B. LES IMPORTANTS ENGAGEMENTS DE L'UNION EUROPÉENNE ET DES INSTITUTIONS FINANCIÈRES INTERNATIONALES

1. L'Union européenne

Au-delà du système onusien, l'Union européenne apporte une contribution financière et humaine déterminante à l'aide internationale. L'aide publique globale (Union et Etats membres) délivrée et promise pour l'ensemble des pays sinistrés s'élevait fin janvier à 1,5 milliard d'euros , et l'aide proposée dans un premier temps par la Commission européenne sur le budget de l'Union atteignait 473 millions d'euros, répartis entre aide humanitaire et aide à la reconstruction. Un plan d'action a été adopté le 31 janvier par les ministres des affaires étrangères de l'Union. Le commissaire à l'aide humanitaire, Louis Michel, a indiqué à cette occasion que « l'Union a été le premier donateur à prendre un engagement financier ferme le jour de la catastrophe, et elle continuera à apporter son aide bien après le départ des caméras de télévision ». Le 14 février, les engagements de l'Union pour l'ensemble de la région sinistrée s'élevaient à 323 millions d'euros , dont 103 millions d'euros accordés par ECHO, le bureau d'aide humanitaire de la Commission européenne. Une part importante de ces fonds a déjà été déboursée.

La mise en oeuvre de l'assistance post-tsunami a également été l'occasion d'amorcer une réflexion sur le renforcement des moyens opérationnels et des capacités de réaction de l'Union . Ont ainsi évoquées la création d'une Agence de protection civile (qui suscite toutefois les réticences des Pays-Bas et du Royaume-Uni) et d'un « corps volontaire européen d'aide humanitaire ». Ce corps de volontaires serait subordonné à une sorte d'état-major européen chargé de superviser la mobilisation et la coordination des capacités des Etats membres prêts à mettre des ressources militaires ou de protection civile à disposition de l'Union.

La question d'une aide humanitaire directe , plutôt que celle transitant actuellement par l'office ECHO chargé de sous-traiter à des tiers, a en outre été posée. M. Louis Michel 20 ( * ) a toutefois considéré qu'une telle orientation serait source de coûts élevés, et a semblé marquer sa préférence pour le maintien du mode de fonctionnement actuel par délégation, assorti de moyens financiers et humains 21 ( * ) plus importants.

Vos rapporteurs spéciaux considèrent qu'avant d'envisager la création de nouveaux instruments spécifiques d'intervention humanitaire en Europe, les sujets majeurs à court terme restent la coordination des interventions des Etats membres et la concrétisation, sur le terrain, des engagements financiers . Le Conseil « affaires étrangères » devrait ainsi être une instance de coordination privilégiée, si ce n'est de mise en commun de moyens, des réponses apportées par les Etats membres. La récente mise en place, par la Commission, d'un réseau de correspondants dans les Etats membres, chargés de centraliser et de diffuser l'information concernant les engagements financiers consacrés à la reconstruction et leur traduction en décisions de versements, est également opportune.

Les Nations-Unies et l'Union européenne ont pris l'engagement de dresser un bilan global , le 26 juin à Luxembourg, des six premiers mois d'aide humanitaire aux pays sinistrés. Des contacts seront rapidement pris par la Commission et la présidence de l'Union avec l'ancien président des Etats-Unis Bill Clinton , qui a été récemment nommé comme envoyé spécial de l'ONU pour le tsunami.

a) L'aide humanitaire

L'aide humanitaire proprement dite est mise en oeuvre par l'Office d'aide humanitaire ECHO . Celui-ci a engagé une première décision d'urgence de 3 millions d'euros, à destination de la Fédération internationale de la Croix-Rouge, dès le 26 décembre 2004. Deux autres décisions d'urgence, portant sur 10 millions d'euros chacune, ont été engagées les 30 et 31 décembre, à destination de l'UNICEF, du PAM, de l'OMS et d'ONG, dont Action contre la faim.

