanctions sont décidées contre un Etat membre, le Conseil doit, « en principe », exiger avant tout que cet Etat « effectue un dépôt non porteur d'intérêts » 17 ( * ) .

2. Le contenu des programmes de stabilité

L'article 99 (ex-article 103) du traité instituant la communauté européenne prévoit l'adoption de « grandes orientations de politiques économiques », sous la forme d'une recommandation adoptée par le Conseil, statuant à la majorité qualifiée.

Selon le règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil, les États membres de la zone euro doivent présenter annuellement un programme de stabilité 18 ( * ) , indiquant notamment la trajectoire de retour à moyen terme à une position budgétaire proche de l'équilibre ou excédentaire. Le Conseil émet un avis, dans lequel il peut inviter l'État membre concerné à adapter son programme. Ultérieurement, il peut lui adresser une recommandation s'il constate un dérapage signifi catif de la position budgétaire. Cet avis et cette recommandation ne peuvent être adoptés que sur proposition de la Commission.

Pour les parlements nationaux, les programmes de stabilité constituent un élément d'information essentiel s'agissant des orientations budgétaires à moyen terme du gouvernement.

Pour cette raison, depuis l'entrée en vigueur de l'article 50 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances « présente et explicite les perspectives d'évolution, pour au moins les quatre années suivant celle du dépôt du projet de loi de finances, des recettes, des dépenses et du solde de l'ensemble des administrations publiques (...) au regard des engagements européens de la France, ainsi que, le cas échéant, des recommandations adressées à elle sur le fondement du traité instituant la Communauté européenne ».

Autrement dit, le Parlement est désormais destinataire, au moment de la discussion du projet de loi de finances, d'un document (intitulé « programmation pluriannuelle des finances publiques ») présentant les principaux éléments du programme de stabilité que le gouvernement envisage de transmettre à la Commission européenne.

Pour le débat d'orientation budgétaire, la confrontation des prévisions du gouvernement pour l'année à venir à son programme de stabilité constitue un élément d'analyse essentiel.

A. LE PROGRAMME DE STABILITÉ 2004-2006 TRANSMIS EN DÉCEMBRE 2002

Le programme pluriannuel transmis à la Commission européenne en décembre 2002 retrace les orientations budgétaires du gouvernement telles qu'il les envisageait à la fin de l'année dernière.

1. Une croissance comprise entre 2,5 % et 3 %

Le programme de stabilité transmis par la France à la Commission européenne au mois de décembre 2002, et portant sur la période 2004-2006, propose deux scénarios reposant sur des hypothèses de croissance différentes.

Le premier retient l'hypothèse d'une croissance de 2,5 % pour chacune des années de 2003 à 2006.

Le second retient l'hypothèse d'une croissance du PIB de 2,5 % en 2003 et de 3 % pour les années suivantes.

Les prévisions de croissance dans le programme de stabilité 2004-2006

(en %)

2002

2003

2004

2005

2006

Scénario à 2,5 %

Programmation précédente

2,5

2,5

2,5

2,5

Programmation actuelle

1,2

2,5

2,5

2,5

2,5

Scénario à 3 %

Programmation précédente

2,5

3,0

3,0

3,0

Programmation actuelle

1,2

2,5

3,0

3,0

3,0

2. Déficit des administrations publiques : l'abandon de l'objectif de retour à l'équilibre en 2006

En matière de déficit des administrations publiques, le programme de stabilité transmis en décembre 2002 se démarquait du précédent en ce qu'il renonçait à la fiction selon laquelle, que la croissance soit de 2,5 % ou de 3 %, le retour à l'équilibre des finances publiques pourrait être atteint dès 2004 (comme l'objectif en avait été fixé au Conseil européen de Barcelone en mars 2002) ou au moins en 2005.

Dans l'hypothèse la plus favorable, la programmation actuelle laisse espérer un déficit des administrations publiques ramené à 0,5 % du PIB en 2006.

Pour 2004, l'objectif retenu était un besoin de financement des administrations publiques de 2,1 % du PIB dans le scénario basé sur une croissance à 2,5 %.

L'évolution du solde des administrations publiques dans le programme de stabilité 2004-2006

(en % du PIB)

2002

2003

2004

2005

2006

Scénario à 2,5 %

Programmation précédente

- 1,4

- 1,3

- 0,5

- 0,0

Programmation actuelle

- 2,8

- 2,6

- 2,1

- 1,6

- 1,0

Scénario à 3 %

Programmation précédente

- 1,4

- 1,0

0,0

0,3

Programmation actuelle

- 2,8

- 2,6

- 2,0

- 1,4

- 0,5

La programmation transmise à la Commission européenne ne prévoit donc pas de retour à l'équilibre en 2006. Ce choix du gouvernement français fait l'objet de discussion avec les autorités communautaires et certains autres Etats membres de l'Union européenne :

Le retour à l'équilibre public : l'échéance de 2007

A l'occasion de la réunion de l'Eurogroupe du 7 octobre 2002, la France s'est engagée à réduire son déficit structurel de 0,5 point par an, mais seulement à partir de l'année 2004, et à n'atteindre par conséquent l'équilibre des finances publiques qu'en 2007 (alors que ses partenaires ont affirmé leur volonté d'entamer cette réduction dès l'année 2003, et donc d'arriver à l'équilibre des finances publiques en 2006).

Lors de sa réunion du 21 janvier 2003, le conseil Ecofin a estimé, dans une recommandation adressée à la France, dans le cadre de la procédure dite d'« alerte avancée » comme dans son avis sur le programme de stabilité, qu'elle devait réduire son déficit structurel « d'au moins 0,5% du PIB » chaque année dans le but de parvenir une « position budgétaire proche de l'équilibre ou excédentaire » dès l'année 2006 .

Le 13 mai 2003, à l'issue d'une réunion de l'Eurogroupe et quelques jours après que l'Allemagne avait indiqué (le 10 mai) ne pas être en mesure d'atteindre l'objectif de ses finances publiques en 2006, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a déclaré : « apparemment, cet horizon 2006 a disparu même des réflexions de la Commission » européenne.

M. Pedro Solbes a alors néanmoins affirmé que l'objectif n'avait « pas été abandonné » et qu'il figurait dans « différentes recommandations des conseils » des ministres. Tel n'est plus la cas désormais. Ainsi, la recommandation à la France adoptée par le Conseil ECOFIN du 3 juin 2003 19 ( * ) ne fixe pas d'objectif de retour à l'équilibre en 2006.

3. La dette des administrations publiques

En matière d'endettement, le programme de stabilité actuel tire les conséquences du dérapage des finances publiques intervenu en 2002. Il n'anticipe plus une décroissance régulière à compter de 2002 du ratio d'endettement public rapporté au PIB, mais un « pic » en 2003, qui serait suivi d'une baisse progressive pour atteindre, en 2006, un niveau supérieur aux estimations de la programmation précédente.

L'évolution du poids de la dette dans le programme de stabilité 2004-2006

(en % du PIB)

2002

2003

2004

2005

2006

Scénario à 2,5 %

Programmation précédente

56,3

55,7

54,5

52,9

Programmation actuelle

58,7

59,1

58,9

58,3

57,0

Scénario à 3 %

Programmation précédente

56,3

55,3

53,6

51,8

Programmation actuelle

58,7

59,1

58,5

57,3

55,4

B. DES HYPOTHÈSES RÉVISÉES AU PREMIER TRIMESTRE 2003

A l'occasion de la publication des résultats définitifs de l'exécution 2002, le gouvernement a tiré les conséquences du dérapage constaté en 2002 et du ralentissement du rythme de croissance du PIB en révisant ses prévisions pour les années 2003 et 2004.

Jusqu'à la publication de la « programmation pluriannuelle des finances publiques  2005-2007 » (qui doit être associée au projet de loi de finances pour 2004), la programmation actuelle pour 2005 et 2006 reste le scénario envisagé par le gouvernement pour l'évolution des finances publiques.

1. Un déficit pour 2002 supérieur à 3 % du PIB

En 2002, le déficit des administrations publiques de la zone euro s'est établi à 2,2 % du PIB, contre 1,6 % en 2001.

La France, qui était en dessous de la moyenne de la zone euro en 2001 avec un déficit des administrations publiques de 1,5 %, a connu un doublement de son besoin de financement puisque celui-ci s'est finalement établi à 3,1 % du PIB.

Le dérapage des finances publiques enregistré en 2002 a été plus important que celui constaté dans le reste de la zone euro :

Evolution du solde des administrations publiques entre 1999 et 2002

(en % du PIB)

Source : INSEE première, n° 895, avril 2003

Le rapport sur les perspectives économiques 2003-2004, établi par le gouvernement à l'occasion de la réunion de mars 2003 de la commission des comptes économiques de la Nation 20 ( * ) , détaille la part respective des différents niveaux d'administration publique dans la dégradation du besoin de financement entre 2001 et 2002 :

Evolution du solde des administrations publiques entre 2001 et 2002

(en % du PIB)

2001

2002

Administrations publiques

- 1,4 21 ( * )

-3,0

Etat

- 2,2

- 3,7

Organismes divers d'administration centrale

0,4

0,7

Administrations publiques locales

0,1

0,3

Administrations de sécurité sociale

0,2

- 0,3

Source : ministère de l'économie et des finances, rapport sur les perspectives économiques 2003-2004, mars 2003

La dégradation du besoin de financement des administrations publiques est donc imputable pour 1,5 point de PIB à l'Etat et pour 0,5 point de PIB aux administrations sociales, qui sont devenues déficitaires en 2002. Le solde des administrations publiques aurait été encore plus dégradé si les organismes d'administration centrale n'avaient pas accru leur excédent, de même que les administrations publiques locales.

2. Un déficit des administrations publiques désormais prévu à 3,4 % du PIB en 2003 et 2,9 % en 2004

A l'occasion de la réunion de la commission des comptes économiques de la Nation du mois de mars 2003, le gouvernement a modifié ses prévisions en matière de déficit des administrations publiques.

Pour 2003, le déficit ne serait plus de 2,6 % du PIB comme envisagé dans le programme de stabilité de décembre 2002, mais de 3,4 % du PIB.

Pour 2004, la prévision officielle s'établit désormais non plus à 2,1 %, mais à 2,9 %.

La Commission européenne estime pour sa part que le déficit de la France devrait atteindre 3,7 % du PIB en 2003 et 3,6 % en 2004. Ces prévisions rejoignent celles du consensus des conjoncturistes (3,5 % du PIB) 22 ( * ) .

Le solde public en 2004 : explication de l'écart entre la prévision du gouvernement et celle du consensus des conjoncturistes

L'écart, de 0,6 point de PIB, entre la prévision de déficit public du gouvernement, de 2,9 % du PIB, et celle du consensus des conjoncturistes (tel qu'évalué par le numéro de mai 2003 de la revue Consensus Forecasts , de 3,5 % du PIB, provient de deux phénomènes.

Tout d'abord, l'écart de taux de croissance du PIB (2,5 % selon le gouvernement et 2 % selon le consensus), de 0,5 point, correspond, toutes choses égales par ailleurs, à un déficit public supérieur d'environ 0,2 ou 0,3 point de PIB dans le cas du consensus.

Ensuite, les hypothèses de croissance des dépenses publiques diffèrent. En effet, contrairement à celle du gouvernement, de nombreux conjoncturistes font leurs prévisions à politiques publiques inchangées (tel est le cas en particulier de la Commission européenne).

3. La dette représenterait 60,5 % du PIB en 2003 et 61,4 % en 2004

Dans le pire des cas, le programme de stabilité transmis à la Commission européenne en décembre 2002 envisageait que le ratio de l'endettement public rapporté au PIB atteigne son niveau maximal en 2003, à 59,1 %.

En réalité, ce niveau a été atteint en 2002 et les prévisions du gouvernement dans le rapport sur les perspectives économiques 2003-2004 de mars 2003 indiquent désormais que le seuil de 60 % du PIB serait franchi en 2003, pour atteindre 60,5 % du PIB, et que ce taux augmenterait à nouveau en 2004 pour s'établir à 61,4 % du PIB.

On peut rappeler à cet égard que le traité sur l'Union européenne prévoit que la dette publique ne peut être supérieure à 60 % du PIB.

C. LE DÉCLENCHEMENT DE LA PROCÉDURE DE DÉFICIT EXCESSIF

Le constat du dépassement par la France du seuil de 3 % de déficit par rapport au PIB a conduit la Commission européenne à déclencher à l'encontre de celle-ci la procédure dite de « déficit excessif ».

1. Le cadre juridique

L'article 104 du traité instituant la Communauté européenne dispose que la « Commission surveille l'évolution de la situation budgétaire et du montant de la dette publique dans les Etats membres » et examine notamment si la discipline budgétaire a été respectée sur la base de deux critères : le dépassement du seuil de 3 % du déficit par rapport au PIB 23 ( * ) ; le dépassement du seuil de 60 % de dette publique par rapport au PIB 24 ( * ) .

Si un Etat membre ne respecte pas les critères, la Commission européenne élabore un rapport, « qui examine également si le déficit public excède les dépenses publiques d'investissement ». La Commission peut également élaborer un rapport si, « en dépit du respect des exigences découlant des critères, elle estime qu'il y a un risque de déficit excessif dans un Etat membre ».

Si la Commission estime qu'il existe un risque de déficit excessif, elle saisit le Conseil, qui en décide. Si le Conseil confirme l'opinion de la Commission, il a dresse des recommandations à l'Etat membre concerné afin que celui-ci mette un terme à cette situation, par des « actions suivies d'effet », dans un délai donné.

Si l'Etat membre concerné « persiste à ne pas donner suite aux recommandations du Conseil, celui-ci peut décider de mettre l'Etat membre en demeure de prendre, dans un délai déterminé, des mesures visant à la réduction du déficit jugée nécessaire par le Conseil pour remédier à la situation ».

Aussi longtemps qu'un Etat ne se conformerait pas à une mise en demeure du Conseil, celui-ci peut décider : d'exiger de cet Etat de publier des informations supplémentaires avant d'émettre des obligations ou des titres ; d'inviter la banque européenne d'investissement à revoir sa politique de prêts à son égard ; d'exiger que cet Etat fasse, auprès de la Communauté, un dépôt ne portant pas intérêt, d'un montant approprié, jusqu'à ce que, de l'avis du Conseil, le déficit ait été corrigé ; d'imposer des amendes d'un montant approprié.

Les modalités d'application de cette procédure sont précisées par le règlement du Conseil n° 1467/97 du 7 juillet 1997 25 ( * ) .

Le montant du dépôt est déterminé en fonction de règles précisées ci-après :

Le montant du dépôt

Le montant du premier dépôt comprend un élément fixe égal à 0,2 % du PIB et un élément variable égal au dixième de la différence entre le déficit exprimé en pourcentage du PIB de l'année précédente et la valeur de référence de 3 % du PIB. Chacune des années suivantes, s'il est décidé d'exiger un dépôt supplémentaire, celui-ci est égal au dixième de la différence entre le déficit exprimé en pourcentage du PIB de l'année précédente et la valeur de référence de 3 % du PIB. Tout dépôt n'excède pas le plafond de 0,5 % du PIB.

Si en 2004 la France enregistrait un déficit de 3,6 % du PIB (comme le prévoit la Commission européenne), le montant de l'éventuel dépôt serait donc de 0,2 + (3,6 - 3)/10 = 0,26 % du PIB, soit environ 4 milliards d'euros.

2. Les premières étapes de la procédure

a) Le rapport au comité économique et financier (2 avril 2003)

A la suite de la transmission par la France de l'estimation de son déficit public pour 2002 (3,04 % selon la France, 3,1 % selon Eurostat), la Commission européenne a transmis le 2 avril 2003 au comité économique et financier 26 ( * ) un rapport, dans lequel elle indique que la France a été en situation de déficit excessif en 2002, et prévoit, à politiques inchangées, un déficit de 3,7 % du PIB en 2003 et 3,6 % du PIB en 2004 (contre 3,4 % et 2,9 % respectivement selon le gouvernement).

b) L'avis de la Commission au Conseil (7 mai 2003)

Dans un avis rendu au conseil le 7 mai 2003, la commission européenne, estimant qu'il y avait un déficit excessif en France, a recommandé au conseil d'adopter une décision en ce sens, et l'a invité à recommander au gouvernement français de mettre fin à la situation actuelle de déficit excessif dès que possible, et d'ici 2004 au plus tard.

Le 9 mai 2003, le Premier ministre a indiqué sur la chaîne de télévision LCI : « nous ferons tout pour, l'année prochaine, en 2004, être à 2,9%, c'est-à-dire dans les normes budgétaires qui sont celles de l'Europe ».

3. Les recommandations du Conseil et les engagements pris par le gouvernement

Le 3 juin 2003, le Conseil a adopté une décision constatant l'existence d'un déficit excessif en France et, le Danemark et les Pays-Bas ayant voté contre, une recommandation à la France ayant pour objet de remédier à la situation de déficit excessif.

A l'initiative de la Commission européenne, la situation de déficit excessif avait auparavant été constatée par le conseil, successivement dans le cas du Portugal et de l'Allemagne, comme l'indique le tableau ci-après 27 ( * ) .

Mise en oeuvre de la procédure des déficits publics excessifs

Portugal

Allemagne

France

Déficit (en % du PIB)

4,1

3,6

3,1

Année concernée

2001

2002

2002

Décision du conseil

5 novembre 2002

21 janvier 2003

3 juin 2003

Retour à l'équilibre observé l'année suivante

Oui (1)

-

-

(1) Les autorités portugaises sont parvenues à ramener le déficit nominal de 4,1 % du PIB en 2001 à 2,8 % en 2002.

Conformément à l'article 104 du traité CE, le Conseil a fixé à la France un délai de quatre mois pour prendre les « mesures suivies d'effet » susceptibles de corriger le caractère excessif de son déficit. Le terme du délai a été fixé au 3 octobre 2003 au plus tard.

La recommandation précise également que 28 ( * ) :

- les mesures prises avant le 3 octobre 2003 doivent avoir porté leur effet dans l'année suivant la mise en évidence du déficit excessif, soit en 2004 ;

- la réduction du déficit structurel doit être en 2003 significativement plus importante que celle actuellement envisagée par le gouvernement ;

- le gouvernement doit prendre toutes les mesures nécessaires pour réduire le déficit structurel d'au moins 0,5 % du PIB en 2004, afin que l'effet cumulé des mesures prises en 2003 et 2004 permette d'afficher un niveau de déficit des administrations publiques inférieur au seuil de 3 % du PIB ;

- la France doit contenir en 2004 le ratio de dette publique par rapport au PIB à son niveau de 2003.

Par ailleurs, le Conseil note que les autorités françaises ont fait part de leur détermination à poursuivre la mise en oeuvre de mesures de « consolidation budgétaire » après 2004, conformément aux engagements pris dans le programme de stabilité, et en particulier par une réduction du déficit structurel d'au moins 0,5 % du PIB par an.

Le Conseil relève également les efforts du gouvernement pour maîtriser les dépenses en 2003 et se félicite qu'il ait engagé la réforme des retraites de nature à assurer la soutenabilité à long terme des finances publiques.

Dans son rapport en vue du présent débat d'orientation budgétaire, le gouvernement réaffirme que « le retour à un déficit inférieur à 3 % en 2004 est l'objectif du gouvernement ».

II. LA SITUATION DE LA FRANCE AU REGARD DES AUTRES ÉTATS MEMBRES DE L'UNION EUROPÉENNE

A. EN MATIÈRE DE SOLDE DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES

1. La France, avant dernière de l'Europe en termes de solde des administrations publiques

Entre 1998 et 2002, la France n'a non seulement pas amélioré son « classement » au sein des Etats membres de l'Union européenne en matière de solde des administrations publiques - elle est restée avant dernière - mais elle a en outre dégradé le niveau de celui-ci.

Sur la période, seule l'Allemagne réalise une plus mauvaise performance, puisqu'elle rétrograde du neuvième au quinzième rang et que son déficit passe de 2,2 % de son PIB à 3,6 %.

Evolution du solde des administrations publiques

(en % du PIB ; avec UMTS)

Source : rapport préliminaire de la Cour des comptes sur l'exécution des lois de finances

Entre 1998 et 2002, sept pays de l'Union européenne ont subi une dégradation du solde de leurs administrations publiques. Si le solde moyen de la zone euro est resté stable sur la période, celui des Etats membres de l'Union européenne s'est lui-même dégradé, passant de - 1,6 % du PIB à - 1,9 %.

Sur la période, le nombre d'Etats membres à l'équilibre ou dégageant une capacité de financement est passé de 6 à 5. Au sein des Etats ayant un besoin de financement en 1998, seule la Belgique est parvenue à atteindre l'équilibre en 2002.

Dans son récent rapport sur les finances publiques dans l'union économique et monétaire 29 ( * ) , la Commission européenne relève que, fin 2002, six Etats membres, dont quatre appartenant à la zone euro (et représentant 18 % du PIB de cette zone) étaient parvenus à une position budgétaire excédentaire ou proche de l'équilibre tandis que deux Etats membres, représentant la moitié du PIB de la zone euro, enregistraient des déficits supérieurs au seuil de 3 % du PIB.

2. Un déficit structurel élevé

Le déficit structurel est le déficit des administrations publiques corrigé des variations liées aux évolutions du cycle économique. Son calcul repose donc largement sur des conventions, en particulier la détermination d'un taux de croissance potentielle de l'économie. Les conventions retenues par le gouvernement et la Commission européenne ne sont d'ailleurs pas identiques 30 ( * ) .

Selon la méthodologie retenue par la Commission européenne, le déficit structurel de la France se situe à un niveau significativement plus élevé que la moyenne de l'Union européenne.

En 2002, 2003 et 2004, la France enregistrerait le déficit structurel le plus important des pays de l'Union européenne. En 1991, sept pays sur douze avaient un déficit structurel supérieur à celui de la France. Ils étaient six sur quinze en 1997 31 ( * ) .

Evolution du solde structurel des administrations publiques dans l'Union européenne

(en % du PIB)

1991

1997

2002

2003

2004

Allemagne

-4,8

-2,3

-3,3

-2,6

-2,4

Espagne

-2,6

-0,4

-0,4

-0,1

France

-2,9

-2,5

-3,3

-3,5

-3,3

Royaume Uni

-2,2

-2,6

-1

-2

-2

Italie

-12,1

-2,9

-2,1

-1,8

-2,7

Zone euro

-2,4

-1

-2

-2

Union européenne

-2,3

-1,8

-1,8

-1,8

Source : Commission européenne, Cyclical Ajustment of Budget Balances, printemps 2003

B. EN MATIÈRE D'ENDETTEMENT DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES

1. Un « avantage comparatif » fortement dégradé du fait de la dérive de la dette de l'Etat

En 1996, onze pays de l'Union européenne affichaient un ratio de dette des administrations publiques par rapport au PIB supérieur à celui constaté en France, plaçant ainsi notre pays en troisième position, à égalité avec la Finlande.

En 2002, la France se situait en dixième position.

Avec l'Allemagne, notre pays est le seul de l'Union européenne dont le ratio a augmenté entre 1996 et 2002. La Cour des comptes relève dans son rapport préliminaire sur l'exécution des lois de finances pour 2002 que la France est, depuis 2001, le sixième pays le plus endetté de l'Union européenne, alors qu'elle occupait le douzième rang sur quinze en 1996.

Entre 1996 et 2002, l'Irlande a divisé par plus de deux son ratio, tandis que le Royaume Uni et les Pays-Bas l'ont réduit de près d'un tiers.

Evolution du ratio dette sur PIB entre 1996 et 2002

(en % du PIB)

1996

2002

Union européenne

72,6

Union Européenne

62,5

Zone euro

74,5

Zone euro

69,1

1. Luxembourg

6,2

1. Luxembourg

8,1

2. Royaume-Uni

52,7

2. Irlande

34,0

3. France

57,1

3. Royaume-Uni

38,6

3. Finlande

57,1

4. Finlande

42,7

5. Allemagne

59,8

5. Danemark

45,2

6. Portugal

62,7

6. Suède

31,1

7. Danemark

65,1

7. Pays-Bas

52,6

8. Espagne

68,2

8. Espagne

54,0

9. Autriche

69,1

9. Portugal

58,0

10. Irlande

74,3

10. France

59,1

11. Pays-Bas

75,2

11. Allemagne

60,8

12. Suède

76,0

12. Autriche

67,9

13. Grèce

111,3

13. Grèce

104,8

14. Italie

122,1

14. Belgique

105,4

15. Belgique

130,9

15. Italie

106,7

Source : rapport préliminaire de la Cour des comptes sur l'exécution des lois de finances

2. Le déficit primaire : une exception franco-allemande

Dans son rapport préliminaire sur l'exécution des lois de finances pour 2002, la Cour des comptes relève que la France est, avec l'Allemagne, le seul Etat membre de l'Union européenne a enregistré en 2002 un déficit primaire 32 ( * ) , qui s'établit à 0,1 % du PIB.

Comparaison de l'évolution du solde primaire de la France avec les moyennes européennes

(en % du PIB)

Source : rapport préliminaire de la Cour des comptes sur l'exécution des lois de finances

III. LA POLITIQUE ÉCONOMIQUE DANS LE CONTEXTE DU PACTE DE STABILITÉ : NE PAS HYPOTHÉQUER LA CROISSANCE

Le pacte de stabilité fixe aux Etats membres de l'Union européenne l'obligation de tendre, sans préciser l'échéance, vers des finances publiques équilibrées, ou proches de l'équilibre.

Faut-il cependant, indépendamment de la conjoncture, subordonner entièrement la politique budgétaire à cet objectif ? Un tel choix de politique économique ne risquerait-il pas de compromettre la croissance à long terme des économies européennes ? Des écarts par rapport à la tendance de retour à l'équilibre ne doivent-ils pas être tolérés, lorsque la conjoncture se dégrade et que l'évolution des recettes est inférieure aux prévisions ? Ne faut-il pas souscrire aux propos du ministre du budget, qui déclarait, le 28 février 2003 : « s'agissant des recettes, il serait inapproprié, voire dangereux, de vouloir les compenser par des baisses supplémentaires de dépenses, car on pourrait entraîner une récession économique » ?

A. PACTE DE STABILITÉ OU PACTE DE CROISSANCE ?

1. L'équilibre des finances publiques, corollaire indispensable du passage à l'euro ?

L'une des idées servant de fondement au pacte de stabilité et de croissance est que si un Etat a un déficit public important, les autres en pâtiront du fait de taux d'intérêt plus élevés.

Ce phénomène, avéré, ne doit cependant pas être surestimé. Ainsi, selon l'OFCE, « les conséquences d'une politique budgétaire expansionniste sur le taux d'intérêt de l'euro ne peuvent être que mineures, pour ne pas dire marginales » 33 ( * ) . Il est clair que le niveau relatif des taux d'intérêt entre les Etats-Unis et l'Europe dépend davantage des anticipations comparées de croissance des économies de part et d'autre que du respect mécanique, par les Etats de la zone euro, des normes du pacte de stabilité.

2. Une réduction du déficit structurel nuit-elle à court terme à la croissance ?

Pour respecter la lettre du pacte de stabilité, deux pays (la France et l'Allemagne), représentant la moitié du PIB de la zone euro, doivent à très court terme ramener leur déficit en dessous de la limite de 3 % du PIB. Quel impact un ajustement de cette ampleur serait-il susceptible d'avoir sur la croissance économique de la zone euro à court et moyen terme ?

S'appuyant sur des simulations réalisées à l'aide du modèle QUEST, la Commission européenne minore l'impact négatif qu'une réduction du déficit public aurait sur la croissance du PIB 34 ( * ) .

Certes, elle reconnaît que « l'assainissement budgétaire peut avoir un léger effet de contraction sur le PIB à court terme ».

Elle nuance cependant ce constat, estimant qu'à certaines conditions, l'impact sur la croissance pourrait être positif , tant à court terme qu'à moyen terme.

a) L'impact pourrait-il être positif à court terme ?

La Commission européenne considère que « l'effet de l'assainissement budgétaire sur le PIB à court terme pourrait être atténué, voire devenir positif, si ce processus est associé à des réformes structurelles des marchés de facteurs et de produits et s'il s'accompagne d'une politique monétaire souple », l'assainissement budgétaire jouant souvent « un rôle de catalyseur propice aux réformes structurelles ».

L'analyse de la Commission peut sembler volontariste, voire optimiste.

Pour autant, il convient d'en accepter l'augure, notre pays étant engagé dans la mise en oeuvre de profondes réformes structurelles, la réforme des retraites étant appelée à être prolongée par celle de l'assurance-maladie. En outre, dès - il faut l'espérer - la loi de finances pour 2004, le « redimensionnement » des effectifs de la fonction publique qui constitue le moyen le plus puissant de dégager des marges de manoeuvres budgétaires, devrait être à l'oeuvre.

b) L'impact pourrait-il être positif à moyen terme ?

La Commission européenne estime en outre que l'impact sur le PIB d'un assainissement budgétaire est « positif à moyen terme lorsqu'il prend la forme de réductions de dépenses et non de hausses d'impôts ». Cette analyse est partagée par le gouvernement dans son rapport en vue du présent débat d'orientation budgétaire.

Ce jugement peut néanmoins sembler optimiste. C'est ce que suggèrent des simulations réalisées pour votre commission des finances par le centre d'observation économique (COE) de la chambre de commerce et d'industrie de Paris, à l'occasion du débat d'orientation budgétaire pour 2001.

Selon le COE, en France une réduction de l'impôt sur le revenu et des cotisations sociales employeurs de l'ordre de 3 points de PIB en quatre ans, accompagnée d'une diminution des dépenses publiques de manière à réduire le déficit public de 2,4 points de PIB 35 ( * ) , réduirait le PIB de 0,7 point la première année. Cet impact négatif serait progressivement annulé à un horizon de quatre ans, mais le PIB à moyen terme ne s'en trouverait pas accru.

Dans ces conditions, il semble que le respect du pacte de stabilité et de croissance alors que l'économie de la zone euro ralentit serait peut-être procyclique à court terme , et vraisemblablement neutre à moyen terme .

B. LE RÉCENT ASSOUPLISSEMENT DES CONDITIONS DE RETOUR À L'ÉQUILIBRE DES FINANCES PUBLIQUES

Indépendamment de l'existence du pacte de stabilité, la nécessité pour la France de réduire son déficit public provient en fait essentiellement de celle de maîtriser sa charge de la dette. Cette dernière rend d'autant plus difficile pour les lois de finances de dégager les crédits nécessaires au financement de nouvelles politiques publiques, et ne permet pas d'alléger les prélèvements obligatoires dans les proportions nécessaires à l'amélioration de la compétitivité de notre économie.

Le pacte de stabilité et de croissance présente donc le grand intérêt d'inciter fortement à la vertu. Il ne doit cependant pas s'opposer à la mise en oeuvre par les Etats membre des mesures de pilotage économique les plus appropriées pour faire face à une dégradation de la conjoncture.

