B. QUELLE QUALITÉ FORMELLE ACCORDER AU PACTE DE STABILITÉ ET DE CROISSANCE ?

Une première question essentielle concerne la qualité formelle des règles du pacte de stabilité et de croissance.

1. Des règles trop rigides ?

a) Le pacte est-il réformable ?
(1) Un défi, concilier rigueur et adaptabilité des règles

Une première approche a été développée par Jean-Paul FITOUSSI qui a considéré que, « les règles ne résistant pas au temps », il devait y avoir un débat sur le recours même à des règles.

Votre rapporteur considère que ce débat ne doit pas se conclure par la récusation de toute règle . Qu'elle soit supranationale ou qu'elle soit nationale, une règle de conduite de la politique budgétaire semble présenter de sérieux avantages en termes de transparence, ce qui est à la fois politiquement avantageux (les choix sont clairs) et économiquement utile (les perspectives des agents économiques sont éclairées).

En revanche, il est certainement important de prolonger la réflexion de Jean-Paul FITOUSSI en ménageant mieux qu'aujourd'hui des voies d'évolution des règles du pacte de stabilité et de croissance .

En effet, l'une des caractéristiques formelles du dispositif est que son adaptabilité est si réduite qu'on peut à bon droit évoquer, de ce point de vue formel , des règles excessivement rigides .

Il faut sans doute tempérer ce jugement en prenant en compte les très (trop ?) importantes marges d'appréciation laissées aux institutions européennes que ne doivent pas occulter des règles apparemment très rigoureuses.

Mais, outre que l'existence de ces marges d'appréciation pose un problème qu'il faut résoudre, il reste que la rigidité formelle des règles du pacte semble ne laisser comme choix aux Etats que de les contourner au prix d'alliances peu satisfaisantes ou de les appliquer au prix, parfois, d'effets économiques indésirables .

Il convient de sortir de cette alternative insatisfaisante ce qui, aux yeux de votre Délégation, suppose, et une réflexion sur la procédure d'adaptation des règles du PSC, qui dépasse le strict cadre du présent rapport, et une dose de flexibilité dans le contenu même des règles. Sur ce dernier point les propositions de votre Délégation comportent, comme on le verra, une réelle avancée en permettant au Conseil de graduer la discipline budgétaire en fonctions d'objectifs pertinents.

(2) Une réforme du pacte est « faisable »

De façon très significative, les débats du colloque ont d'ailleurs abordé le problème des voies et moyens de la réforme du pacte pour en souligner les difficultés.

Deux intervenants se sont particulièrement penchés sur cette question en en abordant deux aspects différents, celui du moment de la réforme ; celui du processus de la réforme.

Jean-Luc TAVERNIER s'est interrogé sur le problème du moment de la réforme à travers la question de l'impact d'une modification des règles du pacte sur l'autorité des règles futures. Il a considéré qu'un problème d'aléa moral pouvait se poser si un tel processus intervenait à chaud :

Faut-il, si nous résolvons les questions précédentes et que nous avons l'impression d'avoir des règles meilleures, en changer à chaud quand des difficultés se présentent ? Ou est-ce que nous devons attendre d'avoir résolu les difficultés avec les règles actuelles pour changer les règles à froid ?

La question paraît idiote. Si une règle peut être améliorée, pourquoi se priver de le faire lorsqu'elle pose des difficultés et attendre qu'elle n'en pose plus pour la modifier ? Mais elle n'est pas si idiote, pour des considérations attachées à la crédibilité des règles. Si nous changeons les règles à froid, lorsque cela ne pose de problèmes de mise en oeuvre à personne, il n'y a pas de sujet. A partir du moment où nous modifions les règles au moment où elles posent des problèmes à certains pays -d'ailleurs pas à tous-, et même si c'est pour les améliorer, cela pose un problème de crédibilité pour les règles futures.