La Commission a par ailleurs proposé de mobiliser la réserve d'urgence du budget de la Communauté européenne afin de pouvoir financer des projets ultérieurs jusqu'à hauteur de 100 millions d'euros. Elle a obtenu un accord politique du Parlement et du Conseil. Une décision de financement importante (jusqu'à 80 % de cette somme) devait être finalisée début février. Les fonds restants seront attribués en cours d'année au fur et à mesure des besoins.

b) L'aide à la reconstruction

Un montant de 350 millions d'euros a proposé par la Commission, qui serait mobilisés au cours des prochains exercices (sous réserve de validation ultérieure par l'autorité budgétaire), pour le volet reconstruction et réhabilitation à long terme, bien que les coûts finaux de la reconstruction ne soient vraisemblablement pas connus avant fin mars, lorsque les évaluations en cours seront achevées. Au sein de ce montant, 120 à 130 millions d'euros pourraient en fait être des fonds déjà programmés pour l'Asie, mais seraient réaffectés pour répondre à cette crise spécifique.

Une facilité de financement concessionnelle de la Banque européenne d'investissement (« Indian Ocean Tsunami Lending Facility ») est également envisagée pour financer la reconstruction, pour un montant avoisinant 1,5 milliard d'euros.

La Commission européenne a également proposé de remettre des navires de pêche de l'Union aux régions sinistrées d'Asie . Cette possibilité de transfert viendrait à échéance le 30 juin 2006 et serait cantonnée aux pays d'Asie victimes du tsunami, ainsi qu'aux embarcations inférieures à 12 mètres, plus proches des standards locaux. De plus, les bateaux devront avoir entre 5 et 20 ans et être en parfait état de navigabilité et entièrement équipés pour les activités de pêche. La Commission prévoit, à ce titre, une augmentation de 20 % de la prime pour indemniser le propriétaire qui aura réparé son navire. La concrétisation de ce don n'est cependant pas assurée, compte tenu des caractéristiques des navires . Le gouvernement indonésien ne s'est ainsi pas montré particulièrement intéressé par cette offre, les bateaux étant jugés trop grands et peu adaptés aux traditions des pêcheurs acehnais.

Lors de leur réunion du 14 février 2005, les ministres européens en charge de la coopération et du développement ont mis en exergue plusieurs axes pour la phase de reconstruction : confirmer que les pays dévastés demeurent chef de file dans la mise en oeuvre, tenter de contribuer à la réduction des conflits, mettre en place un système de suivi précis des fonds, veiller à ce que les principes de l'aide humanitaire soient respectés.

c) Evaluation des moyens humains

L'évaluation des moyens humains engagés dans la phase de gestion de crise est beaucoup moins évidente à réaliser et les résultats moins significatifs. ECHO ne met en effet pas directement en oeuvre l'aide humanitaire, mais évalue la situation et octroie des financements qui seront utilisés par ses partenaires (ONG, Croix Rouge, agences des Nations Unies).

L'autre instrument communautaire utilisé lors de la phase aiguë de gestion de crise, le mécanisme de coordination en matière de protection civile et plus particulièrement son centre d'information et de suivi permanent , le MIC ( Monitoring and Information Center ), n'engage pas non plus de moyens propres, mais a pour mission de mobiliser les moyens de sécurité civile des Etats membres, puis de mener des évaluations et de permettre la coordination sur le terrain via des experts nationaux accrédités.

Un premier tableau approximatif des moyens humains engagés peut néanmoins être dressé de la façon suivante :

- aide humanitaire (ECHO) : en ce qui concerne le siège, les 4 responsables géographiques et le chef d'unité Asie ont été mobilisées à temps plein pour la crise (ceci n'inclut donc pas les aides ponctuelles des autres employés ECHO en plus de leurs tâches habituelles). Sur le terrain, 10 personnes ont été mobilisées pendant la phase d'évaluation des besoins, notamment en ayant recours à des personnels des bureaux ECHO d'autres pays de la région. Quatre experts (dont 2 à Jakarta) ont ainsi été envoyés en Indonésie ;

- protection civile (MIC) : des experts suédois, allemand, italien et français ont été mobilisés, soit cinq personnes accréditées par le MIC (mais n'appartenant pas à cette structure).

