2. Un régime de nullités contestable

La dépénalisation s'est accompagnée de l'introduction d'une injonction sous astreinte (s'agissant des obligations mises à la charge du liquidateur dans le cadre d'une procédure de liquidation judiciaire) et de nullités . Or ces nullités ont été âprement critiquées par la doctrine et par les praticiens , notamment en ce qu'elles sanctionnent le non-respect de vingt-trois articles du code de commerce concernant les augmentations de capital.

Il faut reconnaître que le législateur avait mal perçu la portée des nullités instituées, qui sont, d'après les termes retenus par la loi, impératives et donc systématiques .

Il devient ainsi théoriquement possible qu'une opération d'augmentation de capital soit annulée plusieurs années après sa réalisation. Ce cas ne s'est pas encore produit en pratique, mais une telle annulation serait très certainement difficile à mettre en oeuvre, et constituerait un préjudice supplémentaire pour la société et pour ses actionnaires, alors que les manquements sont susceptibles de n'être que formels.

Votre rapporteur général est donc favorable à une adaptation du droit, consistant à remplacer ces nullités impératives par des nullités facultatives , c'est-à-dire soumises à l'appréciation du juge . Le juge pourrait ainsi apprécier le caractère opportun ou non d'une régularisation, en fonction de la nature et de l'importance de la violation constatée.

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En définitive, la loi de sécurité financière a incontestablement fait progresser le droit des sociétés en assouplissant un certain nombre de dispositifs et en procédant à une dépénalisation attendue, même si des ajustements devraient être envisagés.

La récente ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004 portant réforme du régime des valeurs mobilières émises par les sociétés commerciales, prise en application de la loi n° 2003-591 du 2 juillet 2003 habilitant le gouvernement à simplifier le droit, a été prise dans le même souci de simplification et de rationalisation. Cette ordonnance tend à unifier le régime des augmentations de capital, ainsi que celui des valeurs mobilières émises par les sociétés par actions. Une telle réforme est incontestablement positive pour la place financière de Paris, car elle crée des instruments souples et adaptés aux besoins des acteurs. Elle regroupe les valeurs mobilières en deux grandes catégories, ce qui constitue un effort bienvenu de rationalisation.

Néanmoins, votre rapporteur général tient à attirer l'attention sur l'assouplissement du régime des délégations données par l'assemblée générale en matière d'augmentation du capital. Ces délégations ne portaient jusqu'à présent que sur les modalités de réalisation des augmentations. Elles portent désormais sur la décision de procéder à une émission, qui peut donc être déléguée au conseil d'administration ou au directoire (dans les limites d'un plafond global de l'augmentation et d'une durée limite de la délégation). Des sub-délégations sont possibles au directeur général, aux directeurs généraux délégués ou à un membre du directoire. Cette disposition écorne un principe de notre droit des sociétés. Elle constitue un « retour de balancier » par rapport à l'évolution contemporaine des règles du gouvernement d'entreprise en faveur de la protection de l'information et des droits des actionnaires. Par ailleurs, l'ordonnance rend également possible le transfert de la compétence pour décider ou autoriser l'émission d'obligations, jusqu'ici dévolue à l'assemblée générale des actionnaires, au conseil d'administration ou au directoire, ou encore au gérant.

Cette dernière évolution de notre droit des sociétés montre, en tout état de cause, que la définition d'un équilibre satisfaisant entre transparence, sécurité et efficacité n'est pas un exercice aisé. Il conviendra d'être attentif à l'application des dispositions de l'ordonnance susvisée et de ne pas exclure, le cas échéant, de les rectifier par voie législative.

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