3. La montée de l'obésité : le « modèle américain »

a) Le modèle américain

Offre alimentaire à forte densité calorique, portions disproportionnées aux besoins, longues stations devant la télévision, généralisation du grignotage excessif, faiblesse du taux d'exercice physique, déculpabilisation par l'abus de suppléments nutritionnels pris directement ou sous forme d'additifs incorporés à la nourriture, les Etats-Unis regroupent toutes les étiologies connues de la surpondération et de l'obésité .

D'une étude effectuée à l'université de l'Etat de Washington, il résulte que la prise calorique quotidienne a été, en 2000, de 300 calories supérieure à celle de 1985. Sur ces 300 calories supplémentaires, 46 % proviennent de céréales transformées, 24 % de sucres, 23 % de graisses et seulement 8 % de fruits et légumes.

Avec les résultats suivants :

% Prévalence de la population adulte

 

1988-1994

2000

Surpondération

55,9

64,5

Obésité

22,9

30,5

Obésité morbide

2,9

4,7

Source : Etude Jama

En l'état de la surpondération des enfants et adolescents américains, cette courbe de croissance n'est pas prête de s'infléchir, le pourcentage d'enfants américains surpondérés ayant été multiplié par 3 en 30 ans.

Mais l'exemple américain permet aussi de mettre en exergue l'inquiétante progression de la constitution sociale de l'obésité.

La prévalence de cette maladie y est corrélée avec l'exclusion (faiblesse des revenus, isolat socioculturel des minorités).

Mais le quantum de population atteint par ces affections (qui approche les deux tiers) montre que le phénomène ne se résume pas à une fracture alimentaire qui répliquerait la fracture sociale.

Les exclus, plus vulnérables, sont les plus rapidement touchés, mais les autres groupes sont peu à peu atteints par les facteurs concourant au développement de l'obésité (sédentarisation, nomadisation alimentaire, grignotage, excès d'offre alimentaire, etc.).

b) L'Europe suit

Une étude effectuée par la fondation britannique sur la nutrition montre que dans certains pays on s'approche des taux américains :

Estimation de la prévalence de l'excès pondéral et de l'obésité
chez les adultes dans des pays de l'UE ou candidats à l'adhésion

Encore doit-on relativiser ce constat dans la mesure où si certains taux globaux (comme celui des Allemands) sont proches des taux américains, les taux d'obésité - dans ce cas 15 % contre 30 % - y sont moins élevés.

c) Le cas français

On pourrait se réjouir de savoir que les femmes et les hommes, en France, ont le plus faible taux global de surpoids (surpondération + obésité).

Mais ce constat, qui date de 2000, ne doit pas faire illusion.

Une épidémiologie est réalisée tous les 3 ans chez les adultes français. En 2003, elle a donné les résultats suivants :

- surpondération : 30,3 %

- obésité : 11,3 %.

En 1990, l'obésité affectait 6 % de la population.

En 1997, les personnes obèses ne représentaient que 8,2 % de la population, en 2000 : 9,6 % et en 2003 : 11,3 %. Cela signifie que l'obésité des adultes progresse en France de 17 % tous les trois ans.

Les observations cliniques sur l'obésité morbide recoupent les constats épidémiologiques sur l'aggravation du problème ; il y a cinq ans, les services compétents accueillaient des obèses de 150 kg d'une cinquantaine d'années. Maintenant certains malades ont à peine plus de 20 ans .

Un des spécialistes mondiaux de l'obésité entendu a estimé que si, il y a quelques années, nous avions trente ans de « retard » sur les Etats-Unis et quinze ans sur le Royaume-Uni en matière de développement de l'obésité, l'accroissement des taux de prévalence des phénomènes constatés fait qu'au rythme actuel nous rattraperons les Etats-Unis en 2020.

Des données récentes (2002) montrent que si les enfants français ont un taux « surpondération + obésité » de 15,5 %, ce taux les situe beaucoup plus près de la moyenne que ne l'étaient leurs parents dans la statistique européenne présentée ci-dessus. Ils sont au même niveau que les enfants allemands, suédois, belges ou danois et à un niveau à peine inférieur à celui des enfants anglais.

Une étude plus fine réalisée à l'aide des observations des médecins et des infirmières en milieu scolaire dans les classes de 3 e montre :

- que les taux (surpondération + obésité) sont corrélés avec la catégorie socioprofessionnelle des parents :

- 11,5 %, dont 0,7 % d'obèses chez les enfants de cadres,

- 29,8 %, dont 7,4 % d'obèses chez les enfants d'ouvriers non qualifiés ;

- qu'il existe de grandes différences entre les zones d'études et d'aménagement du territoire qui ne sont pas nécessairement corrélées socialement :

- 1,5 % des adolescents sont obèses dans le grand Sud-Ouest,

- 2,7 % dans l'Ouest,

- 4,3 % dans la zone Méditerranée,

- et 5,5 % dans la zone Nord.