II. DES PROBLÈMES SPÉCIFIQUES AU COMPTE DE COMMERCE ET À LA DUALITÉ DU FINANCEMENT DE LA DOCUMENTATION FRANÇAISE

A. DES AMÉLIORATIONS RÉCENTES DU COMPTE DE COMMERCE D'UN POINT DE VUE COMPTABLE

1. Une sincérité des prévisions budgétaires en voie d'amélioration

a) La sous-évaluation de l'activité en loi de finances initiale pour 2003

Les premières données disponibles pour l'année 2004 indiquent une conformité des exécutions aux prévisions budgétaires. Dans l'attente d'une confirmation de ces données encore provisoires, votre rapporteur spécial relève des écarts fréquents jusqu'en 2003, entre les budgets prévisionnels et exécutés du compte de commerce de la Documentation française, et, dans une moindre mesure, des activités financées par le budget général.

Cette situation nuit à la sincérité de l'information du Parlement , ainsi amené à se prononcer sur un budget équilibré en loi de finances initiale pour 2003, alors que le solde en gestion a atteint - 0,65 million d'euros. Ce déficit se serait même élevé à 3,77 millions d'euros sans le versement exceptionnel de 3,12 millions d'euros lors de l'adoption du plan de consolidation.

Si l'on compare les budgets votés et exécutés en 2003, les recettes ont dépassé de 1,04 million d'euros la prévision budgétaire (18,24 millions d'euros au lieu de 17,2 millions d'euros), du fait du versement exceptionnel de 3,12 millions d'euros, et les dépenses ont dépassé de 1,69 million d'euros la prévision budgétaire (18,89 millions d'euros au lieu de 17,2 millions d'euros).

En ce qui concerne les recettes, la construction du budget de l'année (N + 1) sur la base des seules données définitives de l'année (N - 1) pose effectivement des difficultés de prévision, compte tenu d'un renouvellement permanent de la production éditoriale où les abonnements ne représentent qu'une part minoritaire des ventes. Votre rapporteur spécial estime cependant que certaines variations (saisonnières, ou liées aux cycles électoraux qui se traduisent par une diminution des commandes des administrations) pourraient faire l'objet d'une gestion plus prospective.

Outre ces difficultés en partie inhérentes à l'exercice de prévision budgétaire, votre rapporteur spécial s'est interrogé sur la pratique des avoirs des administrations . Il s'agit en effet d'une caractéristique structurelle du compte de commerce de la Documentation française, faisant l'objet d'un double décompte :

- en dépenses du compte de commerce, à hauteur de 3,15 millions d'euros dans le budget exécuté 2003 (contre 2,36 millions d'euros en 2002 et 2,97 millions d'euros en 2001) ;

- en recettes, à hauteur de 3,12 millions d'euros dans le budget exécuté 2003 (contre 3,27 millions d'euros dans le budget exécuté 2002 et 3,18 millions d'euros dans le budget exécuté 2001).

b) Les incidences comptables des opérations effectuées pour d'autres administrations

Les dépenses sur avoirs des administrations ont représenté 16,7 % des dépenses de la Documentation française dans le budget exécuté 2003. Les explications fournies à votre rapporteur spécial par la Documentation française montrent cependant que les avoirs n'ont pas d'impact sur le solde final du compte de commerce.

Ces avoirs s'expliquent comme suit : lorsque la Documentation française procède à des opérations d'édition et de diffusion pour le compte d'autres administrations, il peut être décidé de procéder à un partage spécifique des recettes (par exemple au prorata des quantités vendues en pourcentage du prix public). Il est alors convenu que la Documentation française encaisse l'ensemble des recettes, avant d'opérer un partage financier avec l'administration concernée dans un second temps. Les avoirs représentent ainsi les recettes de ventes revenant à ces administrations mais qui ne leur sont pas attribuées dès l'encaissement. Les avoirs des administrations sont comptabilisés soit en fonction des ordonnances, soit après répartitions informatiques.

Jusqu'à la mise en place du nouveau progiciel « Harmonie », le système de comptabilité de caisse utilisée par la Documentation française conduisait à l'inscription d'avoirs élevés. Les sommes inscrites une année donnée, en recettes et en dépenses, pouvaient différer fortement.

