II. LE RÔLE D'INTERMÉDIAIRE ET L'ÉVOLUTION DU SYSTÈME FINANCIER
L'extraction d'information au coeur du succès des
zinzins
. Dans un monde incertain, l'information extraite par les zinzins
grâce à l'analyse et la veille permanente des équipes de
recherche et de gestion est souvent très supérieure à
celle accessible pour l'épargnant isolé.
Les capacités
financières et professionnelles sont aussi intéressantes du point
de vue de l'emprunteur : grandes masses traitées et coût de
financement potentiellement compétitif.
Dans un scénario
optimiste, la capacité professionnelle des zinzins doit mener à
une allocation plus efficace des investissements, et en conséquence
à rendement supérieur, aux alternatives pour l'épargnant,
de même niveau de risque. En termes plus techniques,
les investisseurs
institutionnels sont mieux placés pour se maintenir sur la
frontière efficace entre risque et rendement.
Mais les zinzins agissent-ils toujours comme des acteurs
informés ?
Selon J.M. Keynes, il y a deux types d'investisseurs
sur les marchés : les professionnels qui agissent à partir
d'une analyse visant à évaluer la valeur fondamentale des actifs,
et les spéculateurs, chartistes et « noise traders »
qui simplement essayent de profiter des mouvement des marchés d'un jour
à autre. A priori, les investisseurs institutionnels s'inscrivent dans
le premier groupe,
mais comme les analyses les plus contemporaines des
économistes l'ont souligné (Dornbusch, 1990), les investisseurs
institutionnels ont parfois des comportements plus proches du second
groupe
: ils ne jouent pas toujours les acteurs informés
(Davis, 2000 ; cf. chapitre 2 section 1.2).
Pour le moment on peut accepter cette caractérisation des zinzins comme
des investisseurs rationnels, au sens néoclassique du terme (voir
Friedman 1953). Dans cette perspective, la montée en puissance des
zinzins reflète le processus de maturation des marchés financiers
(Rybczynsky, 1997).
Selon Rybczynsky (1997, résumé en Davis 2000 : 3-4),
l'évolution du marché financier peut être divisée en
trois phases :
La
phase bancaire
où le financement des entreprises
non-financières est obtenu auprès des banques sous la forme
d'emprunts (non-tradable loans). Aussi les banques collectent l'épargne
totale ; les marchés monétaires sont essentiellement
interbancaire. Dans cette phase, les banques jouent un rôle dominant dans
l'économie : la plupart de l'intermédiation
financière passe par le secteur bancaire et se retrouve dans son bilan.
Les banques peuvent même être actionnaires des entreprises
non-financières. Les banques ont la capacité d'accéder aux
informations privées sur les emprunteurs, évaluer les risques des
emprunteurs et décider le prix (le coût du crédit) et
diversifier le risque. Le secteur bancaire constitue ainsi un aiguillon de la
performance des entreprises par son monitoring des entreprises emprunteuses.
La phase de « marchéisation »
; dans
cette phase le secteur bancaire fera de plus en plus face à d'autres
fournisseurs d'épargne et produits de financement (en particulier la
détention croissante directe d'actions par les ménages). Mais les
banques restent le fournisseur principal de fonds au secteur non-financier. En
même temps les marchés monétaires commenceront à
croître, ainsi que le marché obligataire (lié d'abord au
financement des administrations publiques). Ces deux marchés resteront
dominés par les banques, mais cette phase est quand-même
caractérisée par un degré croissant de
désintermédiation bancaire, c'est à dire un déclin
relatif du rôle des banques en tant que collecteur d'épargne et de
prêteur. Le « monitoring » de la performance
économique des emprunteurs commence à être partagés
avec d'autres institutions financières et progressivement les banques
perdent leur avantages en termes d'innovations financières.
La phase de titrisation
: dans cette phase, les marchés
financiers fournissent la plupart du financement aux secteurs non-financiers de
l'économie. Les obligations d'entreprise et les titres commerciaux se
substituent aux emprunts bancaires ; même les prêts
hypothécaires et le crédit consommation aux particuliers sont
titrisés, c'est à dire mis en pool et revendus comme d'autres
actifs sur les marchés de dette. La collecte et l'allocation de
l'épargne, le « monitoring » des entreprises et des
administrations publiques sont conduit par les marchés financiers (les
agences de notation, banques d'affaires et investisseurs institutionnels). Dans
ce contexte, l'innovation en termes de produits financiers commence à
s'accélérer. De nouvelles formes d'expertise et d'acteurs
institutionnels apparaissent dans le champ des marchés financiers avec
des implications pour les banques.
Trading, underwriting
(l'acte de
garantir par exemple une émission d'actions sur le marché
boursier, en s'engageant sur l'achat des titres à un prix donné
au cas où le marché ne se porterait pas acquéreur)
, conseil et gestion d'actifs prennent des places centrales alors
même que les activités bancaires traditionnelles perdent de
l'importance.
Cette
évolution dépend de nombreux facteurs en partie
macroéconomiques et structurels. Mais il est aussi clair que cette
évolution, ou maturation, dépend de l'existence d'une
régulation satisfaisante et d'un système financier sain (Davis
2000, 4).