Dans son rapport relatif au projet de loi de finances rectificative examiné en juillet 2002 36 ( * ) , votre rapporteur général prônait un assouplissement des conditions de retour à l'équilibre du solde public, ce qui à court terme passait par :

- le report de cet objectif (fixé à l'année 2004 par le conseil européen de Barcelone de mars 2002) à l'année 2007 ;

- la fixation d'objectifs en termes de solde structurel, et non de solde effectif.

Il faut se réjouir que les modalités d'application du pacte de stabilité et de croissance aient, depuis, été modifiées sur ces deux points 37 ( * ) .

1. La fixation d'objectifs en terme de déficit structurel

A l'occasion de la réunion de l'Eurogroupe le 7 octobre 2002, les Etats membres de la zone euro ont décidé que les performances en matière de solde des administrations publiques devaient être analysées en termes de solde structurel.

Au cours de sa réunion « de printemps », en mars 2003 à Bruxelles, le Conseil européen a confirmé que le respect de l'obligation de tendre vers des finances publiques équilibrées ou proches de l'équilibre devait être apprécié en termes structurels.

Le Conseil a également estimé que les Etats membres en situation de besoin de financement devaient réduire leur déficit structurel d'au moins 0,5 point de PIB par an jusqu'à l'achèvement du processus de retour à l'équilibre ou à un niveau proche de l'équilibre 38 ( * ) .

2. Une lecture du pacte désormais compatible avec les impératifs de la politique économique ?

L'interprétation du pacte de stabilité résultant du Conseil européen de mars 2003, fournit une lecture des règles du pacte plus compatible avec les impératifs de la politique économique qu'il n'avait pu sembler jusqu'ici.

Le Conseil a réaffirmé l'intérêt du pacte de stabilité et de l'objectif de parvenir à des finances publiques équilibrées ou proche de l'équilibre, l'équilibre étant dorénavant apprécié en termes structurels et non conjoncturels,  pour les raisons suivantes :

- à court terme, une telle situation permet de laisser jouer les stabilisateurs automatiques en cas de dégradation de la conjoncture économique ;

- à moyen terme, une situation équilibrée ou proche de l'équilibre permet de dégager des marges de manoeuvre pour réduire les prélèvements obligatoires ou redéployer les dépenses publiques en faveur de postes tels que la recherche ou l'investissement ;

- à long terme, cette règle permet d'être en mesure de faire face de manière satisfaisante aux coûts résultant du vieillissement de la population, en particulier en matière de régimes de retraite et d'assurance maladie.

Le Conseil a insisté sur la nécessité de laisser jouer les stabilisateurs automatiques dans toutes les phases du cycle économique et d'éviter de mener des politiques budgétaires procycliques en période de conjoncture favorable.

C. COMMENT ÉVITER DE SACRIFIER LA CROISSANCE À LONG TERME ?

On peut néanmoins s'interroger sur l'impact que le pacte de stabilité et de croissance, sous sa forme actuelle, peut avoir sur la croissance à long terme de la zone euro.

1. Le pacte de stabilité n'interdit pas de consacrer davantage de crédits à l'investissement

Il faut tout d'abord souligner que le pacte de stabilité n'interdit pas de consacrer davantage de crédits à l'investissement.

L'article 104 du traité CE prévoit d'ailleurs que le rapport établi par la Commission, lorsqu'elle estime qu'un Etat membre ne respecte les critères de déficit et de dette par rapport au PIB, « examine également si le déficit public excède les dépenses publiques d'investissement », ce cas de figure pouvant constituer une « circonstance atténuante » en cas de déficit excessif avéré. Ainsi, dans son rapport consacré au déficit excessif en France 39 ( * ) , la Commission relève qu' « on peut (...) conclure que le creusement du déficit des administrations publiques ces dernières années ne peut pas s'expliquer par la progression du ratio de l'investissement au PIB, qui n'a guère évolué ces dernières années ».

Comme votre rapporteur général a eu l'occasion de l'indiquer à l'occasion du récent débat sur les infrastructures de transports, les dépenses d'investissement doivent être financées non par une augmentation des impôts, mais par un arbitrage différent entre le fonctionnement et l'investissement. Depuis des années, la commission des finances dénonce le recul de l'investissement comme conséquence de la « rigidification » de la dépense publique.

Le budget de l'Etat en faveur des transports est consacré pour près de 80 % au fonctionnement, et ce chiffre est encore plus élevé pour le transport ferroviaire (seulement 5 % du budget des transports terrestres est directement consacré à l'investissement). En 2001, la France n'a consacré que 0,8 % de son produit intérieur brut au développement de ses infrastructures de transports. Des réformes de structures devraient permettre de dégager des marges de manoeuvre. On pense évidemment à la réforme de la SNCF (l'ensemble du secteur ferroviaire « SNCF-RFF » coûte au budget de l'Etat de l'ordre de 10 milliards d'euros par an).

Il faut enfin noter que l'arbitrage en faveur de l'investissement public correspond aux orientations prises par la commission européenne elle-même qui, constatant que sur les 400 milliards d'euros d'investissements européens de transports à réaliser d'ici à 2010, seulement 20 % étaient achevés en 2002, propose de porter la contribution financière de l'Union européenne de 10 % à 20 % du coût total des investissements dans le cadre des réseaux transeuropéens (RTE).

2. Préciser encore le contenu du pacte : recourir à la « règle d'or » ou mieux prendre en compte la dette publique  ?

Il n'en demeure pas moins que le pacte de stabilité pourrait être amélioré afin d'être rendu plus favorable à l'investissement public.

Ainsi que votre rapporteur général l'a indiqué lors de la discussion du premier projet de loi de finances rectificative pour 2002, plusieurs critères pourraient pondérer ceux actuellement utilisés afin de rendre le pacte de stabilité plus favorable à la croissance à long terme :

- prise en compte spécifique des dépenses d'investissement pour le calcul du solde public (éventuellement dans le cadre de la « règle d'or ») ;

- meilleure prise en compte du niveau de la dette publique 40 ( * ) (y compris les engagements hors bilan, en particulier ceux correspondant aux régimes de retraites), qui constitue la principale menace à long terme pour la stabilité monétaire. En outre, il pourrait être envisagé de lier le niveau de déficit excessif dans un pays donné à celui de son stock de dette. En effet, plus celui-ci est faible, moins le retour à l'équilibre des finances publiques à moyen terme est indispensable.

3. L'initiative de la future présidence italienne

L'Italie, qui prendra la présidence de la zone euro à compter du 1 er juillet 2003, a récemment présenté un dispositif spécifique 41 ( * ) destiné à relancer investissements en infrastructures dans la zone euro.

a) Une augmentation annuelle des investissement comprise entre 0,5 % et 1 % du PIB communautaire

L'augmentation annuelle proposée serait de l'ordre de 0,5 % à 1 % du PIB communautaire (soit de 45 à 90 milliards d'euros 42 ( * ) ), comme l'indique le graphique ci-après :

La relance de l'investissement proposée par l'Italie
(réseaux transeuropéens)

(investissement annuel, en milliards d'euros)

Source : présidence italienne de l'Union européenne, A European Action for Growth, 9 juin 2003

b) Les projets concernés : les réseaux transeuropéens

Les infrastructures concernées seraient les réseaux transeuropéens (RTE), relatifs aux transports, à l'énergie et aux télécommunications (cf. encadré ci-après). L'Italie propose d'étendre le champ des RTE « à l'investissement immatériel, au capital humain, à la R & D, à la haute technologie ».

Les réseaux transeuropéens (RTE)

1. Cadre général

L'article 154 du traité CE, inséré par le traité sur l'Union européenne, prévoit :

« 1. La Communauté contribue à l'établissement et au développement de réseaux transeuropéens dans les secteurs des infrastructures du transport, des télécommunications et de l'énergie. Dans le cadre d'un système de marchés ouverts et concurrentiels, l'action de la Communauté vise à favoriser l'interconnexion et l'interopérabilité des réseaux nationaux ainsi que l'accès à ces réseaux.

2. Elle tient compte en particulier de la nécessité de relier les régions insulaires, enclavées et périphériques aux régions centrales de la Communauté ».

Ces projets sont définis dans le cadre de la procédure de codécision.

Le conseil européen d'Essen (décembre 1994) a défini 14 projets prioritaires pour les transports et 10 pour l'énergie.

2. Les transports

Les orientations communautaires pour le réseau transeuropéen de transport (RTE-T) ont été arrêtées par la décision n° 1692/96/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 1996. Ce document se présente comme « un cadre général de référence destiné à encourager les actions des Etats membres et, le cas échéant, de la Communauté visant à réaliser des projets d'intérêts commun ayant pour objet d'assurer la cohérence, l'interconnexion et l'interopérabilité de réseau transeuropéen de transport ainsi que l'accès à ce réseau ». Cette décision a un caractère clairement facultatif, puisque son article premier précise que « ces projets constituent un objectif commun dont la réalisation dépend de leur degré de maturité et de la disponibilité de ressources financières, sans préjuger de l'engagement financier d'un Etat membre ou de la Communauté ». A l'échéance de 2010, le coût total du RTE-T est estimé à 400 milliards d'euros.

Au conseil européen d'Essen des 9 et 10 décembre 1994, avant même que l'ensemble du RTE-T ne soit arrêté, il a été décidé de concentrer les financements sur quatorze projets déclarés hautement prioritaires. La plupart appartiennent au réseau de transport ferroviaire à grande vitesse.

Dans le cas de la France, les réseaux concernés sont :

- la liaison PBKAL (Paris, Bruxelles, Cologne, Amsterdam, Londres) ;

- la liaison Sud vers Madrid par la voie atlantique et par la voie méditerranéenne ;

- la liaison Est Paris-Allemagne ;

- la liaison Lyon-Turin-Milan-Venise-Trieste.

Le coût des quatorze projets d'Essen est estimé à 103 milliards d'euros.

Seulement trois d'entre eux ont été achevés. Il s'agit de l'aéroport de Milan-Malpensa, du pont entre Copenhague et les îles Malmoe et de la ligne ferroviaire Cork-Dublin.

3. L'énergie

Dans le cas de l'énergie, plusieurs projets ont été décrétés prioritaires au conseil européen d'Essen en décembre 1994. Dans le cas de la France, il s'agit de l'interconnexion des réseaux électriques France-Espagne et France-Italie.

4. Les télécommunications

Dans le cas des télécommunications, la décision du Parlement européen et du Conseil du 9 novembre 1995 (2717/95) établit une série d'orientations pour le développement du réseau numérique à intégration de services (RNIS) en tant que réseau transeuropéen.

Par ailleurs, la décision du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 1997 établit un ensemble d'orientations pour les réseaux transeuropéens de télécommunications.

c) Un financement par la Banque européenne d'investissement

Sur le plan institutionnel, ces investissements seraient financés non par les Etats membres, mais par la Banque européenne d'investissement (BEI), qui a été le principal financeur des RTE au cours de la dernière décennie.

Outre l'utilisation des systèmes de financement mixte (sur le modèle du public-private partnership britannique) 43 ( * ) , garantis par la BEI, le gouvernement italien préconise un large recours aux mécanismes de titrisation et à l'émission d'obligations, éventuellement garanties par les Etats membres.

d) Une mise en oeuvre à partir de 2004

Le gouvernement italien propose que le conseil « Ecofin » de juillet 2003 charge la Commission européenne et la BEI de présenter une proposition concernant les priorités en matière de RTE et les nouveaux instruments dont pourrait disposer la BEI. La proposition de la Commission européenne pourrait ensuite être adoptée lors du conseil européen de Bruxelles de décembre 2003.

e) Une proposition intéressante

Dans la mesure où le financement de ce projet ne serait pas assuré par les Etats membres, il serait compatible avec les obligations du pacte de stabilité et de croissance, ainsi que l'a indiqué la Commission européenne le 12 juin 2003.

A court terme , une augmentation des dépenses d'investissement de 0,5 à 1 point de PIB en 2004 permettrait de soutenir l'activité dans la zone euro. Si l'on retient l'hypothèse d'un multiplicateur keynésien de l'ordre de 1,5 pour la zone euro, l'impact sur la croissance pourrait être significatif (de l'ordre de 1 point de croissance).

A plus long terme , la proposition italienne pourrait permettre d'augmenter la croissance potentielle de l'économie européenne.

Comme le rapporteur spécial du budget des transports l'a souligné dans son récent rapport d'information sur le financement des infrastructures de transports à l'horizon 2020 44 ( * ) , en matière de transports la Commission européenne a jusqu'à présent donné la priorité à la libéralisation : libération précoce pour le transport fluvial, organisée pour le transport routier et difficile pour le transport ferroviaire.

Il est temps que l'Union européenne s'engage davantage dans le financement des grands réseaux européens, en particulier en ce qui concerne les transports.

Quant au gouvernement français, à l'issue du récent débat sur les infrastructures de transport, il lui appartient de mettre à jour la liste des opérations dont le caractère trans-européen apparaît incontestable, et de plaider pour leur prise en compte par l'Union. Ce serait une réelle chance d'accélérer la réalisation de liaisons telles que l'axe ferroviaire Lyon-Turin ou le canal à grand gabarit Seine-Nord. Ainsi, le respect des contraintes européennes en matière de réduction des déficits publics serait rendu compatible avec la poursuite d'une politique d'aménagement du territoire qui demeure une ardente obligation pour notre pays.

CHAPITRE III :

UNE STRATÉGIE COHÉRENTE POUR LES FINANCES PUBLIQUES

I. POUR UNE BAISSE DURABLE DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

A. LA DIMINUTION RÉCENTE DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

1. Une réduction sensible des prélèvements obligatoires en 2002

Dans son rapport économique, social et financier associé au projet de loi de finances pour 2003, le gouvernement annonçait, pour 2002, un taux de prélèvements obligatoires des administrations publiques ramené de 45,0 % à 44,6 % du PIB, soit une baisse de 0,4 point de PIB.

La diminution devait être enregistrée essentiellement sur les prélèvements de l'Etat (- 0,4 point de PIB) et le prélèvement au profit de l'Union européenne (- 0,2 point de PIB), les prélèvements au profit des administrations publiques locales devaient être stabilisés, alors que les prélèvements au profit de la sécurité sociale continueraient d'augmenter (+ 0,2 point de PIB).

En réalité, le taux de prélèvements obligatoires s'est réduit deux fois plus vite que prévu en 2002 , de 0,8 point de PIB, pour atteindre 43,9 % du PIB. Les prélèvements obligatoires ont progressé de + 1,3 % alors que le PIB augmentait de 3,1 % aux prix courants.

Evolution du taux de prélèvements obligatoire 1996-2002

(en % du PIB)

Source : INSEE - comptes nationaux

Même si elle ne contredit pas la tendance à l'augmentation des prélèvements obligatoires sur longue période, cette diminution est la plus forte enregistrée en une année depuis quinze ans. Elle ramène le taux de prélèvements obligatoires à un niveau tout de même supérieur au niveau moyen enregistré depuis 1978 (43,05 %).

Il faut considérer que ce résultat inattendu est imputable aux effets de la conjoncture déprimée sur les rentrées fiscales : la baisse de l'élasticité de ces dernières par rapport à la croissance explique ce phénomène, de même que la « cagnotte » de 1999-2000 s'était traduite, en phase de haute conjoncture, par un « pic » des prélèvements obligatoires.

Taux de prélèvements obligatoires depuis 1978

(en % du PIB)

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

1985

1986

1987

1988

1989

1990

37,9

39,8

40,7

41,1

41,8

42,7

43,6

43,7

43,2

43,8

43,0

42,8

42,8

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

43,1

42,7

42,9

43,4

43,7

44,8

45,0

44,8

45,5

45,0

44,7

43,9

Source : INSEE - comptes nationaux

Taux de prélèvements obligatoires depuis 1978

(en % du PIB)

Malgré cette diminution récente, la France reste l'un des pays où le taux de prélèvements obligatoires est structurellement le plus élevé.

Taux de prélèvements obligatoires dans quelques pays de l'OCDE en 2001

(en % du PIB)

Source : statistiques des recettes publiques de l'OCDE 2002 - * Les taux de PO des Etats-Unis et du Japon correspondent aux données 2000

Lors de son audition devant la commission des finances de l'Assemblée nationale, mercredi 28 mai 2003, le Premier président de la Cour des comptes, M. François Logerot, a tenu à relativiser les comparaisons internationales en termes de prélèvements obligatoires : « les comparaisons internationales directes entre les taux de prélèvements obligatoires ou bien les taux de dépenses publiques ne doivent pas être considérées sans circonspection ; elles reflètent surtout des « effets de structure », des choix essentiels de société, comme l'organisation (publique ou privée, centralisée ou décentralisée) de certaines missions comme l'éducation ou la protection sociale. Les choix politiques en matière de dépenses publiques et de prélèvements obligatoires doivent se fonder plutôt sur l'analyse des équilibres internes que sur le positionnement par rapport à des moyennes internationales ou à la situation de certains États partenaires spécifiques, qui sont des indicateurs modérément pertinents en ce domaine ».

Il n'en reste pas moins que le « choix essentiel de société » fait par la France pendant de nombreuses années a été de maintenir un niveau élevé de prélèvements obligatoires. La politique du gouvernement actuel, soutenue par votre rapporteur général, consiste à mettre en oeuvre une vraie réforme de structure, de nature à « casser » un modèle trop étouffant pour l'initiative, la croissance et l'emploi.

2. La décomposition des prélèvements obligatoires

Si l'on décompose les prélèvements obligatoires en 2002, il apparaît que les prélèvements de l'Etat ont diminué, de même que ceux au profit des institutions européennes. Les prélèvements au profit des administrations de sécurité sociale restent les plus dynamiques (+ 3,4 %). Après une baisse en 2001 (- 0,3 %), la croissance des prélèvements obligatoires reçus par les administrations publiques locales reprend légèrement (+ 1,6 %) mais reste inférieure à la progression du PIB.

Les prélèvements obligatoires en 2002 par sous-secteurs

Milliards d'euros

Evolution 2002/2001

En % du PIB

En %

Etat (1)

242,1

15,9

- 1,2

Organismes divers d'administration centrale

14,5

1,0

11,3

Administrations publiques locales

75,6

5,0

1,6

Administrations de sécurité sociale (2)

328,3

21,6

3,4

Institutions de l'Union Européenne

7,1

0,5

- 20,4

Total des prélèvements obligatoires

667,6

43,9

1,3

(1) Comprend la déduction des transferts fiscaux de l'Etat aux collectivités locales

(2) Déduction faite des cotisations dues non recouvrables

Source : Comptes nationaux base 95, direction de la Prévision, direction de la Comptabilité Publique, Insee

Les prélèvements au profit de l'Etat ont diminué de 1,2 % en 2002 sous l'effet essentiellement du ralentissement des recettes fiscales 45 ( * ) .

Les prélèvements au profit des organismes divers d'administration centrale (ODAC) ont augmenté de 11,3 % en raison de l'affectation du prélèvement social de 2 % au Fonds de Réserve des Retraites ; et de 0,1 point de cotisation sociale généralisée (CSG) auparavant reçu par les régimes d'assurance sociale au financement de l'Allocation Personnalisée d'Autonomie (APA).

Les prélèvements obligatoires reçus par les administrations publiques locales ont légèrement progressé (+ 1,6 %) après la légère baisse de 2001 (- 0,3 %). Largement indépendantes de la conjoncture économique, les rentrées progressent fortement pour la taxe d'habitation (+ 6,8 %) et les taxes foncières (+ 5,6 %). En revanche, la taxe professionnelle diminue de 1,8 %, essentiellement du fait de la poursuite de la suppression de la part salariale de l'assiette de la taxe professionnelle.

Les impôts et cotisations sociales perçus par les administrations de sécurité sociale s'accroissent plus lentement qu'en 2001 (+ 3,4 % après + 5,1 %). Les cotisations sociales progressent de 3,8 % mais les impôts perçus par les régimes de sécurité sociale progressent faiblement. Les recettes de CSG croissent peu (+ 1,2 % après + 5,3 % en 2001) du fait notamment de la contraction des revenus du patrimoine et de la nouvelle affectation de 0,1 point de CSG au financement de l'APA.

3. Une anticipation sur l'objectif du programme de stabilité

Dans le programme de stabilité 2004-2006 transmis à la Commission européenne en décembre 2002, le gouvernement a chiffré les baisses d'impôts et de charges à 15 milliards d'euros sur la période 2002-2006 dans un scénario de croissance de 2,5 % et à 19 milliards d'euros dans un scénario de croissance de 3 %. Cette programmation intègre la poursuite de la réforme des allégements de charges sociales déjà décidée pour 2003. Cette réforme consiste en une refonte de l'ensemble des dispositifs existants en un barème unique.

Au-delà des baisses mises en oeuvre sur la période 2004 à 2006, des hausses de prélèvements ont aussi été provisionnées à hauteur de 3 milliards d'euros environ pour faire face aux aléas liés aux dépenses d'indemnisation chômage et à l'évolution de la fiscalité locale.

Au total, selon la programmation pluriannuelle du gouvernement, le taux de prélèvements obligatoires devait être porté à 43,8 % ou 44,1 points de PIB en 2006 (selon le scénario de croissance à 2,5 % ou à 3 %).

Les prélèvements obligatoires à l'horizon 2006

(en % du PIB)

2001

2002

2003

2004

2005

2006

scénario de croissance à 2,5 %

45

44,6

44,3

44,3

44,2

44,1

scénario de croissance à 3 %

45

44,6

44,3

44,2

44

43,8

Source : programmation pluriannuelle des finances publiques 2004-2006

Comme cela a été souligné, dès 2002, le taux de prélèvements obligatoires a été presque ramené à l'objectif fixé pour 2006 dans l'hypothèse de croissance la plus favorable (3 %). Le taux de prélèvements obligatoires est même inférieur en 2002 à l'objectif 2006 dans l'hypothèse de croissance de 2,5 % (43,9 % en 2002 pour un objectif de 44,1 % en 2006). Il y aura donc lieu de réviser la programmation pluriannuelle en matière de prélèvements obligatoires pour tenir compte de ces réalisations.

Evolution du taux de prélèvements obligatoires - programme de stabilité

(en % du PIB)

Source : programme pluriannuel 2004-2006 - INSEE

Comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport préliminaire sur l'exécution des lois de finances, le taux de prélèvements obligatoires « ne rendra compte d'une durable baisse de la pression fiscale que pour sa partie qui n'est pas due aux répercussions sur les recettes de la faible croissance du PIB, et que dans la mesure où la baisse de recettes dont il témoigne serait gagée par une baisse de dépenses à due concurrence. »

La poursuite de la réduction du taux de prélèvements obligatoires ne pourra donc se réaliser que par une maîtrise de la dépense publique.

4. Une fiscalité française toujours pénalisante

Comme le montrent encore les récents travaux du Sénat, la fiscalité française reste lourdement pénalisante, en comparaison avec la fiscalité des autres pays de l'Union européenne.

L'étude de l'OFCE sur les réformes fiscales en Europe

L'observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) a remis à la commission des finances et à la délégation pour la planification une étude intitulée Les réformes fiscales en Europe 1992-2001 .

Cette étude était la troisième commandée à l'OFCE par le Sénat sur le thème des systèmes fiscaux en Europe, les deux premières ayant chacune été annexée à un rapport d'information, publié respectivement en 1990 et 1999 46 ( * ) .

Elle a été présentée par notre collègue Joël Bourdin, président de la délégation pour la planification, et par votre rapporteur général, lors d'une réunion conjointe de votre commission des finances et de la délégation pour la planification, tenue le 10 juin 2003. A l'issue de cette réunion, la commission et la délégation pour la planification ont décidé de publier cette étude, précédée d'un texte de présentation, sous la forme d'un rapport d'information commun à la commission et à la délégation pour la planification.

A cette occasion, votre rapporteur général a estimé que la « globalisation » de l'économie rendait d'autant plus nécessaire pour la France de pouvoir faire face, dans des conditions favorables, à la concurrence fiscale de ses partenaires. Il a jugé que le « benchmarking », ou « étalonnage », réalisé par l'OFCE, suggérait que la situation n'était pas favorable à la France, que l'on considère le taux de prélèvements obligatoires, la fiscalité du revenu, celle de l'épargne, celle des entreprises ou celle du travail.

Il a indiqué que la France avait l'une des fiscalités les plus lourdes de l'Union européenne, avec un taux de prélèvements obligatoires de 45,5 % du PIB en 1999 et de 45 % du PIB en 2001. Il a rappelé que, selon les simulations du Centre d'observation économique (COE) de la chambre de commerce et d'industrie de Paris réalisées pour la commission à l'occasion du débat d'orientation budgétaire pour 2001, il avait été établi qu'une diminution des prélèvements obligatoires, compensée par une diminution équivalente des dépenses publiques, pourrait être bénéfique à la croissance à moyen terme, en particulier si cette diminution concernait l'impôt sur le revenu et les cotisations sociales. Il a indiqué qu'une telle réforme avait été mise en oeuvre aux Pays-Bas, où le taux de prélèvements obligatoires avait baissé de 2,6 points de 1991 à 2001, revenant de 41,8 % à 39,2 % du PIB, essentiellement du fait d'une baisse des impôts directs sur les ménages (moins 4,8 points de PIB) et des cotisations sociales (moins 0,8 point de PIB), la réduction supérieure des dépenses publiques ayant permis, globalement, une amélioration du solde public structurel.

Votre rapporteur général a considéré que la fiscalité française était également mal conçue. Il a affirmé que, sur la base du critère du taux implicite de taxation des entreprises, la France apparaissait comme le deuxième Etat le moins bien placé en Europe. Il a également estimé que l'impôt sur le revenu était, en France, à la fois parmi les moins productifs, et les plus désincitatifs, son taux maximum figurant parmi les plus élevés, et parmi ceux concernant la plus grande proportion de ménages. Il a considéré que la fiscalité française était également parmi les plus inadaptées en ce qui concernait l'épargne, la surtaxation des revenus des actions par rapport à ceux des obligations, qui existait dans la plupart des Etats européens, étant, en France, particulièrement marquée.

Enfin, il a jugé qu'en France une part importante des allégements spécifiques de cotisations sociales pouvait être imputée, moins à un objectif de réduction du coût du travail des actifs les moins qualifiés, qu'à la nécessité de compenser le surcoût salarial occasionné par la diminution de la durée du travail.

Votre rapporteur général a considéré que l'harmonisation des fiscalités des Etats de l'Union européenne était nécessaire, mais que, la politique fiscale pouvant être considérée comme l'expression de la souveraineté fiscale des Etats, la vitesse de cette harmonisation en était nécessairement affectée. Il a rappelé que, lors de son audition par la commission le 27 mai 2003, M. Pedro Solbes, commissaire européen chargé des affaires économiques et monétaires, avait indiqué que les mesures en matière d'harmonisation fiscale ne devraient, selon lui, être prises à la majorité qualifiée que dans le cas des impositions indirectes affectant le marché intérieur. Il a estimé que les aspects institutionnels de l'harmonisation fiscale n'avaient pas été suffisamment abordés par la convention sur l'avenir de l'Europe. Il a néanmoins salué l'adoption par le Conseil « Ecofin », le 3 juin dernier, d'un « paquet fiscal », comportant notamment une directive sur la fiscalité de l'épargne, prévoyant d'instaurer un échange d'informations entre administrations fiscales.

En conclusion, votre rapporteur général a souligné l'intérêt de travaux tel celui réalisé par l'OFCE, et la nécessité, pour la France, de réformer sa fiscalité afin que la concurrence fiscale ne joue pas en sa défaveur.

B. 2003-2004 : QUELLES RECETTES POUR LE BUDGET DE L'ETAT ?

1. L'exécution du budget de l'Etat en 2002

En 2002, les recettes nettes du budget général ont diminué de 2,9 % après une hausse de 1,7 % en 2001 et une hausse moyenne de 1,5 % par an sur la période 1998-2002.

Les recettes fiscales nettes s'établissent à 240,2 milliards d'euros, en baisse de 1,9 % par rapport à 2001.

Le produit de l'impôt sur le revenu diminue de 6,5 %, à 50 milliards d'euros, en raison de la baisse de 5 % et de la montée en charge de la prime pour l'emploi.

L'impôt sur les sociétés net diminue de 7,9 % pour atteindre 37,5 milliards d'euros. Cette diminution s'explique par l'augmentation forte (+ 13 %) des restitutions, l'effet de mesures fiscales votées antérieurement (poursuite de la réduction de la contribution additionnelle de 10 % ramenée à 3 %, application du taux réduit d'impôt sur les sociétés de 15 % pour les PME) et l'atonie des bénéfices fiscaux des sociétés en 2001 qui réduit le montant des acomptes versés par les sociétés en 2002.

La TVA nette s'établit à 107,5 milliards d'euros, en croissance modérée de 2,2 %.

Les recettes de taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) augmentent de 2,4 % pour s'établir à 24 milliards d'euros. L'augmentation résulte pour partie de l'abandon, à compter du 21 juillet 2002, de la TIPP flottante et du bonus fiscal.

Les remboursements et dégrèvements d'impôts progressent de seulement 1 % en 2002, pour s'établir à 61,3 milliards d'euros, après des progressions sensibles ces deux dernières années (+ 11,9 % en 2000, + 8,2 % en 2001).

Les recettes non fiscales se sont élevées à 35,4 milliards d'euros en 2002, en hausse de 4,5 % par rapport à 2001 : elles ont donc été à nouveau fortement sollicitées pour contrebalancer l'atonie des recettes fiscales. Toutefois, comme le souligne la Cour des comptes et comme l'avait mis en valeur votre rapporteur général, la loi de finances initiale pour 2002 s'est révélée largement surestimée.

Les prélèvements sur recettes ont progressé de 7,2 % en 2002, pour atteindre 49,6 milliards d'euros. Cette hausse est due essentiellement à la progression des prélèvements au profit des collectivités locales (+ 8,8%), résultat de la compensation de la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle.

Les recettes du budget général en 2002

(en millions d'euros)

Exécution 2001

Exécution 2002

Evolution

Recettes fiscales nettes

244.848

240.220

-1,9%

dont IR

53 460

49 990

-6,5%

dont IS

40 700

37 520

-7,9%

dont TVA

105 160

107 500

2,2%

dont TIPP

23 410

23 960

2,4%

Recettes non fiscales

33.846

35.400

5,0%

Prélèvements sur recettes

46.200

49.600

7,2%

Recettes nettes du budget général, hors recettes d'ordre

229.850

223.420

-2,9%

2. Les prévisions d'exécution du budget de l'Etat en 2003

Les prévisions de ressources nettes du budget général s'établissent à 228,1 milliards d'euros pour 2003, en augmentation de 2,1 % par rapport à l'exécution pour 2002.

La progression attendue des recettes fiscales nettes en 2003 s'établit à 3,5 % par rapport à l'exécution 2002, soit 248,7 milliards d'euros. L'impôt sur le revenu progresserait de 5,2 %, l'impôt sur les sociétés serait stable (+ 0,6 %), la TVA progresserait de 3,9 % et la TIPP de 7,7 %.