Le changement de progiciel comptable a permis une régularisation, dans le sens d'une plus grande transparence du compte de commerce de la Documentation française. Le nouveau système comptable a conduit à une réduction mécanique des avoirs par ordonnances au profit des avoirs par répartition informatique.

Votre rapporteur spécial se félicite de cette lisibilité accrue des résultats du compte de commerce, laquelle participe également d'une plus grande conformité entre les prévisions et les exécutions budgétaires. Cette amélioration s'inscrit dans le cadre du changement de nomenclature opérée en 2000.

2. La nomenclature budgétaire est mieux adaptée depuis 2000

Jusqu'en 2000, la nomenclature budgétaire rendait de fait impossible une comparaison des prévisions et des exécutions des différentes lignes de recettes. En effet, la Documentation française reçoit de la part des administrations des provisions importantes, de l'ordre de 3,5 millions d'euros par an. Par ailleurs, le compte général de l'administration des finances les comptabilisait non aux sous-lignes et lignes concernées (ventes de publications et recettes diverses ou accidentelles), mais dans une rubrique « provisions sur commandes en cours ».

Dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour 1999, la Cour des comptes avait ainsi dénoncé le décalage entre la présentation et le vote du compte de commerce de la Documentation française. Suite à ces observations, à compter de la loi de finances pour 2000, ces provisions apparaissent désormais sur une ligne supplémentaire, « recettes des administrations », ce qui permet de comparer les prévisions et les exécutions budgétaires.

3. La rémunération du personnel par un compte de commerce a pu susciter un problème de dépassements de crédits, aujourd'hui résolu

Le chapitre 31-05 « dépenses de personnel de production de la Documentation française » du budget des services généraux du Premier ministre est alimenté par des rétablissements de crédits provenant du compte de commerce.

a) La base juridique du mode de financement des dépenses de personnel

Ce dispositif découle d'exigences imposées par les lois organiques relatives aux lois de finances.

L'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances prévoit, dans son article 24, que « sauf dérogations, il est interdit d'imputer directement à un compte spécial du Trésor les dépenses résultant du paiement des traitements ou indemnités à des agents de l'Etat ou à des agents des collectivités, établissements publics ou entreprises publiques ».

La loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances prévoit, dans son article 20 (applicable à compter de la loi de finances pour 2006), une restriction analogue, en supprimant la possibilité de dérogation.

Le montage retenu pour permettre le financement d'une partie des dépenses de personnel par le compte de commerce a pour objet de contourner l'interdiction de financement « direct ».

b) Les sommes concernées

Alors que les dépenses totales de personnel de la Documentation ont atteint 14,75 millions d'euros en 2003 (soit 46 % des dépenses totales), les crédits de dépenses de personnel de la Documentation française proviennent pour 64 % du budget de l'Etat, comme l'indique le graphique ci-après.

Source : Documentation française

Evolution des dépenses de personnel de la Documentation française

(en milliers d'euros)

Source : Documentation française

Le compte de commerce n'assure ainsi le financement que d'une minorité des dépenses de personnel, dites « dépenses de personnel de production », soit 141 personnels à la mi-2004 (dont 67 agents non titulaires et 64 agents contractuels), appartenant principalement à la sous-direction des produits, services et diffusions (96 personnes) et à la sous-direction de l'administration (30 personnes). Au total, le compte de commerce assure la rémunération de 40 % des agents de la Documentation française.

Ce système a conduit à des dépassements de crédits en 1996 (1,25 million d'euros), 1997 (1,7 million d'euros) et 1998 (0,43 million d'euros), à cause des retards apportés à ces rétablissements de crédits. Il n'a plus ensuite été constaté qu'un retard d'une semaine, fin septembre 2000, dans le décaissement opéré par l'agent comptable.

Dans la continuité des observations formulées par la Cour des comptes dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour 1998, votre rapporteur spécial souhaite que, conformément au respect du principe du caractère limitatif des crédits, les crédits de personnels de la Documentation française soient suffisamment dotés en loi de finances initiale, alors que le chapitre 31-05 du budget des services du Premier ministre décrit les dépenses de personnel financées par le compte de commerce, sans s'accompagner de crédits votés correspondants.

Proposition n° 13 : garantir le respect du caractère limitatif des crédits de personnel de la Documentation française en procédant à des dotations suffisantes en loi de finances initiale sur le chapitre 31-05 du budget des services du Premier ministre.

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