2. La Banque mondiale, acteur majeur de la reconstruction

Les institutions financières internationales seront, quant à elles, largement impliquées dans la phase de reconstruction. La Banque mondiale s'apprête ainsi à fournir une première tranche de 660 millions de dollars pour aider l'Indonésie, le Sri Lanka et les Maldives dans la première phase du processus de reconstruction. La Banque mondiale a, en outre, annoncé en janvier qu'elle mettait 855 millions de dollars à la disposition du programme de reconstruction en Indonésie , dont 730 millions proviennent du programme actuel de prêts d'investissement et de prêts programmatiques de la Banque. Le solde de 125 millions de dollars cible les efforts de secours et de reconstruction après le tsunami, et représente la première tranche de l'annonce d'une contribution supplémentaire de 300 millions de dollars (qui constitue donc l'effort proprement dit de la Banque en faveur de l'Indonésie), dont le décaissement devait s'étaler sur deux à trois ans. Cette contribution se traduirait par un prêt très concessionnel , assorti d'un taux d'intérêt nul et remboursable sur 40 ans.

M. Alistair McKechnie, coordinateur de la Banque pour le processus de reconstruction, a estimé que certains des services publics (télécommunications, électricité, services médicaux) dans plusieurs pays affectés devraient se rétablir au cours des trois prochains mois. Il a également considéré que :

« réparer les logements endommagés peut se faire rapidement, en quelques mois, et la solution la plus simple est probablement de donner des subventions aux gens et de les laisser eux même acheter les matériaux ou engager un entrepreneur local pour réparer leur maison. (...) Nous ne voulons pas reconstruire la pauvreté. Le premier principe sera d'assurer que les communautés elles-mêmes soient non seulement consultées mais pilotent véritablement le processus de reconstruction. (...) De nombreux ponts sur des rivières souvent très larges ont été également emportés. Il est simplement impossible de construire un pont en quelques mois. Ceci va prendre un an et peut-être plus ».

D'après la Banque mondiale, les discussions ont, en outre, montré que les pays affectés par le tsunami insistaient sur la nécessité d'une obligation de rendre compte et d'une transparence dans la gestion des fonds. Parmi les idées avancées figurent l'utilisation d'un fonds fiduciaire des bailleurs de fonds et la mise en place d'une structure de gestion de ces sommes avec des représentants à la fois gouvernementaux et non gouvernementaux. Une autre piste serait de faire appel à des cabinets spécialisés pour assurer des audits indépendants des fonds destinés au processus de reconstruction.

Vos rapporteurs spéciaux soulignent le caractère désormais très concurrentiel, dans un contexte de surabondance de moyens financiers, de l'offre de prêts des banques de développement nationales et multilatérales , qui contraste douloureusement avec les difficultés que connaissent actuellement les principaux bailleurs de l'aide au développement pour assurer un financement pérenne des Objectifs du millénaire... A ce titre, les termes de la proposition française de prêt concessionnel, qui serait financé par l'AFD, sont moins avantageux que l'offre d'un montant équivalent de la Banque mondiale, ce qui est de nature à créer un effet d'éviction.

* 20 Il a ainsi déclaré le 15 février :

« Suite à l'émotion suscitée par la tragédie, toute une série d'idées a surgi sur la capacité de réaction de l'UE. J'y suis favorable (...). Si l'UE décide que la Commission européenne doit devenir son propre acteur des opérations humanitaires, il faudra y mettre des sommes considérables , car créer un corps de volontaires aussi efficace que les agences de l'ONU et les opérateurs de la Croix-Rouge sera difficile. ECHO a l'expertise. Il finance sa politique par des opérateurs partenaires répondant aux critères de qualité définis par une convention cadre. Moi, je suis favorable à travailler avec ces professionnels, en augmentant la capacité d'ECHO ».

* 21 Le commissaire a ainsi proposé de porter de 70 à 100 le nombre d'experts d'ECHO présents sur le terrain.

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