Les premières constatations de l'exécution budgétaire montrent qu'au 30 avril 2003, les recettes fiscales sont en recul de 2,7 % par rapport à la même période de l'année précédente . Ce recul s'explique essentiellement par l'impôt sur les sociétés (- 12,8 %) alors que la TVA reste stable (+ 0,8 %) et que l'impôt sur le revenu (+ 4,5 %) et la TIPP (+ 3,2 %) progressent, toutefois moins vite que cela était envisagé.

Recettes du budget de l'Etat

(en millions d'euros)

EXE

LFI

Niveau à la fin avril

Variation

2002

2003

2002

2003

LFI 2003 /
EXE 2002

avril 2003
/ avril 2002

Recettes fiscales (1)

240 220

248 740

83 740

81 500

3,5%

-2,7%

Impôt sur le revenu

49 990

52 590

16 750

17 500

5,2%

4,5%

Impôt sur les sociétés - net (1)

37 520

37 750

15 640

13 640

0,6%

-12,8%

Taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP)

23 960

25 810

7 580

7 820

7,7%

3,2%

Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) - nette (1)

107 500

111 720

36 240

36 540

3,9%

0,8%

Autres recettes fiscales - nettes (1)

21 250

20 870

7 540

6 000

-1,8%

-20,4%

Recettes non fiscales (hors FSC et recettes d'ordre relatives à la dette)

32 760

31 650

6 750

5 950

-3,4%

-11,9%

Prélèvements sur recettes (2)

-49 560

-52 220

-16 460

-17 430

5,4%

5,9%

Recettes du budget général (hors fonds de concours)

223 420

228 170

74 030

70 020

2,1%

-5,4%

Fonds de concours

4 050

--

1 390

1 160

--

-16,5%

Recettes du budget général (y compris fonds de concours)

227 470

--

75 420

71 180

--

-5,6%

(1) recettes nettes des remboursements et des dégrèvements.
(2) prélèvements au profit des collectivités territoriales et des communautés européennes.

A la date du 30 avril, qui, il est vrai, ne prend en compte qu'un tiers des rentrées fiscales, tous les impôts apparaissent en recul par rapport aux prévisions, les écarts les plus significatifs portant sur l'impôt sur les sociétés, la TVA et la TIPP.

La révision à la baisse de la prévision de croissance pour 2003 et les premiers chiffres de l'exécution budgétaire ont naturellement conduit le gouvernement, soucieux de mettre pleinement en oeuvre le principe de transparence budgétaire, à annoncer des moins-values fiscales.

Ces moins-values sont chiffrées à 5,1 milliards d'euros 47 ( * ) dans le rapport du gouvernement.

La décomposition de ces moins-values, qui s'appuie sur les premières orientations de l'exécution budgétaire, est la suivante :

- les recouvrements d'impôt sur les sociétés diminueraient de 7,6 % par rapport à 2002 (contre une prévision de + 0,6 %) soit une moins-value fiscale de 3,1 milliards d'euros ;

- la TVA nette progresserait de 2,6 % et non 3,9 %, conséquence d'une demande intérieure moins dynamique que prévue, d'où une moins-value de 1,5 milliard d'euros ;

- la TIPP progresserait de 5 % et non de 7,7 %, et enregistrerait une moins-value de 600 millions d'euros en raison d'une moindre consommation en 2003 ;

- sur les autres recettes , il n'y a pas lieu de modifier les prévisions de la loi de finances initiale, même si pourraient être enregistrées des plus-values sur l'impôt sur le revenu.

Il convient de souligner que ces hypothèses supposent un certain redressement de la tendance constatée pendant les cinq premiers mois de l'exercice.

Les moins-values fiscales

(en milliards d'euros)

IS

- 3,1

TVA

- 1,5

TIPP

- 0,6

TOTAL

- 5,1

Source : rapport du gouvernement sur le débat d'orientation budgétaire pour 2004

Au total, le gouvernement n'exclut pas des moins-values allant au-delà de 5,1 milliards d'euros en 2003 : tout dépendra, évidemment, de l'évolution de la croissance au second semestre de l'année, celle-ci ayant un impact certain sur les rentrées fiscales des impôts indirects (TVA, TIPP).

Par ailleurs, on observera qu'aucune prévision n'est encore disponible concernant les recettes non fiscales à percevoir en 2003 , qui représentent 34,6 milliards d'euros, dans la mesure où il est trop tôt dans l'année pour faire une évaluation. Il est cependant à craindre que des moins-values n'apparaissent en ce domaine, qu'il s'agisse, par exemple, des prélèvements sur les fonds d'épargne de la Caisse des dépôts et consignations ou du versement de l'Unedic au budget de l'Etat pour 1,2 milliard d'euros. S'agissant de la Caisse des dépôts et consignations, la moins-value déjà constatée est de 1,3 milliard d'euros.

Au total, comme le gouvernement l'indique de manière absolument transparente dans son rapport annexé au débat d'orientation budgétaire pour 2004, les moins-values de recettes en 2003 devraient être assez significatives du fait du ralentissement de la croissance économique et des emplois taxables et conduire à une vigilance d'autant plus aiguisée sur la dépense publique.

3. Les incertitudes liées à l'élasticité des recettes à la croissance

Comme votre rapporteur général l'avait souligné lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2003, la difficulté particulière de la prévision de recettes cette année tient non seulement aux incertitudes de la croissance économique, mais également aux incertitudes quant à l'impact du ralentissement économique sur les rentrées fiscales.

Dès l'automne 2001, votre rapporteur général avait mis en valeur l'importance à accorder au coefficient d'élasticité des recettes fiscales à la croissance, en indiquant notamment : « si l'élasticité en volume des recettes fiscales s'est révélée bien supérieure à 1 depuis 1999, elle était comprise entre 0,4 et 0,6 de 1994 à 1996 et plus récemment en 1998. Sans remonter aux années d'élasticité négative (1992 et 1993), force est de constater que l'affaiblissement de la croissance s'est souvent accompagné d'une diminution sensible de l'élasticité des recettes fiscales alors que la période de forte croissance en 1999 et 2000 avait vu au contraire une « explosion » du coefficient d'élasticité fiscale ».

De fait, le gouvernement indique que l'élasticité des recettes fiscales de l'Etat s'est révélée particulièrement faible en 2002, de l'ordre de 0,1, alors qu'elle est en moyenne de 1 sur la longue période. Il est vraisemblable que la même tendance sera observée au premier semestre 2003.

Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

Comme le souligne le rapport du gouvernement, la prévision des recettes fiscales est un exercice entaché d'importantes incertitudes.

Les impôts indirects (TVA et TIPP) réagissent à la conjoncture de l'année courante alors que les impôts directs sont calculés sur une assiette afférente à l'année passée.

Par ailleurs, la TVA dépend de la croissance mais également du partage entre consommation finale et investissement, ou entre demandes intérieure et extérieure. L'impôt sur les sociétés dépend des résultats des entreprises, de leurs contraintes de trésorerie et du jeu solde/acomptes. L'impôt sur le revenu dépend de la dynamique des impôts catégoriels (traitements et salaires pour l'essentiel) avec une élasticité marginale supérieure à l'unité du fait de son barème progressif.

Les grandeurs macro-économiques issues de la comptabilité nationale n'approchent que très imparfaitement les assiettes des impôts . Comme le souligne le rapport du gouvernement en vue du présent débat d'orientation budgétaire, en matière d'impôt sur les sociétés, l'excédent brut d'exploitation n'est qu'un indicateur relativement médiocre de l'évolution du bénéfice fiscal des sociétés. Concernant la TVA, l'évolution de la consommation des ménages ne suffit pas à prévoir l'évolution du produit de cet impôt : il faut élaborer un « indicateur d'emplois taxables » pour tenir compte de la répartition entre les différents taux d'imposition. En matière d'impôt sur le revenu, on réalise des hypothèses d'évolution de chaque type de revenu (salaires, pensions, revenus mobiliers ou immobiliers, etc.) qui peuvent être très indépendants de la conjoncture générale ou au contraire soumis à une forte volatilité, comme par exemple les plus-values boursières.

Enfin, la prévision des recouvrements effectifs sur les entreprises fait intervenir des facteurs non strictement économiques : la situation de trésorerie des entreprises ou des ménages peut avoir une incidence sur la solvabilité des redevables et contribuer à l'étalement des recouvrements, la faculté offerte aux entreprises de moduler les acomptes d'impôt sur les sociétés rend plus difficile la prévision de recouvrement annuel et vient donc amplifier l'effet de la variation du bénéfice fiscal.

Les estimations d'élasticité fiscale : une prévision aléatoire 48 ( * )

Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

L'ensemble de ces considérations explique que l'élasticité des recettes fiscales à la croissance est difficile à prévoir . De fait, la comparaison entre les estimations de la loi de finances initiale et les réalisations montre que tous les gouvernements ont très mal anticipé les évolutions de la conjoncture. Les périodes de faible croissance comme les périodes de forte croissance sont celles pendant lesquelles l'élasticité est la moins bien évaluée.

4. Les prévisions à moyen terme

Tout en prenant en compte les incertitudes évoquées plus haut, le gouvernement a tenté, conformément à l'article 48 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, d'établir des prévisions de moyen terme des principales ressources fiscales de l'Etat.

Sur la période 2003-2006, les principaux impôts évolueraient comme suit :

- le produit de l'IS net progresserait de 7 % à 25 % sur l'ensemble de la période 49 ( * ) . Le produit de l'IS net serait compris entre 37,5 et 43,2 milliards d'euros en 2006 ;

- le produit de la TVA nette augmenterait de 9 % à 13 %, la TVA atteignant entre 119,8 et 124,6 milliards d'euros en 2006 ;

- l'impôt sur le revenu serait dynamique : il atteindrait entre 57,3 et 61,5 milliards d'euros en 2006 (+ 9 % à + 17 %)

- la taxe intérieure sur les produits pétroliers progresserait modérément, s'établissant entre 25,7 et 27,1 milliards d'euros en 2006 (+ 2 % à + 7,5 %).

Au total, les recettes fiscales nettes, hors aménagements de droits, progresseraient de 8 % à 16 % entre 2003 et 2006.

Prévisions de recettes fiscales à moyen terme

(en milliards d'euros)

Recettes fiscales nettes

2003

2004

2005

2006

Prévision - point haut

243,6

257,7

268,8

282,5

Prévision - point bas

246,6

254,5

263,3

Source : rapport du gouvernement sur le débat d'orientation budgétaire pour 2004

II. DÉPENSES PUBLIQUES : PRÉPARER L'AVENIR

La France est, après la Suède et le Danemark, le pays de l'Union européenne connaissant le niveau de dépenses publiques le plus élevé. Sur la période récente, malgré une croissance exceptionnelle, la part des dépenses publiques dans le PIB n'a pas, contrairement à la tendance poursuivie dans les autres pays européens, diminué de manière significative, passant de 53,9 % en 1998 à 53,5 % en 2002. Le poids des dépenses publiques est ainsi supérieur de plus de 12 points à la moyenne de l'OCDE et de près de 5,5 points à la moyenne de la zone euro.

Il y a là une exception française qui, si elle s'explique, par exemple par le recrutement de 11.337 fonctionnaires supplémentaires en 2001 et la création de 15.892 postes en 2002, ou par la création de dispositifs de soutien à l'activité comme les 35 heures et les emplois-jeunes, l'introduction de nouveaux droits sociaux comme la couverture maladie universelle (CMU), n'en pose pas moins un véritable problème de finances publiques.

La dérive des dépenses publiques, dont le financement ne peut être assuré, tôt ou tard, que par l'impôt, a des conséquences en termes de charges pesant sur les entreprises et les ménages. Ainsi, le différentiel de dépenses publiques que la France enregistre avec la moyenne européenne correspond en prélèvements supplémentaires à la totalité de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur les sociétés.

La rigidification croissante de la structure des dépenses de l'État , préemptées par la masse salariale et les charges de la dette à hauteur de 58 % en 2003, contre 50 % en 1990, limite de surcroît les marges de manoeuvre. Depuis 1990, plus de la moitié de la hausse du budget général est imputable à la charge de la dette et aux dépenses de fonction publique. Cette tendance contraint fortement les autres postes budgétaires, en premier lieu l'investissement, et obère l'avenir. Rigides à la baisse, les dépenses de l'Etat restent structurellement à un haut niveau, même en période de forte croissance du PIB. En cas de retournement conjoncturel, la tension qui s'opère sur l'équilibre des finances publiques empêche tout recours à l'instrument budgétaire et rend vain tout espoir de relance par ce biais.

L'année 2003, après une année de dérapage en matière de dépenses publiques, constitue dès lors un test majeur en ce qui concerne la maîtrise de la dépense publique.

Une remise en cause de la dynamique de la dépense dès 2003 paraît indispensable. Elle ouvrirait l'horizon d'une gestion des dépenses publiques apte à préparer l'avenir, en déjouant la pression inflationniste liée à la masse des départs en retraite des fonctionnaires sur les années à venir, en rendant possible la réforme des administrations, en concentrant les moyens disponibles sur les priorités qui feront l'Etat de demain.

A. LA SINGULARITÉ FRANÇAISE EN MATIÈRE DE DÉPENSES PUBLIQUES

1. Des administrations publiques plus dépensières en France que dans les autres pays de l'Union européenne et de l'OCDE

a) Un haut niveau de dépenses publiques en France...

Le niveau de dépenses publiques enregistré par la France a peu d'équivalents dans les autres pays de l'OCDE. Si le pourcentage de dépenses publiques dans le PIB atteint par la France n'a traditionnellement aucune commune mesure avec celui des Etats-Unis, 34,2 % en 2002, et celui du Japon, 40,2 % en 2002, il s'écarte également de manière décisive des niveaux enregistrés par les autres pays de l'Union européenne. Seuls la Suède, avec un pourcentage de dépenses publiques dans le PIB de 56,2 % et le Danemark, avec un taux de 56,3 %, atteignent un niveau plus élevé.

Parmi les pays de taille comparable de l'Union européenne, le niveau de dépenses publiques apparaît depuis 1995 durablement inférieur à celui de la France. La France est dès lors nettement au-dessus de la moyenne, tant de la zone euro (48,3 %), que de l'Union européenne (47,7 %).

Évolution de la part des dépenses publiques dans le PIB
des principaux pays de l'Union européenne

Source : Eurostat

b) ... lié à une structure de dépenses particulière

Le haut niveau de dépenses publiques français s'explique en partie par la structure de ces dépenses, réparties en trois blocs « étanches », administrations de sécurité sociale, administrations publiques locales et Etat, dont aucun, depuis 1978, bien au contraire, ne connaît de baisse sensible. La hausse des dépenses de sécurité sociale n'est pas compensée par une baisse des autres dépenses publiques. Le transfert toujours plus important de missions aux collectivités territoriales ne trouve aucune contrepartie dans une diminution des dépenses de l'État.

Structure de la dépense des administrations publiques
(avant consolidation) en pourcentage du PIB depuis 1978


Source : rapport économique, social et financier pour 2003

2. Une dynamique des dépenses à contre-courant des efforts de maîtrise des autres Etats occidentaux

a) Une tendance à la baisse des dépenses publiques partout dans le monde

Durant la décennie 1990, un nombre significatif de pays de l'OCDE ont su réduire le poids de leurs dépenses publiques dans le PIB, alors qu'ils connaissaient une croissance économique comparable à celle de la France. Entre 1993 et 2000, le Canada a réduit ses dépenses primaires, c'est à dire ses dépenses hors charges de la dette, de 6,9 points de PIB. Sur une période plus courte, 1994-1998 pour le Pays-Bas, et 1995-2000 pour la Suède, les dépenses primaires ont été réduites dans ces deux pays de 4 à 4,5 points de PIB. Malgré un niveau de dépenses de départ déjà modéré, les États-Unis et le Royaume-Uni ont réduit encore leurs dépenses primaires de 2 points.

Pour atteindre leur objectif de diminution des dépenses publiques, ces pays ont pour la plupart mis en oeuvre une méthode budgétaire rigoureuse, vote par le Parlement d'un plafond de dépenses sur trois ans en Suède, cadrage de l'évolution des finances publiques par un accord de gouvernement conclu tous les quatre ans aux Pays-Bas, fixation d'un plafond de dépenses sur la législature en Nouvelle-Zélande 50 ( * ) .

b) La France à contre-courant

En France, la politique budgétaire a consisté dans la définition d'une norme de progression de la dépense de la dépense publique, à la fois annuelle, dans le cadre du vote des lois de finances, et pluriannuelle pour répondre aux contraintes du pacte de stabilité. Si un certain ralentissement de la progression de la dépense a pu avoir lieu dans les dernières années, il n'aura pas permis de réduire de manière décisive les dépenses publiques dans le PIB : entre 1998 et 2002, la part des dépenses des administrations publiques dans le PIB n'a baissé que de 0,4 point de PIB . Pour l'ensemble des administrations publiques, la croissance en volume des dépenses publiques n'aura jamais été inférieure à 1 % tout au long des années 1990. En ce qui concerne le budget de l'État, la norme de progression de dépense a souvent manqué d'ambition : même dans le haut du cycle économique, le budget a rarement été construit sur une hypothèse de stabilité en volume.

Progression des dépenses du budget général en moyenne annuelle et en valeur

Source : rapport préliminaire sur l'exécution des loi des finances de la Cour des comptes

Ainsi, comme en témoigne l'illustration précédante, le dynamisme des dépenses est resté très important au sein du budget général entre 1998 et 2002. La norme de progression de dépense a de plus très fréquemment été dépassée :

Écart entre la norme de progression de dépenses
pour le programme de stabilité 2000-2002 et la réalisation


Source : rapport du gouvernement en vue du débat d'orientation budgétaire pour 2004

Lorsque la norme de progression a été atteinte, elle l'a souvent été grâce à des retraitements comptables sur lesquels la Cour des Comptes exerce un regard critique. En ce qui concerne l'année 2002, comme pour les années antérieures, elle écrit dans son rapport préliminaire sur l'exécution des lois de finances :

« les dépenses brutes sont anormalement diminuées de ceux des remboursements et dégrèvements d'impôt liés à la situation du contribuable, (ex : la prime pour l'emploi), qui sont, de fait, des dépenses d'intervention ;

« - le périmètre des dépenses permet d'exclure et d'inclure, selon les cas, certains dépenses ;

« - les dépenses «exceptionnelles » sont déduites alors même que leur définition varie avec les années ;

« - des dépenses peuvent être « ajustées » en fonction des transferts de compétences qui entraînent, selon des degrés variables, des transferts de dépenses. »

Ces remarques relativisent la portée qu'ont eue les normes de progression de dépense fixées par le gouvernement dans les années passées. Le contraste est donc saisissant entre les efforts de la France et la plupart de ses partenaires en ce qui concerne la maîtrise des dépenses publiques.

3. Un décalage préoccupant dans une conjoncture déprimée

a) Les rigidités et les fragilités du budget de l'Etat

Le budget de l'Etat, en raison du niveau des dépenses et de leur rigidification croissante, apparaît dès lors, par comparaison avec d'autres pays européens, particulièrement sensible à un retournement de conjoncture.

Les dépenses de l'Etat, qui s'établissent en loi de finances initiale pour 2003, à 273,8 milliards d'euros, se partagent en trois grandes masses :

Décomposition du budget général 2003


Source : rapport du gouvernement en vue du débat d'orientation budgétaire pour 2004

(1) Les charges de la dette et de pension

Les charges de la dette et de pension, qui représentent 74 milliards d'euros, présentent un caractère inéluctable. La charge de la dette exerce une pression de plus en plus forte sur les dépenses. Elle représente aujourd'hui 14 % des dépenses.

Charge brute de la dette

(en milliards d'euros)

2000

2001

2002

2003
(prévision en LFI)

38,7

39,3

40,7

41,3

Certes, le budget général bénéficie d'un effet-taux particulièrement favorable en ce qui concerne la charge de la dette, qui masque en grande partie l'effet volume. L'effet favorable de la baisse des taux d'intérêts, qui a permis une augmentation limitée à 1,5 milliard d'euros de la charge de la dette entre 1997 et 2001, se poursuit en 2003 et compense pour beaucoup le dérapage occasionné par l'augmentation de l'endettement de l'Etat.

Évolution de la charge nette de la dette

Le budget de l'Etat vit néanmoins sous l'épée de Damoclès de la charge de la dette. En cas de retour à la hausse des taux d'intérêt dans les prochains mois, les dépenses subiront de plein fouet l'effet-volume de la dette ;

La décomposition en « effet-taux » et « effet-volume » de l'augmentation annuelle de la charge de la dette

1. Principe de la décomposition

Prenons l'hypothèse que l'Etat emprunte au cours d'une année 100 milliards d'euros au taux de 5 %. Ces 100 milliards permettent de financer un déficit budgétaire de 40 milliards et de refinancer 60 milliards d'emprunts anciens arrivés à échéance et qui avaient été émis il y a dix ans au taux de 9 %.

L'accroissement en volume du stock de la dette est de 40 milliards, auquel s'applique le taux de 5 %.

L'effet-volume est donc égal à 40 x 5 % = 2 milliards.

Les 60 autres milliards empruntés ne servent qu'à refinancer des emprunts anciens arrivés à échéance, mais à un coût plus faible de 4 % = (9 % - 5 %).

L'effet-taux est donc égal à 60 x (- 4 %) = - 2,4 milliards.

Au total le stock de la dette a augmenté de 40 milliards, mais la charge de la dette a diminué de - 2,4 + 2 = - 0,4 milliard.

2. Application à la charge de la dette en 2001

La charge nette de la dette négociable a augmenté de 1,25 milliard d'euros en 2001. Sa décomposition entre « effet-volume » et « effet-taux » est perturbée à la marge par l'existence d'un troisième type d'effet, dit « effet calendaire » tenant à des reports de charges d'une année sur l'autre.

L'augmentation de 1,25 milliards de la charge nette de la dette négociable entre 2000 et 2001 peut être décomposée en :

- un alourdissement de 1,65 milliard d'euros lié à un « effet-volume » imputable à hauteur de 1,25 milliards aux OAT émises en 2000 et dont la première échéance a été payée en 2001 et à hauteur de 0,4 milliards de BTF. La dette a en effet augmenté en volume, pour 24 milliards en OAT et pour 24,8 milliards en BTF; la dette due aux BTAN est restée stable ;

- un « effet-taux » favorable de - 0,81 milliard d'euros qui concerne tous les compartiments. Le gain sur les taux d'intérêt est surtout élevé pour les OAT (le taux moyen des 15 milliards d'OAT refinancés en 2000 est tombé de 7,52 % avant refinancement à 4,89 % après refinancement, soit un gain de - 2,63 %). Le gain en taux moyen avant et après refinancement pour les BTAN n'est que de - 0,6 %, mais le volume refinancé s'élève à 43 milliards d'où une réduction de charge de - 0,27 milliard d'euros. Enfin le gain de taux pour les BTF est de - 0,34% , du fait de la baisse des taux courts en 2001 ; il engendre un effet-taux de - 0,15 milliard d'euros;

- un alourdissement de 0,41 milliard d'euros de la charge nette dans l'année des opérations de l'année et tenant pour l'essentiel à des effets calendaires.

En conclusion en 2001, l'effet-taux négatif a compensé 50 % de l'effet-volume positif.

(2) La masse salariale

La masse salariale, qui s'élève à 85 milliards d'euros, est, sur le court terme du moins, en raison des effets GVT (Glissement-Vieillesse-Technicité), rigide à la baisse.

(3) Les autres dépenses

Les autres dépenses, pour un montant de 115 milliards d'euros, sont pour certaines particulièrement exposées à un retournement de conjoncture. Il s'agit là d'une autre spécificité française. En effet, la précédente législature a connu la création d'un nombre sans précédant de « droits de tirage sociaux » sur le budget des administrations publiques dont le coût est, soit pérenne, soit en forte augmentation lorsque la croissance faiblit. Les dépenses sont ainsi de plus en plus élastiques à la croissance.

On peut ainsi citer :

- les transferts aux ménages (coût : 19 milliards d'euros) ;

- les aides à l'emploi (coût : 14 milliards d'euros) ;

- une partie de la politique d'intervention de l'Etat par rapport au logement ;

- la CMU (coût : 1,2 milliard d'euros en 2002) et l'aide médicale d'Etat au profit des étrangers en situation irrégulière (coût : 0,5 milliard d'euros en 2002, 0,8 milliard d'euros en 2003).

b) Des conséquences désastreuses en 2002

Dès la construction de la loi de finances initiale pour 2002, le choix a été fait de ne pas baisser significativement les dépenses. Les charges nettes du budget général devaient ainsi augmenter de 2 % en valeur, à 269 milliards d'euros, soit 0,5 % en volume contre 0,2 % en 2001.

Compte tenu des éléments disponibles dans l'audit de MM. Bonnet et Nasse, le gouvernement a été amené dans le collectif du 6 août 2002 à réévaluer nettement les dépenses, en augmentant les ouvertures nettes de crédits de 5,0 milliards d'euros, soit 1,8 %, réparties, selon le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, entre 3,15 milliards d'euros pour la couverture des besoins avérés en 2002 et 1,81 milliard d'euros pour la couverture des engagements des années précédentes non financés en loi de finances initiale.

La loi de finances rectificative du 30 décembre 2002 a marqué une certaine stabilité : le total des crédits ouverts s'établit à 274 milliards d'euros, soit 1,9 % de plus que prévu en loi de finances initiale pour 2002. Il convient évidemment d'ajouter la consommation des crédits de report. D'autres évolutions ont encore eu lieu durant la période complémentaire.

Au final, en exécution, les dépenses du budget général pour 2002 s'établissent à 280,1 milliards d'euros, à comparer avec les 269 milliards d'euros prévus.

L'année 2002, entre prévision et exécution, a donc connu un dérapage des dépenses, pour le seul budget général, de 11 milliards d'euros, dont l'impact sur le déficit est majeur.

B. 2003, UNE ANNÉE TEST POUR UNE RÉELLE INVERSION DE TENDANCE

1. Rendre l'exécution budgétaire plus conforme aux prévisions de la loi de finances initiale

a) Des mesures de régulation budgétaire précoces

Contrairement à l'année 2002, où aucune mesure réelle de régulation budgétaire n'est intervenue avant le collectif du 6 août 2002 51 ( * ) , le gouvernement a d'ores et déjà pris la mesure de la dégradation des conditions d'exécution du budget 2003. Sa réaction, rapide, a eu lieu en deux temps :

- le 3 février 2003, près de 4 milliards d'euros de crédits (3,974 milliards d'euros) étaient mis en réserve ;

- le 14 mars 2003, un premier décret d'annulation de crédits était publié portant sur 1,4 milliard d'euros, soit 36 % des crédits mis en réserve un mois auparavant. Ce montant, important, ne représente cependant que 0,52 % des dépenses votés en loi de finances initiale pour 2003.

Si la mise en réserve du 3 février 2003 (3,974 milliards d'euros) est d'un ordre de grandeur comparable avec celle du 12 août 2002 (3,8 milliards d'euros), elle intervient beaucoup plus tôt dans l'année. Elle concerne tous les ministères même si ceux-ci sont visés de manière différenciée. En effet, la mise en réserve respecte les priorités de l'action gouvernementale :

- certaines lignes budgétaires, qui correspondent aux priorités du quinquennat du Président de la République, sont sanctuarisées : sécurité routière ; lutte contre le cancer ; action dans le domaine du handicap. Les domaines d'action correspondants font néanmoins l'objet d'une définition restrictive ;

- les priorités gouvernementales font l'objet de « mise en réserve d'innovation » : une partie des crédits budgétaires correspondant à ces priorités (aide publique au développement, sécurité, justice, défense) est gagée pour faire face à des dépenses éventuelles. Ces mises en réserve ne pourront être mobilisées que pour couvrir des dépenses non prévues au sein du même champ d'action. Sur le budget du ministère de la défense, 800 millions d'euros font l'objet d'une mise en réserve d'innovation (dont 700 millions pour l'investissement) ;

- le gel de crédits s'efforce de ne pas faire peser l'effort uniquement sur les crédits d'investissement . Les crédits mis en réserve se répartissent entre 2,038 milliards d'euros sur les titres III et IV et 1,935 milliard d'euro sur les titre V et VI. En valeur absolue, les mise en réserve concernent donc davantage le fonctionnement et l'intervention que l'investissement. En valeur relative toutefois, les crédits mis en réserve représentent 0,82% de la dotation initiale pour les titres III et IV et 7,02 % pour les titres V et VI.

La contribution des autres ministères, « moins prioritaires », est variable. Conformément aux engagements du gouvernement, les réserves d'innovation relatives aux domaines d'action prioritaires du gouvernement n'ont pas été touchées par les mesures d'annulation du 14 mars 2003. Aucune annulation de crédits n'est ainsi constatée sur le budget de la défense.

Au sein des ministères non prioritaires, des redéploiements internes ont par ailleurs pu avoir lieu. Tel est le cas au sein du ministère des affaires étrangères où un montant de crédits supérieur à ce qui était prévu a finalement été mis en réserve au sein du budget « Aide au développement » pour permettre des marges de manoeuvre supplémentaires sur la section « Affaires étrangères ». De même, au sein du budget de l'éducation nationale, le fascicule « Enseignement scolaire»  a été plus fortement mis à contribution que prévu pour limiter l'effort budgétaire pesant sur le fascicule « Enseignement supérieur » qui parait ainsi relativement épargné par la régulation budgétaire.

Enfin, alors que le ministère de la culture avait fait l'objet de mesures de gel comme les autres ministères, aucune annulation de crédits n'est constatée sur son budget. L'effort budgétaire nécessaire porte donc au final, en ce qui concerne ce premier décret d'annulation, sur un très petit nombre de ministères (équipement, économie et finances, éducation nationale, aménagement du territoire, outre-mer, ville...).

