C. DES RÉFORMES ÉCONOMIQUES NÉCESSAIRES

1. La place prépondérante du secteur public

a) L'IDRO : un acteur économique incontournable

L'IDRO (Industrial Development and Renovation Organization), l'Organisation pour la rénovation et le développement industriel, a été créée il y a trente-cinq ans, du temps du Shah, par le ministère de l'industrie. L'IDRO détient des actifs dans toute l'industrie iranienne. Son poids économique, très variable selon les secteurs, et son influence, en font un des acteurs de tout premier plan de l'économie iranienne et constituent la manifestation la plus explicite de l'importance du secteur public dans l'économie.

L'IDRO réalise un chiffre d'affaires évalué à 2,46 milliards de dollars en 2001 et un bénéfice net de l'ordre 114 millions de dollars 7 ( * ) . Pour mener à bien ses projets, elle est structurée en plusieurs grands départements tel celui du développement des projets industriels, de la production et de l'exploitation, ou celui du développement de la haute technologie et de l'innovation.

Depuis sa création, l'IDRO est un holding à vocation industrielle, engagé dans tous les secteurs de l'industrie lourde. Elle souhaite aujourd'hui promouvoir le domaine de la haute technologie par des investissements ciblés.

Grâce à l'activité de ses filiales, l'IDRO est présente dans de nombreux domaines

Industrie automobile

57 sociétés

Energie

17 sociétés

Industrie mécanique

11 sociétés

Machines agricoles

9 sociétés

Métallurgie

6 sociétés

Industries marines et offshore

4 sociétés

Transport ferroviaire

2 sociétés

Industrie aéronautique

1 société

Services aux entreprises

21 sociétés

Formation

4 sociétés

Source : DREE

L'IDRO a beaucoup évolué depuis la révolution. Elle ne se positionne plus désormais comme un simple holding financier mais comme un puissant intervenant, qui souhaite jouer un rôle majeur dans la détermination de la politique industrielle du pays. Ce changement, particulièrement sensible avec les nominations récemment intervenues à sa tête, s'est matérialisé par la création de nouvelles entités, appelées à jouer un rôle de maître d'oeuvre. La grande nouveauté réside dans le caractère transversal de ces entreprises, dont l'un des buts est de mieux coordonner la gestion des projets industriels iraniens.

Même si le cadre juridique iranien présente encore des faiblesses, un des objectifs affichés de l'IDRO est de progressivement se retirer du capital d'un certain nombre d'entreprises publiques et d'attirer les investisseurs étrangers. A ce titre, aussi paradoxal que cela puisse paraître, l'IDRO propose à tout investisseur potentiel un actionnariat initial tripartite l'associant à l'entreprise iranienne et à l'investisseur étranger. Ce schéma est systématiquement proposé dans le secteur des équipementiers automobiles.

La taille actuelle et les ambitions de l'IDRO en font une des structures les plus influentes de l'appareil d'Etat iranien. Dans un contexte économique pour l'instant favorable, cette organisation apparaît comme une porte d'entrée possible sur le marché iranien et un interlocuteur incontournable pour un certain nombre de projets industriels.

b) Un Etat encore dirigiste

La bonne conjoncture financière actuelle pourrait être mise à profit pour conduire en parallèle les autres réformes et d'aucuns le réclament en Iran. La rente pétrolière permet néanmoins de maintenir les situations acquises.

En effet, le secteur public continue à absorber plus de 65 % du budget de l'Etat. Or les évolutions actuelles ne tendent pas vers une diminution de ce poids. A titre d'exemple, le projet de budget de l'année 2003/2004 prévoit une augmentation de 21 % des dépenses publiques. Or, il serait sans doute plus prudent de réduire ces dépenses si on souhaite se prémunir contre les risques de déficits budgétaires dans un éventuel contexte de baisse des recettes pétrolières.

Un programme de diminution des subventions a été prévu dans le Troisième plan mais n'est appliqué que très progressivement pour en atténuer l'impact social. Par ailleurs, la remise en cause de certains monopoles d'Etat est prévue mais sa mise en oeuvre demeure très incertaine. Les privatisations ont, pour l'instant, été menées d'une manière qui peut être qualifiée de « cosmétique », les entreprises « privatisées » passant le plus souvent du giron du ministère technique à celui du Fonds de la sécurité sociale.

En outre, les processus de décision pour autoriser les investissements et les implantations demeurent très lourds. Le poids des procédures administratives retarde très souvent la prise de décision, quand elle ne l'empêche pas. Ceci a été confirmé par les représentants des entrepreneurs français rencontrés par la délégation.

Ces lenteurs peuvent parfois avoir des conséquences graves. Ainsi, Thalès paraît avoir été retenu pour un marché d'installation de systèmes radars dans les aéroports du pays. Mais la concrétisation de ce contrat tarde tandis que des accidents d'avions occasionnant des victimes se sont produits sur certains aéroports. Des interlocuteurs de la délégation ont même soutenu que de tels accidents auraient pu être évités si ces radars de nouvelle génération avaient été installés.

2. La mise en oeuvre de réformes importantes

a) La nouvelle loi sur les investissements étrangers

Une nouvelle loi sur l'attraction et la protection de l'investissement étranger en Iran a été adoptée en 2002 et pourrait permettre de drainer les financements internationaux dont l'économie a besoin.

La définition de l'investisseur étranger a été modifiée et inclut désormais les sociétés iraniennes, notamment celles dont les capitaux sont partiellement possédés par des entreprises étrangères. Les conditions d'octroi de l'autorisation gouvernementale ont également été revues : l'octroi d'une telle autorisation est maintenu pour tous les types d'investissements mais des conditions générales pour le traitement des demandes ont été introduites (l'investissement doit contribuer à la croissance économique, ne pas mettre en danger la sécurité nationale ou l'intérêt public, ne pas créer de monopole pour l'investisseur étranger).

