C. DES INQUIÉTUDES POUR L'AVENIR
Dans ce contexte de crise, la mission a rencontré le Professeur Gaehtgens, président de la Conférence des recteurs d'universités, qui était encore il y a peu président de l'université libre de Berlin et a, à ce titre, négocié le contrat de son établissement avec le Sénat.
Le Professeur Gaethgens a fait état d'une récente étude publiée par l'Office des statistiques traduisant une forte augmentation des effectifs d'étudiants inscrits dans les établissements d'enseignement supérieur allemands : pour la première fois, en effet, la barre des deux millions d'étudiants vient d'être franchie, l'accroissement étant particulièrement sensible pour les inscriptions en premier semestre d'études (+ 7,2 %,). Commentant ces chiffres, il a fait part de sa satisfaction, l'objectif fixé par le gouvernement fédéral de permettre à 40 % d'une classe d'âge d'accéder aux études supérieures étant en passe d'être atteint.
Il a cependant manifesté son inquiétude, dans ce contexte, face à la réduction drastique des financements appliqués par l'ensemble des Länder, et tout particulièrement à Berlin. Il a souligné l'absolue nécessité de mettre en adéquation la volonté affichée par l'Etat fédéral et les Länder en matière de politique universitaire et les moyens dévolus à ce secteur.
C'est dans ce contexte qu'au début de l'année 2004 a été relancé le débat sur la création d'universités d'élite en Allemagne. L'idée évoquée lors d'un séminaire de la direction du SPD chargé de réfléchir à six thèmes conditionnant l'avenir du pays, a été reprise par la ministre fédérale de l'éducation, Mme Edelgard Bulmahn, qui s'est prononcée en faveur de la création de quelques « universités de pointe capables de jouer en première division mondiale » sur le modèle des universités américaines Harvard ou Stanford.
Ces propositions ont suscité l'opposition des Länder dirigés par l'opposition CDU qui ont proposé un plan basé sur l'émulation scientifique entre les UFR, sans aide de l'Etat. Le document qu'ils ont adopté, qui s'intitule « Allemagne, campus d'élite » évoque la création de réseaux d'excellence entre différentes UFR. Défendant leurs prérogatives en matière d'enseignement supérieur, les ministres régionaux ont, d'autre part, rejeté l'offre de dialogue de Mme Bulmahn.
Le Professeur Gaehtgens a estimé que des réformes de structure seraient inévitables dans les universités et a notamment évoqué la constitution de réseaux et de pôles d'excellence.
S'agissant en revanche de la mise en place du système LMD, l'Allemagne ne rencontre aucune difficulté particulière et les étudiants ont largement accepté cette réforme.
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La mission a ainsi pu constater que l'Allemagne et la France sont confrontées à des problèmes similaires en matière d'autonomie et de financement de leurs universités, à l'heure où la Commission européenne prône une mutation profonde de l'enseignement supérieur.
Rappelons que le 7 janvier dernier, Mme Vivianne Reding, commissaire chargée de l'éducation et de la culture, a proposé la création d'un « europass », carnet individuel rassemblant, selon un même modèle, toutes les données sur la formation, les diplômes, les stages, dont peut se prévaloir un candidat à l'emploi. L'objectif est de favoriser la mobilité transnationale.
La proposition de Mme Vivianne Reding s'inscrit dans la perspective d'un « espace européen de l'enseignement supérieur » dont la création est l'objectif de Bruxelles, depuis l'adoption de la charte de Bologne en 1999 et dont les principes sont définis dans un rapport de la Commission européenne publié en février 2003 et intitulé : « Le rôle des universités dans l'Europe de la connaissance ».
Ce document explique que « parce qu'elles se situent au croisement de la recherche, de l'éducation et de l'innovation les universités détiennent, à bien des égards, la clef de l'économie et de la société de la connaissance . » Toutefois, face à l'hétérogénéité du paysage universitaire, « les réformes structurelles inspirées par le processus de Bologne représentent un effort d'organisation de cette diversité dans un cadre européen condition de la lisibilité et donc de la compétitivité de l'université européenne . »
La Commission prône donc une profonde mutation de l'enseignement supérieur qui passe par trois grandes réformes :
- le financement des universités, car un écart important s'est creusé avec les Etats-Unis qui y consacrent 2,3 % de leur PIB contre 1,1 % en Europe ;
- une plus grande autonomie afin de créer les conditions de l'excellence ;
- enfin l'ouverture sur l'extérieur supposant une coopération accrue avec les entreprises.
Il est clair que les enjeux sont similaires pour la France et l'Allemagne qui devront dans les prochains mois impérativement procéder aux réformes de structures de l'université et de la recherche qui s'imposent pour maintenir leur compétitivité.
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Au cours d'une réunion qui s'est tenue le 5 mai 2004, la commission a approuvé ce rapport à l'unanimité .