Pourcentage des annulations de crédits
par rapport à la dotation initiale et par rapport aux crédits mis en réserve

Dotation LFI

Mise en réserve

des crédits

du 3 février 2003

Annulation des crédits

du 14 mars 2003

Pourcentages de crédits annulés par rapport aux crédits mis en réserve

Pourcentages de crédits annulés par rapport à la dotation initiale

Affaires étrangères (hors APD)

4117,46

62,96

31,39

49,86

0,76

Aide publique au développement

1438,76

91,70

0,00

0,00

0,00

Agriculture

5180,09

180,45

99,26

55,01

1,92

Anciens combattants

3499,17

32,53

17,90

27,51

0,51

Charges communes

53890,58

13,30

0,00

0,00

0,00

Culture et communication

2496,80

132,63

0,00

0,00

0,00

Ecologie

768,31

43,33

23,83

55,00

3,10

Economie, finances et industrie

14921,21

333,59

177,18

53,11

1,19

Equipement (services communs)

4271,33

9,65

5,31

55,03

0,12

Equipement (urbanisme et logement)

7323,01

247,33

137,14

55,45

1,87

Equipement (transports et sécurité routière)

8031,30

240,32

133,26

55,45

1,66

Equipement (mer)

1032,19

13,57

4,71

34,71

0,46

Equipement (tourisme)

75,29

5,61

3,09

54,99

4,10

Intérieur (hors sécurité)

19659,22

125,48

68,16

54,32

0,35

Intérieur (sécurité)

997,33

71,92

0,00

0,00

0,00

Jeunesse et enseignement scolaire

54007,45

167,63

177,22

105,72

0,33

Enseignement supérieur

8827,32

234,41

43,93

18,74

0,50

Recherche et technologie

6130,56

214,32

117,87

55,00

1,92

Justice

5037,09

74,63

0,00

0,00

0,00

Outre-Mer

1085,25

134,98

74,20

54,97

6,84

Premier-Ministre (services généraux)

1144,62

47,79

23,79

49,79

2,08

Premier-Ministre (SGDN)

48,29

5,40

0,50

9,26

1,04

Premier-Ministre (CES)

32,19

0,00

0,00

0,00

0,00

Premier-Ministre (plan)

25,38

1,71

0,94

54,97

3,70

Premier-Ministre (aménagement du territoire)

267,64

33,52

18,43

54,98

6,89

Sports

403,77

24,49

13,47

55,00

3,34

Travail

15724,12

335,62

167,50

49,91

1,07

Santé, famille et solidarité

15478,29

258,46

80,17

31,02

0,52

Ville

370,31

37,04

20,35

54,94

5,50

Défense

39963,87

800,00

0,00

0,00

0,00

Total

276248,20

3974,37

1439,60

36,22

0,52

b) Un effort pour limiter les reports

Pour limiter les risques que font peser les reports de crédits sur l'exécution budgétaire de l'année suivante, le gouvernement a pris des mesures qui paraissaient nécessaires depuis plusieurs années. Le volume des reports de crédits allait en effet s'accroissant.

Sur un total de 11,6 milliards d'euros de crédits reportables fin 2002, 4,6 milliards d'euros ont été reportés et laissés à la disposition des gestionnaires, 6,6 milliards d'euros ont été reportés mais gelés et 0,3 milliard d'euros n'ont pas été reportés. Il y a là un premier effort pour résoudre le problème des reports.

Évolution des reports de crédits entre 1999 et 2003

(en milliards d'euros)

2. Une nécessité : tenir le plafond de dépenses fixé en loi de finances initiale pour 2003

Rien n'indique que ces mesures seront suffisantes pour tenir le plafond de dépenses. Selon la Cour des Comptes, dans son rapport préliminaire sur l'exécution des lois de finances, « pour 2003, compte-tenu des hypothèses de croissance connues et des montants de déficits constatés, la limitation de la progression annuelle des dépenses de 0,2 % en volume, avancée par le gouvernement dans le PLF, dans le cadre de ses engagement au titre du programme pluriannuel de dépenses publiques, apparaît compromise ».

L'hypothèse selon laquelle il faudra aller au-delà de l'annulation du 14 mars 2003, et annuler le reliquat de crédits gelés sur 2003 ainsi que le reliquat de reports de 2002 sur 2003 mis en réserve doit désormais être dans l'esprit de tous les gestionnaires publics .

La Cour des comptes, évoquant l'avenir, explique que « compte tenu de leur vocation à couvrir les charges de la dette et de pensions, les crédits nouveaux disponibles consacrés aux autres dépenses, y compris la masse salariale, devraient augmenter près de quatre fois moins vite que les années passées ». Cette remarque vaut également pour 2003 et implique une grande discipline dans la gestion des crédits. Le respect du plafond de dépense, qui paraît être pour le Parlement un objectif incontournable, passera donc par des annulations de crédits ambitieuses, qui ne devront pas être «compensées » comme les années précédentes par la consommation de crédits reportés.

3. Pour un « contrat de législature » relatif à la dépense publique ?

Dans ses lettres de cadrage pour 2004, le Premier ministre a fixé le principe d'une stabilisation des dépenses en volume .

En poursuivant cet objectif 52 ( * ) jusqu'en 2006, ce qui pourrait faire l'objet d'un contrat de législature, et en déclinant l'objectif selon les différents postes de dépenses, on parvient à mettre en évidence les efforts à consentir pour une réelle maîtrise des dépenses. La charge de la dette, la masse salariale et les pensions progresseraient respectivement entre 2003 et 2006 de 12,3 %, 2,5 % et 14,8 %. Compte tenu des engagements pris par le gouvernement, et de la nécessité de respecter les lois de programmation, les dépenses liées aux missions régaliennes de l'Etat, intitulées « Autorité de l'Etat », augmenteraient entre 2003 et 2006 de 12 %.

En contrepartie, les autres dépenses de l'Etat devraient être réduites de 2,3 %, soit 2 milliards d'euros.


Évolution des différents postes budgétaires de l'Etat en fonction d'une hypothèse de stabilisation en volume des dépenses

(en millions d'euros)

LFI 2003

2006

Evolution 06/03

Dette

38.289

43.000

12,3 %

Masse salariale

84.413

86.553

2,5 %

Pensions

35.981

41.299

14,8 %

Autorité de l'Etat

20.912

23.421

12,0 %

Autres dépenses

94.217

92.093

- 2,3 %

Budget général

273.812

286.319

4,6 %

Source : rapport du gouvernement en vue du débat d'orientation budgétaire pour 2004

L'objectif ne paraît pas hors de portée. Comme l'écrit la Cour des comptes dans son rapport préliminaire sur l'exécution des lois de finances, pour 2002 « les économies sur le fonctionnement de l'Etat (dont le « train de vie » est quelquefois mis en cause) sont un élément de pilotage et de rationalisation des crédits au sein du budget général, elles laissent entier le problème de la progression de ces deux grandes masses [rémunérations et charges brutes de la dette] et de leur impact sur la dépense budgétaire ». L'objectif suppose ainsi une réelle maîtrise des dépenses de fonction publique, à commencer par une dynamique des rémunérations plus modérée. Les gains de pouvoir d'achat, y compris l'effet GVT, ont en effet cru au cours de la décennie 90, de plus de 2 % chaque année.

Gains de pouvoir d'achat des personnels de la fonction publique de l'Etat


Source : rapport du gouvernement en vue du débat d'orientation budgétaire pour 2004

La Cour des comptes conclut ainsi « la diminution de la masse salariale et des pensions et la recherche d'une réduction de la dette (et donc des charges de celle-ci) permettent principalement de maîtriser la dépense publique et, par conséquent, de rétablir des finances publiques équilibrées ».

C. MIEUX GÉRER LES DÉPENSES POUR PRÉPARER L'AVENIR

1. Faire face au choc démographique lié au vieillissement de la fonction publique

a) Le partage de la charge des retraites

Les charges de pension exercent une pression de plus en plus forte sur le budget de l'Etat. Elles croissent régulièrement, d'environ un milliard d'euros par an.

Évolution des charges nettes de pension

(en milliards d'euros)

1998

1999

2000

2001

2002

17,6

18,7

19,8

20,5

21,6

Source : Cour des comptes, rapport préliminaire sur l'exécution des loi des finances

Compte-tenu des projections de départ à la retraite des fonctionnaires dans les prochaines années, la tension budgétaire va encore s'accentuer :

Départs à la retraite des effectifs de la fonction publique à l'horizon 2015


Source : rapport du gouvernement en vue du débat d'orientation budgétaire pour 2004

Le projet de réforme des retraites présenté par le gouvernement permettra de remédier pour moitié aux difficultés de financement des retraites de la fonction publique prévues à l'horizon 2020. L'effort de financement sera néanmoins partagé entre les fonctionnaires et les collectivités employeur. Ce sont 15 milliards d'euros que celles-ci devront financer à l'horizon 2020, contre 13 milliards d'euros qui incombent aux agents des trois fonctions publiques. La répartition de la charge de 15 milliards d'euros entre l'Etat, les collectivités locales et les hôpitaux n'est pas précisée dans le projet du gouvernement.

Tableau détaillé des régimes de la fonction publique en 2020

(en millions d'euros 2000)

Besoin de financement initial

- 28.000

Allongement durée assurance pour le taux plein, de la durée de cotisation, création de la décote et de la surcote

9.300

Indexation sur les prix

4.500

Création du régime additionnel

- 800

Solde des mesures

+ 13.000

Solde après mesures

- 15.000

Effort supplémentaire des employeurs publics

+ 15.000

Solde final

0

Source : projet de réforme des retraites présenté par le gouvernement

b) Une contrepartie : le non-remplacement systématique des départs à la retraite des fonctionnaires

L'éventualité d'une hausse des impôts étant écartée, une hypothèse d'un retour à l'équilibre des finances publiques sur moyen terme étant posée, la nécessité de financer les retraites de la fonction publique fera peser chaque année une pression supplémentaire sur les autres dépenses d'environ 1 milliard d'euros par an.. Cette tension budgétaire rend dès lors incontournable une réflexion sur un redimensionnement des effectifs de la fonction publique.

Les tableaux ci-dessous présentés dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2003 conservent dès lors toute leur validité. Ils précisent les économies à attendre du remplacement de 95 %, 75 %, 50 % et 0 % des départs par rapport à une stabilisation des effectifs :

Remplacement de 95 % des départs 53 ( * )

(en millions d'euros)

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Nombre de départs remplacés

51.205

53.105

54.625

57.095

58.963

62.067

Economie sur l'année

68,1

71,1

73,7

77,6

80,6

85,5

Réduction cumulée des crédits de LFI associée

68,1

139,7

214,4

293,4

376,1

464,3

Remplacement de 75 % des départs

(en millions d'euros)

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Nombre de départs remplacés

40.425

41.925

43.125

45.075

46.550

49.000

Economie sur l'année

340,6

355,7

368,4

387,8

403,2

427,4

Réduction cumulée des crédits de LFI associée

340,6

698,6

1.071,9

1.467,2

1.880,7

2.321,3

Remplacement de 50% des départs

(en millions d'euros)

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Nombre de départs remplacés

26.950

27.950

28.750

30.050

310.33

32.667

Economie sur l'année

681,1

711,3

736,8

775,5

806,5

854,9

Réduction cumulée des crédits de LFI associée

681,1

1.397,2

2.143,8

2.934,3

3.761,3

4.642,6

Non-remplacement total des départs à la retraite

(en millions d'euros)

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Economie sur l'année

1.362,2

1.422,6

1.473,6

1.551

1.613

1.709,8

Réduction cumulée des crédits de LFI associée

1.362,2

2.794,4

4.287,6

5.868,6

7.522,7

9.285,1

Le remplacement d'un départ à la retraite sur deux paraît donc l'hypothèse la plus plausible pour à la fois compenser la croissance des charges de retraite et constituer un aiguillon efficace en vue d'un Etat rénové.

L'effort de réduction des effectifs de la fonction publique ne pourra qu'être réparti entre les différents ministères, selon les réformes de structure et les gains de productivité qu'il est possible de susciter, mais aussi en fonction du poids budgétaire de chacun.

2. La maîtrise des dépenses publiques, un levier pour réformer l'Etat

Nul doute que la pression sur la dépense amènera plus sûrement à la réforme de l'Etat que les dérapages passés. Alors qu'une tension sur les dépenses incite à l'imagination des gestionnaires et à l'efficacité, le gonflement des dépenses déresponsabilise. Il ne sanctionne ni le gaspillage des moyens financiers, ni un indéniable gâchis de ressources humaines.

La réforme de l'Etat devra déboucher sur une plus grande équité dans la gestion des deniers publics, où la répartition des moyens devra être liée à des besoins réels et renouvelés.. Dans certains de ces secteurs d'intervention, l'Etat a déjà fait sa mue, il n'est plus une administration de main d'oeuvre, mais une administration de compétences, dont les agents, plus motivés, plus polyvalents et plus qualifiés, assurent un service public à moindre coût.

Sur le plan budgétaire, il est donc possible de tirer les dividendes de ce progrès. Structures resserrées, agents plus productifs, informatisation pertinente sont synonymes de dépenses allégées. Là où il reste des efforts à accomplir, les recettes d'une meilleure gestion sont connues. Elles ont fait leur preuve en France ou à l'étranger : suppression des structures redondantes, diminution du nombre de niveaux hiérarchiques, accélération du « process » administratif, responsabilisation des acteurs, regroupement des agents sur un nombre de sites administratifs moins important, sans négliger pour autant le souci de proximité, informatisation des services et automatisation complète des tâches répétitives.

10 % d'économies pour des dépenses de l'ordre de 360 milliards d'euros permettraient presque de combler le déficit du budget de l'Etat...

a) Des réformes de structure ambitieuses

Les gains de productivité réalisés dans certains ministères ne pourront être engrangés que lorsque les conséquences de ceux-ci en matière de structure auront été tirées. Il faut évoquer ici le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, dont les investissements informatiques visent à contourner les effets du cloisonnement des administrations fiscales, sans s'attaquer au coeur du problème : la maîtrise des coûts de gestion des prélèvements obligatoires passe par le réduction des coûts de coordination entre les différentes administrations, les pays disposant d'une seule administration ayant un taux d'intervention inférieur aux pays dans lesquels la gestion des prélèvements obligatoires est assurée par plusieurs administrations.

L'exemple de la redevance-télévision peut être une nouvelle fois évoquée : sa suppression, souhaitable, ne serait utile que si le service chargé de son recouvrement pouvait être redéployé au sein des autres administrations existantes...

b) Des gains de productivité liés aux nouvelles technologies

Certains ministères n'ont pas encore fait leur « aggiornamento » informatique. Le sous-équipement informatique du ministère de la justice est par exemple criant et inquiétant au regard du nombre de dossiers à traiter.

c) Une implantation territoriale adaptée

Contrairement aux idées reçues, l'administration centrale n'emploie qu'une très faible partie des effectifs, de l'ordre de 5 %. L'immense majorité des fonctionnaires civils travaillent dans les services déconcentrés de l'Etat. Il convient donc de réfléchir à la carte administrative française en fonction des compétences transférées aux collectivités locales. En la matière, un audit doit être mené, qui répertorie les subdivisions administratives à supprimer. Ceci peut concerner en particulier le ministère de l'équipement ou le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Ce dernier a d'ailleurs annoncé qu'environ la moitié des 55 recettes de finances d'arrondissements seraient supprimées pour ne maintenir que celles situées dans les arrondissements les plus importants au sein de la direction générale de la comptabilité publique.

De la même manière les sous-préfectures ne peuvent plus constituer un « tabou » : la pertinence de cet échelon de gestion mérite d'être réexaminée.

d) La décentralisation et le principe de subsidiarité

Les conséquences de la décentralisation, vingt ans après, n'ont pas encore toutes été tirées en ce qui concerne les effectifs et les structures des services déconcentrés. Il ne paraît plus nécessaire que chaque ministère cumule une direction départementale et une direction régionale, alors même que les compétences sont partagées et parfois entièrement transférées aux collectivités locales (c'est le cas par exemple de l'administration de la jeunesse et des sports). De même, au regard de l'objectif d'efficacité de l'action publique, il n'est pas toujours pertinent qu'à chaque niveau de collectivité décentralisée corresponde un niveau déconcentré de l'Etat.

Lorsque les compétences sont décentralisées, il n'est pas conforme à l'impératif d'efficacité et de bonne gestion que l'Etat maintienne des services d'exécution à l'échelon local et il doit admettre qu'en matière d'action sociale, d'équipement ou de culture, son intervention dans les tâches de proximité et de gestion fait double emploi avec l'intervention des collectivités locales.

Dans le cadre du nouvel élan de décentralisation et des expérimentations de transfert de compétences qui doivent être menées au cours de la législature, la question du « doublon » des services déconcentrés de l'Etat avec ceux des collectivités territoriales doit être posée. La mise en place d'un droit à l'expérimentation au profit des collectivités locales est ainsi une occasion unique de réformer les services déconcentrés de l'Etat.

3. Une nécessaire concentration des moyens sur les priorités qui feront l'Etat de demain

La maîtrise des dépenses, compte-tenu des tensions qui pèseront de plus en plus à l'avenir sur le budget de l'Etat, doit conduire à faire des choix : les moyens disponibles, relativement modestes au regard de la période passée, devront être concentrés sur les priorités qui feront l'Etat de demain.

a) Un retour à l'Etat investisseur

Il convient d'ores et déjà de saluer le retour de l'Etat investisseur. Dès 2002, malgré les difficultés pesant sur l'exécution budgétaire, le gouvernement a souhaité préserver des mesures de régulation les investissements. Globalement, les crédits d'investissement auront atteint une hausse de 3,7 % par rapport à l'année précédente, ce qui représente la plus forte progression depuis 1998, bien au-delà de la moyenne annuelle constatée entre 1998 et 2002. En outre, les dépenses en capital du budget de la défense évoluent plus vite que les dépenses en capital des budgets civils (4,7 % contre 3,1 %).

La tendance à la progression des dépenses en capital se poursuit encore en 2003. La loi de finances initiale pour 2003 a réévalué les crédits correspondants, lesquels ont été relativement préservés des mesures de régulation budgétaire du premier semestre.

Evolution de l'investissement civil et militaire

(en %)

b) Donner à la France toute sa crédibilité dans la gestion des affaires du monde

Les normes de progression de la dépense, fixées par la nouvelle loi de programmation militaire, devront être respectées pour que la France puisse faire face au nouveau contexte géostratégique avec des moyens rénovés.

La loi de programmation pour les années 2003-2008 se caractérise par une légère progression des effectifs, au profit essentiellement de la gendarmerie dont les effectifs devraient augmenter de plus de 7 % en 6 ans, en conformité avec les objectifs fixés par la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure. Un effort substantiel est également prévu en faveur du service de santé des armées, qui devrait bénéficier de la création de 220 postes de médecins et de 350 postes d'infirmiers en début de programmation. Enfin, une centaine de postes sera créée « dans le domaine du recueil et de l'exploitation du renseignement ». En ce qui concerne l'armée de terre, la loi de programmation prévoit une hausse de 2.500 du nombre d'engagés volontaires de l'armée de terre (EVAT)

Pour les dépenses d'équipement, la loi de programmation militaire prévoit que les crédits de paiement afférents aux dépenses en capital, inscrits en loi de finances initiale, s'élèveront, en moyenne annuelle, à 14,64 milliards d'euros en valeur 2003. Cet objectif ambitieux suppose qu'aucune mesure d'annulation de crédits n'intervienne au cours des prochaines années, contrairement aux habitudes prises sous la précédente législature. Il convient dès lors de se féliciter que les dépenses en capital de la défense ait été préservées des mesures d'annulation de crédits du 14 mars 2003.

c) Rénover le coeur de métier de l'Etat

Les lois de programme pour la justice et la sécurité intérieure comprennent des engagements chiffrés de l'Etat qui demanderont, pour leur financement, de dégager des économies sur d'autres postes budgétaires. Des moyens importants, 2,5 milliards d'euros à l'horizon 2006 hors dépenses de personnel, soit une progression de 12 %, seront consacrés aux missions régaliennes de l'Etat. Au sein du ministère de l'intérieur, 3.450 emplois supplémentaires de policiers devraient être créés. De même, plus de 6.000 emplois supplémentaires devront être créés pour moderniser le service public de la justice.

*

Au citoyen de ne pas demander toujours plus de dépenses publiques et moins d'impôts mais un Etat compétitif et équitable, au législateur de faire preuve de conviction en adoptant un budget sincère, en incitant par un contrôle de la dépense, à une réelle maîtrise de celle-ci, a u gouvernement d'assurer le respect des lois de programmation, et de faire preuve de cohérence dans l'exécution de son budget, aux gestionnaires de faire preuve d'imagination et de responsabilité, comme les y invite la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances !

Telles sont les conditions d'une saine gestion des finances publiques.

III. LE DÉFICIT DE L'ÉTAT : LES STABILISATEURS AUTOMATIQUES EN 2003, LE REDRESSEMENT EN 2004

A. UN DÉFICIT 2003 SUPÉRIEUR AU NIVEAU FIXÉ PAR LA LOI DE FINANCES INITIALE

1. La loi de finances pour 2003 : un déficit de 44,6 milliards d'euros

La loi n° 2002-1575 du 30 décembre 2002 portant loi de finances pour 2003 a fixé le niveau du déficit de l'Etat à 44,56 milliards d'euros :

Présentation simplifiée de la loi de finances pour 2003

(en millions d'euros)

Ressources

Dépenses totales ou plafond des charges

Solde

Budget général

228 173

273 812

-45 639

Comptes d'affectation spéciale (CAS)

11 611

11 609

2

Budget général et CAS

239 784

285 421

-45 637

Budgets annexes

17 731

17 731

0

A. Solde des opérations définitives

257 515

303 152

-45 637

B Solde des opérations temporaires (CST)

59 895

58 826

1 069

Solde général (A+B)

317 410

361 978

-44 568

Par rapport au déficit issu de la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 portant loi de finances rectificative pour 2002, fixé à 47 milliards d'euros, le respect de l'objectif fixé pour 2003 impliquait une amélioration du solde général de l'Etat de 2,4 milliards d'euros.

Le déficit de l'exercice 2002 constaté en exécution s'est établi à 49,3 milliards d'euros, soit 2,3 milliards d'euros de plus que le niveau retenu par la loi de finances rectificative de fin d'année, et 13,5 milliards d'euros de plus que le déficit retenu en loi de finance initiale pour 2002. Par conséquent, pour atteindre l'objectif fixé par la loi de finances pour 2003, il faudrait, cette année, réduire le déficit de l'Etat de 4,7 milliards d'euros.

Les explications du déficit constaté en 2002

Gouvernement (1)

Cour des comptes (2)

Commission européenne (3)

- ralentissement conjoncturel ;

- la réduction du déficit n'était pas une priorité du gouvernement précédent, qui privilégiait les baisses d'impôts et l'augmentation des dépenses ;

- une politique budgétaire procyclique sous la législature précédente, dont les effets ont été masqués par les plus values conjoncturelles, la mobilisation des recettes non fiscales et le faible dynamisme des charges de la dette ;

- l'engagement de dépenses pérennes : 35 heures, 48.000 créations d'emplois, 220.000 emplois-jeunes, CMU, APA , AME ;

- sous évaluation de la LFI 2002 (trois primes de Noël payées en 2002) ;

- consommation de crédits reportés au cours des exercices précédents ;

- manque de pertinence des hypothèses de la loi de finances initiale ;

- poursuite des baisses d'impôts non gagées par de moindres augmentations pérennes de dépenses ;

- progression significative des dépenses qui, par ailleurs, conduit automatiquement à la croissance des charges de la dette ;

- collectif d'été qui dégrade le déficit significativement sans corriger les sous-dotations de la loi de finances initiale ;

- gel de crédits insuffisant.

- forte augmentation du déficit structurel ;

- coup de frein relativement brutal subi par l'économie ;

- coup d'arrêt donné au processus d'assainissement budgétaire en 1999 ;

- aucune mesure corrective sérieuse après le constat, en début d'année, que les objectifs ne pourraient pas être respectés ;

- dérapage des dépenses publiques ;

- réductions d'impôts correspondant à près de 0,5 point de PIB (0,4 point en LFI, 0,15 point en collectif d'été) ;

- intégration dans le déficit d'un transfert de capitaux en faveur de RFF ;

(1) Rapport présenté par le gouvernement à l'occasion du présent débat d'orientation budgétaire.

(2) Rapport préliminaire sur l'exécution des lois de finances pour 2002, juin 2003.

(3) Rapport de la Commission établi en application de l'article 104, paragraphe 3, du traité, ECFIN/91/03-FR, 31 mars 2003.

2. Les premiers mois de l'exécution 2003

A la fin du mois d'avril 2003, le déficit de l'Etat s'établissait à 39,7 milliards d'euros, soit un montant supérieur de 23 % au déficit constaté l'année dernière à la même date.

En lui même, le niveau du déficit constaté fin avril n'a que peu de signification. En 2002, le déficit constaté à la fin du mois d'avril correspondait à 65 % du déficit constaté en exécution. En 2001, cette proportion était de 81 %.

Evolution du solde mensuel d'exécution

(en milliards d'euros)

Source : situations mensuelles

Dans son rapport préliminaire sur l'exécution des lois de finances pour 2002, la Cour des comptes juge cependant que « la prévision initiale pour 2003 paraît impossible à tenir :

« - l'hypothèse repose sur un solde déficitaire de l'Etat de 44,6 milliards d'euros, soit un niveau nettement inférieur à l'exécution 2002 ;

« - par ailleurs, la LFI est bâtie sur un scénario de croissance à 2,5 % hors de portée ;

« - enfin, la progression des dépenses n'est pas revue à la baisse (au moins tant que les crédits n'ont pas été annulés ou corrigés par un collectif) ».

3. Juin 2003 : un déficit 2003 d'au moins 49,7 milliards d'euros

Jugeant lui aussi hors de portée l'objectif d'un taux de croissance du PIB de 2,5 % en 2003, le gouvernement a révisé cette prévision à la baisse. Elle s'établit aujourd'hui à 1,3 %.

Dans son rapport en vue du présent débat d'orientation budgétaire, le gouvernement ne propose pas de prévision en matière de solde d'exécution de la loi de finances pour 2003.

Cependant, les orientations affichées dans ce rapport permettent de déduire une prévision de solde en exécution :

- en recettes, « le gouvernement n'écarte pas le risque d'une dégradation allant au-delà de 5,1 milliards d'euros » ;

- « le gouvernement souhaite respecter en exécution 2003 le niveau de dépense autorisé par le Parlement en loi de finances initiale ».

Il résulte de ces deux informations que le gouvernement envisage désormais, pour 2003, un déficit de l'Etat s'établissant à au moins 49,7 milliards d'euros 54 ( * ) , soit le niveau le plus élevé constaté depuis 1995.

Compte tenu des incertitudes pesant sur l'évolution des recettes et de la forte pression constatée sur les dépenses, l'hypothèse d'une poursuite de la dégradation de l'équilibre du budget de l'Etat au cours du deuxième semestre 2003 ne doit pas être écartée.

Il est clair, aux yeux de votre rapporteur général, qu'un volume significatif d'annulations de crédits supplémentaires devra être pratiqué si le risque d'un nouveau dérapage est confirmé.

Evolution minimale du déficit budgétaire de l'Etat en 2003

(en milliards d'euros)

4. Le dérapage du déficit majore d'autant le déficit de fonctionnement de l'Etat

Les recettes fiscales de l'Etat abondent la section de fonctionnement du budget de l'Etat. Compte tenu de l'intention affichée du gouvernement de s'en tenir, en matière de dépenses, au plafond fixé par la loi de finances initiale, la dégradation annoncée des recettes, d'au moins 5,1 milliards d'euros, se répercute entièrement sur le déficit de fonctionnement du budget de l'Etat.

Après avoir enregistré une diminution constante entre 1997 et 2001, le déficit de fonctionnement de l'Etat s'est accru en 2002, pour s'établir à 5,42 milliards d'euros. La dégradation du déficit de fonctionnement se poursuit en 2003. Dans la loi de finances, il s'établit à 17,16 milliards d'euros. Il sera en réalité d'au moins 22,26 milliards d'euros, soit au moins quatre fois plus élevé qu'en 2002. Il convient de rappeler que cette différence est financée par emprunt.

Evolution minimale du déficit de fonctionnement de l'Etat en 2003

(en milliards d'euros)

La présentation du budget de l'Etat en section de fonctionnement et en section d'investissement faisait apparaître dans la loi de finances 2003 la nécessité pour l'Etat d'emprunter 113,49 milliards d'euros destinés pour 68,9 milliards d'euros à rembourser des emprunts contractés antérieurement, pour 27,43 milliards d'euros à financer des investissements et, pour 17,16 milliards d'euros, à financer des dépenses courantes.

Présentation du budget de l'Etat en section de fonctionnement et en section d'investissement

(en milliards d'euros)

Section de fonctionnement

PLF 2003

PLF 2003

DOB 2004

Dépenses

300,36

Recettes

283,20

278,10

Déficit

17,16

22,26

Section d'investissement

Dépenses

PLF 2003

Recettes

PLF 2003

DOB 2004

Dépenses d'investissement

27,43

Déficit de la section de fonctionnement

-17,16

-22,26

Remboursement d'emprunts

68,90

Cession d'immobilisations financières

8,00

8,00

Dotations en capital

8,00

Ressources d'emprunt

113,49

118,59

Total

104,33

Total

104,33

104,33

Il résulte de la dégradation du déficit 2003 d'au moins 5,1 milliards d'euros que le déficit de fonctionnement de l'Etat serait majoré d'autant. Par conséquent, à moins d'un ajustement à la baisse des dépenses d'investissement, que le gouvernement n'envisage pas, le montant des ressources d'emprunt nécessaire pour équilibrer la section d'investissement du budget de l'Etat est porté de 113,49 milliards d'euros à 118,59 milliards d'euros.

Affectation en 2003 des 118,59 milliards d'euros (au moins) empruntés sur les marchés financiers

(en milliards d'euros)

Evolution de l'affectation du recours à l'endettement

(en milliards d'euros)

1997

1998

1999

2000

2001

2002

LFI 2003

DOB 2004

Affectation :

- dépenses d'investissement

- déficit de fonctionnement

- remboursement d'emprunts antérieurs

25,89

17,53

57,02

24,25

15,03

53,39

25,69

10,28

43,20

25,71

7,03

62,05

26,17

2,27

62,05

25,67

5,42

62,10

27,43

17,16

68,90

27,43

22,26

68,90

Total

100,43

92,68

79,17

94,79

90,49

93,19

113,49

118,59

B. LA DÉGRADATION DES COMPTES DE L'ETAT SE RÉPERCUTE SUR LE SOLDE DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES

1. Le besoin de financement de l'Etat selon le gouvernement : 3,4 % du PIB en 2003 et 3,2 % en 2004

Au mois de mars 2003, à l'occasion de la publication du rapport sur les perspectives économiques 2003-2004, le gouvernement, prenant acte des résultats plus mauvais que prévus enregistrés en 2002 et tirant les conséquences de la révision à la baisse des prévisions de croissance et 2004, a modifié ses prévisions pour 2003 et 2004 en matière de besoin de financement des administrations publiques exprimé en pourcentage du produit intérieur brut.

S'agissant de l'Etat, le besoin de financement envisagé pour 2003 ne serait plus de 3 % du PIB mais de 3,4 %. En 2004, le besoin de financement de l'Etat représenterait 3,2 % du PIB.

Evolution du besoin de financement de l'Etat

(en % du PIB)

Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, rapport sur les perspectives économiques 2003-2004, mars 2003

2. En 2002 et 2003, la dégradation des comptes de l'Etat s'accompagne de celle des comptes des administrations sociales

Le déficit de l'Etat constitue la principale composante du déficit des administrations publiques. Selon les années, le montant de son besoin de financement est même supérieur au déficit total des administrations publiques.

Par conséquent, les évolutions du déficit de l'Etat sont déterminantes pour la variation du solde des administrations publiques, ce dernier indicateur étant celui retenu par la Commission européenne pour évaluer les performances budgétaires des Etats membres de l'Union.