Comment, à ce moment-là, être sûr que concernant les règles futures, les différents acteurs ou observateurs ne vont pas se dire : « Attention, ils ont déjà changé une fois les règles quand ils avaient des difficultés, comment éviter qu'ils ne les changent à nouveau lorsque les difficultés se reproduiront ? » C'est un point qui n'a pas été évoqué ce matin mais qui est quand même assez important dans l'économie politique supranationale.

Votre rapporteur est sensible à cette interrogation. Mais, il lui semble qu'il faut y adjoindre deux questions essentielles en raison des enjeux de crédibilité qu'elles comportent :

- la première est de savoir si on doit réellement maintenir une mauvaise règle ;

- la seconde est de savoir si des voies de réforme ne sont pas disponibles qui permettraient d'améliorer la crédibilité du pacte, quel que soit le moment de la réforme.

Doit-on maintenir une mauvaise règle ?

Sur ce premier point, le raisonnement implicite proposé par l'intervenant consiste à juger qu'il faut évidemment modifier de mauvaises règles mais qu'il peut y avoir un coût associé à une modification intervenant en situation de crise. On s'accordera aisément sur le premier volet du raisonnement. Le second volet ne doit pas mésestimer deux données essentielles :

le coût en termes de crédibilité d'une réforme à chaud de la règle est-il supérieur aux coûts économiques effectifs d'une application de la règle ?

le coût en termes de crédibilité d'une réforme à chaud de la règle est-il supérieur aux coûts en termes de crédibilité de l'UEM résultant des effets indésirables d'une application de la règle ?

La réponse à ces questions est évidemment politique. Elle comporte deux aspects.

1) Les Etats européens sont-ils capables de définir leurs engagements réciproques ? On peut espérer qu'il en est bien ainsi, surtout s'il s'agit d'adapter des règles qui seraient inappropriées.

2) Peut-on négliger l'équilibre entre le pacte entre les Etats que représente le pacte de stabilité et de croissance et le pacte de chaque Etat avec sa population, c'est-à-dire les engagements budgétaires des gouvernements auprès de leur peuple ? Aux yeux de votre Délégation, ce serait politiquement dévastateur. Il convient de progresser vers un meilleur équilibre et votre Délégation pense qu'il existe une relation positive entre la qualité de ces deux pactes et l'équilibre entre chacun d'eux. Compte tenu des interactions existantes, il est essentiel de rechercher des règles ralliant concomitamment le plus possible les Etats partenaires et les populations.

On doit envisager une deuxième question qui semble à votre rapporteur répondre à la deuxième interrogation formulée plus haut.

N'y a-t-il pas une voie de réforme équilibrée qui accroîtrait la crédibilité du pacte ?

Comme on le développera plus avant, les motifs de réforme du pacte de stabilité et de croissance sont diversifiés et, dans une certaine mesure, paradoxaux . Aujourd'hui , c'est l'excessive rigueur du pacte qui pose problème et qui engendre une crise des règles. Mais, inversement , l'une des faiblesses du pacte est son insuffisante rigueur dans des situations économiques différentes . Le degré de perception de chacun de ces problèmes est sans doute variable, mais l'un et l'autre appellent des initiatives.

Une réforme globale des règles du pacte de stabilité et de croissance, qui apporterait conjointement des solutions à ces deux problèmes , semble à votre rapporteur de nature à renverser complètement les effets en termes de crédibilité d'une réforme du pacte en temps de crise . Formellement , elle comporterait une réforme équilibrée avec à la fois un assouplissement et un resserrement des règles. Sur le fond , en supprimant la propriété asymétrique du pacte (v. infra ), elle déboucherait sur un renforcement de la crédibilité de l'engagement des Etats à éviter les déficits excessifs, qui est aujourd'hui en question.


LA POSITION DE VOTRE DÉLÉGATION

Ainsi, votre Délégation estime, non seulement que le pacte de stabilité et de croissance peut être réformé, mais encore qu'il doit l'être, et que cette réforme doit explicitement ménager quelques souplesses favorisant l'adaptation du PSC.

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