Par ailleurs, la valeur totale des marchandises et des services résultant de l'investissement étranger ne doit pas dépasser respectivement 25 et 35 % de celle du secteur d'activité et du sous-secteur concernés. Enfin, la propriété du sol reste interdite, comme le prévoit la Constitution, ce qui a pour conséquence d'interdire aux entreprises intervenant dans le domaine énergétique d'agir sur l'amont.

L'investissement étranger est dès lors possible de deux façons :

- Investissement direct (IDE) dans les domaines où le secteur privé est autorisé à opérer.

- Buy-back (contrat de contre-achat) et BOT (Build, Operate, Transfer). L'introduction de ces deux types d'opération constitue également une nouveauté. La nouvelle loi prévoit également la possibilité d'investissement d'un Etat étranger sous réserve d'approbation du Parlement.

Les investisseurs étrangers jouissent désormais des même droits et protections que les investisseurs locaux. Enfin, en cas de nationalisation ou expropriation, une compensation « équitable » est prévue.

Au total, la nouvelle loi apporte des améliorations substantielles mais elle maintient, et même introduit, de fortes contraintes. Parmi les points positifs, il convient de signaler que l'autorisation d'investissement n'est plus du ressort du conseil des ministres mais de la Commission d'investissement, ainsi que l'introduction des formes d'investissement comme les « buy-backs » et les BOT.

La loi ne lève cependant pas les exigences auxquelles sont soumis les investisseurs étrangers en Iran. Les entreprises étrangères sont toujours exclues de l'amont pétrolier et gazier, les investissements doivent toujours faire l'objet d'une autorisation pour bénéficier de la nouvelle législation, l'exequatur des décisions arbitrales rendues à l'étranger est toujours soumis à l'approbation des autorités iraniennes pour les entités publiques, et le rapatriement des bénéfices en devises reste limité.

Ces sujétions s'appuient sur la Constitution pour les dispositions concernant la propriété et la soumission à une approbation du Parlement de l'arbitrage étranger pour les entités publiques, ainsi que sur le Troisième plan quinquennal pour les mesures relatives aux rapatriements des devises.

La loi introduit même de nouvelles limites avec les plafonds sectoriels, soumettant un peu plus l'investisseur étranger à l'appréciation de la Commission d'investissement. La manière d'appliquer la loi par cette Commission comptera encore bien plus que la lettre du texte.

b) Des réformes notables mais encore insuffisantes

Le rythme de la croissance économique paraît insuffisant pour absorber la hausse de la population active (750.000 personnes par an) et permettre une progression significative du PIB par habitant. L'étendue des réformes à accomplir demeure, selon beaucoup d'experts, encore substantielle. En définitive, le défi de l'économie iranienne , caractérisée par sa forte dépendance au secteur pétrolier, réside aujourd'hui dans la diversification des productions . Or, les restrictions pesant sur les importations depuis dix ans contribuent à restreindre l'offre locale, non renouvelée, car l'appareil productif national tend à se dégrader. Dans le même temps, le fonctionnement de l'Etat gagnerait sans nul doute à certaines évolutions : la fiscalité n'est pas jugée efficace par les experts internationaux, les subventions s'élèvent à plus de 10 % du PIB et l'Etat continue à contrôler 85 % de l'appareil productif.

Dans un climat d'opposition tant des conservateurs que des réformateurs appartenant à la gauche islamique et partisans d'une économie dirigée, le président de la République a néanmoins réussi à mettre en oeuvre un certain nombre de réformes :

- le taux de change a été unifié ;

- le tarif douanier, qui limite toujours les importations, a été progressivement adapté pour passer d'un système non-tarifaire au système tarifaire exigé par une éventuelle entrée à terme de l'Iran à l'OMC ;

- une réforme fiscale a été introduite en mars 2003 : les nouveaux barèmes fiscaux, réduits de 54 % à 25 % pour l'impôt sur les bénéfices, constituent un encouragement important pour les entreprises locales et étrangères.

Comme l'a souligné à la délégation M. Réza Adbollahi, président de la Commission des affaires économiques du Madjlis, le terrain serait prêt, avec ces réformes, pour un renforcement des coopérations économiques franco-iraniennes, notamment dans le domaine de l'automobile ou de l'énergie.

Ces réformes sont, à l'évidence, de nature à favoriser l'immersion de l'économie iranienne -encore marquée par une certaine autarcie- dans les échanges internationaux. Mais sont-elles suffisantes ? Les efforts du gouvernement pour attirer des capitaux étrangers n'ont-ils pas eu une efficacité toute relative (si l'on exclue les financements en « buy-back » dans le secteur pétrolier) et la nouvelle loi sur l'investissement étranger, après plus d'un an d'application, ne paraît-elle pas encore insuffisante pour renverser la tendance ?

Or, le décollage des investissements étrangers est primordial pour l'économie iranienne. D'une part, le pays répondrait ainsi en partie au manque de financement interne, notamment dans le secteur pétrolier où le vieillissement des infrastructures commence à devenir un facteur limitatif de la production. D'autre part, cela permettrait de desserrer la contrainte externe. En effet, même si la conjoncture pétrolière, jusqu'à présent favorable, a éloigné le risque de nouveaux incidents de paiement après les rééchelonnements de 1998, et si la dette externe est réduite (elle représente moins de 15 % du PIB et moins de 30 % des recettes en devises), une diminution de la « rente » pétrolière suite, par exemple, au retour de l'Irak sur le marché pourrait faire réapparaître un risque de liquidité.

* 7 Source : DREE.

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