Ainsi, le dérapage, par rapport aux prévisions, du besoin de financement du secteur public constaté en exécution pour 2002, et anticipé dès le début de l'exécution en 2003, s'explique largement par l'évolution du déficit de l'Etat.

Evolution du besoin de financement des administrations publiques

(en % du PIB)

Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, rapport sur les perspectives économiques 2003-2004, mars 2003

En 2002 et en 2003, contrairement aux années précédentes, l'Etat n'est cependant plus la seule collectivité publique déficitaire. Les administrations de sécurité sociale enregistrent également un besoin de financement, constaté en exécution en 2002 et supérieur aux prévisions initiales en 2003.

Evolution des prévisions en matière de solde des administrations publiques

(en % du PIB)

Source : rapport économique, social et financier 2003 ; rapport sur les perspectives économiques 2003-2004 (mars 2003)

Evolution du solde des différentes catégories d'administrations publiques

(en % du PIB)

3. Un solde structurel qui se redresserait en 2004

Entre 2001 et 2002, en pourcentage du PIB, le déficit des administrations publiques françaises a doublé, sous l'effet conjugué d'une aggravation du déficit conjoncturel et du déficit structurel.

Evolution du solde des administrations publiques en France

(en % du PIB)

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

Solde des administrations publiques

- 3,0

- 2,7

-1,6

- 1,3

- 1,4

- 3,04 (a)

- 3,4

- 2,9

Solde structurel

- 1,8

- 1,5

- 0,9

- 1,4

- 1,2

- 2,2

- 2,1

- 1,6

Solde conjoncturel

- 1,7

- 1,2

- 0,7

- 0,0

- 0,2

- 0,8

- 1,3

- 1,3

(a) le solde 2002 a été recalé à 3,1 % en mars 2003 par Eurostat suite à la requalification de la subvention de l'Etat à RFF.

Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

La dégradation de 0,4 point du PIB enregistrée entre 2002 et 2003 serait presque exclusivement due à celle du déficit conjoncturel (- 0,5 point de PIB), et légèrement compensée par une amélioration du déficit structurel (+ 0,1 point de PIB).

En revanche, l'amélioration du solde des administrations publiques de 0,5 point de PIB envisagée pour 2004 proviendrait exclusivement de l'amélioration du solde structurel. Cette évolution serait conforme à la recommandation formulée le 3 juin 2003 par le Conseil des ministres des finances de l'Union européenne, qui impose à la France d'améliorer son solde structurel d'au moins 0,5 point de PIB en 2004.

Le retour à un niveau de déficit des administrations publiques inférieur au seuil de 3 % du PIB serait entièrement du à l'amélioration du solde structurel.

Il importe donc d'encourager le gouvernement dans la mise en oeuvre des réformes de structure propices au redressement, dès l'année prochaine, du solde structurel des administrations publiques.

4. En 2004, le respect de la norme de 3 % par rapport au PIB reposerait davantage sur les administrations sociales que sur le déficit de l'Etat

Le tableau ci-dessous retrace la décomposition entre les différents niveaux d'administration des prévisions du gouvernement en matière de besoin de financement du secteur public, et permet de préciser les conditions dans lesquelles notre pays entend retrouver en 2004 un besoin de financement inférieur à 3 % du PIB :

Solde des administrations publiques en 2003 et 2004

(en % du PIB)

2003

2004

Variation

Administrations publiques

- 3,4

- 2,9 55 ( * )

+ 0,5

Etat

- 3,4

-3,2

+ 0,2

Organismes divers d'administration centrale

0,3

0,4

+ 0,1

Administrations publiques locales

0,2

0,2

-

Administrations de sécurité sociale

- 0,5

- 0,2

+ 0,3

Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, rapport sur les perspectives économiques 2003-2004, mars 2003

Il ressort de ces prévisions que :

- les administrations de sécurité sociale, devenues déficitaires en 2002, le resteraient en 2003 et en 2004 ;

- les administrations locales resteraient excédentaires, mais à un niveau inférieur à celui de 2002, qui s'établissait à 0,3 % du PIB ;

- l'amélioration du besoin de financement du secteur public entre 2003 et 2004 proviendrait pour 0,2 point de PIB de la réduction du déficit de l'Etat et pour 0,3 point de PIB de la réduction du déficit des administrations de sécurité sociale.

Dans ces conditions, la maîtrise des dépenses de la sécurité sociale, et en particulier de l'assurance maladie, constitue une condition essentielle du respect par la France de ses engagements européens en matière de maîtrise des finances publiques.

C. LA DETTE PUBLIQUE PROGRESSE PLUS QUE PRÉVU

1. Une dégradation du ratio dette/PIB pas encore « ventilée » entre les différents niveaux d'administration publique

Les prévisions du gouvernement en matière de ratio de dette par rapport au PIB s'établissent désormais à 60,5 % pour 2003 et à 61,4 % du PIB en 2004 (contre 56,8 % en 2001 et 59,1 % en 2002).

La dynamique de la dette des administrations publiques

(en % du PIB)

Selon le rapport du gouvernement en vue du présent débat d'orientation budgétaire, le montant de la dette publique s'établirait à 947,8 milliards d'euros en 2003, soit une augmentation de 5,6 % par rapport à 2002.

Evolution du stock de la dette des administrations publiques

(en milliards d'euros)

Source : rapport du gouvernement associé au débat d'orientation budgétaire pour 2004

Le gouvernement ne dispose pas à ce jour de ventilation de sa prévision d'évolution de la dette en 2003 entre les différents niveaux d'administration publique.

Au cours des trois dernières années, la dette de l'Etat, exprimée en pourcentage du PIB, est passée de 45,2 % en 2000 à 48,2 % en 2002, soit une progression de 3 points de PIB. Dans le même temps, la dette des administrations sociales a cru de 0,1 point de PIB, tandis que celle des administrations locales et des organismes divers d'administration centrale a diminué.

En 2000, la dette de l'Etat représentait 79 % de la dette des administrations publiques. Cette part s'élevait à 81,7 % en 2002.

Evolution de la dette des administrations publiques

Au 31/12/2000

Au 31/12/2001

Au 31/12/2002

Milliards d'euros

% du PIB

Milliards d'euros

% du PIB

Milliards d'euros

% du PIB

Etat

642,2

45,2

670,6

45,4

732,8

48,2

Organismes divers d'administration centrale

51,7

3,6

49,2

3,3

44,9

3,0

Administrations locales

105,7

7,4

105,8

7,2

104,1

6,9

Administrations de sécurité sociale

12,5

0,9

13,1

0,9

14,8

1,0

Total administrations publiques

812,1

57,2

838,7

56,8

896,6

59,0

* au sens du traité de Maastricht
Source : INSEE Première, n° 895, avril 2003

2. Le déficit primaire se dégrade malgré un « effet taux » favorable

Après une parenthèse de trois années, entre 1999 et 2001, l'Etat est revenu en 2002 à la situation qu'il connaissait précédemment : il emprunte pour payer les intérêts de sa dette.

A l'occasion du présent débat d'orientation budgétaire, le gouvernement considère qu'il n'y a pas lieu, en dépit de la dégradation du ratio de l'endettement public par rapport au PIB et du creusement du déficit, de modifier l'estimation de la charge de la dette de l'Etat issue de la loi de finances pour 2003 56 ( * ) , l'  « effet volume » résultant du creusement du déficit étant compensé par un « effet taux » favorable 57 ( * ) .

Cependant, il résulte mécaniquement de la dégradation du déficit de l'Etat d'au moins 5,1 milliards d'euros en 2003 une dégradation à due concurrence du solde primaire, qui s'établirait à au moins 11,4 milliards d'euros, un niveau comparable à celui de 2002 et un quasi-doublement par rapport à l'estimation de la loi de finances pour 2003.

Solde primaire du budget de l'Etat

(en milliards d'euros)

1998

1999

2000

2001

2002

LFI 2003

DOB 2004

A. Montant du solde en exécution

-37,7

-31,4

-29,2

-32,0

-49,3

-44,6

-49,7

B. Charge nette de la dette

34,8

34,7

35,7

36,5

38,1

38,3

38,3

Solde primaire (A + B)

-3,0

3,3

6,5

4,5

-11,2

-6,3

-11,4

3. Le hors-bilan : des charges pour l'Etat auxquelles il faut se préparer à faire face

En leur état actuel, les documents comptables de l'Etat ne permettent pas d'appréhender de manière exhaustive l'ensemble de la dette publique et de ses contreparties. Cet état de fait est appelé à être modifié, conformément à la volonté exprimée par le législateur dans la loi organique du 1 er août 2001, dont l'article 27, applicable à compter du 1 er janvier 2006, dispose que « les comptes de l'Etat doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle de son patrimoine et de sa situation financière ».

La situation financière de l'Etat ne peut être reflétée de manière fidèle si l'évaluation de la dette, retracée dans le bilan et le compte de résultat dont dispose l'Etat depuis l'entrée en vigueur en 1988 de l'actuel plan comptable, ne s'accompagne pas de celle des engagements hors-bilan.

Comme le rappelle le rapport de présentation du compte général de l'administration des finances (CGAF) pour 2002, le plan comptable général impose à toute personne ayant l'obligation d'établir des comptes annuels de produire une annexe qui doit comporter « toutes les informations d'importance significative destinées à compléter et à commenter celles données par le bilan et le compte de résultat », et en particulier le montant des engagements financiers.

Pour la quatrième année consécutive, le CGAF pour 2002 s'efforce de préciser les contours de ces engagements financiers. Il identifie trois catégories d'engagements qui « correspondent à des dettes certaines au plan juridique, mais dont le montant et la date de dénouement sont déterminés par une série de paramètres exogènes » :

- les engagements de retraite des fonctionnaires et agents publics relevant de régimes spéciaux ;

- les engagements liés à des garanties accordées par l'Etat ;

- les engagements liés aux droits à prime acquis dans le cadre des dispositifs d' épargne logement .

La Cour des comptes contribue également à la définition des contours du hors-bilan de l'Etat. Dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour 2001, elle estime que les engagements de financement matérialisés par un acte juridique contraignant doivent être retracés en hors-bilan dès lors que leur mise en oeuvre dépend de conditions dont l'Etat n'est pas maître. A l'aune de cette définition, elle s'interroge sur la nécessité d'inscrire dans le hors bilan deux types d'engagements :

- les sommes correspondant à la quote-part de la contribution de la France au budget européen non appelée, mais que notre pays serait tenu de verser si, dans la limite du plafond de 1,27 % du PNB, le montant de la contribution de la France était réévalué ;

- les engagements trouvant leur source dans la signature par l'Etat des contrats de plan Etat-région , de même que l'ensemble des engagements de financement pluriannuels vis-à-vis de tiers (collectivités territoriales, établissements publics, entreprises publiques ou privées, associations, etc.).

Parallèlement à sa définition, le chiffrage du hors-bilan de l'Etat est progressivement précisé.

Le CGAF retrace depuis plusieurs années l'évolution de la « dette implicite » liée aux engagements liés aux droits à prime acquis dans le cadre des dispositifs d' épargne logement . Celle-ci était évaluée à 7,6 milliards d'euros dans le CGAF pour 2000, à 7,2 milliards d'euros dans le CGAF pour 2001 et s'établirait en 2002 à 10 milliards d'euros , dont 8 milliards d'euros au titre des plans épargne logement. Le constat de l'accélération du rythme de versement des primes, qui s'explique selon le CGAF par « l'arrivée à maturité de nombreux plans ouverts entre 1993 et 1996 », justifie pleinement a posteriori, si besoin était, les dispositions de l'article 80 de la loi de finances pour 2003, issu d'une initiative de votre commission des finances, qui conditionnent le bénéfice de la prime liée aux plans d'épargne logement à la réalisation d'un prêt immobilier.

Pour la première fois, le CGAF pour 2002 fournit une évaluation de la dette implicite liée aux engagements en matière de retraite des fonctionnaires et des agents publics relevant des régimes spéciaux. Les données fournies sont identiques à celles, issues de la direction du budget, auxquelles la Cour des comptes faisait référence dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour 2001 : entre 600 et 800 milliards d'euros .

Les conditions dans lesquelles la dette en matière de retraite devra être acquittée sont précisées dans le « jaune » budgétaire annexé au projet de loi de finances pour 2003 et consacré aux rémunérations et pensions des agents publics : la charge brute liée aux pensions des fonctionnaires de l'Etat passerait 58 ( * ) d'environ 30 milliards d'euros en 2003 à près de 60 milliards d'euros en 2020 et à environ 90 milliards d'euros en 2040.

Le « compte à rebours » des finances publiques

Le constat du doublement du montant des charges de retraites au cours des vingt prochaines années, pour un montant en 2020 supérieur au niveau actuel du déficit de l'Etat, signifie qu'en matière de finances publiques, le « compte à rebours » a commencé :

Il faudra être en mesure de faire face à ces engagements en 2020, au besoin en recourant au déficit budgétaire ; pour recourir au déficit budgétaire, il faut que le niveau d'endettement supplémentaire qui en résulte soit soutenable ; le niveau d'endettement actuel de l'Etat et des administrations publiques, tant en valeur absolue qu'en pourcentage du PIB, s'accroît ; pour inverser cette tendance, il faut à la fois mener une politique économique favorable à la croissance et éviter d'augmenter la dette par l'accumulation des déficits ; pour soutenir la croissance, il faut alléger les prélèvements obligatoires et laisser jouer les stabilisateurs automatiques lorsque la conjoncture se dégrade ; pour éviter que l'allégement des prélèvements obligatoires et le jeu des stabilisateurs automatiques ne dégradent le déficit et ne relancent la spirale de la dette, il faut un déficit structurel proche de l'équilibre ; pour réduire le déficit structurel, il faut à la fois réduire le montant de nos dépenses publiques et en modifier la structure pour les rendre moins rigides.

Compte tenu des masses financières en cause et de la lourdeur des ajustements nécessaires, il faut considérer que le choc budgétaire de 2020 est quasiment « pour demain ». Dans ces conditions, c'est aujourd'hui, sans attendre, que doivent être mises en oeuvre les réformes de structures sans lesquelles la « soutenabilité » à long terme de nos finances publiques ne serait pas assurée.

IV. LA MISE EN oeUVRE PROGRESSIVE DE LA LOI ORGANIQUE DU 1ER AOÛT 2001 RELATIVE AUX LOIS DE FINANCES

A. LES DISPOSITIONS EN VIGUEUR

1. Les mesures déjà mises en oeuvre depuis le 1er janvier 2002

La loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances sera pleinement mise en oeuvre à l'occasion de la préparation et de l'examen du projet de loi de finances initiale pour 2006. Cependant, l'entrée en vigueur des mesures est échelonnée dans le temps, le législateur ayant souhaité « acclimater » progressivement les acteurs aux nouvelles procédures, et surtout, accorder aux administrations un délai suffisant pour la réflexion et la préparation de la mise en place des dispositions, en particulier s'agissant de celles liées à la nomenclature budgétaire et à la comptabilité publique.

Certaines dispositions de la loi organique sont entrées en vigueur dès le 1 er janvier 2002. Il s'agit, pour l'essentiel :

- des règles relatives aux annulations de crédits (article 14) ;

- de l'application du principe de sincérité (article 32) ;

- de l'affectation à des tiers de recettes de l'Etat (article 36) ;

- des délais de dépôt des « jaunes » (2 ème alinéa de l'article 39) et des réponses aux questionnaires parlementaires (article 49) ;

- des rapports joints aux projets de loi de finances (articles 50 et 53), permettant ainsi une meilleure information du Parlement notamment grâce à la publication du programme pluriannuel des finances publiques et à l'occasion du « débat consolidé » sur l'évolution des prélèvements obligatoires (article 52) ;

- des dispositions élargissant les pouvoirs de contrôle des commissions des finances (articles 57, 58 à l'exception du 4° et du 5°, 59 et 60) ;

- de la procédure d'examen du projet de loi de finances et du projet de loi de règlement (article 41).

2. Le calendrier prévu pour l'année 2003

Le 1 er janvier 2003, les règles relatives au nouveau débat d'orientation budgétaire sont entrées en vigueur, à l'exception toutefois de la présentation de la liste des missions, des programmes et des indicateurs de performances associés à chacun de ces programmes, envisagés pour le projet de loi de finances de l'année suivante (4° de l'article 48).

Le rapport sur l'évolution de l'économie nationale et sur les orientations des finances publiques que le gouvernement présente au Parlement avant la fin du mois de juin comprend désormais :

- une analyse des évolutions économiques constatées depuis l'établissement du rapport économique, social et financier ;

- une description des grandes orientations de la politique économique et budgétaire au regard des engagements européens de la France ;

- une évaluation à moyen terme des ressources de l'Etat ainsi que de ses charges ventilées par grandes fonctions.

3. Le bilan des dispositions entrées en vigueur

a) Le contrôle

S'agissant des dispositions de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances déjà entrées en vigueur, il est déjà possible de considérer qu'elles contribuent largement à l'exercice des missions de contrôle. En particulier, les relations entre votre commission des finances et la Cour des comptes se sont enrichies et se développent dans le sens d'une plus grande coopération .

Ainsi, au cours du premier semestre de l'année 2003, votre commission des finances a été destinataire de plusieurs communications de la Cour des comptes sur des sujets qui avaient été retenus par votre commission en avril 2002. Ces communications ont fait l'objet d'auditions auxquelles ont participé des représentants de la Cour des comptes et les dirigeants des entités publiques concernées par ces communications. Pour la plupart d'entre elles, il a été décidé de publier la communication, ainsi que le procès-verbal de l'audition et, le cas échéant, la réponse écrite des entités mises en cause, sous la forme de rapports d'information 59 ( * ) .

Votre commission des finances devrait également expérimenter prochainement, à l'occasion d'une mission de contrôle et d'évaluation, la possibilité de demander l'assistance de la Cour des comptes prévue par le 1° de l'article 58 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

Toutefois, ainsi que votre rapporteur général l'indiquait dans le rapport général sur la loi de finances pour 2001, « l'exercice du contrôle parlementaire se heurte encore parfois à la résistance des administrations, s'agissant de la communication de certains documents (article 57), et de l'obligation de réponse à une lettre d'observation adressée à la suite d'une mission d'évaluation et de contrôle (article 59) ».

En particulier, votre commission des finances a rencontré certaines difficultés quant à l'application des deuxième et troisième alinéas de l'article 57 de la LOLF , qui dispose que « tous les renseignements et documents d'ordre financier et administratif qu'ils [le président, le rapporteur général et les rapporteurs spéciaux des commission de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances] demandent, y compris tout rapport établi par les organismes et services chargés du contrôle de l'administration, réserve faite des sujets à caractère secret concernant le défense nationale et la sécurité intérieure ou extérieure de l'Etat et du respect du secret de l'instruction et du secret médical, doivent leur être fournis.

« Les personnes dont l'audition est jugée nécessaire par le président et le rapporteur général de la commission chargée des finances de chaque assemblée ont l'obligation de s'y soumettre. Elles sont déliées du secret professionnel sous les réserves prévues à l'alinéa précédent ».

A l'occasion de sa mission sur la gestion et le financement public du secteur ferroviaire, réalisée dans le cadre du comité d'évaluation des politiques publiques, notre collègue Jacques Oudin, rapporteur spécial chargé des transports terrestres et de l'intermodalité, a souhaité entendre les commissaires aux comptes de la société nationale des chemins de fer français (SNCF) et obtenir la communication de certaines informations relatives aux comptes de cette société. Les commissaires aux comptes ont indiqué que, s'agissant de la communication d'informations relevant du secret professionnel, ils avaient saisi la Compagnie nationale des commissaires aux comptes afin qu'elle leur précise l'étendue et la portée de l'article 57 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

Si une interprétation restrictive - et en l'occurrence, quelque peu abusive 60 ( * ) - pouvait être faite de la rédaction de l'article 57 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, considérant que la levée du secret professionnel n'est mentionnée qu'à l'alinéa traitant des auditions et non à celui traitant de la transmission des documents, une telle conclusion n'apparaît pas possible compte tenu des règles de droit existant par ailleurs. Ainsi, l'article 31 de la loi de finances rectificative pour 2000 du 13 juillet 2000 avait, avant même le vote de la loi organique relative aux lois de finances, explicitement imposé aux commissaires aux comptes la levée du secret professionnel à l'égard des rapporteurs spéciaux des commissions des finances, et prévu des sanctions en cas d'obstruction.

L'article 164 de l'ordonnance n° 58-1374 du 30 décembre 1958 portant loi de finances pour 1959 avait été, à cette occasion, complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les agents des services financiers, les commissaires aux comptes ainsi que les représentants des autorités publiques de contrôle et de régulation sont déliés du secret professionnel à l'égard des membres du Parlement chargés de suivre et de contrôler, au nom de la commission compétente, les entreprises et organismes visés au quatrième alinéa ci-dessus, un organisme gérant un système légalement obligatoire de sécurité sociale, les recettes de l'Etat ou le budget d'un département ministériel. Lorsque ces compétences de suivi et de contrôle sont exercées par les membres du Parlement visés à la première phrase du sixième alinéa ci-dessus, la levée du secret professionnel qui leur serait éventuellement opposée est subordonnée à l'accord du président et du rapporteur général de la commission en charge des affaires budgétaires.

« Le fait de faire obstacle, de quelque façon que ce soit, à l'exercice des pouvoirs d'investigation mentionnés aux alinéas précédents, est puni de 15.000 euros d'amende. Le président de l'assemblée concernée, ou le président de la commission compétente de ladite assemblée, peut saisir le parquet de la juridiction compétente en vue de déclencher l'action publique ».

Afin d'éclaircir la portée des dispositions de l'article 57 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, à l'occasion de la première lecture du projet de loi relatif à la sécurité financière au Sénat, notre collègue Jacques Oudin a déposé avec plusieurs de ses collègues un amendement disposant que « pour l'application des dispositions de l'article 57 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, les commissaires aux comptes des établissements et entreprises publics, ainsi que de tout autre organisme bénéficiant de fonds publics, sont déliés de leur obligation de secret professionnel vis-à-vis du président, du rapporteur général et des rapporteurs spéciaux des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances ».

M. Dominique Perben, garde des sceaux, a indiqué qu'il était « prêt à s'engager, si M. Jacques Oudin retirait son amendement au cours de cette première lecture, à ce que nous étudiions très précisément les cas visés, les difficultés rencontrées pour compléter les conditions d'application de la loi organique si cela s'avérait nécessaire » 61 ( * ) .

Pour sa part, votre rapporteur général indiquait : « A la vérité, il convient de se référer à deux textes successifs dont la combinaison n'est pas très claire, monsieur le garde des sceaux. D'une part, la loi de finances rectificative du 13 juillet 2000, que j'ai citée, vise expressément les commissaires aux comptes et les délie du secret professionnel : si cette loi est mauvaise, il faut l'abroger, si on ne l'abroge pas, il faut l'appliquer ! d'autre part, la loi organique du 1 er août 2001, en son article 57, vise effectivement non pas les commissaires aux comptes, mais « tous les renseignements et documents d'ordre financier et administratif » demandés par les représentants de nos commissions. L'approche est donc différente, monsieur le garde des sceaux, et il importe, tant pour les professionnels que pour les entreprises publiques et pour le Parlement, de clarifier ce point.

« Pour ma part, je suggérerai au moins une voie de réflexion. Il ne me semblerait pas concevable que l'on demande à des commissaires aux comptes en cours de diligences de venir exposer à des tiers, fût-ce au sein du Parlement, les risques qu'ils sont en train d'évaluer ou leur appréciation d'une réalité sur laquelle ils n'ont pas encore pris de position dont ils puissent assumer la responsabilité sous la forme d'un rapport. En revanche, lorsque la position a été prise, lorsque la certification est intervenue ou qu'au contraire des réserves ont été exprimées, lorsque les dossiers sont clos sur un exercice déterminé, est-il illégitime de demander aux commissaires aux comptes pourquoi ils ont raisonné de telle ou telle façon sur des questions de méthode ? Je ne le pense pas ! » 62 ( * ) .

A l'occasion de la seconde lecture au Sénat du projet de loi relatif à la sécurité financière, M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a, en réponse à votre rapporteur général, levé les doutes qui pouvaient persister au sujet de l'interprétation des dispositions de l'article 57 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances : « Monsieur le rapporteur général, nous avons effectivement progressé dans notre connaissance de cette question à l'occasion de la navette : le secret professionnel imposé aux commissaires aux comptes est bien levé à l'égard des rapporteurs spéciaux des commissions des finances (LOLF).

« En effet, l'article 57 de la loi organique relative aux lois de finances dispose que « les commission de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances suivent et contrôlent l'exécution des lois de finances et procèdent à l'évaluation de toute question relative aux finances publiques ».

« Par ailleurs, cet article prévoit que, dans ce cadre, « les personnes dont l'audition est jugée nécessaire par le président et le rapporteur général de la commission chargée des finances de chaque assemblée ont l'obligation de s'y soumettre » et que ces personnes sont « déliées du secret professionnel ».

« Contrairement à ce qui semble avoir été soutenu, les personnes visées par l'article 57 ne peuvent pas être exclusivement des fonctionnaires, car la mention du secret professionnel ne se comprendrait pas dans ce cas.

« Je pense donc que les commissaires aux comptes sont effectivement déliés du secret professionnel à l'égard des commissions des finances et qu'il n'y a pas lieu de légiférer de nouveau sur ce point » 63 ( * ) .

b) Les autres dispositions

D'autres dispositions d'ores et déjà entrées en vigueur font l'objet d'interprétations divergentes et méritent d'être précisées prochainement dans le cadre d'un dialogue avec le gouvernement . Il s'agit :

- du plafond de la dette de l'Etat : le 9° de l'article 34 de la loi organique dispose que la loi de finances de l'année « fixe le plafond de la variation nette, appréciée en fin d'année, de la dette négociable de l'Etat d'une durée supérieure à un an » ;

- du plafond des crédits annulés par décret au cours d'une année : le dernier alinéa du I de l'article 14 dispose que « le montant cumulé des crédits annulés par décret en vertu du présent article et de l'articl  13 ne peut dépasser 1,5 % des crédits ouverts par les lois de finances afférentes à l'année en cours ».

(1) Le plafond de la dette négociable

Il convient de rappeler les objectifs ayant conduit à l'inscription, dans la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, d'un plafond de dette négociable apprécié en fin d'année. Cette disposition a été rédigée en tenant compte de deux préoccupations. M. Alain Lambert, alors rapporteur pour le Sénat de la proposition de loi indiquait : « il s'agit en quelque sorte de donner un contenu à l'autorisation d'émettre des emprunts en le liant au besoin de financement révélé et exprimé par le tableau de financement ». Pour sa part, Mme Florence Parly, alors secrétaire d'Etat au budget, estimait que : « s'il devait y avoir un plafond d'emprunts, cela ne devrait pas placer le Gouvernement dans une situation d'incapacité brutale à financer ses dépenses, parce qu'il y aurait une rupture de trésorerie et un retard dans l'encaissement d'une recette importante, par exemple ».

Pour tenir compte de ces deux positions, un amendement avait été adopté à l'initiative de MM. Alain Lambert et Philippe Marini, ceux-ci reconnaissant : « il est certain que les aléas qui s'attachent tant aux décaissements qu'aux encaissements de l'Etat justifient que les opérations liées à la tenue de la trésorerie de l'Etat ne soient pas contraintes par un plafond strict, sauf à imaginer des procédures d'urgence complexes. De même, fixer un plafond brut de la dette risquerait de soulever des difficultés pour la gestion de celle-ci. Des techniques financières complexes, qui peuvent conduire à racheter de la dette passée pour en émettre une nouvelle et donc à augmenter les émissions brutes, pouvant permettre de minorer finalement la charge de la dette. Celle-ci représentant la première dépense de l'Etat, il serait désastreux d'en rendre impossible la diminution par des dispositions inappropriées ».

La rédaction du 9° de l'article 34 résulte d'un compromis : la variation nette permet d'éviter les biais mentionnés ci-dessus d'un plafond de dette brute ; la prise en compte de la seule dette supérieure à un an permet d'éviter d'y inclure les émissions de très court terme nécessitées par des besoins ponctuels de trésorerie 64 ( * ) . Par ailleurs, la variation est appréciée en fin d'année, autorisant des dépassements ponctuels, au cours d'exercice, dudit plafond. Cette disposition permet donc d'exclure du plafond les mécanismes de gestion de la trésorerie et de gestion active de la dette.

Votre rapporteur général considère que le plafond de variation de la dette a une valeur juridique telle qu'il contraint le gouvernement à en demander le relèvement dans une loi de finances rectificative s'il lui paraît ne pas pouvoir être respecté en raison d'une aggravation du déficit budgétaire et d'une augmentation des besoins de financement. La décision du Conseil constitutionnel n° 91-298 en date du 24 juillet 1991 dispose en effet que le gouvernement est tenu de déposer sur le bureau de l'Assemblée nationale une loi de finances rectificative dès lors que les conditions de l'équilibre économique et financier sont bouleversées.

Le plafond de variation de la dette a donc un statut similaire à celui du déficit budgétaire : s'il peut être dépassé en cours d'année, il ne peut être dépassé en fin d'année qu'à la condition expresse qu'un collectif budgétaire soit intervenu et en ait modifié le montant. La loi de règlement constitue la sanction politique ultime d'un éventuel dépassement, comme c'est aujourd'hui le cas pour le déficit budgétaire.

Cette interprétation ne semble pas, à ce jour, pleinement acceptée par l'administration, ce qui est d'autant plus surprenant qu'il s'agit d'appliquer un dispositif dont l'actuel ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire était le co-auteur...

(2) Le plafond des crédits pouvant être annulés par décret

Les dispositions des articles 13 et 14 de la loi organique visent à conférer au gouvernement les moyens de piloter l'évolution du solde budgétaire de manière à respecter les données prévues par les lois de finances, en lui reconnaissant notamment la capacité d'annuler des crédits « afin de prévenir une détérioration de l'équilibre budgétaire ». Toutefois, le législateur organique a entendu restreindre cette possibilité, afin de contraindre le gouvernement à retourner vers le Parlement ; il s'agit d'éviter que l'équilibre budgétaire défini par la dernière loi de finances ne se trouve bouleversé du fait d'annulations de crédits décidées par décret, ce qui reviendrait à conférer au pouvoir réglementaire un pouvoir comparable à celui du législateur.

Les facultés offertes au gouvernement par l'article 14 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances ont été utilisées dès le présent exercice. En effet, le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie a annoncé, aux commissions des finances des deux assemblées, la mise en réserve de crédits pour un montant de 3,97 milliards d'euros, pouvant faire ultérieurement l'objet d'annulations.

La Cour des comptes a, dans son rapport préliminaire sur l'exécution des lois de finances, commenté ce point :

Les mises en réserve et les reports de crédits

« Lors de la présentation du PLF 2003 à l'Assemblée nationale le 15 octobre 2002, le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire indiquait que la régulation pratiquée en 2002 sous forme de mise en réserve des crédits serait reconduite en 2003.

« Ce dispositif appelle les remarques suivantes :

« - il traduit le fait que, dès le mois d'octobre 2002, le contexte économique attendu en 2003 est nettement moins favorable que celui envisagé lors de la construction du PLF et que la croissance sera inférieure aux hypothèses retenues ;

« - il s'inscrit dans le nouveau cadre dans lequel doivent s'opérer d'éventuelles annulations, conformément aux dispositions de l'article 14 de la LOLF du 1 er août 2001 65 ( * ) : compte tenu des ouvertures nettes de la LFI 2003, soit 273,8 milliards d'euros, le montant maximum des annulations qui peuvent être décidées par le gouvernement sans vote du Parlement est de 4,1 milliards d'euros.

« Le « gel » des crédits, présenté le 4 février 2003 comme une « réserve de précaution et d'innovation », porte sur 3,97 milliards d'euros, répartis pour moitié sur des crédits pour dépenses ordinaires et pour dépenses en capital. Toutefois, l'effort n'est pas réparti sur l'ensemble des crédits ouverts par la loi de finances initiale, puisqu'il ne touche pas aux crédits des titres I et II, ni à ceux des rémunérations et pensions. Aussi le gel porte-t-il sur 4,1 % des crédits ouverts aux chapitres concernés, soit 2,1 % pour les chapitres de dépenses ordinaires et 9,1 % pour ceux de dépenses en capital.

« Par ailleurs, la circulaire du ministère des finances du 10 février 2003, qui fixe le cadre des reports de crédits de 2002 sur 2003, vise à limiter le montant de ces reports. (...)

« Ce dispositif vient donc s'inscrire en complément du gel des crédits pour limiter le déficit d'exécution en 2003.

« Le Journal officiel du 15 mars 2003 a publié un décret d'annulation de crédits à hauteur de 1,4 milliard d'euros, soit 0,53 % des crédits ouverts. Les secteurs concernés sont notamment l'enseignement supérieur, les dépenses pédagogiques de l'enseignement scolaire, la jeunesse, les crédits dévolus à la construction et l'habitat, la recherche. La défense, la justice et la culture sont épargnées.

« Enfin, il conviendra d'attendre les annulations de la loi de règlement pour connaître la portée de cette contrainte sur les reports » .

Source : Rapport préliminaire de la Cour des comptes sur l'exécution des lois de finances pour 2002 présenté en application de l'article 58-3 de la loi organique du 1 er août 2001, pages 9 et 10

Il semble que l'interprétation du montant plafond pouvant donner lieu à des annulations de crédits, fixé par l'article 14 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 fasse l'objet d'interprétations divergentes entre la Cour des comptes et le gouvernement.

En effet, l'article 14 dispose que ce montant « ne peut dépasser 1,5 % des crédits ouverts par les lois de finances afférentes à l'année en cours ». La Cour des comptes, dans son rapport cité dans l'encadré ci-dessus, mentionne un montant de 4,1 milliards d'euros, correspondant à 1,5 % des ouvertures nettes de la loi de finances initiale pour 2003, soit 273,8 milliards d'euros.

Le gouvernement, pour sa part, semblerait enclin à considérer que les 1,5 % s'appliquent non seulement à l'ensemble des crédits ouverts sur le budget général, mais également sur les budgets annexes et les comptes spéciaux.

Les deux interprétations peuvent se concevoir : l'article 14 mentionne « les crédits ouverts par les lois de finances afférentes à l'année en cours », ce qui autorise l'interprétation que semble faire le gouvernement de cette disposition ; toutefois, le gouvernement n'annulant pas de crédits sur les budgets annexes et les comptes spéciaux du trésor, on peut également considérer que le législateur a entendu prendre comme base de référence, pour la détermination du montant de crédits pouvant être annulés, la totalité des crédits susceptibles de l'être, et seulement ceux-là, ce qui va dans le sens de l'interprétation que fait la Cour des comptes de cette disposition.

En tout état de cause, il conviendra de s'accorder sur une base de référence acceptée par tous afin de donner tout son sens aux dispositions de l'article 14 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

B. LE CHEMIN RESTANT À PARCOURIR

1. Le calendrier prévu par le gouvernement pour préparer l'entrée en vigueur de la loi organique

Le rapport remis par le gouvernement au Parlement sur la préparation de la mise en oeuvre de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, en application de l'article 109 de la loi de finances pour 2003, détaille le calendrier prévu pour préparer l'entrée en vigueur de la LOLF.

Le calendrier d'élaboration des nouveaux budgets

« Par la circulaire du 18 février 2002 relative à la mise en oeuvre de la loi organique , les ministères ont été invités à présenter leur démarche de mise en oeuvre de la loi organique, comprenant notamment leur organisation projet, leur mode de pilotage et le calendrier de mise en oeuvre de la phase préparatoire de la réforme. Un cahier des charges leur a été transmis à cette occasion. Il contient un premier jeu d'orientations et d'indications opérationnelles pour l'élaboration des nouveaux contenus de leur budget et la mise en oeuvre de la réforme. Il aura servi aux ministères à se familiariser avec les nouveaux concepts de la loi organique, à identifier les évolutions à envisaer et à préparer la réflexion sur l'élaboration des programmes.

« Le ministre chargé de la réforme budgétaire, par circulaire en date du 10 décembre 2002 , a organisé une nouvelle étape des travaux de construction des programmes ministériels. L'objectif de cette étape est de développer l'expertise dans la construction et la documentation des programmes et de mettre à profit deux cycles budgétaires pour tester et faire tester le plus largement possible les nouvelles modalités de gestion et de budgétisation. Il a été demandé à chaque ministère de présenter à l'occasion du projet de loi des finances 2004, et tout en respectant le cadre de l'ordonnance organique de 1959, des propositions d'expérimentation d'un programme ou d'une action avec l'ensemble des éléments requis par la loi organique. Il leur a également été demandé de s'engager dans l'élaboration des programmes et des actions avec leurs principaux objectifs. Cette étape d'élaboration des programmes ministériels et d'identification des expérimentations a fait l'objet d'une série de réunions techniques, en décembre 2002.

« La circulaire du ministre chargé de la réforme budgétaire du 26 février 2003 , ainsi que sa communication en conseil des ministres du 12 mars 2003 ont fixé le calendrier de la suite des travaux. Les missions, les programmes et les actions seront finalisées à l'automne 2003 et chaque ministre devra mettre en oeuvre pour le projet de loi de finances 2004, au moins une expérimentation. Un nouveau cycle de réunions est organisé au printemps à l'issue duquel un relevé de conclusions contradictoires de la situation de chaque ministère est établi. Les missions et les programmes feront l'objet d'une validation interministérielle à l'automne 2003. Les objectifs et les indicateurs de chaque action devront être définis au 1 er trimestre 2004.

« Ce calendrier permettra, conformément à la loi organique, de présenter à titre indicatif les crédits du budget général selon les principes de la loi organique pour le projet de loi de finances 2005, tout en aménageant des phases de discussion avec le Parlement et la possibilité d'affiner la structure du nouveau budget ».

Source : rapport sur la préparation de la mise en oeuvre de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, en application de l'article 109 de la loi de finances pour 2003, pages 6 et 7

2. Les attentes de votre commission des finances

La loi organique constitue un élément central et moteur de la réforme de l'Etat. La transparence sur l'état des finances publiques et le patrimoine de l'Etat, ainsi que sur la performance des politiques publiques, est d'autant plus indispensable que la France connaît une situation budgétaire particulièrement dégradée rendant indispensable la réalisation d'économies. La loi organique doit permettre d'effectuer ces choix d'économies, mais également, de manière générale, les choix d'allocation des ressources, en fonction d'informations fiables, sincères et objectives.

Ainsi que l'indique le rapport sur l'état de préparation de la mise en oeuvre de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, en application de l'article 109 de la loi de finances pour 2003, « le gouvernement inscrit la réforme budgétaire dans une perspective plus globale de réforme de l'Etat : elle devra être confortée par l'avancée en parallèle des autres pans de la réforme que sont la décentralisation, la promotion d'une administration de services aux usagers et la rénovation de la gestion des ressources humaines dans l'administration.

« La réforme budgétaire est une occasion unique de revisiter l'ensemble des politiques publiques tant dans l'identification de leurs coûts que dans la formation de leurs objectifs et la mesure de leur performance. Parce qu'elle doit conduire à mettre en place un cadre d'analyse plus pertinent de l'action de l'Etat, cette réforme porte en elle l'opportunité de faire des choix stratégiques pour l'administration de demain. Mais, elle ne se concrétisera que par la mobilisation de tous les ministères dans sa mise en oeuvre opérationnelle » 66 ( * ) .

La réforme de la comptabilité de l'Etat est appelée à jouer, dans ce contexte, un rôle essentiel. A cet égard, le rapport d'activité avril 2002 - mars 2003 du Comité des normes de comptabilité publique dispose que « les états financiers découlant des principes posés par la loi organique présenteront des informations fondamentales sur des points très importants touchant à la situation financière et à la performance de gestion. Ils permettront la connaissance et la mesure du passif et des coûts, deux éléments déterminants pour apprécier la soutenabilité de la politique budgétaire et permettre une approche objective de la performance de gestion.

« Pour ce qui concerne l'actif, le système permettra de suivre l'évolution de sa valeur et d'apprécier ainsi, sur un champ non exhaustif mais très large, la façon dont l'Etat gère cet actif. Pour ce qui concerne les revenus d'imposition enfin, leur suivi sur une base autre que celle de l'encaissement permettra de mieux mesurer le rendement du système fiscal et fournira des éléments utiles pour améliorer la gestion et les prévisions » 67 ( * ) .

La mise en oeuvre de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances doit permettre d'engager une réforme profonde et un changement de culture, visant à rendre l'Etat plus efficace, plus rationnel et plus économe. Il importe que l'ensemble des acteurs de cette réforme soient incités à développer l'esprit de responsabilité, de performance et d'évaluation qui donnera tout son sens à la nouvelle « Constitution financière » de la France.

V. LES FINANCES SOCIALES : UN SURSAUT NÉCESSAIRE

Redevenu déficitaire en 2002 (- 3,4 milliards d'euros), après trois années d'excédent, le régime général de la sécurité sociale devrait voir son déficit fortement s'accentuer en 2003 pour atteindre 7,9 milliards d'euros d'après les prévisions de la commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS), rendues publiques le 15 mai 2003.

Cette dégradation des comptes sociaux, jugée « préoccupante » par M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, résulte à la fois d'une diminution conséquente des recettes du régime général ainsi que d'une augmentation substantielle des dépenses sous l'effet, notamment, d'une croissance exponentielle des dépenses d'assurance maladie.

Si le contexte économique explique en partie la situation déficitaire des comptes sociaux, la dérive des dépenses sociales en général et d'assurance maladie en particulier impose la mise en oeuvre rapide de réformes structurelles.

A. LA DÉGRADATION INQUIÉTANTE DES COMPTES SOCIAUX

Comme l'a indiqué le secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale dans l'avant-propos du rapport de la CCSS de mai 2003, « en deux années, la sécurité sociale (...) est passée de l'excédent à un profond déficit. La situation n'a de précédent que la crise financière des années 90 qui s'était traduite par des déficits très importants sur la période 1993-1996, avec un maximum de 10 milliards d'euros en 1995 ».

1. Le retour d'un effet de « ciseaux »

La dégradation actuelle des comptes sociaux résulte d'un effet de « ciseaux » très prononcé entre les recettes et les dépenses du régime général de la sécurité sociale, les premières ralentissant du fait de la conjoncture économique, les secondes, et notamment les dépenses d'assurance maladie, s'accélérant de manière exponentielle .

Taux de variation des charges et des produits du régime général

(en %)

2000

2001

2002

2003 (p)

Produits

3,9 %

5,3 %

3,6 %

3,9 %

Charges

3,8 %

5,1 %

5,7 %

5,8 %

Ecart

0,1 %

0,2 %

- 2,1 %

- 1,9 %

Source : commission des comptes de la sécurité sociale (mai 2003)

a) Un ralentissement préjudiciable des recettes

En 2002 et en 2003, on note, tout d'abord, un ralentissement du rythme de croissance des recettes , s'élevant respectivement à + 3,6 % en 2002 et à une prévision de + 3,9 % en 2003, alors que ces recettes avaient augmenté de 5,3 % en 2001. Ce ralentissement résulte notamment de la faible progression de la masse salariale ( + 3,3 % en 2002 et + 2,7 % en 2003 contre + 6, 5 % en 2000 et en 2001) et du fort ralentissement des produits de cotisations et de cotisation sociale généralisée (CSG).

La rupture du rythme de croissance de la masse salariale résulte essentiellement du ralentissement conjoncturel mais se trouve accentuée par la disparition de l'écart constaté les deux années précédentes entre les rythmes de croissance de la masse salariale d'une part et du PIB d'autre part.

Les produits de cotisations et de CSG ont fortement ralenti en 2002 : d'une part les produits de cotisations du secteur privé n'ont augmenté que de 1,9 % en 2002, d'autre part la progression de la CSG totale n'a été que de 1,8 % en 2002 et serait de 2,6 % en 2003 en raison notamment d'une forte chute du rendement de la CSG perçue sur les revenus du patrimoine et de placement de près de 7 % en 2002, soit 500 millions d'euros.

Au total, les recettes du régime général de la sécurité sociale diminueraient d'environ 3 milliards d'euros par rapport aux prévisions inscrites dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 .

Toutefois, le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale de mai 2003 note que « les recettes, tout en ayant sensiblement ralenti, sont aujourd'hui moins dégradées qu'il y a dix ans ».

Les recettes du régime général entre 2001 et 2003

(en millions d'euros et évolution en %)

2001

%

2002

%

2003

%

Total des produits

217.415

5,3 %

225.159

3,6 %

233.897

3,9 %

Cotisations

133.515

4,2 %

139.285

4,3 %

145.041

4,1 %

Cotisations

137.715

6,3 %

140.738

2,2 %

145.423

3,3 %

Reprises nettes

- 2.341

- 19

1.071

ANV sur actifs circulants

- 1.859

- 1434

- 1.453

CSG, impôts et taxes affectés

49.553

4,7 %

49.571

0,0 %

51.071

3,0 %

CSG

46.829

9,6 %

47.498

1,4 %

48.489

2,1 %

Autres impôts et taxes

2.724

- 40,6 %

2.073

- 23,9 %

2.582

24,6 %

Transferts entre organismes

23.606

14,3 %

25.337

7,3 %

26.778

5,7 %

Dont FSV

9.417

1,4 %

10.154

7,8 %

10.822

6,6 %

Dont FOREC

13.648

147,7 %

14.705

7,7 %

15.503

5,4 %

Contributions publiques

8.295

- 3,6 %

8.414

1,4 %

8.463

0,6 %

Dont cotisations exonérées

2.863

- 7,2 %

2.709

- 5,4 %

2.515

- 7,2 %

Autres produits

2.446

30,0 %

2.552

4,3 %

2.543

- 0,3 %

Source : commission des comptes de la sécurité sociale (mai 2003)

b) Une progression toujours plus rapide des dépenses

La progression des dépenses du régime général de la sécurité sociale demeure rapide en 2002 et 2003, malgré une conjoncture encore favorable pour les charges de retraite . La croissance des prestations légales s'est ainsi élevée à 5,6 % en 2002, contre 5 % en 2001. Ce rythme de progression devrait en outre se maintenir en 2003, d'après les prévisions de la CCSS, qui souligne par ailleurs que la progression des dépenses du régime général devrait être de deux points et demi supérieure à celle des recettes en 2002 et 2003.

En outre, la commission des comptes indique que les dépenses en 2003 devraient être supérieures d'environ 1 milliard d'euros par rapport aux prévisions de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 , essentiellement sous l'effet d'une croissance plus forte que prévu des dépenses entrant dans le champ de l'ONDAM, celui-ci étant dépassé de 740 millions d'euros, par rapport à l'objectif fixé en loi de financement.

Le dynamisme des dépenses d'assurance maladie explique donc en grande partie la progression rapide des dépenses du régime général de la sécurité sociale . En effet, si les prestations familiales, les charges des retraites ainsi que les prestations de la branche accidents du travail / maladies professionnelles progressent encore à un rythme modéré, la croissance des prestations d'assurance maladie s'accélère depuis plusieurs années. Le taux de croissance des dépenses de prestations nettes de la CNAM a ainsi atteint 7 % en 2002, un taux historiquement élevé, et la prévision de la CCSS pour 2003 ( + 6,7 %), en léger recul par rapport à 2002, reste très élevée.

Taux de croissance des dépenses réalisées dans le champ de l'ONDAM par rapport aux réalisations de l'année précédente

Source : commission des comptes de la sécurité sociale (mai 2003)

La commission des comptes de la sécurité sociale conclut dès lors dans son rapport de mai 2003 que « la déconnexion des rythmes de croissance des dépenses entre la branche maladie d'une part et les trois autres branches d'autre part, explique que le déficit du régime général soit aujourd'hui d'abord celui de l'assurance maladie ».

Le dépassement systématique de l'ONDAM depuis 1998

2. Un déficit concentré quasi exclusivement sur la branche maladie

Les résultats du régime général font apparaître le retour d'un déficit en 2002 s'élevant à 3,4 milliards d'euros, aggravé en 2003 à 7,9 milliards d'euros d'après les prévisions de la commission des comptes .

En 2002, seule la branche maladie était déficitaire affichant un solde négatif de 6,1 milliards d'euros. Si en 2003, les prévisions font apparaître un léger déficit (- 100 millions d'euros) de la branche accidents du travail / maladies professionnelles, elles soulignent surtout une accélération exceptionnelle du déficit de la branche maladie qui devrait s'élever en 2003 à 9,7 milliards d'euros, « le plus élevé jamais enregistré » comme le souligne le rapport de la CCSS. Les branches famille et vieillesse parviennent à conserver des excédents en 2002 et 2003 malgré la détérioration de la conjoncture.

Résultats du régime général, du FSV et du FOREC

(en milliards d'euros)

2000

2001

2002

2003 (p)

Maladie

- 1,6

- 2,1

- 6,1

- 9,7

Accidents du travail

0,4

0,0

0,0

- 0,1

Vieillesse

0,5

1,5

1,7

1,5

Famille

1,5

1,7

1,0

0,4

TOTAL

0,7

1,2

- 3,4

- 7,9

FSV

0,3

- 0,1

- 1,4

- 0,6

FOREC

0,2

- 0,1

Source : commission des comptes de la sécurité sociale (mai 2003)

Ainsi que le souligne le secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale, « en résumé, il y a dix ans la sécurité sociale était confrontée à une crise de recettes. Aujourd'hui, le problème porte à la fois sur les recettes, dont la progression est affectée par le ralentissement de la conjoncture, et sur les dépenses d'assurance maladie dont le rythme de croissance en volume est depuis 2001 plus élevé qu'il n'avait été depuis plus de vingt ans. Une conséquence des évolutions contrastées des dépenses de maladie, de retraite et de famille, est que les soldes par branches font le grand écart. Au lieu d'être réparti entre elles comme c'était le cas il y a dix ans, le déficit se concentre aujourd'hui exclusivement sur l'assurance maladie ».

Le solde du régime général et de la branche maladie depuis 1995

(en milliards d'euros)

a) Les déficits historiques de la branche maladie

La branche maladie du régime général de la sécurité sociale a été en constant déficit depuis le début des années 90. En 2002, le déficit s'est élevé à 6,1 milliards d'euros et en 2003 les prévisions de la commission des comptes de la sécurité sociale font apparaître un déficit de près de 10 milliards d'euros, soit un record historique absolu.

Ce déficit pour 2003 de la branche maladie représenterait 9 % des recettes totales de la branche et un peu plus d'un cinquième du déficit du budget de l'Etat prévu en loi de finances pour 2003.

L'effet de ciseaux entre le ralentissement des recettes affectées d'une part et l'accélération de la croissance des dépenses d'autre part est particulièrement prégnant s'agissant de la branche maladie . Toutefois, si le ralentissement notable de la croissance des recettes en 2002 et 2003 affecte toutes les branches de manière indifférenciée, la progression des dépenses d'assurance maladie est sans commune mesure avec celle des dépenses des autres branches.

S'agissant des recettes , il faut noter que la croissance globale des produits de la branche maladie, qui était de 6,6 % en 2001, est tombée à 2,1 % en 2002. Le ralentissement conjoncturel, et en particulier celui de la masse salariale, a affecté les ressources de la CNAM comme celles de l'ensemble du régime général. La croissance des cotisations est passée de 6 % à 2,1 %, celle de la CSG de 10,6 % à 1,3 %.

S'agissant des dépenses , la progression des prestations de la branche maladie en 2002 a été de 7,3 %, contre 6 % en 2001. Cette accélération résulte de l'augmentation très forte des dépenses de prestations maladie et maternité entrant dans le champ de l'ONDAM.

En effet la croissance des dépenses entrant dans le champ de l'ONDAM a atteint en 2002 un rythme très supérieur à ceux observés au cours des années précédentes (+ 7,2 %) et devrait rester rapide en 2003 ( + 6,4 %) . L'accélération des dépenses concerne à la fois les dépenses de soins de ville et celles des établissements sanitaires, à la différence de la situation du milieu des années 90 où la croissance des dépenses concernait en premier lieu les soins de ville. L'accélération des dépenses des établissements résulte notamment de la mise en place des 35 heures dans les hôpitaux.

Evolution des dépenses réalisées dans le champ de l'ONDAM

(en %)

2000

2001

2002

2003

Soins de ville

6,7 %

7,6 %

7,9 %

7,2 %

Etablissements

3,5 %

4,0 %

6,3 %

5,7 %

ONDAM

4,7 %

5,8 %

7,2 %

6,4 %

Source : commission des comptes de la sécurité sociale (mai 2003)

Comme le souligne la commission des comptes de la sécurité sociale, « au total, cette croissance très forte s'explique par le cumul d'une évolution tendancielle rapide de la consommation de soins et de la prise en charge par l'assurance maladie, et de mesures de revalorisations tarifaires ou salariales exceptionnelles » négociées à partir de l'année 2000 dans le secteur public et à partir de l'année 2002 dans les cliniques. En outre, il faut noter qu'en quatre ans, de 1999 à 2003, les dépenses d'assurance maladie auront augmenté de 26 % alors que sur la même période la progression du PIB s'élevait à 15,5 % .

Pour 2003 , l'objectif national des dépenses d'assurance maladie a été fixé par la loi de financement de la sécurité sociale à 123,5 milliards d'euros en augmentation de 5,3 % par rapport à la base de 2002. Or, d'après les prévisions de la commission des comptes de la sécurité sociale, les dépenses du champ de l'ONDAM atteindraient 124,24 milliards d'euros en 2003, soit une croissance de l'ordre de 6,4 % par rapport aux dépenses réalisées en 2002 et un dépassement de l'ordre de 740 millions d'euros par rapport à l'objectif fixé en loi de financement.

Il faut rappeler que dans le programme de stabilité 2004-2006 transmis par la France à la Commission européenne en décembre 2002, il est indiqué que l'année 2003 doit marquer une forte inflexion des dépenses publiques avec notamment une progression en volume des dépenses d'assurance maladie de 3,8 % (+ 5,3 % en valeur). En outre, les prévisions pour 2004-2006 tablent sur une progression annuelle moyenne des dépenses d'assurance maladie en volume de 2,5 %.

Progression annuelle moyenne des dépenses d'assurance maladie présentée dans le Pacte de stabilité 2004-2006

(en volume)

1998-2002

2003

2004-2006

3,8 %

3,8 %

2,5 %

Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

D'après les prévisions de la CCSS, le déficit de la branche maladie en 2003 devrait s'accentuer et atteindre 9,7 milliards d'euros, soit un creusement de plus de 3,5 milliards d'euros par rapport à 2002 . Alors que pour le compte 2002, le solde définitif de la branche maladie est très proche du solde prévu dans la loi de financement de la sécurité sociale, pour l'exercice 2003, ce solde apparaît nettement plus dégradé que dans la loi de financement : - 9,7 milliards d'euros au lieu de - 6,9 milliards d'euros.

En outre, le programme de stabilité pour 2004-2006 indiquait qu'une loi de financement rectificative de la sécurité sociale « sera présentée à mi-année afin, le cas échéant, de prendre les mesures correctrices nécessaires. Cette disposition vise à conforter la crédibilité des objectifs fixés par le gouvernement en matière de dépenses maladie ».

Toutefois, malgré les prévisions de la commission des comptes de la sécurité sociale faisant apparaître une accélération des dépenses de l'ONDAM en 2003 et un dépassement de l'objectif fixé en loi de financement de l'ordre de 740 millions d'euros, le gouvernement a décidé, in fine , de ne pas présenter de « collectif social ».

b) La situation moins préoccupante des autres branches

Alors qu'en 2002 la branche accidents du travail / maladies professionnelles affichait un quasi équilibre (- 45 millions d'euros), en 2003 son solde devrait se dégrader et présenter un déficit de l'ordre de 100 millions d'euros. L'ensemble des charges de cette branche, marquée par le poids croissant des dotations aux fonds liées à l'amiante (FIVA et FCAATA), devraient nettement s'accélérer en 2003 en progression de + 3,4 %, contre + 1,8 % en 2002 alors que l'ensemble des produits s'amélioreraient plus modérément en croissance de + 2,9 % en 2003, contre + 1 % en 2002.

En 2002, la branche vieillesse du régime général affiche un excédent de 1,66 milliard d'euros en légère amélioration par rapport à 2001. En outre, d'après les prévisions de la CCSS, cette branche présenterait un excédent de 1,46 milliard d'euros en 2003 avec une progression des charges nettes de 4,9 %. Cette prévision est dégradée de 465 millions d'euros par rapport à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003.

Enfin, en 2002, le résultat net de la branche famille (1 milliard d'euros) se dégrade de 655 millions d'euros par rapport à 2001, du fait notamment du ralentissement des recettes. En 2003, le résultat de la branche s'établirait à hauteur de 368 millions d'euros, la dégradation par rapport à l'exercice 2002 s'expliquant en quasi-totalité par une nouvelle hausse de la part prise en charge par la CNAF des majorations de pensions pour enfants. Cette part s'établit en 2003 à 60 % et représente un coût de 1,9 milliard d'euros pour la branche famille.

Il faut ajouter que les mesures annoncées lors de la conférence de la famille, le 29 avril 2003, devraient, à terme, réduire à néant les excédents actuels de la branche, même si le plan de montée en charge des différentes mesures n'est pas encore connu de manière précise.

3. Des administrations sociales à nouveau déficitaires

Les comptes des administrations publiques en 2002 font apparaître le retour d'un déficit des administrations de sécurité sociale (- 4,4 milliards d'euros) après trois années d'excédent.

Capacité ou besoin de financement des administrations de sécurité sociale

(en milliards d'euros)

1999

2000

2001

2002

3,7

7,2

4,0

- 4,4

Source : INSEE

Pour la première fois depuis 1999, les administrations de sécurité sociale redeviennent donc déficitaires en 2002 avec un solde négatif de l'ordre de 4,4 milliards d'euros d'après les statistiques de l'INSEE datant du mois d'avril 2003 et de 4,7 milliards d'euros d'après le rapport du gouvernement en vue du débat d'orientation budgétaire.

Le retour d'un besoin de financement des administrations de sécurité sociale en 2002 résulte notamment d'un ralentissement du rythme de progression des recettes de ces administrations (+ 3,6 % contre + 4,1 % en 2001) . Ce ralentissement des recettes est du à un net repli de la croissance de la masse salariale du secteur privé par rapport aux deux années précédentes, réduisant les rentrées de CSG et de cotisations sociales notamment. Les cotisations sociales seules progressent de 3,8 % en 2002 tandis que les impôts perçus par les régimes de sécurité sociale progressent faiblement, + 2 % après + 7,9 % en 2001.

Parallèlement, les dépenses des administrations de sécurité sociale s'accélèrent vivement (+ 6 %) , les remboursements de sécurité sociale augmentant de 7,5 % et les prestations chômage ainsi que les dépenses de santé progressant le plus. En outre, la mise en place de la réduction du temps de travail dans les hôpitaux publics agit à la hausse sur les rémunérations des administrations de sécurité sociale.

La situation de l'ensemble des régimes de sécurité sociale, en particulier du régime général et des régimes d'indemnisation du chômage, se dégrade, à l'exception de celle des régimes complémentaires dont la capacité de financement passe de 4,6 milliards d'euros en 2001 à 6,8 milliards d'euros en 2002.

En outre, les prévisions économiques du gouvernement pour 2003 / 2004 publiées en mars 2003 font apparaître la persistance du besoin de financement des administrations de sécurité sociale au cours des deux prochaines années.

Capacité / besoin de financement des administrations de sécurité sociale

(en % du PIB)

2001

2002

2003

2004

0,3

- 0,3

- 0,5

- 0,2

Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie ; perspectives économiques 2003 / 2004, mars 2003

Toutefois, il faut noter que, dans le programme de stabilité 2004-2006 transmis par le gouvernement à la Commission européenne en décembre 2002, il est indiqué que les dépenses des administrations sociales augmenteront de 1,6 % par an sur la période 2004-2006. Ce rythme de progression se veut « plus crédible et il suppose que les efforts de maîtrise et de plus grande efficacité engagées en 2003 soient poursuivis sur la période 2004-2006 ».

B. UNE DYNAMIQUE DE RÉFORMES COURAGEUSES

Pour votre rapporteur général, la dégradation des comptes sociaux et le retour d'un déficit du régime général de la sécurité sociale à partir de 2002, après trois années d'excédent, est un signal d'alarme qui doit être pris très au sérieux par le gouvernement et marquer l'avènement d'un nécessaire sursaut. D'ores et déjà, des réformes structurelles d'envergure ont été engagées ou annoncées par le gouvernement, ce dont se félicite votre rapporteur général.

1. Le projet de loi portant réforme des retraites

Le gouvernement a courageusement engagé une réforme longtemps retardée et rendue nécessaire par les perspectives démographiques.

Le Conseil d'orientation des retraites (COR) a en effet évalué le besoin de financement des régimes de retraite en 2020 à 15 milliards d'euros pour le régime général et à 28 milliards d'euros pour les régimes de retraite de la fonction publique, soit 43 milliards d'euros au total.

Le tableau suivant retrace les projections du COR :

Solde entre recettes et dépenses des principaux régimes

(en milliards d'euros 2000)

Solde élargi
(y compris frais de gestion, compensation, subventions, impôts...)

2000

2010

2020

2040

Régime général des salariés du privé et salariés agricoles*

Hypothèse 1

0,1

- 0,2

- 11,1

- 36,5

Hypothèse 2

0,1

- 1,6

- 15,5

- 46,7

Régime complémentaire des cadres du privé (AGIRC)

- 0,1

1

- 1,9

- 4,1

Régime complémentaire des non-cadres du privé (ARRCO)

2,9

5,4

- 1,1

- 14,2

Fonction publique d'Etat**

0,0

- 8,2

- 18,7

- 35,2

Fonction publique territoriale et hospitalière (CNRACL)

- 0,3

- 3,3

- 9,3

- 19,9

* La fourchette présentée correspond à deux hypothèses (H1 et H2) sur l'évolution de la pension du régime général, dues à des incertitudes techniques.

** Pour la fonction publique d'Etat, c'est par convention que le solde est nul en 2000.

Source : COR 2001

Le projet de loi portant réforme des retraites présenté en Conseil des ministres le 28 mai 2003 entend donc répondre à ces besoins de financement, même s'il faut souligner que les dispositions prévues ne permettront pas de couvrir l'intégralité des besoins.

Le projet du gouvernement décline les quatre orientations suivantes :

- assurer un haut niveau de retraite par l'allongement de la durée d'activité et de la durée d'assurance : le projet de loi prévoit ainsi l'alignement d'ici 2008 de la durée d'assurance des régimes de la fonction publique sur celle du régime général, soit 160 trimestres, puis, à partir de 2008, l'augmentation progressive de cette durée d'assurance pour stabiliser le ratio temps de travail/temps de retraite (2/3-1/3) d'ici 2020. Les pensions seraient indexées sur les prix. Le projet vise également à accroître la durée d'activité des travailleurs âgés de plus de 55 ans ;

- préserver l'équité et l'esprit de justice sociale des régimes de retraite : plusieurs dispositions du projet de loi vont en ce sens (objectif de pension de retraite égal à 85 % du salaire minimum de croissance net, suppression des inégalités pesant sur les pluri-pensionnés, prise en compte des très longues durées de carrière avec la possibilité de partir à la retraite après 56 ans pour les salariés et non salariés ayant commencé à travailler avant l'âge de 17 ans, régime additionnel de retraite permettant l'intégration d'une partie des primes dans le calcul de leur retraite pour les fonctionnaires...) ;

- permettre à chacun de construire sa retraite, en donnant davantage de souplesse et de liberté de choix : cela passe notamment par les mécanismes de décote et de surcote, la possibilité de rachat d'années d'études, l'assouplissement des règles relatives au cumul emploi retraite ou encore les dispositions relatives à l'épargne retraite ;

- enfin, garantir le financement des retraites d'ici 2020 .

Toutefois, il faut noter que les besoins ne seront pas totalement couverts par les mesures proposées dans le projet de loi précité. En effet, d'ici 2020, les mesures de redressement, que sont notamment l'allongement de la durée d'assurance pour obtenir une pension à taux plein ou la création de la décote (ou son adaptation dans le cas du régime général), et de la surcote permettront de réaliser 6,2 milliards d'euros d'économies pour le régime général et 13,8 milliards d'euros d'économies dans les régimes de la fonction publique.

D'autre part, une hausse de 0,2 point des cotisations vieillesse du régime général à compter du 1 er janvier 2006 a été décidée par le gouvernement et les organisations syndicales le 15 mai 2003. Elle devrait permettre de réaliser 900 millions d'euros d'économies pour le régime général.

Mais en contrepartie, certaines dispositions répondant à des exigences de sécurité sociale, comme la revalorisation du minimum contributif, l'amélioration du traitement des pluri-pensionnés ou la mise en place d'un régime additionnel permettant d'intégrer une partie des primes dans le cas des régimes de la fonction publique, engendreront des dépenses supplémentaires : elles devraient se monter à 1,9 milliard d'euros dans le régime général et à 800 millions d'euros dans les régimes de la fonction publique.

Au total, donc, le solde des mesures d'économies s'élève à 5,2 milliards d'euros pour un besoin de financement de 15 milliards d'euros dans le régime général et à 13 milliards d'euros pour un besoin de financement de 28 milliards dans les régimes de la fonction publique.

Le besoin de financement restant devrait être comblé. Dans le cadre du régime général, l'équilibre sera assuré par une augmentation des cotisations vieillesse. Celles-ci augmenteraient d'environ 3 points de 2008 à 2020. Cette augmentation serait cependant compensée par une diminution des cotisations chômage, pour éviter une hausse des prélèvements obligatoires. Cette diminution des cotisations chômage serait permise par le reflux du chômage.

Les régimes de la fonction publique seront pour leur part équilibrés par un « effort » supplémentaire des employeurs, c'est-à-dire de l'Etat, des collectivités locales et des hôpitaux. Ce dernier sera dans une large proportion financé par l'impôt.

Les tableaux suivants détaillent ces données :

Tableau détaillé du régime général en 2020

(en millions d'euros 2000)

Besoin de financement initial

- 15.000

Allongement durée assurance pour le taux plein,
proratisation, allégement de la décote et création de la surcote

6.200

Revalorisation minimum contributive

- 600

Retraite anticipée

- 300

Mesure pluripensionnés

- 1.000

Augmentation de cotisations de 2006 (0,2 point)

+ 900

Solde des mesures

+ 5.200

Affectation de cotisations chômage

+ 9.800

SOLDE FINAL

0

Source : ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité

Tableau détaillé des régimes de la fonction publique en 2020

(en millions d'euros 2000)

Besoin de financement initial

- 28.000

Allongement durée assurance pour le taux plein, de la durée de cotisation, création de la décote et de la surcote

9.300

Indexation sur les prix

4.500

Création du régime additionnel

- 800

Solde des mesures

+ 13.000

Solde après mesures

- 15.000

Effort supplémentaire des employeurs publics

+ 15.000

SOLDE FINAL

0

Source : ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité

Des rendez-vous quinquennaux auront lieu à partir de 2008 pour réexaminer les paramètres de financement et les évolutions requises.

Enfin, il faut également mentionner le Fonds de réserve pour les retraites, instauré par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, qui sera amené à jouer un rôle important après 2020, pour lisser les besoins de financement entre 2020 et 2040. Ses réserves devraient atteindre 16,5 milliards d'euros fin 2003, à législation constante. Le gouvernement a confirmé l'affectation d'une partie des futures recettes des privatisations à ce fonds et envisage également d'y affecter d'autres actifs publics.

2. La réforme de l'assurance maladie

Ainsi que le souligne le secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale dans son rapport de mai 2003 s'agissant de la branche maladie, « pour réduire le déficit et le résorber, il faudra aller plus loin dans le freinage des dépenses ou l'apport de recettes, de manière à combler progressivement l'écart de 9 % qui existe actuellement entre elles. Cela ne pourra être obtenu que par une action de grande ampleur ».

Les perspectives économiques pour 2003-2004 rendues publiques par le gouvernement en mars 2003 prévoient d'ici 2004 une réduction de 0,5 point de PIB du besoin de financement des administrations publiques, dont 0,3 point imputé sur les seules administrations de sécurité sociale. La réalisation de ces prévisions suppose donc, notamment, la mise en oeuvre dès cette année d'une réforme de l'assurance maladie permettant une rationalisation et une diminution significative de ses dépenses .

A cet égard, le gouvernement a fait savoir dans son rapport en vue du débat d'orientation budgétaire que « l'assurance maladie doit faire l'objet d'une réforme ambitieuse » et présente les grandes lignes de cette réforme supposée « mettre en oeuvre les incitations microéconomiques adéquates pour responsabiliser le comportement des acteurs, tant du côté de l'offre que de la demande de soins. Une réflexion globale doit également porter sur le périmètre de la dépense, sur la partie des charges qu'il revient à la collectivité d'assumer, et celle dont le financement incombe aux agents privés ».

Les premières étapes de cette réforme de l'assurance maladie ont été franchies avec la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 : politique du médicament (recours accru aux génériques, réduction du taux de remboursement des médicaments à service médical rendu (SMR) modéré, déremboursement des médicaments à SMR insuffisant) ; politique hospitalière (réforme du financement des hôpitaux publics et privés via l'expérimentation de la tarification à la pathologie).

En outre, le gouvernement indique que « cette volonté de réforme et de modernisation de notre système de santé entrera dans une nouvelle phase à partir de 2004 en engageant un examen de tous les volets de l'assurance maladie : la gouvernance et la régionalisation, les contours de la solidarité nationale, la qualité des soins et l'optimisation des dépenses ambulatoires ».

Le gouvernement a également mis en place plusieurs groupes de travail regroupant les parlementaires, les partenaires sociaux, les organismes d'assurance maladie et les autres acteurs du système de soins autour de trois thèmes : la clarification des compétences et des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale, la fixation de l'objectif de dépenses d'assurance maladie selon des critères médicaux, le partage de la prise en charge des dépenses entre l'assurance de base et les assurances complémentaires.

Lors de la présentation des comptes de la sécurité sociale le 15 mai 2003, M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a d'ailleurs insisté sur les points essentiels de la future réforme de l'assurance maladie et a indiqué que le second semestre de l'année 2003 devait être consacré à la mise en place de cette réforme. Il a notamment souligné que les grandes lignes du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale porteraient sur la réforme du financement de la sécurité sociale, sur le financement de l'hôpital, sur l'aide à la couverture complémentaire pour les Français qui le souhaitent ainsi que sur l'évolution des dépenses et des recettes du régime général dans une perspective pluriannuelle. Enfin, il a indiqué qu'un projet de loi spécifique sur la gouvernance, c'est-à-dire les relations entre l'Etat et les caisses de sécurité sociale, serait déposé au Parlement avant le mois de décembre 2003.

Votre rapporteur général ne peut que saluer les initiatives prises par le gouvernement en termes de réforme de l'assurance maladie et souhaite que cette réforme soit lancée avant la fin de l'année 2003, afin notamment de permettre à la France de retrouver en 2004 un besoin de financement des administrations publiques inférieur à 3 % du PIB.

3. La clarification des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale

Les relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale se caractérisent par une extrême complexité, qui s'est encore accrue dans les années récentes.

Or, comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport sur la sécurité sociale de septembre 2001, cette complexité « est le signe le plus net, à la fois du désordre où l'on est parvenu et de la nécessité de réformes » 68 ( * ) . Votre commission a régulièrement souligné la nécessité d'une clarification des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 a constitué un texte de transition : elle a entamé un processus de clarification des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale, qui, bien qu'indispensable, ne peut être qu'un objectif de moyen terme compte tenu de l'ampleur de la tâche à accomplir.

Dans ce cadre, le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, M. Jean-François Mattei, a annoncé, au cours du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2003, la constitution d'un groupe de travail commun avec le Parlement sur ce thème.

Celui-ci a été constitué et comprend notamment les présidents des commissions chargées des affaires sociales et des finances du Sénat et de l'Assemblée nationale (MM. Nicolas About, Jean-Michel Dubernard, Jean Arthuis et Pierre Méhaignerie), ainsi que les rapporteurs et rapporteurs pour avis du PLFSS au sein de ces commissions (MM. Alain Vasselle, Yves Bur, Adrien Gouteyron et François Goulard).

Les résultats des travaux du groupe, qui s'est mis à l'ouvrage, devraient apparaître dans le prochain PLFSS, ce que le Sénat ne peut que saluer. Certains sujets devront être abordés, comme l'avenir du Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC), la multiplicité des transferts financiers, par exemple celui existant entre la caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) et le fonds de solidarité vieillesse (FSV) en matière de majorations de pensions pour enfants ou encore la réforme du financement de l'assurance maladie.

VI. ASSURER LES CONDITIONS DU MAINTIEN DE L'EXCÉDENT DES COLLECTIVITÉS LOCALES

A. LA CONTRIBUTION POSITIVE ET DURABLE DES COLLECTIVITÉS LOCALES AU SOLDE DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES

1. L'excédent récurrent des administrations publiques locales

a) Les explications d'un solde positif depuis 1996

Les administrations publiques locales dégagent depuis 1996, sans exception, une capacité de financement, ainsi que le souligne la Cour des comptes : « depuis 1996, les administrations locales dégagent une capacité de financement (fin 2002, l'encours de l'endettement local est, également, en baisse, retrouvant son niveau de 1993). Toutefois, ces moyennes dissimulent des situations financières individuelles disparates. Elles traduisent aussi, outre les effets de l'encadrement par la loi des dépenses et du vote des budgets locaux, les avantages, d'une part, d'une fiscalité assise sur des stocks (valeur locative des terrains ou des habitations, par exemple) et non sur des flux économiques, qui permet d'amortir les chocs conjoncturels, et ceux, d'autre part, d'un financement stable provenant des concours financiers de l'Etat qui supporte ainsi la charge la plus lourde » 69 ( * ) .

Il convient toutefois de noter que le maintien de l'excédent des administrations publiques locales a été réalisé en dépit d'importants transferts de charges non compensés de la part de l'Etat.

En 2002, l'excédent des administrations publiques locales s'est élevé à 3,3 milliards d'euros, soit l'équivalent de 2 % de l'ensemble de leurs recettes et 0,2 % du produit intérieur brut (PIB). En 2001, cet excédent était légèrement inférieur, soit 2,9 milliards d'euros environ.

Selon l'INSEE, « la hausse des transferts versés par le budget général de l'Etat ainsi que la bonne tenue des prélèvements obligatoires locaux sont à l'origine du dynamisme des recettes (+ 5,3 % après + 2,7 % en 2001). Les dépenses s'accroissent par rapport à 2001 (+ 4,6 % contre + 3,3 %). Les dépenses courantes augmentent fortement (+ 5,4 %), en liaison avec les effets de la réduction du temps de travail sur les effectifs salariés et donc sur les rémunérations versées par les collectivités territoriales. La croissance des dépenses résulte également de charges supplémentaires, dont la principale est le versement de l'Allocation Personnalisée d'Autonomie mise en place début 2002. (...) Représentant près des trois quarts de l'investissement public, l'investissement local est en léger repli (- 0,4 %). Ce mouvement est habituellement constaté pour les années de début de mandat électoral. Les charges d'intérêt diminuent (- 4,3 %), les administrations locales réduisant légèrement leur dette totale et bénéficiant de la baisse des taux d'intérêt » 70 ( * ) .

b) Une contribution positive au solde des administrations publiques

On notera que le rapport de la Commission des communautés européennes sur le déficit excessif de la France, établi conformément à l'article 104, paragraphe 3, du traité, indique que « la situation budgétaire aurait pu être encore plus critique si le solde des collectivités locales n'avait pas enregistré une amélioration inattendue, qui reste difficile à expliquer en l'absence de données détaillées » 71 ( * ) . Ces remarques montrent la connaissance très approximative qu'a la Commission européenne du système de financement de nos collectivités territoriales, ignorant en particulier l'effet cyclique lié au début des mandats municipaux.

2. Des prévisions encourageantes pour l'avenir

a) Les prévisions du gouvernement

Les prévisions du gouvernement pour les années à venir figurent dans le tableau ci-après :

Capacités / Besoins de financement des administrations publiques

En points de PIB

Croissance 2,5 %

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Administrations publiques

- 1,4

- 2,8

- 2,6

- 2,1

-1,6

- 1,0

Etat

- 2,3

- 3,4

- 3,0

- 2,8

- 2,5

- 1,9

Organismes divers d'administration centrale

0,4

0,6

0,5

0,5

0,6

0,7

Administrations publiques locales

0,2

0,2

0,1

0,2

0,3

0,3

Administration de sécurité sociale

0,3

- 0,2

- 0,2

0,0

0,0

0,0

Source : Programme de stabilité de la France pour les années 2004 à 2006, décembre 2002, page 9

Ce tableau souligne le fait que les administrations publiques locales (APUL) devraient continuer à dégager, à l'avenir, un solde positif stable, contribuant ainsi à réduire le déficit global des administrations publiques, tiré par l'Etat et les administrations de sécurité sociale.

b) Les hypothèses fondant ces prévisions

Dans le programme de stabilité de la France pour les années 2004 à 2006, transmis à la Commission européenne, le gouvernement indique que « dans les deux scénarios [croissance annuelle moyenne de 3 % ou de 2,5 % pour les années 2004 à 2006] , la capacité de financement des organismes d'administration centrale (ODAC) et des administrations publiques locales (APUL) s'améliorerait légèrement à l'horizon 2006. (...) L'amélioration du compte des APUL serait la conséquence de leur désendettement progressif, ainsi que de la fin de la montée en charge de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et de la réduction du temps de travail. La projection réalisée ici est « tendancielle » et ne préjuge pas, à ce stade, de la réorganisation des compétences qui s'inscrira dans le nouveau dispositif de décentralisation (...). Les dépenses des administrations publiques locales devraient progresser à un rythme légèrement inférieur à 2 % l'an en volume, sur la période de programmation. Cette progression serait plus rapide que celle de la dépense de l'ensemble des administrations publiques (1,3 % en volume, en moyenne). Toutefois, la progression des dépenses locales serait inférieure par rapport à celle enregistrée en 2002-2003 (2,5 % par an en volume) » 72 ( * ) .

La réalisation de cette prévision dépendra notamment de la croissance et des modalités des transferts de compétences envisagés par le gouvernement.

B. LES CONSÉQUENCES DE LA DÉCENTRALISATION SUR LES DÉPENSES DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES LOCALES

1. Un impact nul sur le solde à court terme

a) Le montant des transferts de compétences envisagés...

Le montant des transferts de compétences annoncés par le Premier ministre devraient représenter environ 15 milliards d'euros. D'après Dexia, le montant des charges résultant de ces transferts devrait se répartir comme indiqué dans l'encadré ci-après :

Montant du coût représenté, pour l'Etat, par les compétences qui devraient être transférées aux régions et aux départements


Régions

- Université (construction et entretien des bâtiments universitaires, personnel d'entretien de ces bâtiments) : 1,5 milliards d'euros pour le personnel non enseignant et 670 millions en investissement.

- Formation professionnelle : 4 milliards d'euros en dépenses de fonctionnement.

- Santé (construction et entretien des bâtiments hospitaliers) : 2,6 milliards d'euros en investissement.


Départements

- Gestion des routes nationales : 1,3 milliards d'euros dont un milliard en investissement.

- Gestion du RMI : 4,5 milliards d'euros.

Source : Dexia, cité in La Gazette des commune n° 21 - 1695 du 26 mai 2003

Ces sommes représentent environ 9 % des dépenses actuelles de l'ensemble des administrations publiques locales et 0,9 % du PIB. Si l'évaluation par Dexia du coût des compétences transférées s'avère exacte, ces charges devraient représenter plus de 13 % des dépenses réelles totales des départements et environ 50 % des dépenses réelles totales des régions.

Pour l'Etat, ces charges, d'un montant de 15 milliards d'euros environ, représentent un peu moins de 5 % de l'ensemble de ses dépenses.

b) ...devrait n'avoir aucun impact sur le solde de l'Etat et des administrations publiques locales

Ces transferts de compétence ne devraient théoriquement avoir aucun impact, ni sur le solde de l'Etat, ni sur celui des administrations publiques locales. En effet, en vertu de l'article L. 1614-1 du code général des collectivités territoriales, « tout accroissement net de charges résultant des transferts de compétences effectués entre l'Etat et les collectivités territoriales est accompagné du transfert concomitant par l'Etat aux communes, aux départements et aux régions des ressources nécessaires à l'exercice normal de ces compétences. Ces ressources sont équivalentes aux dépenses effectuées, à la date du transfert, par l'Etat au titre des compétences transférées (...) ».

Par ailleurs, la récente loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République a élevé cette règle à un niveau constitutionnel, puisque le quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution dispose que « tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi ».

2. Un impact possible à plus long terme

a) La comparaison entre l'évolution des ressources et des charges transférées...

A plus long terme, il est possible que les ressources transférées ne permettent pas de couvrir le coût de l'exercice des compétences transférées, en particulier dans les domaines où l'effort financier de l'Etat était en dessous du niveau nécessaire à l'exercice convenable d'une compétence, et entraîne une progression globale des dépenses des administrations publiques, ainsi que le montre le tableau suivant, tiré du rapport spécial sur les crédits de la décentralisation inscrits dans le projet de loi de finances initiale pour 2003 73 ( * ) .

Source : rapport 2001 de la commission consultative sur l'évaluation des charges

Le commentaire de ce tableau précisait que « la conclusion à tirer de ce graphique n'est pas que l'Etat devrait compenser intégralement le coût de l'exercice des compétences transférées, car l'Etat ne doit pas compenser des dépenses dont il ne fixe pas le montant (tout comme il ne devrait pas décider de dépenses dont il n'assume pas le coût financier). En revanche, il ressort de ce graphique que, d'une part, l'Etat n'exerçait vraisemblablement pas de manière satisfaisante les compétences avant leur transfert car sinon les collectivités locales n'auraient pas eu à accroître leurs dépenses dans des proportions aussi importantes et, d'autre part, qu'un mécanisme de réévaluation périodique du coût, et donc de la compensation, des compétences transférées serait particulièrement opportun ».

b) ...implique des ressources dynamiques

Le tableau suivant souligne également le dynamisme global des dépenses transférées aux collectivités locales au cours des dix dernières années :

L'évolution du coût des dépenses transférées aux collectivités locales entre 1993 et 2002

(en millions d'euros et en évolution par rapport à l'année précédente)

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Dépenses totales d'aide sociale

11.752

+7,5

12.532

+6,6

13.173

+5,1

13.737

+4,3

14.002

+1,9

14.375

+2,7

14.790

+2,9

13.582

-8,2

14.026

+0,3

15.650

+11,6

Dépenses totales pour les collèges

2.264

+6,2

2.393

+5,7

2.398

+ 0,2

2.586

+7,8

2.657

+2,7

2.805

+5,6

2.937

+4,7

3.118

+6,1

3.208

+7,1

3.306

+3,1

Dépenses de FPC 74 ( * ) et apprentissage

1.109

+3,9

1.236

+11,4

1.550

+25,5

1.792

+15,6

1.900

+6,0

2.089

+10,0

2.125

+1,7

2.151

+1,2

2.371

+1,2

2.406

+1,5

Dépenses totales pour les lycées

2.858

-5,2

2.870

+0,4

2.694

-6,2

2.860

+6,2

2.891

+1,1

2.725

-5,8

2.854

+4,7

2.861

+0,2

3.139

-0,1

3.328

+6,0

Source : Les collectivités locales en chiffres 2002-2003 - Direction générale des collectivités territoriales du Ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales

Ces éléments soulignent l'importance de transférer aux collectivités territoriales des ressources dynamiques afin de leur permettre de s'adapter à l'évolution des charges correspondant aux compétences transférées.

C. LA NÉCESSITÉ D'ASSURER UNE COMPENSATION FINANCIÈRE SATISFAISANTE DES TRANSFERTS DE COMPÉTENCES

1. Le respect des principes relatifs à la compensation des transferts de compétences...

a) Les principes applicables aux transferts de compétences

Les charges correspondant aux transferts de compétences envisagés au profit des départements et des régions devront être compensées de manière rigoureuse, de manière à éviter une hausse de la fiscalité locale, celle-ci ayant déjà augmenté au cours des dernières années du fait de la hausse des dépenses de personnel liée notamment à la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail (RTT), et, pour les départements, des charges liées au financement de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS), dont le coût augmente régulièrement sous l'effet des mesures réglementaires définies par l'Etat.

Le respect des principes en matière de compensation des transferts de compétences permettra de s'assurer que cette exigence sera respectée. Il en va de la crédibilité de l'ensemble du processus de décentralisation. Votre rapporteur général souhaite affirmer la nécessité d'effectuer les transferts de compétences dans la transparence et dans le cadre d'une relation de confiance avec les collectivités locales, cohérente avec les dispositions introduites dans la Constitution.

En particulier, l'article L. 1614-4 du code général des collectivités territoriales prévoit que les transferts de compétences aux collectivités locales sont compensés financièrement par le transfert d'impôts d'Etat et, pour le solde, par une dotation générale de décentralisation. Il est essentiel de respecter ces principes, de même que l'unité de la dotation générale de décentralisation. En effet, aujourd'hui, cette DGD figure sur le budget de plusieurs ministères, outre sur le chapitre 41-56 de celui du ministère de l'intérieur où elle a vocation à figurer.

Ainsi que le notait notre collègue Michel Mercier dans son rapport spécial sur les crédits de la décentralisation inscrits dans le projet de loi de finances initial 2003, « les crédits de la DGD inscrits au budget du ministère de la culture s'établissent à 12,7 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2003, et ceux inscrits au chapitre 43-06 du budget des affaires sociales s'élèvent à 1.389,4 millions d'euros. Ce sont donc environ 20 % de la DGD des communes, des départements et des régions qui ne figurent pas dans la DGD inscrite au ministère de l'intérieur.

Le maintien des crédits au budget du ministère de la culture est destiné à gonfler les crédits de ce ministère afin d'atteindre plus facilement l'objectif de 1 % du budget de l'Etat (alors que, par définition, les crédits de la DGD ne peuvent être considérés comme un effort financier de l'Etat puisqu'il s'agit du financement de compétences que l'Etat n'exerce plus) » 75 ( * ) .

Cet éclatement de la DGD, obéissant à de pures finalités d'affichage, ne permet pas de bénéficier d'une lisibilité satisfaisante quant aux dotations versées par l'Etat aux collectivités territoriales. Il convient de revenir sur cette situation et, à tout le moins, de ne pas accroître cette tendance à l'occasion du transfert de nouvelles compétences.

b) Les engagements du gouvernement

Les principes devant être appliqués aux transferts de compétences

Le gouvernement indique, dans son rapport d'orientation budgétaire, que : « la nouvelle étape de la décentralisation voulue par le Gouvernement vise à accroître l'efficacité de nos services publics et sociaux. En « rapprochant l'argent public des besoins », la décentralisation permettra de clarifier les compétences des différents échelons administratifs (...) .

« Les transferts de compétences (...) permettront de renforcer l'Etat dans les domaines où il est essentiel : les missions régaliennes (justice, sécurité, défense), l'exercice de la solidarité entre les citoyens et les territoires et le pilotage macroéconomique. Ces transferts, en renforçant l'efficacité des politiques publiques, favoriseront la baisse de la pression fiscale globale. (...)

« A la différence de ce qui a pu être fait par le passé (l'absence de prévision de financement pour l'allocation personnalisée d'autonomie illustre bien les dérives à éviter), les collectivités seront dotés de moyens suffisants pour assurer ces nouvelles missions. L'Etat a pris trois engagements en ce sens :

« - les nouveaux transferts de compétences seront financés : tout transfert de charges sera accompagné des ressources que l'Etat y consacrait ;

« - ces transferts seront financés par des transferts de fiscalité plutôt que par des dotations ; ceci va dans le sens d'une plus grande autonomie des collectivités ; l'attribution aux départements et aux régions d'une partie des recettes de la TIPP permettra notamment aux collectivités de bénéficier d'une ressource dynamique et bien répartie sur le territoire national ; le mécanisme actuel des dotations sera en outre simplifié ;

« - la solidarité vis-à-vis des territoires les moins favorisés sera renforcée, en améliorant les mécanismes de péréquation, afin de les rendre plus lisibles et plus efficaces ».

Source : rapport du Gouvernement en vue du débat d'orientation budgétaire, pages 15-16

2. ... est une condition indispensable au succès de la décentralisation

Votre rapporteur général insiste sur les conditions dans lesquelles doivent être effectués les transferts de compétences au profit des collectivités locales afin d'assurer le succès de la décentralisation. Si, à l'occasion des transferts de compétences,

- les charges correspondantes ne sont pas intégralement compensées,

- les collectivités territoriales ne bénéficient pas d'une autonomie de gestion,

- les collectivités territoriales ne disposent pas d'une capacité suffisante pour déterminer le montant de leurs ressources,

alors la décentralisation s'assimilera davantage à une « sous-traitance » de certaines compétences par les collectivités territoriales au profit de l'Etat, ce qui irait à l'encontre des principes relatifs à la liberté locale introduits dans la Constitution. Il est essentiel pour le gouvernement, afin d'éviter de subir ces critiques et de mettre les collectivités territoriales dans des situations financières délicates, que les élus locaux soient en mesure de déterminer avec suffisamment de liberté le montant de leurs ressources ainsi que leur mode de gestion des compétences qui leur seront transférées. Dans le cas contraire, la décentralisation pourrait malheureusement être source de lourdeurs et de coûts supplémentaires. Il est clair, en particulier, que le transfert d'assiettes fiscales de l'Etat doit s'accompagner d'une capacité, pour les collectivités bénéficiaires, d'agir sur les taux d'imposition. 76 ( * )

D. LES ENJEUX IMMÉDIATS : LA RÉFORME DES CONCOURS FINANCIERS DE L'ÉTAT AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

1. Des modalités de financement des collectivités territoriales dépassées

Les ressources des collectivités locales

« Les ressources des collectivités locales sont composées pour plus de la moitié de recettes fiscales et pour près d'un tiers de transferts en provenance de l'Etat et des autres administrations publiques, le reste étant couvert par diverses recettes telles que les revenus du domaine, les tarifs des services locaux ou les intérêts perçus. (...)

Les transferts reçus par les APUL proviennent essentiellement de l'Etat. Une large part d'entre eux est régulée par le contrat de croissance et de solidarité, qui succède, pour la période 1999-2001, au pacte de stabilité entre l'Etat et les collectivités locales (1996-1998). Cet encadrement des principales dotations de l'Etat est une enveloppe qui évolue chaque année selon une indexation prenant en compte l'indice prévisionnel des prix et une part de plus en plus substantielle de la croissance du PIB (de 20 % du PIB en 1999 à 33 % en 2001). Chaque transfert intégré à l'enveloppe relève d'un mode de calcul qui lui est propre, à l'exception de la dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP) qui sert de variable d'ajustement.

« Dans l'attente d'une révision globale des modalités du contrat, le gouvernement a décidé de prolonger son application pour les années 2002 et 2003, sur les mêmes bases qu'en 2001. Dans l'ensemble, le contrat de croissance et de solidarité connaîtrait une progression de 2,3 % en 2002 et de 1,9 % en 2003.

« L'évolution dynamique de ses principales composantes, et essentiellement de la dotation globale de fonctionnement (la DGF est indexée, comme l'enveloppe globale sur les prix et la croissance, mais la fraction du PIB utilisée est de 50 % et non 33 %), continuerait de dégrader sensiblement la DCTP (dotation de compensation de la taxe professionnelle).

« La très forte progression de l'ensemble des transferts de fonctionnement en 2002 (12,3 %), résulte pour l'essentiel des transferts hors contrat avec la montée en charge de la réforme de la taxe professionnelle qui se traduit jusqu'en 2003 par une progression de sa compensation financière, et avec le financement par les ASSO [administrations de sécurité sociale] d'une partie du coût de l'allocation personnalisée d'autonomie (0,9 milliard d'euros de dotations nouvelles en 2002, reconduits en 2003). Le ralentissement enregistré en 2003 (4,4 %) résulterait notamment d'une moindre indexation de l'enveloppe normée. (...) ».

Source : rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2003

La question de l'avenir de l'organisation des concours de l'Etat aux collectivités territoriales est aujourd'hui posée, compte tenu de l'essoufflement évident du système, lié notamment au développement de l'intercommunalité. Par ailleurs, la réforme de la structure du système de financement local, au profit des ressources fiscales, aura inévitablement des effets sur l'architecture, voire la vocation, des différentes dotations.

2. L'urgence de certaines décisions relatives aux concours de l'Etat aux collectivités territoriales

Le ministre délégué chargé au budget et à la réforme budgétaire, M. Alain Lambert, a donné, le 24 avril dernier, des précisions sur le calendrier à venir de la réforme des finances locales :

- le transfert aux régions de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) devrait intervenir dans le cadre de la loi de finances pour 2004. Seul le produit de la TIPP serait transféré, dans l'immédiat, sans possibilité de modulation des taux, la France attendant les précisions de la Commission européenne sur cette question ;

- la réforme des dotations de l'Etat serait envisagée pour 2005 ;

- la révision des valeurs locatives cadastrales, servant de base de calcul de la taxe d'habitation, pourrait également être engagée en 2005.

Votre rapporteur général souligne que plusieurs décisions importantes devront toutefois être prises dès l'année 2004, s'agissant des concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales. Il s'agit, pour l'essentiel :

- du devenir du contrat de croissance et de solidarité, qui a été prolongé d'une année en 2002 et en 2003, selon les mêmes bases qu'en 2001 ;

- de l'éventuelle intégration de la compensation de la suppression de la part « salaires » des bases de la taxe professionnelle. En effet, l'article 44 de la loi de finances pour 1999 77 ( * ) prévoyait que « à compter de 2004, cette compensation [de la perte de recettes résultant de la suppression progressive de la part des salaires et rémunérations comprise dans la base d'imposition à la taxe professionnelle] est intégrée à la dotation globale de fonctionnement et évolue comme cette dernière » ;

- enfin, des abondements exceptionnels qui sont reconduits année après année afin de maintenir les ressources des dotations de péréquation 78 ( * ) .

D'après les informations recueillies par votre rapporteur général, le gouvernement envisagerait, dans le cadre du projet de loi de finances initiale pour 2004, d'engager la première étape de la réforme des dotations de l'Etat aux collectivités locales visant à regrouper les dotations, afin de dégager les marges de manoeuvre financières nécessaires pour mettre en oeuvre une véritable politique de péréquation, conformément à l'objectif constitutionnel qui s'impose dorénavant à l'Etat. Une telle orientation doit être favorablement accueillie car le système actuel de relations financières entre l'Etat et les collectivités locales est illisible et imprévisible.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa séance du mercredi 18 juin 2003, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport de M. Philippe Marini sur le débat d'orientation budgétaire.

M. Philippe Marini, rapporteur général, procédant à l'aide d'une vidéo-projection a estimé que la situation de l'économie et des finances publiques était d'une exceptionnelle difficulté. Il a regretté que certaines de ses prises de position récentes voient leur justesse confirmée : l'affirmation, il y avait désormais quinze mois, que le retour à l'équilibre des finances publiques en 2004, fixé par le Conseil européen de Barcelone des 15 et 16 mars 2002, n'était pas réaliste ; celle, à l'occasion de l'examen de la loi du 6 août 2002 de finances rectificative pour 2002, que l'équilibre des finances publiques serait atteint, au mieux, en 2007, et non en 2006 ; celle, au début de cette année, que le déficit des administrations publiques serait en 2003 de l'ordre de 4 % du PIB.

Il a indiqué que, compte tenu des dilemmes auxquels devait faire face le gouvernement, il proposait d'intituler son rapport d'information « La quadrature du cercle budgétaire ? ».

M. Philippe Marini, rapporteur général, a estimé que l'euro supposait une gouvernance économique que l'on semblait avoir renoncé à mettre en place. Il a jugé que le pacte de stabilité et de croissance était inadapté à une période de conjoncture défavorable aussi longue que celle que l'on connaissait, qui risquait de ne pas être terminée en 2004, et à une situation où le risque d'inflation avait été remplacé par un risque de déflation. Il a considéré qu'en l'absence de l'euro, la France et l'Allemagne auraient modifié leurs parités, ce qui aurait été vécu « dans le drame », mais que la monnaie unique ne devait pas dissimuler la nécessité de réaliser des ajustements, de toute façon inévitables.

Après avoir défini le cadrage de l'exercice budgétaire pour les années à venir, M. Philippe Marini, rapporteur général, a examiné les différents points du débat d'orientation budgétaire. En ce qui concernait la croissance, il a constaté que les prévisions de croissance pour 2003 avaient progressivement été revues à la baisse et que, si le consensus prévoyait désormais un chiffre de 1 % pour 2003, certains économistes étaient plus pessimistes. Il a mis en avant les problèmes de gouvernance de la zone euro, aujourd'hui marquée par les difficultés de l'économie allemande, et les conséquences qui en résultaient en termes de croissance. Examinant les risques de déflation en fonction de données issues du Fonds monétaire international (FMI), il a observé que la France et les Etats-Unis étaient dans une situation relativement proche des quatre pays ayant aujourd'hui un indice de déflation élevé, Hong-Kong, Taiwan, Japon et Allemagne.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a montré que la dégradation de la croissance avait pour corollaire une dégradation très rapide des déficits publics, estimés à 3,7 % du PIB en 2003 par la Commission européenne. Il a relevé la disparition de l'avantage comparatif français en matière d'endettement public dans l'Union européenne, remarquant que la France figurait désormais dans le « bas du tableau » avec l'Italie, la Belgique et la Grèce. Il a noté l'exception franco-allemande en matière de finances publiques, les deux pays, représentant 50 % du PIB de la zone euro, étant les deux seuls dont le déficit était supérieur à 3 % du PIB et dont le ratio de la dette par rapport au PIB avait augmenté entre 1998 et 2002. Il a donc considéré que l'on ne pouvait que prendre acte, dans ce contexte, de la procédure pour « déficit excessif » engagée contre la France et s'est montré très favorable à la proposition italienne d'une remise à l'honneur de l'investissement public, dans le respect du pacte de stabilité, par une incitation aux investissements transfrontaliers.

En ce qui concernait les prélèvements obligatoires, M. Philippe Marini, rapporteur général, a évoqué la baisse du niveau des prélèvements obligatoires par rapport au PIB en 2002, qui devrait se poursuivre en 2003 en raison d'une élasticité des recettes fiscales à la croissance sans doute devenue négative comme en 1992 et 1993. Il a estimé que l'appréciation du niveau des prélèvements obligatoires, qui restait élevé par rapport aux autres pays de l'OCDE, devrait s'abstraire des fluctuations les plus marquées de la conjoncture. Il a indiqué que le rapport du gouvernement pour le débat d'orientation budgétaire mettait en évidence des moins-values fiscales pour l'exécution du budget 2003 d'au moins 5,1 milliards d'euros, soulignant qu'il convenait d'ajouter à cette évolution préoccupante des incertitudes sur le niveau des recettes non fiscales, citant par exemple la diminution de 1,3 milliard d'euros de la contribution de la Caisse des dépôts et consignations au budget de l'Etat.

En matière de dépenses publiques, M. Philippe Marini, rapporteur général, a constaté que la France faisait « la course en tête » et que le haut niveau de dépenses publiques constituait un choix de société dont l'économie assumait la charge. Il a exprimé des inquiétudes en ce qui concernait la charge budgétaire de la dette, se demandant combien de temps encore l'effet-taux pourrait masquer l'effet-volume. Il a montré le poids que représenteraient les pensions de la fonction publique dans les prochaines années, observant que le plan de réforme des retraites présenté par le gouvernement prévoyait, sur un besoin de financement de 28 milliards d'euros pour les retraites des fonctionnaires à l'horizon 2020, un financement de 15 milliards d'euros par les employeurs publics. Il a enfin souligné la sensibilité aux retournements conjoncturels d'un certain nombre de dépenses.

A partir de ces analyses, M. Philippe Marini, rapporteur général, a considéré que l'année 2003 constituerait une « année test » qui demanderait des efforts en termes de régulation des dépenses au-delà des premières mesures, judicieuses, déjà prises par le gouvernement. Il a rappelé qu'une stabilisation des dépenses en volume pour 2004 impliquerait parmi les ministères non prioritaires de réelles économies. Il a jugé que le redressement des finances publiques, dont le déficit était le plus élevé enregistré depuis 1995, demanderait des efforts qui reposeraient pour 0,2 point de PIB sur l'Etat et pour 0,3 point de PIB sur les administrations de sécurité sociale. Pour ces dernières, il a rappelé le dépassement systématique de l'Objectif national de dépenses d'assurance-maladie (ONDAM) et le niveau du déficit actuel de la branche maladie qui s'établirait en 2003 à près de 10 milliards d'euros.

Pour finir, il a exprimé ses préoccupations en ce qui concernait l'endettement public, dont l'encours avait augmenté de 167 % depuis 1990, et qui finançait des dépenses courantes à hauteur de 22,26 milliards d'euros. Il a enfin rappelé les conditions, selon lui, de la réussite de « l'acte II » de la décentralisation.

Un large débat s'est alors ouvert.

M. Jean Arthuis, président, a souligné la gravité de la situation économique et budgétaire actuelle et la nécessité de prendre des mesures pour la redresser rapidement.

M. Jacques Oudin a félicité le rapporteur général pour sa présentation et a fait cinq observations. Il a tout d'abord constaté que les finances de toutes les administrations publiques se dégradaient, qu'il s'agisse du budget de l'Etat, du budget des collectivités locales ou plus encore de la sécurité sociale. Il a ensuite indiqué qu'il serait utile de présenter le budget de l'Etat sous quatre grandes rubriques qui seraient les dépenses de fonctionnement de l'administration, les dépenses de répartition, les dépenses d'investissement et la dette. Rappelant que la France connaissait l'un des plus fort taux de dépenses publiques par rapport au produit intérieur brut dans l'Union européenne, il a expliqué que ce n'étaient pas les pays qui prélevaient le plus qui répartissaient le mieux les richesses. Il a également considéré que l'Etat ne pouvait faire abstraction des autres acteurs des finances publiques, qu'il s'agisse de l'Union européenne ou des collectivités locales. Enfin, il s'est interrogé sur la mise en oeuvre de la proposition du gouvernement italien concernant l'augmentation de l'effort d'investissement au niveau européen.

M. Maurice Blin a souscrit aux observations du rapporteur général. Il a considéré que la France ne devait pas s'isoler au nom d'une quelconque « exception » en matière de finances publiques, au risque de subir de sévères conséquences. Il a cité des exemples de pays qui, bien qu'ayant eu de sérieuses difficultés structurelles il y a dix ou vingt ans, avaient réussi des réformes importantes : la Grande-Bretagne dans les années 1980, le Canada avec le plan de réforme de la fonction publique, la Suède, ou encore la Nouvelle-Zélande. Il s'est déclaré en faveur d'un « New-deal » européen qui « remette à plat » les dépenses publiques, tout en soulignant la difficulté de mener une politique de grands travaux dans un contexte où les gouvernements cherchaient à réduire l'endettement.

M. Yves Fréville a estimé que les pouvoirs publics avaient la plus grande peine à comprendre que l'économie connaissait naturellement des cycles de croissance et de dépression, et qu'ils n'étaient, dès lors, pas en mesure de profiter des retournements conjoncturels favorables pour faire les réformes qui s'imposaient. Il a ajouté qu'il existait une difficulté particulière liée au taux de change interne à l'euro pour la France et l'Allemagne. Il a considéré que la politique monétaire européenne était relativement inefficace car la France avait recours, majoritairement, à l'emprunt à taux fixe. Enfin, il a estimé qu'il fallait donner une plus grande liberté aux Etats en matière de politique budgétaire, notamment pour relancer l'investissement public, dans une perspective keynésienne qui n'imposait pas, en revanche, de donner plus de pouvoir d'achat aux fonctionnaires.

M. Aymeri de Montesquiou a évoqué le graphique présenté par le rapporteur général relatif à la parité entre l'euro et le dollar. Il a demandé si un tel graphique ne pouvait être réalisé en comparant l'euro avec le yuan chinois, dans la mesure où la Chine était le principal pays où se délocalisaient nos industries en raison d'une politique de sous-évaluation du yuan. Il a également interrogé le rapporteur général sur les enseignements à tirer des réformes réalisées par les pays d'Europe centrale et orientale. Enfin, il a souligné que l'importance des dépenses militaires françaises faussait la comparaison de nos dépenses publiques avec celles des autres pays de l'Union européenne.

M. Yann Gaillard a déclaré qu'il ne croyait pas au sérieux des prévisions économiques. Il a estimé que la France était « bloquée » par l'abondance des revenus de transferts et des dépenses sociales qui entravaient les incitations à une reprise de l'activité économique. Il a rappelé que jusqu'à l'introduction de l'euro, les difficultés pouvaient se résoudre par le biais d'une légère augmentation de l'inflation ou par des ajustements monétaires. Il s'est déclaré pessimiste quant à la capacité de l'opinion publique à accepter les réformes structurelles, en prenant pour exemple la réforme en cours des retraites ou la réforme nécessaire de la sécurité sociale.

M. Jean Arthuis, président, a insisté sur l'urgence d'agir pour redresser la situation économique française. Il s'est déclaré plutôt optimiste quant à la capacité de compréhension des Français face aux enjeux des réformes. Il les a estimées d'autant plus nécessaires que les réformes du précédent gouvernement, comme la réduction du temps de travail à trente-cinq heures, n'avaient pas permis à la France de gagner en compétitivité et de ralentir les délocalisations.

En réponse aux différents intervenants, M. Philippe Marini, rapporteur général, a estimé que le vrai sujet d'interrogation était aujourd'hui l'évolution de l'euro et la construction institutionnelle de l'Union européenne. Il a regretté, au moment où la convention européenne achevait ses travaux et avait réussi à rédiger un projet de Constitution européenne, et alors que se tiendra prochainement une conférence intergouvernementale, que la coordination des politiques économiques ne soit pas au coeur des préoccupations.

En réponse à M. Jacques Oudin, il a expliqué qu'il clarifierait la présentation par agrégat du budget de l'Etat lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2004.

A M. Maurice Blin, le rapporteur général a indiqué qu'il aurait pu ajouter aux nombreux exemples de pays ayant réussi à se réformer, celui des Pays-Bas.

Concernant la parité entre le yuan et l'euro, en réponse à M. Aymeri de Montesquiou, il a expliqué qu'il ne disposait pas, sur l'instant, des éléments d'information nécessaires. Il a souligné que les pays d'Europe centrale et orientale s'étaient considérablement réformés ces dernières années, reconstruisant entièrement leurs systèmes de retraites et d'assurance-maladie, comme la Pologne, aidés en cela par les meilleurs experts européens. S'agissant des crédits de la défense, il a rappelé qu'il s'agissait d'un choix conscient de la France.

Enfin, il s'est déclaré en accord avec M. Yann Gaillard quant à la nécessité de lutter contre toute politique publique d'assistance décourageant la reprise d'une activité économique ou d'un emploi.

LA QUADRATURE DU CERCLE ?

Débat d'orientation budgétaire pour 2004

Le débat d'orientation budgétaire est un moment privilégié.

Il est l'occasion de faire le point, à la lumière des résultats de l'exercice précédent, des premières tendances de l'année en cours et du programme de stabilité transmis aux autorités communautaires, sur les perspectives de nos finances publiques.

Le débat d'orientation budgétaire pour 2004 intervient dans un contexte exceptionnel. La conjonction d'une conjoncture déprimée, de recettes fiscales fragiles, de dépenses difficiles à maîtriser et de déficits dont le creusement alimentent la dette, sous la surveillance renforcée de nos partenaires européens, s'apparente à une « quadrature du cercle budgétaire ».

Il est possible d'en sortir, à condition d'adopter une stratégie cohérente et courageuse pour nos finances publiques.

Le gouvernement a fixé un cap. La voie est étroite. Les choix ne sont pas faciles. Ils pourraient parfois se révéler douloureux. Le souci de la commission des finances du Sénat est de les expliciter, sans complaisance. Car l'information du Parlement et de l'opinion publique est une condition indispensable de la politique de réforme.

Ce rapport d'information s'efforce d'exposer les conditions de cohérence qui lui semblent essentielles pour le succès de l'action engagée par le gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin.

* 1 Ces prévisions sont identiques à celles présentées le 17 mars 2003 par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie à l'occasion de la réunion de la commission économique de la nation.

* 2 Intervention faite sur LCI.

* 3 Communiqué de presse du 6 juin 2003.

* 4 20 juin 2003.

* 5 Cette revue britannique publie tous les deux mois une synthèse des principales prévisions économiques. Celles présentées dans le cas de la France sont celles de Rexecode, du BIPE, du COE, de Morgan Stanley, de Natexis Banque Populaire, de BNP-Paribas, de JP Morgan, de Total, du Centre de prévision de l'Expansion, du Crédit commercial de France, du Crédit Lyonnais, de la Deutsche Bank, d'UBS Warburg, du Crédit Agricole, de la Société Générale, de l'OFCE, de CDC IXIS, d'Exane et du GAMA.

* 6 Bulletin mensuel, juin 2003.

* 7 Rapport économique, social et financier pour 2003, tome I, p. 49.

* 8 Jean-Paul Betbéze, Michel Aglietta, Patrick Artus, « Déflation : quels dangers ? Quelle protection ? », Cercle des économistes, cahier n°1, mars 2003.

* 9 Fonds monétaire international, « Deflation : Determinants, Risks, and Policy Options - Findings of an Interdepartmental Task Force », 30 avril 2003.

* 10 A la suite d'une étude de l'économiste Ben S. Bernanke, aujourd'hui membre du conseil des gouverneurs de la Réserve fédérale, on explique généralement la déflation observée pendant la Grande Dépression par le rôle des faillites bancaires (la moitié des banques existant en 1929 aux Etats-Unis ayant disparu en mars 1933, point bas de la dépression).

* 11 Selon MM. Friedman et Schwartz, la déflation observée pendant la Grande Dépression aurait eu pour origine des erreurs de politique monétaire.

* 12 Ahearne, Alan, Joseph Gagnon, Jane Haltmaier, Steve Kamin, et al, « Preventing Deflation: Lessons from Japan's Experience in the 1990s », International Finance Discussion Papers, n° 729, Federal Reserve Board, juin 2002.

* 13 La BCE a également précisé à cette occasion le rôle respectif des deux « piliers » de sa politique, les analyses monétaire et économique (cf. tableau).

* 14 L'expression « trappe à liquidité » désigne un taux d'intérêt suffisamment bas pour que les agents renoncent à placer leur épargne et la réservent à la thésaurisation.

* 15 En effet, elle prévoit que les Etats membres « s'engagent à respecter l'objectif budgétaire à moyen terme d'une position proche de l'équilibre ou excédentaire, conformément à leurs programmes de stabilité ou de convergence, et à prendre les mesures budgétaires correctrices qu'ils jugent nécessaires pour atteindre les objectifs énoncés dans leurs programmes de stabilité ou de convergence dès qu'ils disposent d'informations indiquant un dérapage sensible, effectif ou prévisible, par rapport à ces objectifs ».

* 16 Ou si le rapport entre le déficit public et le PIB a diminué de manière substantielle et constante et atteint un niveau proche de 3 % du PIB, ou si le dépassement de la valeur de référence n'est qu'exceptionnel et temporaire et que le rapport entre le déficit public et le PIB reste proche de 3 %.

* 17 Le montant du premier dépôt comprend un élément fixe égal à 0,2 % du PIB et un élément variable égal à un dixième de la différence entre le déficit exprimé en points de PIB et la valeur de référence (3 % du PIB). Les dépôts supplémentaires sont, quant à eux, égaux à cette différence. En tout état de cause, les dépôts annuels ne peuvent excéder 0,5 % du PIB de l'Etat concerné. Ces dépôts sont, « en principe » convertis en amende « dans les deux années suivant la décision d'imposer la constitution du dépôt » si le déficit excessif n'a pas été corrigé.

* 18 Les Etats membres de la zone euro présentent des « programmes de stabilité », les Etats membres de l'Union européenne mais pas de la zone euro des « programmes de convergence ».

* 19 Le contenu de cette recommandation est détaillé au 3 du C du présent I.

* 20 Il s'agit des dernières prévisions économiques publiées par le gouvernement.

* 21 On notera que ce pourcentage, retenu en mars 2003 par le gouvernement, diffère de celui publié en avril 2003 par l'INSEE (1,5 %).

* 22 Consensus Forecasts (mai 2003).

* 23 A moins que le rapport n'ait diminué de manière substantielle et constante et atteint un niveau proche de la valeur de référence, ou à moins que le dépassement de la valeur de référence ne soit qu'exceptionnel et temporaire et que le dit rapport ne reste proche de la valeur de référence.

* 24 A moins que ce rapport ne diminue suffisamment et ne s'approche de la valeur de référence à un rythme satisfaisant.

* 25 Le contenu de ce règlement est détaillé par votre rapporteur général dans son rapport précité sur le collectif budgétaire de l'été 2002 (Sénat, n° 372, 2001-2002).

* 26 Les Etats membres, la Commission et la Banque centrale européenne nomment chacun deux membres du comité économique et financier. Les deux membres désignés par les Etats membres sont choisis parmi des hauts fonctionnaires respectivement de l'administration et de la banque centrale nationale.

* 27 Par ailleurs, la Commission européenne estime qu' « en Italie, les déficits demeurent importants (2,3 % du PIB en 2002 et en 2003) et devraient dépasser d'ici à 2004 la valeur de référence de 3 % du PIB » (Les finances publiques dans l'UEM - 2003, communication de la commission européenne au conseil et au parlement européen, 21 mai 2003).

* 28 Dans l' « avertissement » (dans le cadre de la procédure dite d' « alerte avancée ») qu'il avait adressé à la France par un avis du 21 janvier 2003 relatif au programme de stabilité actualisé de la France (2003/C 26/04), le Conseil de l'Union européenne avait jugé « essentiel d'établir une position budgétaire équilibrée d'ici 2006 ». Cet objectif, jugé irréaliste par votre rapporteur général dès la discussion de la loi de finances rectificative examinée par le Parlement en juillet 2002,et écarté par le gouvernement dans son programme de stabilité 2004-2006, a été abandonné par le Conseil dans sa recommandation du 3 juin 2003.

* 29 Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur les finances publiques dans l'union économique et monétaire en 2003, COM(2003) 283 final, 21 mai 2003.

* 30 Pour 2002, le gouvernement considère que le solde structurel représentait 2,2 % du PIB. La Commission l'estime à 3,3 % du PIB. Selon les estimations de la Commission, la France était en situation d'excédent conjoncturel en 2001 et en 2002.

* 31 Commission européenne, Cyclical Ajustment of Budget Balances, printemps 2003.

* 32 Le solde primaire correspond à la différence entre les recettes et les dépenses (hors prise en compte des charges de la dette sous forme d'intérêts). Lorsque ce solde est positif, cela signifie que les administrations publiques n'empruntent pas pour financer les intérêts de la dette.

* 33 Jean-Paul Fitoussi, Jérôme Creel, « How to reform the European Central Bank », Centre for European Reform, octobre 2002.

* 34 Les finances publiques dans l'UEM - 2003, communication de la Commission européenne au Conseil et au Parlement européen, 21 mai 2003.

* 35 Ce chiffre s'explique par le fait qu'il s'agissait d'étudier la possibilité d'un retour à l'équilibre du solde public, alors que le déficit public était de 2,4 %.

* 36 Rapport n° 372 (2001-2002).

* 37 En particulier, dans sa recommandation à la France du 3 juin 2003, le Conseil européen n'impose pas de retour à l'équilibre à l'échéance de 2006.

* 38 La France s'est engagée à respecter cette recommandation à partir de 2004.

* 39 ECFIN/91/03-FR.

* 40 On a vu que si le pacte de stabilité fixait des règles en matière de dette publique, celles-ci n'étaient pas assorties d'éventuelles sanctions, et avaient par conséquent une importance pratique modeste.

* 41 « Une initiative européenne pour la croissance » (A European Action for Growth), 9 juin 2003.

* 42 Dans un entretien publié dans le Financial Times du 10 juin 2003, le ministre italien des finances, M. Giulio Tremonti, a évoqué un montant compris entre 50 et 70 milliards d'euros.

* 43 Dans sa communication au Conseil et au Parlement européen précitée du 21 mai 2003, la Commission européenne met en garde contre le recours à des mécanismes de partenariat public-privé dont le seul objectif serait de contourner les contraintes budgétaires en débudgétisant des dépenses d'investissement. Elle estime que, dans ce cas, de tels mécanismes pourraient avoir pour effet de permettre un renchérissement des coûts qui ne serait pas compatibles avec l'objectif de « soutenabilité » des finances publiques. Elle insiste par ailleurs sur la nécessité d'élaborer des comptes publics transparents.

* 44 Rapport d'information n° 303 (2002-2003), commission des finances.

* 45 Sur ce point, on se reportera au B du présent I.

* 46 Philippe Marini, La concurrence fiscale en Europe : une contribution au débat, rapport d'information n° 483 (1998-1999), commission des finances.

* 47 Rappelons que le 2 avril dernier, prenant acte de la nouvelle prévision de croissance du gouvernement fixée à 1,3 % du PIB, votre rapporteur général en avait évalué les conséquences sur les recettes et les dépenses de l'Etat. A hypothèse d'élasticité inchangée, il avait considéré que la perte de 1,2 % de croissance engendrerait des moins-values fiscales de l'ordre de 4,2 milliards d'euros.

* 48 A noter que le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie fait valoir les nombreuses limites du concept d'élasticité. Celui-ci serait essentiellement un indicateur de statistique descriptive sans signification structurelle, par ailleurs sensible au retraitement par l'inflation. Il n'en reste pas moins qu'il s'agit de la seule notion permettant aujourd'hui de comparer, d'un point de vue global, la croissance du PIB et l'évolution des recettes fiscales.

* 49 On rappellera qu'entre 1998 et 2001, le produit de l'impôt sur les sociétés a augmenté de 44 %.

* 50 Ces expériences sont présentées de manière détaillée dans le rapport du gouvernement associé au présent débat d'orientation budgétaire.

* 51 A l'exception du gel républicain qui n'était qu'un « modus vivendi » purement comptable.

* 52 Les crédits progresseraient au même rythme que les prix, soit de 12,5 milliards d'euros.

* 53 Les simulations présentées ici ont été réalisées dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2003. Elles se fondent sur un nombre annuel de départs à la retraite légèrement différent de celui retenu par le gouvernement dans son rapport en vue du débat d'orientation budgétaire. Ces simulations, qui sont les dernières ayant été mises à disposition du Parlement, ne montrent pas moins le réel potentiel d'économies issu des départs à la retraite de la fonction publique dans les prochaines années.

* 54 Soit 44,6 milliards d'euros (déficit inscrit dans la loi de finances pour 2003) + 5,1 milliards d'euros (perte de recettes 2003 « actée » par le gouvernement).

* 55 Pour des raisons d' « arrondis », la somme des prévisions de solde des différents niveaux d'administration publique pour 2004 produit le résultat de 2,8 % du PIB. La prévision officielle est néanmoins celle de 2,9 % du PIB.

* 56 Les charges brutes de la dette représentent 15 % des dépenses autorisées par la loi de finances pour 2003, une proportion stable depuis le milieu des années 1990.

* 57 Le jeu de ces deux effets en 2003 est explicité dans la partie du présent rapport consacrée aux dépenses de l'Etat.

* 58 Hors prise en compte des changements de réglementation qu devraient résulter de l'adoption du projet de loi sur les retraites en cours de discussion au Parlement à la date du présent débat d'orientation budgétaire.

* 59 Deux rapports d'information ont été publiés à ce jour : « Réseau de la Banque de France : urgence et nécessité de la réforme » par M. Jean Arthuis, président (n° 254, 2002-2003) et «  communication de la Cour des comptes relative aux actions de développement et de reconversion industriels menées par le secrétariat à l'industrie » par M. Jean Clouet, rapporteur spécial (n° 322,2002-2003)

* 60 L'article 57 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, issu d'une initiative de votre commission des finances, n'a pas entendu restreindre la portée des dispositions adoptées antérieurement. Le rapport n° 343 (2000-2001) de M. Alain Lambert, au nom de la commission des finances du Sénat, dispose ainsi, page 288, au sujet de cet article, que « votre rapporteur souhaite mentionner que le présent article n'a pas pour vocation d'entraîner l'abrogation des dispositions législatives précisant les matières dont il traite ».

* 61 In Journal Officiel Débats Sénat, séance du 19 mars 2003, page 1945.

* 62 In Journal Officiel Débats Sénat, séance du 19 mars 2003, page 1947.

* 63 In Journal Officiel Débats Sénat, séance du 5 juin 2003, page 4030.

* 64 Elle est aussi un échappatoire possible pour un gouvernement peu scrupuleux qui, « gêné » par le plafond de la dette à plus d'un an, souhaiterait émettre des BTF pour financer de la dette à moyen et long terme...

* 65 L'article 14 prévoit que « Le montant cumulé des crédits annulés par décret en vertu du présent article et de l'article 13 ne peut dépasser 1,5 % des crédits ouverts par les lois de finances afférentes à l'année en cours ».

* 66 In rapport sur la préparation de la mise en oeuvre de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, en application de l'article 109 de la loi de finances pour 2003, page 2.

* 67 In rapport annuel du Comité des normes de comptabilité publique remis au Parlement en application de l'article 136 de la loi de finances pour 2002, page 13.

* 68 Cette critique a d'ailleurs été reprise dans le rapport d'audit de MM. Bonnet et Nasse (juin 2002), qui évoquaient le « dédale inextricable » des finances publiques.

* 69 In rapport préliminaire de la Cour des comptes sur l'exécution des lois de finances présenté en application de l'article 58-3 de la loi organique du 1 er août 2001, page 14.

* 70 In INSEE Première n° 895, avril 2003 « Les comptes des administrations publiques en 2002 », page 3.

* 71 In rapport de la commission « Déficit excessif de la France - Rapport établi conformément à l'article 104, paragraphe 3, du traité», Bruxelles, le 31.3.2003, page 9.

* 72 In programme de stabilité de la France pour les années 2004 à 2006, pages 9 et 15.

* 73 In rapport général sur le projet de loi de finances pour 2003, n° 68, Tome III, annexe n° 23 : intérieur, sécurité intérieure et libertés locales : décentralisation, page 30.

* 74 Formation professionnelle continue.

* 75 In rapport spécial de Michel Mercier pour la loi de finances 2003, n° 68, Tome III, annexe 23, 2002-2003, « Décentralisation », pages 13-14.

* 76 La nécessité de transférer des impôts dont les collectivités maîtrisent l'évolution du taux a été réaffirmée par votre commission dans le rapport, présenté en mai 2003 par le Président Jean Arthuis, intitulé « Fiscalité locale : quelles pistes pour la réforme » (n° 289, 2002-2003).

* 77 Loi n° 98-1266 du 30 décembre 1998.

* 78 Ainsi, la loi de finances pour 2003 a prévu un abondement de 18 millions d'euros du fonds national de péréquation (FNP), une majoration de 22,8 millions d'euros de la dotation de l'Etat au FNP, une majoration de 58 millions d'euros de la dotation de solidarité urbaine (DSU) et une majoration de 10,5 millions d'euros de la première fraction de la dotation de solidarité rurale (DSR).

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